TUE, 6e ch., 11 septembre 2024, n° T-2/22
TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Sveza Verkhnyaya Sinyachikha NAO
Défendeur :
Commission européenne
Arrêt
1 Par leur recours fondé sur l'article 263 TFUE, les requérantes, Sveza Verkhnyaya Sinyachikha NAO et les autres personnes morales dont les noms figurent en annexe, demandent l'annulation du règlement d'exécution (UE) 2021/1930 de la Commission, du 8 novembre 2021, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de contreplaqué de bouleau originaire de Russie (JO 2021, L 394, p. 7, ci-après le « règlement attaqué »).
I. Antécédents du litige
2 Les requérantes sont des producteurs-exportateurs russes de contreplaqué de bouleau, qui exportent, entre autres, vers l'Union européenne. Elles font partie d'un groupe de sociétés dont la société mère, LLC Sveza-Les, agit comme distributeur lié des produits qu'elles fabriquent, sur le marché intérieur et sur le marché à l'exportation.
3 À la suite d'une plainte déposée le 31 août 2020 au nom de l'industrie de l'Union du contreplaqué de bouleau par le Woodstock Consortium, conformément à l'article 5, paragraphe 4, du règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de l'Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21, ci-après le « règlement de base »), entré en vigueur le 20 juillet 2016, la Commission européenne a, en date du 14 octobre 2020, ouvert une enquête antidumping concernant les importations de contreplaqué de bouleau originaire de Russie. Elle a publié un avis d'ouverture au Journal officiel de l'Union européenne (JO 2020, C 342, p. 2).
4 L'enquête relative au dumping et au préjudice en cause a porté sur la période comprise entre le 1er juillet 2019 et le 30 juin 2020 (ci-après la « période d'enquête »). L'examen des tendances pertinentes aux fins de l'évaluation dudit préjudice et du lien de causalité a porté sur la période comprise entre le 1er janvier 2017 et la fin de la période d'enquête (ci-après la « période considérée »).
5 Par son règlement d'exécution (UE) 2021/940, du 10 juin 2021, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de contreplaqué de bouleau originaire de Russie (JO 2021, L 205, p. 47, ci-après le « règlement provisoire »), la Commission a soumis à un droit antidumping provisoire de 15,3 % les importations de contreplaqué de bouleau constitué exclusivement de feuilles de bois dont chacune avait une épaisseur n'excédant pas 6 millimètres, ayant des plis extérieurs en bois des espèces spécifiées à la sous-position 441233 et au moins un pli extérieur en bois de bouleau, recouvert ou non, originaire de Russie et relevant du code NC ex 44123300 (code TARIC 4412330010) (ci-après le « produit concerné »), fabriqué par les requérantes.
6 Le 31 août 2021, la Commission a communiqué les faits et considérations essentiels sur le fondement desquels elle envisageait d'instituer des mesures antidumping définitives.
7 Le 8 novembre 2021, la Commission a adopté le règlement attaqué, par lequel elle a institué un droit antidumping définitif de 15,8 % sur le produit concerné fabriqué par les requérantes.
8 Le 3 décembre 2021, la Commission a adopté la décision d'exécution (UE) 2021/2145 de ne pas suspendre les droits antidumping définitifs sur les importations de contreplaqué de bouleau originaire de Russie institués par le règlement attaqué (JO 2021, L 433, p. 19, ci-après la « décision de suspension »).
II. Conclusions des parties
9 Les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal :
– annuler le règlement attaqué ;
– condamner la Commission aux dépens.
10 La Commission, soutenue par les intervenantes, Latvijas Finieris AS et Paged Pisz sp. z o.o, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner les requérantes aux dépens.
III. En droit
11 À l'appui de leur recours, les requérantes soulèvent six moyens.
12 Le premier moyen est tiré d'erreurs manifestes d'appréciation et d'une violation de l'article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base, en ce que, à titre principal, la Commission aurait erronément refusé de reconnaître l'existence d'une entité économique unique entre les requérantes et Sveza-Les sur le marché à l'exportation et ajusté le prix à l'exportation pour tenir compte d'une commission versée par elles à Sveza-Les pour les ventes sur ce marché. À titre subsidiaire, les requérantes soutiennent que leur relation économique avec Sveza-Les est la même sur le marché à l'exportation et le marché intérieur, de sorte que la Commission aurait également dû ajuster la valeur normale pour tenir compte de la marge bénéficiaire perçue par Sveza-Les pour les ventes intérieures.
13 Les deuxième et troisième moyens sont tous deux tirés d'erreurs manifestes d'appréciation et d'une violation de l'article 2, paragraphe 6, du règlement de base, quant à la détermination du montant des frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux (ci-après les « frais VAG ») aux fins du calcul de la valeur normale construite. Ils seront traités conjointement.
14 Le quatrième moyen et la première branche du sixième moyen sont tirés d'erreurs manifestes d'appréciation ainsi que d'une violation de l'article 3, paragraphes 2 et 6, du règlement de base, de l'obligation de motivation et du droit à une bonne administration, en ce que la Commission aurait erronément inclus le contreplaqué de bouleau de forme carrée dans la définition du produit concerné et n'aurait pas tenu compte de la segmentation des marchés du contreplaqué de bouleau de forme carrée et de forme rectangulaire.
15 Le cinquième moyen est tiré d'erreurs manifestes d'appréciation ainsi que d'une violation de l'article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base et du droit à une bonne administration, en ce que la Commission aurait déterminé les volumes et les prix des importations du produit concerné sur la base de données de l'Office statistique de l'Union européenne (Eurostat) non fiables.
16 La seconde branche du sixième moyen est tirée d'erreurs manifestes d'appréciation ainsi que d'une violation de l'article 3, paragraphe 7, du règlement de base et du droit à une bonne administration, en ce que la Commission aurait omis de tenir compte de l'incidence d'autres facteurs de préjudice lors de l'évaluation du lien de causalité entre les importations du produit concerné et le préjudice causé à l'industrie de l'Union.
A. Sur le premier moyen, relatif à l'analyse de la relation économique entre les requérantes et Sveza-Les et à l'ajustement du seul prix à l'exportation
17 Les requérantes rappellent que, selon la jurisprudence, il convient de tenir compte de la réalité économique de la relation entre un producteur et une société de vente. Or, en l'espèce, elles auraient confié à Sveza-Les l'ensemble des tâches relatives aux ventes, tant sur le marché intérieur que sur le marché à l'exportation vers l'Union, et leur relation présenterait des caractéristiques témoignant de l'existence d'une entité économique unique sur les deux marchés.
18 À titre principal, les requérantes soutiennent que, bien que Sveza-Les soit une entité juridique distincte, elle agit comme département interne de vente pour elles-mêmes, tant sur le marché intérieur que sur le marché à l'exportation vers l'Union. Certes, leurs relations seraient déterminées par des dispositions contractuelles différentes, à savoir des contrats de vente et d'achat pour le marché intérieur, stipulant que Sveza-Les serait rémunéré au moyen d'une marge commerciale sur les reventes, et des contrats de commission pour le marché à l'exportation, fixant une commission prélevée par Sveza-Les. Néanmoins, cette différence formelle de rémunération aboutirait au même résultat économique.
19 Les requérantes et Sveza-Les seraient en outre liées par des contrats de gestion, en vertu desquels cette dernière exercerait les fonctions d'organe exécutif unique des premières. Les contrats de commission seraient ainsi signés par Sveza-Les en son nom et au nom des requérantes. En outre, ils ne refléteraient pas des conditions commerciales normales et les clauses qui y seraient contenues n'indiqueraient aucune absence de solidarité entre les signataires.
20 Sveza-Les ne vendrait par ailleurs pas de produits fabriqués en dehors du groupe Sveza et les requérantes ne conserveraient aucune fonction de vente sur le marché intérieur, ni sur le marché à l'exportation.
21 La Commission aurait donc commis des erreurs manifestes d'appréciation et aurait violé l'article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base, en ne reconnaissant pas que Sveza-Les agissait en tant que département interne des ventes des requérantes, au sein d'une entité économique unique, sur le marché à l'exportation et en procédant à un ajustement erroné du prix à l'exportation afin de déduire de ce prix les commissions perçues par Sveza-Les.
22 À titre subsidiaire, les requérantes font valoir que, pour autant que la Commission ait pu valablement considérer qu'elles ne formaient pas une entité économique unique avec Sveza-Les sur le marché à l'exportation et qu'un ajustement du prix à l'exportation était justifié, il doit en aller de même avec la valeur normale, au vu des fonctions identiques exercées par Sveza-Les sur les deux marchés. Les requérantes auraient par ailleurs fourni des preuves de la détermination de la rémunération de Sveza-Les pour les ventes sur le marché intérieur, qui serait fondée sur une différence de 15 % entre le prix de transfert et le prix de revente.
23 La Commission aurait donc dû procéder à un ajustement de la valeur normale au titre de l'article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base, afin de tenir compte des marges que Sveza-Les percevait sur les ventes intérieures.
24 La Commission conteste les arguments des requérantes.
25 Dans le domaine de la politique commerciale commune, et tout particulièrement en matière de mesures de défense commerciale, il ressort d'une jurisprudence constante de la Cour que les institutions de l'Union disposent d'un large pouvoir d'appréciation, de telle sorte que le contrôle juridictionnel doit être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l'exactitude matérielle des faits retenus, de l'absence d'erreur manifeste d'appréciation de ces faits ou de l'absence de détournement de pouvoir (voir arrêts du 12 mai 2022, Commission/Hansol Paper, C‑260/20 P, EU:C:2022:370, point 58 et jurisprudence citée, et du 22 juin 2023, Vitol, C‑268/22, EU:C:2023:508, point 63 et jurisprudence citée).
26 Dans ce contexte, le contrôle par le Tribunal des éléments de preuve sur lesquels les institutions de l'Union fondent leurs constatations ne constitue pas une nouvelle appréciation des faits remplaçant celle de ces institutions. Ce contrôle n'empiète pas sur le large pouvoir d'appréciation desdites institutions dans le domaine de la politique commerciale, mais se limite à relever si ces éléments sont de nature à étayer les conclusions tirées par celles-ci. Il appartient, dès lors, au Tribunal non seulement de vérifier l'exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également de contrôler si ces éléments constituent l'ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s'ils sont de nature à fonder les conclusions qui en sont tirées [voir arrêts du 14 décembre 2017, EBMA/Giant (China), C‑61/16 P, EU:C:2017:968, point 69 et jurisprudence citée, et du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 37 et jurisprudence citée].
27 En revanche, s'agissant des questions de droit, le Tribunal exerce un contrôle entier, ce qui inclut l'interprétation qu'il convient de faire de dispositions juridiques sur la base d'éléments objectifs ainsi que la vérification que les conditions d'application d'une telle disposition se trouvent ou non réunies (voir, en ce sens, arrêts du 11 juillet 1985, Remia e.a./Commission, 42/84, EU:C:1985:327, point 34, et du 9 novembre 2022, Cambodge et CRF/Commission, T‑246/19, EU:T:2022:694, point 45).
28 Aux termes de l'article 1er, paragraphe 2, du règlement de base, « [u]n produit est considéré comme faisant l'objet d'un dumping lorsque son prix à l'exportation vers l'Union est inférieur au prix comparable, pratiqué au cours d'opérations commerciales normales pour un produit similaire dans le pays exportateur ». L'article 2, paragraphe 12, première phrase, dudit règlement précise que « [l]a marge de dumping est le montant par lequel la valeur normale dépasse le prix à l'exportation ».
29 Il s'ensuit que la détermination de la valeur normale d'un produit constitue l'une des étapes essentielles devant permettre d'établir l'existence d'un dumping éventuel (arrêt du 1er octobre 2014, Conseil/Alumina, C‑393/13 P, EU:C:2014:2245, point 20 ; voir également, en ce sens, arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma, C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74, point 105).
30 La méthode principale de détermination de la valeur normale d'un produit est exposée à l'article 2, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de base, qui prévoit que « [l]a valeur normale est normalement basée sur les prix payés ou à payer, au cours d'opérations commerciales normales, par des acheteurs indépendants dans le pays exportateur ». Autrement dit, la valeur normale correspond au prix de vente réel sur le marché intérieur de ce pays exportateur.
31 Quant au prix à l'exportation, l'article 2, paragraphe 8, du règlement de base dispose qu'il s'agit du prix réellement payé ou à payer pour le produit vendu à l'exportation vers l'Union.
32 L'article 2, paragraphe 9, du règlement de base ajoute que, dans le cas de la construction du prix à l'exportation, des ajustements sont opérés pour tenir compte de tous les frais, y compris les droits et les taxes, intervenus entre l'importation et la revente et d'une marge bénéficiaire, afin d'établir un prix à l'exportation fiable « au niveau frontière de l'Union ». Les coûts au titre desquels un ajustement est opéré incluent ceux normalement supportés par un importateur, mais payés par toute partie ayant ses activités à l'intérieur ou à l'extérieur de l'Union et paraissant être « associée à ou avoir conclu un arrangement de compensation avec l'importateur ou l'exportateur ».
33 En outre, d'éventuelles différences entre la valeur normale et le prix à l'exportation peuvent être prises en considération dans le cadre des ajustements prévus à l'article 2, paragraphe 10, du règlement de base (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, point 51 et jurisprudence citée).
34 Les ajustements effectués au titre de l'article 2, paragraphe 10, du règlement de base se distinguent, tant par leur objectif que par leurs conditions d'application, des ajustements opérés dans le cadre de la reconstitution du prix à l'exportation. Alors que ces derniers ajustements visent à déterminer le prix à l'exportation qui correspondrait à des conditions commerciales normales, les ajustements effectués au titre de cette disposition tendent à redresser le prix à l'exportation ou la valeur normale déjà calculés en application des règles fixées à l'article 2, paragraphes 3 à 9, dudit règlement. Les ajustements prévus dans le cadre de l'article 2, paragraphe 10, de ce règlement sont opérés en fonction d'éléments objectifs, qui correspondent aux particularités de chaque marché (d'origine et d'exportation), se répercutent de manière inégale sur les conditions de vente et affectent en conséquence la comparabilité des prix (voir arrêt du 4 mai 2017, RFA International/Commission, C‑239/15 P, non publié, EU:C:2017:337, point 43 et jurisprudence citée).
35 Cette comparaison est faite, au même stade commercial, pour des ventes effectuées à des dates aussi proches que possible et en tenant dûment compte d'autres différences qui affectent la comparabilité des prix. Dans les cas où la valeur normale et le prix à l'exportation ne peuvent être ainsi comparés, cette disposition énonce qu'il sera tenu compte, sous la forme d'ajustements, des différences constatées dans les facteurs dont il est revendiqué et démontré qu'ils affectent les prix et, partant, leur comparabilité, afin d'assurer que la comparaison soit opérée au même stade commercial (voir arrêt du 28 avril 2022, Changmao Biochemical Engineering/Commission, C‑666/19 P, EU:C:2022:323, points 137 et 138 et jurisprudence citée).
36 Ainsi, l'article 2, paragraphe 10, du règlement de base dispose qu'il est procédé à une comparaison équitable entre le prix à l'exportation et la valeur normale. Dans ce but, cette disposition impose aux institutions de l'Union de prendre en considération tout facteur susceptible d'affecter la comparabilité des prix [arrêt du 6 septembre 2013, Godrej Industries et VVF/Conseil, T‑6/12, EU:T:2013:408, point 22 (non publié)].
37 Un tel ajustement n'est toutefois pas opéré d'office. En ce qui concerne la charge de la preuve, conformément à la jurisprudence, si une partie demande, au titre de l'article 2, paragraphe 10, du règlement de base, des ajustements destinés à rendre comparables la valeur normale et le prix à l'exportation en vue de la détermination de la marge de dumping, cette partie doit apporter la preuve que sa demande est justifiée. En outre, la charge de prouver que les ajustements spécifiques énumérés à l'article 2, paragraphe 10, sous a) à k), du règlement de base doivent être opérés incombe à ceux qui souhaitent s'en prévaloir (voir arrêt du 26 octobre 2016, PT Musim Mas/Conseil, C‑468/15 P, EU:C:2016:803, points 82 et 83 et jurisprudence citée).
38 Lorsqu'un producteur revendique l'application d'un ajustement, en principe à la baisse, de la valeur normale ou, logiquement à la hausse, des prix à l'exportation, il revient à cet opérateur d'indiquer et de démontrer que les conditions pour l'octroi d'un tel ajustement sont satisfaites. À l'inverse, lorsque les institutions de l'Union considèrent qu'il y a lieu d'appliquer, au titre de l'article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base, un ajustement à la baisse du prix à l'exportation au motif qu'une société de vente liée à un producteur exerce des fonctions assimilables à celles d'un agent travaillant sur la base de commissions, il appartient à ces institutions de rapporter à tout le moins des indices convergents permettant d'établir l'existence du facteur au titre duquel l'ajustement est opéré et de déterminer son incidence sur la comparabilité des prix afin de démontrer que cette condition est remplie (voir, en ce sens, arrêts du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, point 61, et du 26 octobre 2016, PT Musim Mas/Conseil, C‑468/15 P, EU:C:2016:803, point 84 et jurisprudence citée).
39 Parmi les facteurs listés au titre desquels des ajustements peuvent être opérés, lorsque les conditions spécifiées sont réunies, l'article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base prévoit qu'un ajustement est opéré au titre des différences dans les commissions versées pour les ventes considérées. Cette disposition précise également que le terme « commission » couvre la marge perçue par un opérateur commercial du produit ou du produit similaire si les fonctions de cet opérateur sont assimilables à celles d'un agent travaillant sur la base de commissions.
40 Il s'ensuit que, dans l'hypothèse où les institutions de l'Union ont rapporté des indices convergents qu'un distributeur lié à un producteur exerce des fonctions assimilables à celles d'un agent travaillant sur la base de commissions, il incombe à ce distributeur ou à ce producteur de rapporter la preuve qu'un ajustement au titre de l'article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base n'est pas justifié, par exemple en démontrant qu'ils forment une entité économique unique. À cette fin, ces opérateurs économiques pourraient notamment prouver qu'ils n'opèrent pas de manière indépendante et qu'ils sont liés par des arrangements de compensation (arrêt du 26 octobre 2016, PT Musim Mas/Conseil, C‑468/15 P, EU:C:2016:803, point 85).
41 En effet, lorsqu'il est constaté qu'un producteur confie des tâches relevant normalement d'un département de vente interne à une société de distribution de ses produits, que l'une de ces sociétés contrôle l'autre économiquement et qu'ils forment une entité économique unique, le fait que les institutions se fondent sur les prix payés par le premier acheteur indépendant au distributeur affilié est justifié. La prise en considération des prix du distributeur affilié permet d'éviter que des coûts, qui sont manifestement englobés dans le prix de vente d'un produit lorsque cette vente est effectuée par un département de vente intégré dans l'organisation du producteur, ne le soient plus lorsque la même activité de vente est exercée par une société juridiquement distincte, bien qu'il existe un contrôle économique entre le producteur et le distributeur (voir, en ce sens, arrêts du 10 mars 1992, Canon/Conseil, C‑171/87, EU:C:1992:106, points 9 à 13 ; du 26 octobre 2016, PT Musim Mas/Conseil, C‑468/15 P, EU:C:2016:803, point 41 et jurisprudence citée, et du 14 juillet 2021, Interpipe Niko Tube et Interpipe Nizhnedneprovsky Tube Rolling Plant/Commission, T‑716/19, EU:T:2021:457, point 85).
42 Dès lors, selon la jurisprudence de la Cour, un ajustement au titre de l'article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base ne saurait être opéré lorsque le producteur établi dans un État tiers et son distributeur lié forment une entité économique unique, un tel distributeur ne pouvant être considéré comme exerçant des fonctions assimilables à celles d'un agent travaillant sur la base de commissions, au sens de cette disposition (arrêt du 26 octobre 2016, PT Musim Mas/Conseil, C‑468/15 P, EU:C:2016:803, points 39 et 42).
43 C'est à la lumière des considérations qui précèdent qu'il convient de vérifier si c'est à tort que la Commission a, d'une part, rejeté les arguments des requérantes selon lesquels elles formeraient une entité économique unique avec Sveza-Les sur le marché à l'exportation et, d'autre part, procédé à un ajustement du seul prix à l'exportation au titre des commissions perçues par Sveza-Les, sur le fondement de l'article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base.
1. Sur la relation économique entre les requérantes et Sveza-Les sur le marché à l'exportation
44 Selon la jurisprudence, une entité économique unique existe lorsqu'un producteur confie des tâches relevant normalement d'un département interne des ventes à une société de distribution de ses produits et que l'une de ces sociétés contrôle l'autre économiquement (voir, en ce sens, arrêts du 5 octobre 1988, Brother Industries/Conseil, 250/85, EU:C:1988:464, point 16, et du 10 mars 1992, Matsushita Electric/Conseil, C‑175/87, EU:C:1992:109, point 12).
45 Dans le cadre de l'analyse de l'existence d'une entité économique unique entre un producteur et son distributeur lié, il est déterminant de considérer la réalité économique des relations existant entre ce producteur et ce distributeur. Compte tenu de l'exigence d'un constat reflétant la réalité économique des relations entre ledit producteur et ledit distributeur, les institutions de l'Union sont tenues de prendre en compte l'ensemble des facteurs pertinents permettant de déterminer si ce distributeur exerce ou non les fonctions d'un département de vente intégré de ce producteur (voir arrêt du 26 octobre 2016, PT Musim Mas/Conseil, C‑468/15 P, EU:C:2016:803, point 43 et jurisprudence citée).
46 À cet égard, il a déjà été jugé que la structure du capital est un indice pertinent de l'existence d'une entité économique unique (arrêt du 10 mars 2009, Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP/Conseil, T‑249/06, EU:T:2009:62, point 179).
47 À titre liminaire, il est constant entre les parties que les requérantes font partie du même groupe de sociétés, dont la société mère, Sveza-Les, est une société nationale liée par l'intermédiaire de laquelle les requérantes exportent le produit concerné vers l'Union.
48 En l'espèce, il ressort des considérants 67, 68 et 71 du règlement provisoire et des considérants 95, 97 à 106, 108 et 113 du règlement attaqué que la Commission s'est en substance fondée sur quatre facteurs pour rejeter les arguments des requérantes portant sur l'existence d'une entité économique unique entre elles et Sveza-Les sur le marché à l'exportation, pour conclure que Sveza-Les opérait comme agent travaillant sur la base de commissions sur ledit marché, au sens de l'article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base, à savoir : (i) l'existence de contrats écrits entre les requérantes et Sveza-Les, prévoyant le versement d'une commission fixe sur l'ensemble des ventes à l'exportation des requérantes, et contenant de nombreuses clauses qui témoignaient d'une absence de solidarité entre les parties ; (ii) la conservation de certaines fonctions de vente par les requérantes ; (iii) le fait que les contrats de gestion conclus entre les requérantes et Sveza-Les ne portaient pas sur les ventes des produits, et (iv) le système de facturation, de transfert de propriété des produits en cause et de comptabilisation des recettes.
a) Sur les contrats de commission conclus entre les requérantes et Sveza-Les pour les ventes sur le marché à l'exportation
49 Aux considérants 67 et 68 du règlement provisoire, ainsi qu'aux considérants 95, 97 et 98 du règlement attaqué, la Commission indique que seules les ventes à l'exportation faisaient l'objet de contrats de commission écrits. Ces contrats auraient stipulé que Sveza-Les agissait en qualité d'agent ayant droit à une commission fixe, versée par les requérantes, clairement définie dans les contrats et qui aurait effectivement été payée. Ces contrats auraient contenu en outre de nombreuses clauses difficilement conciliables avec l'idée que ces sociétés formaient une entité économique unique et qui témoignaient d'une absence de solidarité entre les requérantes et Sveza-Les, telles qu'une clause d'arbitrage, une clause prévoyant que la responsabilité des parties au contrat n'était limitée qu'en cas de force majeure tandis que, dans toutes les autres situations, les parties étaient responsables de l'inexécution ou de la mauvaise exécution des obligations découlant du contrat, conformément à la législation applicable de la Fédération de Russie, des clauses régissant les communications entre les parties ainsi que leurs obligations en cas de changement de nom ou d'adresse.
50 Il ressort des éléments du dossier, ainsi que des réponses des requérantes aux questions posées par le Tribunal au titre des mesures d'organisation de la procédure, que chacune des requérantes a conclu un contrat de commission avec Sveza-Les. À titre d'exemple, les requérantes ont produit le contrat de commission No 2K, daté du 9 novembre 2006, conclu entre Sveza-Les, en tant que commissionnaire, et l'Open joint-stock Company « Fanplit », devenue JSC Sveza-Kostroma, en tant que commettant (ci-après le « Contrat de commission »), ainsi que les modifications apportées audit contrat, datées du 10 octobre 2012, du 1er février 2013 et du 29 août 2014, figurant à l'annexe A.8 de la requête.
51 Les articles 2.1 à 2.3 du Contrat de commission prévoient que le commissionnaire perçoit 5 % du coût des produits vendus dans le cadre des contrats conclus par ce dernier et que ce montant comprend tous les frais et dépenses qu'il encourt dans le cadre du respect des instructions dudit contrat, à l'exception des coûts de transport, qui sont payés par le commettant sur la base de factures séparées. Ledit contrat prévoit également que ce montant est calculé à partir du prix de tous les produits vendus pendant le mois de référence. La modification dudit contrat du 10 octobre 2012 a fait passer cette rémunération à 6 % du coût des produits vendus par le commissionnaire, déterminé par une formule, et a prévu que tous les coûts et dépenses encourus par le commissionnaire dans le cadre de ses obligations en vertu dudit contrat, dont les coûts de transport, seraient supportées par le commettant. Cette rémunération a ensuite été fixée à 8 % du coût des produits vendus par le commissionnaire à la suite de la modification dudit contrat du 1er février 2013.
52 Les requérantes ont également précisé, dans les réponses de LLC Sveza-Uralskiy au questionnaire figurant à l'annexe A.4 de la requête ainsi qu'en réponse aux questions posées par le Tribunal au titre des mesures d'organisation de la procédure, que le montant de la commission différait en fonction de chacune d'entre elles et variait entre 5 et 8 % du prix de vente des produits aux acheteurs indépendants.
53 Il n'est donc pas contesté que, sur le marché à l'exportation vers l'Union, la relation entre les requérantes et Sveza-Les s'appuie sur des contrats de commission écrits, aux termes desquels les paiements des acheteurs indépendants sont collectés par Sveza-Les, qui les transfère aux requérantes après déduction d'une commission, définie comme un pourcentage fixe de la valeur de la facture, ni que les commissions ont été effectivement perçues par Sveza-Les.
54 Le Tribunal constate également que le Contrat de commission contient, à son article 5.1, une clause d'arbitrage, qui stipule que tous les litiges et désaccords entre les parties découlant dudit contrat ou liés à celui-ci sont résolus par des négociations et, si aucun accord n'est trouvé, de la manière prescrite par la législation en vigueur de la Fédération de Russie devant le tribunal arbitral de Moscou (Russie). Cette référence expresse à l'arbitrage a été supprimée, dans ledit contrat, à la suite de la modification du 10 octobre 2012. Cependant, d'une part, l'article 5.1 dudit contrat ainsi modifié prévoit toujours que, en l'absence d'accord à la suite des négociations, les litiges ou désaccords sont résolus de la manière prescrite par la législation en vigueur de la Fédération de Russie. D'autre part, les requérantes ne contestent pas la présence de telles clauses dans les contrats de commission qu'elles ont chacune signés avec Sveza-Les.
55 L'article 4 du Contrat de commission stipule en outre que chaque partie est responsable envers l'autre de l'inexécution ou de la mauvaise exécution des obligations découlant dudit contrat, conformément à la législation de la Fédération de Russie, sauf en cas de force majeure. Par ailleurs, selon l'article 1.1.1, troisième alinéa, dudit contrat, lorsque le commissionnaire conclut un contrat de vente et d'achat avec un acheteur indépendant, il acquiert les droits et devient obligé, même si le commettant était nommé dans le contrat ou était entré en relation directe avec ledit acheteur pour exécuter la transaction. L'article 1.3, deuxième et troisième alinéas, dudit contrat prévoit également que, en cas de mauvaise exécution de l'obligation du commettant d'expédier les produits, d'établir des documents à la Chambre de commerce en raison de l'omission par le commissionnaire d'indiquer les informations nécessaires dans la demande, ce dernier est responsable de cet envoi. Il en va de même en cas de non-respect des conditions de communication et de délais dans lesquelles les demandes du commissionnaire doivent parvenir au commettant. Ces dispositions sont restées identiques après les modifications apportées au Contrat de commission.
56 Il est par ailleurs indiqué, à l'article 5.8 du Contrat de commission, devenu l'article 5.7 à la suite de la modification dudit contrat du 10 octobre 2012, que, si l'une des parties change son adresse légale, son nom, ses coordonnées bancaires, sa résidence, son passeport et d'autres données, elle est tenue d'en informer l'autre par écrit dans les dix jours.
57 Or, ainsi que le Tribunal l'a déjà jugé, la présence d'une clause d'arbitrage destinée à la résolution de contentieux contractuels susceptibles d'opposer les deux sociétés contractantes et l'absence de solidarité entre ces mêmes sociétés, présupposent non seulement l'existence de deux personnes juridiques distinctes, mais également de deux entités économiques aux intérêts divergents, et n'apparaît pas conciliable avec l'existence d'une entité économique unique et avec la qualification d'une de ces sociétés de département interne des ventes (voir, en ce sens, arrêts du 25 juin 2015, PT Musim Mas/Conseil, T‑26/12, non publié, EU:T:2015:437, points 61 à 63, et du 14 juillet 2021, Interpipe Niko Tube et Interpipe Nizhnedneprovsky Tube Rolling Plant/Commission, T‑716/19, EU:T:2021:457, point 163 et jurisprudence citée).
58 De même, la présence de dispositions régissant la communication entre ces sociétés et leurs obligations en cas d'un éventuel changement de nom ou d'adresse constitue des indices additionnels de ce que ces dernières ne formaient pas une entité économique unique (voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2015, PT Musim Mas/Conseil, T‑26/12, non publié, EU:T:2015:437, points 62 et 63).
59 Par ailleurs, l'existence d'un contrat conclu entre un producteur et son distributeur lié, prévoyant le versement de commissions à ce dernier, constitue un élément important dans les relations entre ces deux sociétés. L'ignorer reviendrait à occulter une partie de la réalité économique de ces relations (arrêt du 26 octobre 2016, PT Musim Mas/Conseil, C‑468/15 P, EU:C:2016:803, point 56). L'existence d'un tel contrat tend en effet à démontrer que la relation entre un producteur-exportateur et son distributeur lié est organisée sur la base de conditions commerciales normales (voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2015, PT Musim Mas/Conseil, T‑26/12, non publié, EU:T:2015:437, point 60).
60 Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreurs de droit ou d'erreurs manifestes d'appréciation des faits que la Commission a pu considérer que les contrats de commission existant entre les requérantes et Sveza-Les, tels que rédigés en l'espèce, constituaient un indice sérieux que les fonctions exercées par cette dernière sur le marché à l'exportation n'étaient pas celles d'un département interne des ventes.
b) Sur les contrats de gestion conclus entre les requérantes et Sveza-Les
61 Aux considérants 95 et 99 du règlement attaqué, la Commission a fait observer que Sveza-Les fournissait ses services de gestion contre rémunération et qu'elle facturait régulièrement aux usines les services rendus. Elle a toutefois ajouté que, en dépit du large éventail de services prévus dans les contrats de gestion, ceux-ci ne portaient pas sur les ventes des produits des usines.
62 Il ressort des éléments du dossier, ainsi que des réponses des requérantes aux questions posées par le Tribunal au titre des mesures d'organisation de la procédure, que chacune des requérantes a conclu un contrat de gestion avec Sveza-Les. À titre d'exemple, les requérantes ont produit le contrat conclu entre Sveza-Les, en tant qu'« [e]ntrepreneur », et Sveza Uralskiy, en tant que « [s]ociété » ou « [c]lient », intitulé « Contrat de transfert de pouvoirs de l'organe exécutif unique de la [s]ociété et prestation de services sur la gestion de la [s]ociété », daté du 29 décembre 2017 (ci-après le « Contrat de gestion »), figurant à l'annexe A.12 de la requête.
63 Le Tribunal relève que, en vertu des articles 1er et 2 du Contrat de gestion, Sveza-Les est dans l'obligation de rendre un certain nombre de services aux requérantes, à un certain prix, dans les conditions établies par ledit contrat et ses annexes. Ces services comprennent, notamment, l'exercice des pouvoirs de l'organe exécutif unique des requérantes [article 2.2, sous a), du Contrat de gestion, qui renvoie à l'annexe 1 dudit contrat].
64 En outre, aux termes de l'annexe 1 du Contrat de gestion, Sveza-Les doit, notamment, assurer la gestion des activités courantes, prendre des décisions sur toutes les questions de gestion de l'activité courante des requérantes, à l'exception des questions relevant de la compétence d'autres organes des requérantes [article 1.2, sous a), du Contrat de gestion] ; agir au nom des requérantes, sans procuration, notamment dans la représentation de leurs intérêts en Russie et à l'étranger, effectuer des transactions pour le compte des requérantes [article 1.2, sous c), du Contrat de gestion] ; être habilitée à signer des documents financiers et comptables, des déclarations comptables, statistiques, fiscales et autres, ainsi que d'autres documents relatifs aux activités financières et économiques des requérantes [article 1.2, sous e), du Contrat de gestion] ; gérer les biens des requérantes afin d'assurer leurs activités dans le respect des limites établies par leurs statuts [article 1.2, sous f), du Contrat de gestion], et réaliser toutes autres actions requises dans le cadre de l'exercice des pouvoirs de l'organe exécutif unique des requérantes en accord avec les dispositions de la loi de la Fédération de Russie et les statuts des requérantes [article 1.2., sous l), du Contrat de gestion].
65 L'annexe 1 du Contrat de gestion prévoit également que les actions de Sveza-Les doivent viser à atteindre certains objectifs, tels que, notamment : l'optimisation de la structure et des processus de gestion des requérantes, [article 1.3, sous a), du Contrat de gestion] ; l'optimisation et l'amélioration des processus technologiques et de production, l'amélioration de la qualité et de la compétitivité [article 1.3, sous b), du Contrat de gestion] ; l'expansion des ventes des produits des requérantes, la formation et le maintien des intérêts pour leurs produits [article 1.3, sous c), du Contrat de gestion]. Il ajoute, notamment, que, dans l'exercice des pouvoirs de l'organe exécutif unique des requérantes, le seul organe exécutif de Sveza-Les, à savoir son directeur général, devra agir en son nom. Le directeur général de Sveza-Les agit donc au nom des requérantes sans procuration, dans les limites des pouvoirs qui lui sont conférés par ledit contrat et ladite annexe, et a le droit de délivrer des procurations à des tiers, notamment aux personnes qui ne seraient pas des employés des requérantes, afin qu'ils puissent agir en leur nom (article 2.3 du Contrat de gestion). Il est par ailleurs expressément prévu que les requérantes donnent leur accord à Sveza-Les pour conclure des contrats en leur nom avec elle (article 2.6 du Contrat de gestion).
66 Il ressort donc du Contrat de gestion que Sveza-Les détient de nombreux pouvoirs et peut signer des contrats à la fois en son nom propre et au nom des requérantes. Ainsi, la modification du Contrat de commission du 25 avril 2018 est signée, pour Sveza Kostroma, par le directeur de la branche « Kostroma » de Sveza-Les, agissant sur la base du « contrat de transfert de pouvoirs de l'organe exécutif unique de la [s]ociété et prestation de services sur la gestion de la [s]ociété », daté du 29 décembre 2017, soit le contrat de gestion liant Sveza-Les et Sveza Kostroma, et de la procuration du 29 janvier 2018.
67 Toutefois, il ne ressort pas des dispositions du Contrat de gestion que celui-ci vise les activités de vente à l'exportation des produits des requérantes.
68 En outre, les arguments des requérantes portant sur le fait que, conformément au Contrat de gestion, Sveza-Les signe les contrats de vente et de commission en son nom et au nom des requérantes ne permet pas de déterminer que le processus de vente du produit concerné aux acheteurs indépendants sur le marché à l'exportation est intégralement effectué par Sveza-Les, ni que cette dernière signe tous les contrats de vente avec ces acheteurs au nom des requérantes.
69 Les requérantes ajoutent que, en vertu du Contrat de gestion, elles ne pourraient prendre aucune décision sans l'accord de Sveza-Les, de sorte qu'il existerait une solidarité totale entre ces entités, indépendamment des clauses contenues dans les contrats de commission. Toutefois, l'exercice des pouvoirs de l'organe exécutif unique des requérantes, prévu à l'article 2.2, sous a), du Contrat de gestion, qui renvoie à l'annexe 1 dudit contrat, dont la gestion des activités courantes et la prise de décisions sur toutes les questions relatives à cette gestion font partie, comporte certaines limites. En effet, l'article 1.2, sous a) et b), de l'annexe 1 du Contrat de gestion prévoit une exception pour les questions relevant de la compétence d'autres organes des requérantes, dont les décisions doivent alors être exécutées par Sveza-Les.
70 Par ailleurs, Sveza-Les, en tant que société mère des requérantes disposant, conformément aux contrats de gestion, de l'exercice des pouvoirs de l'organe exécutif unique des requérantes, a décidé de conclure des contrats de commission avec ces dernières pour les ventes sur le marché à l'exportation, ce qui tend à corroborer la constatation que le processus de vente sur ce marché n'était pas couvert par lesdits contrats de gestion.
71 Au vu de ce qui précède, le Tribunal considère que, telles qu'elles ont été présentées, les dispositions du Contrat de gestion ne permettent pas d'écarter les clauses contenues dans le Contrat de commission qui témoignent d'une absence de solidarité entre les requérantes et Sveza-Les pour les ventes sur le marché à l'exportation et ne permettent pas de conclure que cette dernière accomplit dans les faits l'intégralité du processus de vente à cet égard.
c) Sur la conservation de certaines fonctions de vente par les requérantes
72 Au considérant 68 du règlement provisoire, la Commission a indiqué qu'il était apparu que certaines fonctions de vente étaient conservées par les producteurs-exportateurs, en raison des frais VAG exposés à cet effet. Elle a réaffirmé, au considérant 101 du règlement attaqué, qu'un producteur avait indiqué qu'au moins une partie des frais VAG des producteurs-exportateurs était liée à des fonctions de vente, comme les frais de personnel.
73 À cet égard, les requérantes soutiennent que, si les tableaux des profits et des pertes dressent la liste de certains frais liés aux activités entourant les ventes du produit concerné, elles ne conservent pas pour autant des activités de vente en tant que telles. Elles renvoient au tableau des profits et des pertes de Sveza Uralskiy, figurant à l'annexe A.9, et précisent qu'y sont exposés les montants des frais de transport, des frais de chargement, des frais d'emballage, des commissions, des frais de personnel et d'autres frais de vente, ces derniers regroupant en réalité des frais auxiliaires qui se rapportent aux fonctions de transport et de vente réalisées par Sveza-Les et qui consistent en des frais exposés par les centres de coûts (services postaux et de messagerie uniquement) chargés de l'obtention des certificats de qualité, des opérations de recherche-développement, de la commercialisation et de la logistique.
74 Or, comme le soulève à juste titre la Commission, il ressort du tableau des profits et des pertes de Sveza Uralskiy, figurant à l'annexe A.9 de la requête, que des coûts liés aux ventes ont été déclarés. Ainsi, un montant total de 423 452 287 roubles russes (RUB) (environ 4 270 000 euros) au titre des frais de vente pour le produit concerné y a été enregistré, dont 55 062 165 RUB (environ 560 000 euros) au titre des frais de vente « autres » et 28 427 782 RUB (environ 280 000 euros) au titre des salaires. De ce montant total, un montant de 116 698 815 RUB (environ 1 180 000 euros) a été imputé aux ventes à l'exportation vers l'Union du produit concerné à des indépendants, dont 12 853 121 RUB (environ 130 000 euros) se rapportent à des frais de vente « autres » et 6 635 877 RUB (environ 67 000 euros) sont liés aux salaires. S'y trouve également un montant de 1 781 703 947 RUB (environ 18 millions d'euros) au titre des ventes à l'exportation vers l'Union du produit concerné à des indépendants.
75 Si les requérantes allèguent que ces montants se rapportent exclusivement aux frais auxiliaires de logistique, le Tribunal considère que de telles affirmations ne sont pas suffisamment étayées et qu'il n'est pas possible d'inférer des éléments du dossier que les seules fonctions de vente conservées par les requérantes sont limitées à la logistique entourant les ventes à l'exportation, qui seraient, du reste, uniquement réalisées par Sveza-Les.
76 Les requérantes renvoient en outre à l'organigramme de Sveza Uralskiy, figurant à l'annexe A.3 de la requête, établissant l'absence de département exerçant une quelconque fonction de vente, ainsi qu'à l'organigramme de Sveza-Les, figurant à l'annexe A.6 de la requête, révélant que ce dernier exerce toutes les fonctions de vente, allant du marketing et de la logistique à la vente, notamment sur le marché à l'exportation. Or, la production d'organigrammes reprenant la structure organisationnelle d'une des requérantes et de Sveza-Les ne saurait, en soi, être considérée comme suffisante pour prouver leurs allégations.
77 Certes, il a déjà été jugé qu'une entité économique unique peut exister lorsque le producteur assume lui-même une partie des fonctions de vente complémentaires à celles de la société de distribution de ses produits (voir, en ce sens, arrêt du 13 octobre 1993, Matsushita Electric Industrial/Conseil, C‑104/90, EU:C:1993:837, point 14). Toutefois, il ressort également de la jurisprudence que la conservation d'une partie des fonctions de vente par le producteur est un facteur dont la Commission peut, selon les circonstances, tenir compte dans le cadre de son appréciation globale pour déterminer si un négociant forme une entité économique unique avec le producteur lié (voir, en ce sens, arrêts du 10 mars 1992, Matsushita Electric/Conseil, C‑175/87, EU:C:1992:109, point 14 ; du 10 mars 2009, Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP/Conseil, T‑249/06, EU:T:2009:62, point 185, et du 25 juin 2015, PT Musim Mas/Conseil, T‑26/12, non publié, EU:T:2015:437, points 53 et 67 à 69).
78 Le Tribunal considère donc que les requérantes n'ont pas apporté d'éléments de preuve suffisants de nature à rendre probable une erreur manifeste d'appréciation des faits de la part de la Commission lorsqu'elle a considéré, sur base des éléments qu'elle avait à sa disposition, qu'elles conservaient certaines fonctions de vente sur le marché à l'exportation.
d) Sur le système de facturation, de transfert de propriété du produit concerné et de comptabilisation fiscale des recettes
79 Au considérant 68 du règlement provisoire, la Commission a noté que le négociant lié avait émis les factures aux premiers clients indépendants dans l'Union au nom des producteurs exportateurs. Aux considérants 102 à 104 du règlement attaqué, elle a ajouté que Sveza-Les émettait des factures à destination des premiers acheteurs indépendants dans l'Union au nom des requérantes, de sorte que ces dernières facturaient directement les exportations auxdits acheteurs. Les ventes étaient comptabilisées en tant que recettes dans leurs registres de ventes et la propriété des produits en cause passait directement des requérantes aux acheteurs. Sveza-Les n'était donc jamais propriétaire des marchandises et ne les a pas comptabilisés en tant que recette de vente, seule la commission versée par les requérantes étant comptabilisée de la sorte.
80 Si les requérantes allèguent que la manière dont les ventes sont encadrées contractuellement ou enregistrées comptablement ne reflète pas la réalité économique de la relation avec Sveza-Les, le Tribunal considère que, en l'absence d'autres éléments de preuve étayant la pratique commerciale entre les parties, aucune disposition du Contrat de commission ni du Contrat de gestion ne vient soutenir de telles affirmations. Le Contrat de commission indique explicitement, en son article 1.1.1, quatrième alinéa, que le commettant reste propriétaire des produits jusqu'à leur cession à l'acheteur indépendant. Les requérantes ne contestent pas davantage que seules les commissions sont comptabilisées en tant que recettes de Sveza-Les.
81 Dès lors, c'est sans commettre d'erreur de droit ou d'erreurs manifestes d'appréciation des faits que la Commission a tenu compte du régime de facturation, de transfert de propriété et de comptabilité en tant qu'indices que les fonctions de Sveza-Les sur le marché à l'exportation n'étaient pas celles d'un département de vente interne.
82 Il résulte de tout ce qui précède que les requérantes restent en défaut de démontrer à suffisance de droit et conformément à l'exigence de preuve requise que la Commission a commis des erreurs manifestes d'appréciation des faits ou une violation de l'article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base en considérant que, pris ensemble, les facteurs retenus constituaient un faisceau d'indices convergents de nature à exclure que le distributeur lié, Sveza-Les, puisse être considéré comme un département interne de leurs ventes sur le marché à l'exportation.
83 Les griefs des requérantes à cet égard doivent donc être rejetés comme étant non fondés.
2. Sur l'ajustement du seul prix à l'exportation sur le fondement de l'article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base
84 Ainsi qu'il ressort de l'analyse effectuée ci-dessus, la Commission disposait d'indices convergents de nature à exclure que Sveza-Les puisse être considérée comme un département interne de vente des requérantes sur le marché à l'exportation.
85 Toutefois, le Tribunal rappelle que l'absence d'entité économique unique entre les requérantes et Sveza-Les ne signifie pas nécessairement que les conditions d'application de l'article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base soient remplies (voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2015, PT Musim Mas/Conseil, T‑26/12, non publié, EU:T:2015:437, point 74).
86 En outre, il a déjà été jugé que, s'agissant de l'article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base, pour pouvoir opérer un ajustement au titre de commissions, les institutions doivent se fonder sur des éléments susceptibles de démontrer, ou permettant de déduire, que la commission effectivement payée était de nature à affecter dans une mesure déterminée la comparabilité entre le prix à l'exportation et la valeur normale (voir arrêt du 26 octobre 2016, PT Musim Mas/Conseil, C‑468/15 P, EU:C:2016:803, point 84 et jurisprudence citée ; arrêts du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, point 61 ; du 21 novembre 2002, Kundan et Tata/Conseil, T‑88/98, EU:T:2002:280, point 95, et du 18 mars 2009, Shanghai Excell M&E Enterprise et Shanghai Adeptech Precision/Conseil T‑299/05, EU:T:2009:72, point 274).
87 En vertu de l'article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base, un ajustement peut être opéré non seulement au titre des différences entre les commissions versées pour les ventes considérées, mais aussi au titre de la marge perçue par des opérateurs commerciaux du produit s'ils remplissent des fonctions assimilables à celles d'un agent travaillant sur la base de commissions (voir arrêt du 7 février 2013, EuroChem MCC/Conseil, T‑84/07, EU:T:2013:64, point 127 et jurisprudence citée).
88 La seconde phrase de l'article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base permet ainsi d'opérer un ajustement au titre de la marge perçue même si les parties n'entretiennent pas une relation de commettant à commissionnaire, mais parviennent au même résultat économique en agissant en tant que vendeur et acheteur (arrêts du 18 mars 2009, Shanghai Excell M&E Enterprise et Shanghai Adeptech Precision/Conseil, T‑299/05, EU:T:2009:72, point 280, et du 25 juin 2015, PT Musim Mas/Conseil, T‑26/12, non publié, EU:T:2015:437, point 81).
89 L'article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base, qui concerne la comparaison entre la valeur normale et le prix à l'exportation, est centré non pas sur la relation entre l'exportateur et le distributeur, mais sur les fonctions exercées par ce dernier (arrêt du 26 octobre 2016, PT Musim Mas/Conseil, C‑468/15 P, EU:C:2016:803, point 88).
90 C'est à la lumière de ces principes qu'il convient d'examiner si la Commission a commis des erreurs manifestes d'appréciation ou des erreurs de droit lorsqu'elle a considéré, d'une part, que les requérantes n'avaient pas démontré que Sveza-Les exerçait des fonctions assimilables à celles d'un agent travaillant sur la base de commissions sur le marché intérieur et, d'autre part, que les conditions d'application de l'article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base étaient uniquement remplies pour procéder à l'ajustement du prix à l'exportation.
a) Sur la relation économique entre les requérantes et Sveza-Les sur le marché intérieur
91 Au considérant 71 du règlement provisoire et aux considérants 103, 106, 108, 109, 112 et 113 du règlement attaqué, la Commission a indiqué se fonder sur les facteurs suivants pour conclure que les requérantes n'avaient pas démontré que, concernant les ventes sur le marché intérieur, Sveza-Les exerçait des fonctions similaires à celles d'un agent travaillant sur la base de commissions pour les ventes intérieures, de sorte qu'un ajustement de la valeur normale, au titre de l'article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base n'était pas justifié, à savoir : (i) l'existence de contrats d'achat et de vente entre les requérantes et Sveza-Les, qui ne contenaient aucune clause laissant entendre que cette dernière agissait en qualité d'agent ni d'information relative aux droits et aux obligations des parties ; (ii) l'exercice de toutes les fonctions de ventes par Sveza-Les, et (iii) le système de facturation, de transfert de propriété des produits en cause, et de comptabilisation des recettes.
92 À titre liminaire, s'agissant du deuxième facteur, le Tribunal constate que, au considérant 108 du règlement attaqué, la Commission a rappelé que toutes les ventes sur le marché intérieur étaient réalisées par Sveza-Les, ce qui n'est pas contesté par les requérantes.
1) Sur les accords d'achat et de vente entre les requérantes et Sveza-Les
93 Aux considérants 106, 108 et 112 du règlement attaqué, la Commission a indiqué que les ventes sur le marché intérieur relevaient d'accords d'achat et de vente conclus entre les requérantes et Sveza-Les, qui ne contenaient aucune clause laissant entendre que cette dernière agissait en qualité d'agent, ni d'information relative aux droits et aux obligations des parties. La manière dont étaient déterminés le prix d'achat ou la rémunération de Sveza-Les, par le biais de marges de commercialisation, n'aurait en outre pas pu être vérifiée, les annexes aux contrats de vente contenant des informations de paiement et de volume n'ayant pas été communiquées à la Commission ou étant caduques. De même, la prétendue différence entre le prix d'achat et le prix de revente et la manière dont elle a été calculée n'auraient été exposées par écrit dans aucun des accords présentés à la Commission et il serait apparu que ces données avaient varié d'une usine à l'autre, ainsi qu'au cours de la période d'enquête.
94 En l'espèce, les parties ne contestent pas que, sur le marché intérieur, la relation entre les requérantes et Sveza-Les est, notamment, déterminée par des accords d'achat et de vente, aux termes desquels cette dernière achète les produits en cause aux requérantes et les revend aux acheteurs indépendants.
95 À titre d'exemple, les requérantes ont produit un contrat d'approvisionnement conclu entre Sveza Kostroma (préalablement « Fanplit ») et Sveza-Les, intitulé « Supply Agreement no 19/06/2006 » (ci-après le « Contrat d'approvisionnement »), ainsi que les modifications apportées audit contrat, datées du 31 décembre 2013, du 8 novembre 2018 et du 1er octobre 2019, figurant à l'annexe A.7 de la requête.
96 Tout d'abord, le Tribunal constate que le Contrat d'approvisionnement ne précise pas la manière dont est déterminé le prix pour lequel Sveza-Les achète les produits aux requérantes, ni la marge perçue par Sveza-Les à titre de rémunération pour les ventes sur le marché intérieur.
97 Ainsi, l'article 2.2 du Contrat d'approvisionnement prévoit seulement un prix minimum pour les produits et l'article 3.1 dudit contrat indique que le paiement doit être effectué avant ou après l'envoi desdits produits par transfert de fonds sur le compte du producteur. Depuis la modification dudit contrat du 8 novembre 2018, l'article 3.1 du Contrat d'approvisionnement stipule que le paiement est effectué en roubles, par virement bancaire, sur le compte du producteur-exportateur, dans les douze mois qui suivent la date de l'envoi des biens. Il ajoute qu'il est possible de procéder aux paiements à l'avance ou par règlements mutuels (compensations) entre les parties. L'article 3.3 du Contrat d'approvisionnement, à la suite de la modification du 31 décembre 2013, prévoit également que les parties signent la « déclaration de rapprochement des paiements » au plus tard le quinzième jour de chaque mois civil suivant.
98 À cet égard, les requérantes ont également produit trois factures émises par Sveza-Les à destination d'acheteurs indépendants ainsi que les factures équivalentes des ventes entre l'une des requérantes et Sveza-Les, figurant à l'annexe A.15 de la requête, un instantané pris pendant le recoupement à distance du 5 mars 2021, figurant à l'annexe A.16 de la requête, et les réponses au questionnaire de Sveza-Uralskiy, figurant à l'annexe A.4 de la requête, et font valoir que ces documents démontrent que la différence entre le prix de transfert du produit concerné des requérantes à Sveza-Les et le prix de revente de Sveza-Les aux acheteurs indépendants est de 15 %.
99 Il ressort par ailleurs des réponses de Sveza Uralskiy au questionnaire, figurant à l'annexe A.4 de la requête, que, du point de vue de la tarification des produits vendus à Sveza-Les, le prix de vente est inférieur de 15 % au prix de revente de Sveza-Les à l'acheteur indépendant, à l'exception de LLC Sveza Tyumen, pour laquelle le prix de vente a diminué, passant de 15 à 10 % entre le 1er août 2019 et le 11 novembre 2019, puis à 5 % (section D-1-5 de ladite annexe). Il ressort en outre des trois factures produites à l'annexe A.15 de la requête que le prix de revente des produits par Sveza-Les aux acheteurs indépendants lui permet de dégager une marge bénéficiaire correspondant à 15 % du prix de revente. L'instantané figurant à l'annexe A.16 de la requête permet également de constater que, sur le fondement du chiffre d'affaires total des ventes des produits de Sveza-Manturovo, le prix pour lequel Sveza-Les achète les produits au producteur-exportateur correspond au prix que facture Sveza-Les pour les ventes des produits aux acheteurs indépendants moins 15 %.
100 Toutefois, il ne ressort pas de ces documents, ni des éléments du dossier, qu'il ait été possible pour la Commission de déterminer le montant de la marge bénéficiaire perçue par Sveza-Les pour la vente des produits de chacun des producteurs-exportateurs du groupe Sveza sur le marché intérieur. Comme le soulève à juste titre la Commission, il apparaît en revanche que cette marge a varié d'un producteur-exportateur à l'autre, ainsi qu'au cours de la période d'enquête.
101 Ensuite, certes, le Contrat d'approvisionnement dispose d'une clause d'arbitrage, à son article 5.2, en vertu de laquelle tous les litiges pouvant survenir entre les parties au cours de l'exécution dudit contrat sont soumis à la juridiction du tribunal arbitral de Moscou. Cette référence expresse à l'arbitrage a été maintenue à la suite de la modification dudit contrat du 31 décembre 2013, l'article 5.1 dudit contrat modifié prévoyant toujours la compétence du tribunal arbitral de Moscou.
102 En outre, l'article 5.1 du Contrat d'approvisionnement stipule également expressément que chaque partie est responsable envers l'autre de la violation des obligations découlant dudit contrat, conformément à la législation de la Fédération de Russie. Néanmoins, cette clause a disparu à la suite de la modification dudit contrat du 31 décembre 2013.
103 Enfin, le Tribunal relève également l'absence de dispositions régissant la communication entre les sociétés parties au Contrat d'approvisionnement et leurs obligations en cas d'un éventuel changement de nom ou d'adresse.
104 Le Tribunal en conclut que, tels que rédigés en l'espèce et au vu de l'ensemble des clauses, les contrats de vente et d'achat ne contiennent pas d'indices suffisants permettant de considérer que Sveza-Les exerce des fonctions assimilables à celles d'un agent travaillant sur la base de commissions pour les services de vente du produit concerné sur le marché intérieur.
2) Sur le système de facturation, de transfert de propriété du produit concerné et de comptabilisation fiscale des recettes
105 Aux considérants 103 et 113 du règlement attaqué, la Commission a relevé que, sur le marché intérieur, les requérantes vendaient les produits en cause à Sveza-Les, pour un prix de transfert, qui en devenait propriétaire, endossait la responsabilité desdits produits et les revendait ensuite aux acheteurs indépendants dans des conditions de pleine concurrence. Les sommes versées par les acheteurs indépendants à Sveza-Les étaient comptabilisées par cette dernière en tant que recettes, de même que les marges de commercialisation. Sveza-Les facturait également les ventes aux requérantes le jour d'émission d'une facture à l'acheteur final.
106 Le Tribunal constate que, aux termes des articles 1.1 et 4.1 du Contrat d'approvisionnement, la propriété des biens est transférée à Sveza-Les au moment où les produits des requérantes sont chargés dans le véhicule. À la suite de la modification dudit contrat du 1er octobre 2019, l'article 4.1 de ce dernier indique que le transfert de propriété des biens, ainsi que le risque en cas de perte accidentelle desdits biens, survient à la date indiquée sur le bordereau de livraison ou sur le document universel de transfert. Ces éléments ne font par ailleurs pas l'objet de contestations de la part des requérantes.
107 Il résulte de ce qui précède que les requérantes restent en défaut de démontrer que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation des faits ou une erreur de droit en rejetant leurs allégations selon lesquelles Sveza-Les exerçait des fonctions assimilables à celles d'un agent travaillant sur la base de commissions pour les ventes sur le marché intérieur, au sens de l'article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base.
b) Sur les conditions d'application de l'article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base ayant permis d'ajuster le prix à l'exportation
108 Il ressort des considérants 62, 66 et 67 du règlement provisoire, auquel renvoie le considérant 34 du règlement attaqué, que, pour justifier l'ajustement du prix à l'exportation sur le fondement de l'article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base, la Commission s'est fondée sur le fait que les requérantes avaient signé un contrat prévoyant une commission clairement définie pour chaque vente à l'exportation, et qui a effectivement été payée. Selon la Commission, ce n'était pas le cas sur le marché intérieur, de sorte que le problème de comparabilité des prix en résultant justifiait de déduire la commission ainsi payée pour les ventes sur le marché à l'exportation.
109 Or, les requérantes restent en défaut de démontrer que la manière dont les ventes à l'exportation sont encadrées contractuellement ou enregistrées comptablement ne correspond pas à la réalité économique de la relation entre elles et Sveza-Les, ou que la Commission a commis des erreurs manifestes d'appréciation des faits en considérant que Sveza-Les n'exerçait pas les mêmes fonctions sur le marché intérieur et sur le marché à l'exportation et que sa rémunération sur le marché intérieur ne pouvait être assimilée à une commission, au sens de l'article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base.
110 Les requérantes allèguent encore que la différence d'organisation des ventes sur le marché intérieur et sur le marché à l'exportation vers l'Union s'explique pour des raisons fiscales. Les ventes au sein du groupe Sveza seraient organisées par le biais d'un mécanisme de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) en Russie. Plus concrètement, les requérantes auraient eu des difficultés à obtenir le remboursement de la TVA lorsque les ventes du produit concerné sur le marché à l'exportation étaient réalisées sur la base de contrats d'achat et de vente conclus entre elles et Sveza-Les. Le groupe Sveza aurait donc décidé d'opter pour des contrats de commission, qui permettraient de bénéficier d'un taux de TVA de 0 % à l'exportation. Les requérantes renvoient à cet égard au rapport sur le recoupement à distance de la Commission du 2 mars 2021, figurant à l'annexe A.11 de la requête.
111 Toutefois, si la Commission fait effectivement mention de cette explication fiscale dans son rapport sur le recoupement à distance, figurant à l'annexe A.11 de la requête, force est également de constater que l'explication de l'organisation des ventes au sein du groupe Sveza par le biais d'un mécanisme de remboursement de la TVA ne permet pas, en soi, de conclure que la réalité économique de la relation entre les requérantes et Sveza-Les était la même sur le marché intérieur et sur le marché à l'exportation.
112 Partant, au vu des différences entre le marché à l'exportation et le marché intérieur et du faisceau d'indices convergents de nature à exclure que Sveza-Les pût être considérée comme un département interne des ventes des requérantes sur le marché à l'exportation, Sveza-Les percevant des commissions pour ces ventes, alors qu'il n'a pas été démontré à suffisance de droit et conformément à l'exigence de preuve requise qu'il en allait de même sur le marché intérieur, le Tribunal considère que la Commission n'a pas, dans ces circonstances, commis d'erreurs manifestes d'appréciation des faits, ni de violation de l'article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base, en ajustant le prix à l'exportation au titre des commissions perçues par Sveza-Les pour les ventes sur le marché à l'exportation, sur le fondement de cette disposition, et en ne procédant pas de la sorte à l'égard de la valeur normale.
113 Le premier moyen doit donc être rejeté comme étant non fondé.
B. Sur les deuxième et troisième moyens, relatifs au montant des frais VAG
114 Les requérantes font valoir que, lors du calcul de la valeur normale construite pour certains numéros de contrôle de produits (ci-après les « NCP »), la Commission a commis des erreurs manifestes d'appréciation et violé l'article 2, paragraphe 6, du règlement de base en refusant d'inclure les dividendes de Sveza Uralskiy perçus par Sveza-Les dans les frais VAG et en imputant à la vente de contreplaqué sur le marché intérieur les frais exposés par Sveza-Les et liés aux services de gestion.
115 En premier lieu, les requérantes précisent que, conformément aux contrats de gestion, les décisions relatives au paiement des dividendes sont prises par Sveza-Les pour le compte de LLC Sveza Uralskiy. En l'espèce, les dividendes relèveraient de la période d'enquête et correspondraient à une partie du bénéfice obtenu par LLC Sveza Uralskiy pour la production et la vente du produit concerné sur le marché intérieur et sur le marché à l'exportation, qui aurait été réaffectée à Sveza-Les et comptabilisée dans les comptes de cette dernière. Il existerait donc un lien direct entre ces dividendes et les activités de gestion, de production et de vente exercées par Sveza-Les pour le compte de Sveza Uralskiy.
116 Dès lors, selon les requérantes, les dividendes auraient dû être inclus dans le montant des frais VAG aux fins du calcul de la valeur normale construite. Une telle conclusion ressortirait par ailleurs du rapport du groupe spécial intitulé « États-Unis – Détermination finale de l'existence d'un dumping concernant certains bois d'œuvre résineux en provenance du Canada », adopté le 13 avril 2004 (WT/DS 264/R).
117 En second lieu, les requérantes font valoir que Sveza-Les fournit trois types de services pour lesquels elle perçoit des recettes, à savoir un service de vente de contreplaqué sur le marché intérieur (première source de recettes), des services de gestion, pour lesquels elle perçoit des honoraires (deuxième source de recettes), et des services de commissions pour les ventes sur le marché à l'exportation, pour lesquels elle perçoit des commissions (troisième source de recettes).
118 Chacun de ces trois services entraînerait des coûts respectifs. Sveza-Les n'ayant pas identifié les frais VAG encourus en fonction des sources de recettes, une imputation des frais aux différentes sources de recettes aurait été effectuée sur la base des bénéfices et de la rentabilité de chaque source. Or, la Commission aurait accepté la répartition ainsi proposée pour les coûts respectifs des services de vente et des services de commissions, mais n'en aurait pas fait de même pour les services de gestion. Elle aurait réaffecté ces derniers aux ventes de produits sur le marché intérieur et aux revenus de commissions à l'exportation, malgré les éléments de preuve démontrant que la fourniture des services de gestion entraînait certains coûts.
119 Le montant des frais VAG ne serait donc pas fondé sur des données réelles concernant la production et les ventes du produit concerné, conformément à l'article 2, paragraphe 6, du règlement de base, mais refléterait également les données relatives aux services de gestion, ce qui aurait augmenté artificiellement la marge de dumping des requérantes.
120 La Commission conteste les arguments des requérantes.
121 L'article 2, paragraphe 6, première phrase, du règlement de base réglemente la détermination des montants correspondant aux frais VAG, ainsi qu'aux bénéfices, et prévoit qu'ils « sont fondés sur des données réelles concernant la production et les ventes, au cours d'opérations commerciales normales, du produit similaire par l'exportateur ou le producteur faisant l'objet de l'enquête ». Ce n'est que si ces montants ne peuvent pas être déterminés sur le fondement de « données réelles » que cette disposition prévoit d'autres méthodes de calcul.
122 L'article 2, paragraphe 6, du règlement de base ne précise pas ce qu'il convient d'entendre par frais « de vente » dépenses « administratives » et frais « généraux » et n'indique pas les éléments des frais qui devraient être considérés comme tels. D'une part, les « autres frais généraux » sont des frais affectant tous ou presque tous les produits fabriqués par une entreprise. D'autre part, les dépenses « administratives » sont des frais concernant ou relatifs à la gestion des affaires de la société. Ces frais ne peuvent qu'avoir une incidence sur tous les produits fabriqués par une entreprise, quoiqu'à des degrés divers. De par leur nature, il s'agit donc de frais qui affecteront normalement tous les produits fabriqués ou vendus par une entreprise.
123 En l'espèce, le Tribunal constate que les requérantes ne contestent pas en tant que tel le choix de la méthode de calcul de la valeur normale. Les parties s'opposent en revanche quant à la détermination du montant des frais VAG, en application de l'article 2, paragraphe 6, dudit règlement, et, plus particulièrement, quant à la prise en compte de « dividendes » et de « frais de gestion » lors du calcul de la valeur normale construite pour certains NCP.
1. Sur les dividendes de Sveza Uralskiy réaffectés à Sveza-Les
124 Il ressort des considérants 75 à 83 du règlement attaqué que la Commission a refusé d'inclure les dividendes dans le montant des frais VAG, au motif qu'ils avaient été payés par Sveza Uralksiy à Sveza-Les. Elle y précise que, Sveza-Les ayant été la société concernée pour la détermination de la valeur normale sur le marché intérieur, le transfert de dividendes correspondait à un transfert de bénéfices générés par une autre société que celle faisant l'objet de l'enquête.
125 Le Tribunal relève que l'examen de la structure de l'article 2, paragraphe 6, du règlement de base permet de constater que le mot « données » est immédiatement suivi par l'adjectif « réelles » et par le membre de phrase « concern[ant] la production et les ventes » et « du produit similaire par l'exportateur ou le producteur faisant l'objet de l'enquête ».
126 L'expression « données réelles » reprise à l'article 2, paragraphe 6, du règlement de base est donc clairement liée au libellé qui suit et le membre de phrase « concernant la production et les ventes […] par l'exportateur ou le producteur faisant l'objet de l'enquête » sert en particulier à préciser les données réelles qui doivent être utilisées pour calculer le montant correspondant aux frais VAG aux fins de construire la valeur normale au titre de l'article 2, paragraphe 3, dudit règlement. Ainsi, lu dans son ensemble, le membre de phrase pertinent énonce que les autorités chargées de l'enquête déterminent les montants correspondant aux frais VAG et aux bénéfices en se fondant sur les données réelles qui se rapportent à, ou concernent, la production et les ventes, par l'exportateur ou le producteur faisant l'objet de l'enquête.
127 Le lien entre la production ou les ventes du produit concerné et le producteur-exportateur visé par l'enquête ressort donc du libellé même de l'article 2, paragraphe 6, du règlement de base, puisque cette disposition prévoit qu'il convient de tenir compte des frais engagés par l'exportateur ou le producteur visé par l'enquête qui ont une véritable relation avec la production et la vente du produit spécifique considéré.
128 En l'espèce, il est constant que, dans le tableau des profits et des pertes de Sveza-Les, figurant à l'annexe A.9 de la requête, les requérantes ont inscrit, sous la rubrique intitulée « Total des revenus financiers » (Total financial income), un montant de 800 000 000 RUB (environ 8 080 000 euros) au titre de dividendes perçus par Sveza-Les au cours du premier semestre de l'année 2020.
129 Bien que les requérantes prétendent que le transfert des 800 000 000RUB correspond à une réaffectation du chiffre d'affaires directement liée à la production et à la vente du produit concerné, force est de relever que cela ne ressort pas de l'inscription telle qu'elle figure dans le tableau des profits et des pertes. Le montant y ayant été indiqué comme correspondant à des « dividendes », sans plus de précisions, la Commission était fondée à tenir compte de l'inscription telle qu'elle était reflétée dans ledit tableau.
130 Or, si ces dividendes proviennent de bénéfices réalisés par Sveza Uralskiy, ils ne relèvent alors pas de la vente du produit concerné au niveau de Sveza-Les, mais lui ont bien été distribués en sa qualité d'actionnaire unique de Sveza Uralskiy.
131 Comme le soulève à juste titre la Commission, le versement de dividendes correspond à un résultat d'investissements en capitaux propres, qui doivent être comptabilisés en tant que tel, ainsi qu'il ressort de la « Norme internationale d'information financière, IFRS 9, Instruments financiers », et les requérantes ne produisent pas d'éléments de preuve suffisants au soutien de leurs allégations selon lesquelles ces dividendes concerneraient spécifiquement la production et la vente du produit en cause par Sveza-Les.
132 Les requérantes ne contestent pas non plus que les dividendes, qui ont été versés au cours du premier semestre de l'année 2020, correspondaient aux bénéfices réalisés par Sveza Uralskiy au 31 décembre 2019 et portaient donc sur toute l'année 2019. La période d'enquête s'étendant du 1er juillet 2019 au 30 juin 2020, les dividendes la chevauchent partiellement et les requérantes n'ont pas précisé la partie du montant correspondant spécifiquement à cette période.
133 Cette interprétation de l'article 2, paragraphe 6, du règlement de base aux points 125 et 127 ci-dessus n'est pas contredite par le rapport du groupe spécial intitulé « États-Unis – Détermination finale de l'existence d'un dumping concernant certains bois d'œuvre résineux en provenance du Canada », adopté le 13 avril 2004 (WT/DS 264/R).
134 À cet égard, le Tribunal rappelle que, conformément à une jurisprudence constante, les dispositions du règlement de base doivent être interprétées, dans la mesure du possible, à la lumière des dispositions correspondantes de l'accord sur la mise en œuvre de l'article VI de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (GATT) (JO 1994, L 336, p. 103, ci-après l'« accord antidumping »), figurant à l'annexe I A de l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce (OMC) (JO 1994, L 336, p. 3) (voir, en ce sens, arrêts du 14 juillet 1998, Bettati, C‑341/95, EU:C:1998:353, point 20, et du 9 janvier 2003, Petrotub et Republica/Conseil, C‑76/00 P, EU:C:2003:4, point 57 et jurisprudence citée).
135 En outre, rien ne s'oppose à ce que le Tribunal fasse référence aux interprétations de l'accord antidumping adoptées par l'organe de règlement des différends de l'OMC, dès lors qu'il s'agit de procéder à l'interprétation des dispositions du règlement de base (arrêt du 25 octobre 2011, Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil, T‑192/08, EU:T:2011:619, point 36).
136 Certes, comme le soulèvent à juste titre les requérantes, s'agissant des dispositions de l'article 2.2.2, première phrase, de l'accord antidumping, qui coïncident en substance avec celles de l'article 2, paragraphe 6, première phrase, du règlement de base, le groupe spécial a indiqué que, « si les frais [d'administration et de caractère général] profit[ai]ent à la production et à la vente de toutes les marchandises qu'une entreprise p[ouvai]t produire, ils d[evai]ent certainement se rapporter à ces marchandises, ou les concerner, y compris en partie le produit visé par l'enquête » (point 7.265).
137 Toutefois, dans cette affaire, le groupe spécial se prononçait spécifiquement sur la question de savoir si les frais d'administration et de caractère général devaient être imputables directement au produit visé par l'enquête ou pouvaient se rapporter plus généralement à toutes les marchandises produites et vendues par l'entreprise concernée. Il n'a en revanche pas répondu à la question de savoir ce qu'il conviendrait de faire de dividendes perçus par un producteur-exportateur et réaffectés au distributeur lié.
138 Partant, les requérantes restent en défaut de démontrer que la Commission a commis une violation de l'article 2, paragraphe 6, du règlement de base et une erreur manifeste d'appréciation des faits en excluant les dividendes de Sveza Uralskiy perçus par Sveza-Les de la détermination des frais VAG lors du calcul de la valeur normale construite, de sorte que leurs griefs à cet égard doivent être rejetés comme étant non fondés.
2. Sur les frais imputables aux services de gestion
139 Aux considérants 84 à 92 du règlement attaqué, la Commission a expliqué que Sveza-Les avait, dans son tableau des profits et des pertes, déclaré les commissions de gestion reçues des requérantes en tant que recettes et réparti les frais sur les contrats de gestion pour lesquels elle avait perçu les commissions en question, sans retracer pour autant les coûts générés par ces contrats. Après avoir analysé les arguments et les documents fournis, la Commission a estimé qu'il n'était pas possible de conclure avec certitude que les contrats de gestion avaient généré des dépenses pouvant être directement liées aux commissions prévues par lesdits contrats. Elle a donc décidé de ne pas tenir compte des coûts déclarés comme liés aux recettes provenant des contrats de gestion et de les répartir sur d'autres types de recettes.
140 À cet égard, le Tribunal considère que les requérantes se contentent de faire valoir que la rentabilité de chaque source de recettes était directement étayée par de la documentation et des preuves se rapportant directement à chaque source et que la fourniture des services de gestion entraînait des coûts, sans pour autant apporter d'éléments de preuve suffisants permettant d'étayer ces allégations.
141 Il ne ressort par ailleurs pas des documents figurant aux annexes A.25 et A.26 de la requête que les coûts émanant des « salaires » (salary) auraient été payés à Sveza-Les exclusivement au titre de la rémunération de son personnel pour les services de gestion fournis aux requérantes.
142 Les requérantes restent donc en défaut de démontrer que, en réaffectant les frais imputés aux services de gestion aux services de vente de contreplaqué sur le marché intérieur et aux services de commissions pour les ventes sur le marché à l'exportation, la Commission a méconnu son obligation de tenir compte des « données réelles », au sens de l'article 2, paragraphe 6, du règlement de base, et commis une erreur manifeste d'appréciation des faits à cet égard.
143 Il résulte de ce qui précède que les requérantes n'ont pas produit d'éléments de preuve suffisants susceptibles de remettre en cause la validité du montant des frais VAG dont la Commission a tenu compte dans le cadre du calcul de la valeur normale construite.
144 Par conséquent, les deuxième et troisième moyens doivent être rejetés dans leur intégralité comme étant non fondés.
C. Sur le quatrième moyen et la première branche du sixième moyen, tirés d'erreurs manifestes d'appréciation des faits, d'erreurs de droit ainsi que d'une violation de l'obligation de motivation et du principe de bonne administration dans l'inclusion du contreplaqué de bouleau de forme carrée dans la définition du produit concerné
145 Les requérantes soutiennent que le contreplaqué de bouleau de forme carrée et le contreplaqué de bouleau de forme rectangulaire ne présentent pas les mêmes caractéristiques physiques, techniques et chimiques essentielles, car ils diffèrent dans leurs dimensions et leur forme, présentent des différences d'épaisseurs et sont fabriqués à l'aide de colles différentes. Cela aurait pour conséquence qu'ils sont destinés à des utilisations différentes et ne sont pas interchangeables, ce qui serait également étayé par leur différence significative de prix. La Commission serait par ailleurs incohérente, en ce qu'elle aurait exclu de l'enquête les contreplaqués de pin, de peuplier, d'okoumé et de hêtre, alors qu'une différence au niveau de l'essence du bois utilisée constituerait une différence de composition au même titre qu'une différence au niveau de la colle.
146 Il existerait en outre d'autres facteurs pertinents qui auraient imposé l'exclusion du contreplaqué de forme carrée de la définition du produit concerné. Ainsi, ce contreplaqué ne serait pas, voire pratiquement pas, produit ni vendu par les producteurs de l'Union, de sorte que les importations de ce type de contreplaqué n'entreraient pas en concurrence avec le contreplaqué de l'Union et n'auraient pas d'incidence sur la situation de l'industrie de l'Union.
147 Les requérantes ajoutent que, même à considérer que le contreplaqué de bouleau de forme carrée puisse valablement être inclus dans la définition du produit concerné, la Commission aurait dû tenir compte de la segmentation du marché du contreplaqué de bouleau de forme carrée importé de Russie et de forme rectangulaire produit par l'Union dans le cadre de l'analyse du préjudice et du lien de causalité. Ainsi, les producteurs-exportateurs russes exporteraient principalement un produit de base semi-fini, devant être transformé dans l'Union, alors que les producteurs de l'Union produiraient des produits spécialisés, prêts à l'emploi, plus haut de gamme et plus chers.
148 Les calculs de la sous-cotation des prix auraient démontré que 39 % des ventes réalisées par les requérantes ne peuvent pas être comparées aux ventes des producteurs de l'Union inclus dans l'échantillon, que les ventes réalisées par ces derniers, qui peuvent être comparées aux ventes des requérantes, ne représentent que 42 % de leurs ventes et que le prix moyen des ventes comparables des producteurs de l'Union est inférieur de 14 % au prix moyen de l'ensemble de leurs produits. Les requérantes ajoutent que plus de 55 % des ventes des producteurs de l'Union inclus dans l'échantillon ne sont pas en concurrence avec le contreplaqué russe. Le préjudice subi par l'industrie de l'Union ne pourrait donc pas résulter des importations de contreplaqué de bouleau en provenance de Russie.
149 La segmentation du marché du contreplaqué serait par ailleurs largement admise, ainsi qu'il ressortirait de la plainte déposée par le Woodstock Consortium et des observations faites par la Birch Plywood Alliance.
150 Dès lors, en incluant le contreplaqué de bouleau de forme carrée dans la définition du produit concerné, la Commission aurait commis des erreurs manifestes d'appréciation. En ne procédant pas à une analyse du préjudice et du lien de causalité par segment de marché, elle aurait également violé l'article 3, paragraphes 2 et 6, du règlement de base. Elle aurait par ailleurs manqué à son obligation de motivation en ne faisant pas apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement qui sous-tendait sa décision et aurait violé le droit à une bonne administration en n'examinant pas avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d'espèce.
151 La Commission, soutenue par les intervenantes, conteste les arguments des requérantes.
152 Le Tribunal estime opportun d'examiner l'argumentation des requérantes tirée, en premier lieu, d'erreurs manifestes d'appréciation des faits qui entacheraient la définition du produit concerné, en deuxième lieu, d'erreurs manifestes d'appréciation des faits et d'une violation de l'article 3, paragraphes 2 et 6, du règlement de base quant à la question de la segmentation du marché et, en troisième et quatrième lieu, d'une violation de l'obligation de motivation et du principe de bonne administration à cet égard.
1. Sur la définition du produit concerné
153 À titre liminaire, le Tribunal relève que la notion de « produit concerné », retenue tant dans le règlement provisoire que dans le règlement attaqué, constitue la traduction concrète de la notion générale de « produit considéré comme faisant l'objet d'un dumping », figurant à l'article 1er, paragraphe 2, du règlement de base (ci-après le « produit considéré »), le règlement attaqué ayant pour objet l'exécution du règlement de base dans le domaine en question.
154 Il en résulte que les éléments constitutifs de la notion de « produit considéré », au sens du règlement de base, déterminent nécessairement ceux à attribuer au « produit concerné », au sens du règlement provisoire et du règlement attaqué.
155 Or, le règlement de base ne précise pas la portée de la notion de « produit considéré », se bornant à définir, à son article 1er, paragraphe 4, celle de « produit similaire » comme étant le produit identique ou présentant des caractéristiques ressemblant étroitement à celles du produit considéré. Par ailleurs, il découle du considérant 3 du règlement de base que ce règlement vise à transposer, dans toute la mesure du possible, les termes de l'accord antidumping dans le droit de l'Union (arrêt du 17 mars 2016, Portmeirion Group, C‑232/14, EU:C:2016:180, point 40).
156 Dans ces conditions il y a lieu d'interpréter la notion de « produit considéré », figurant dans le règlement de base, à l'aune de cet accord et, notamment, de son article 2. Toutefois, cet article ne précise pas non plus la portée de la notion de « produit considéré » et il a déjà été jugé que son libellé ne comporte aucun élément de nature à confirmer une exigence spécifique d'homogénéité et de similarité des produits en cause (arrêt du 17 mars 2016, Portmeirion Group, C‑232/14, EU:C:2016:180, point 41), ni n'exige de procéder à une taxinomie fine (voir, en ce sens, arrêt du 25 septembre 1997, Shanghai Bicycle/Conseil, T‑170/94, EU:T:1997:134, point 61).
157 Le règlement de base, lu à l'aune de l'accord antidumping, n'impose ainsi pas en lui-même que la notion de « produit considéré » vise nécessairement un produit envisagé comme un tout homogène et composé de produits similaires (arrêt du 17 mars 2016, Portmeirion Group, C‑232/14, EU:C:2016:180, point 42).
158 Il ressort également d'une jurisprudence constante du Tribunal que la définition du produit concerné dans le cadre d'une enquête antidumping a pour objet d'aider à l'élaboration de la liste des produits qui, le cas échéant, feront l'objet de l'imposition des droits antidumping. Aux fins de cette opération, les institutions peuvent tenir compte de plusieurs facteurs, tels que les caractéristiques physiques, techniques et chimiques des produits, leur usage, leur interchangeabilité, la perception qu'en a le consommateur, les canaux de distribution, le processus de fabrication, les coûts de production et la qualité (arrêts du 13 septembre 2010, Whirlpool Europe/Conseil, T‑314/06, EU:T:2010:390, point 138, et du 17 décembre 2010, EWRIA e.a./Commission, T‑369/08, EU:T:2010:549, point 82).
159 Dans ces conditions, l'examen du bien-fondé de l'inclusion d'un produit spécifique au sein de la liste des produits qui, le cas échéant, feront l'objet de l'imposition des droits antidumping doit être effectué au regard des caractéristiques du produit concerné tel que défini par les institutions et non au regard de celles des produits composant le produit concerné ou des sous-catégories de celui-ci (arrêt du 18 novembre 2014, Photo USA Electronic Graphic/Conseil, T‑394/13, non publié, EU:T:2014:964, point 30).
160 En effet, des produits qui ne sont pas identiques à tous égards peuvent relever, en raison du fait qu'ils répondent aux facteurs dont les institutions ont tenu compte afin de définir le produit concerné, de la définition de ce dernier et, dans ce contexte, faire l'objet d'une enquête antidumping (voir, en ce sens, arrêts du 18 novembre 2014, Photo USA Electronic Graphic/Conseil, T‑394/13, non publié, EU:T:2014:964, point 31, et du 28 février 2017, JingAo Solar e.a./Conseil, T‑157/14, non publié, EU:T:2017:127, point 112 et jurisprudence citée).
161 Par ailleurs, au regard du caractère indicatif de la liste des critères indiqués au point 158 ci-dessus, rien n'oblige les institutions à déterminer le produit concerné en recourant à l'ensemble desdits critères. Il n'est pas non plus indispensable que l'analyse de chacun des critères soit susceptible de conduire au même résultat (voir arrêt du 28 février 2017, Canadian Solar Emea e.a./Conseil, T‑162/14, non publié, EU:T:2017:124, point 113 et jurisprudence citée).
162 Enfin, selon la jurisprudence, une allégation selon laquelle le produit concerné est mal défini devrait reposer sur des arguments montrant soit que les institutions ont mal évalué les facteurs qu'elles ont tenus pour pertinents, soit que l'application d'autres facteurs plus pertinents nécessitait de restreindre la définition du produit concerné (arrêts du 28 février 2017, JingAo Solar e.a./Conseil, T‑157/14, non publié, EU:T:2017:127, point 100, et du 28 février 2017, Canadian Solar Emea e.a./Conseil, T‑162/14, non publié, EU:T:2017:124, point 99).
163 Il y a donc lieu de vérifier si les requérantes sont à même de démontrer soit que la Commission a effectué une appréciation erronée, dans son examen sur la matérialité des faits ou une erreur manifeste d'appréciation de ces faits, au regard des facteurs qu'elle a jugé pertinents, soit que l'application d'autres facteurs plus pertinents aurait imposé l'exclusion d'un produit de la définition du produit concerné.
164 Dans le cadre de ce contrôle, il convient de prendre en compte la circonstance selon laquelle, dans le domaine des mesures de défense commerciale, les institutions de l'Union disposent d'un large pouvoir d'appréciation. À cet égard, dès lors qu'il a déjà été jugé que la détermination du produit similaire relevait de l'exercice du large pouvoir d'appréciation reconnu aux institutions et faisait donc l'objet d'un contrôle restreint (voir, en ce sens, arrêt du 25 septembre 1997, Shanghai Bicycle/Conseil, T‑170/94, EU:T:1997:134, point 63), la même approche doit être suivie en ce qui concerne le contrôle du bien-fondé de la détermination du produit concerné [voir, en ce sens, arrêts du 17 mars 2016, Portmeirion Group, C‑232/14, EU:C:2016:180, points 46 et 47, et du 10 octobre 2012, Gem-Year et Jinn-Well Auto-Parts (Zhejiang)/Conseil, T‑172/09, non publié, EU:T:2012:532, point 62].
165 En premier lieu, s'agissant des critères choisis par la Commission, il ressort des considérants 32, 33, 37 et 163 du règlement provisoire ainsi que des considérants 29 et 30 du règlement attaqué que le produit concerné a été défini en fonction de sa composition en tant que matériau en feuilles de bois, dont chacune a une épaisseur n'excédant pas 6 millimètres, constitué de couches ou de fibres de placage de bois pressées ensemble à l'aide d'une colle pour former de grandes feuilles plates, ayant des plis extérieurs en bois, dont au moins un en bois de bouleau, utilisé, notamment, dans la construction, le conditionnement et l'ameublement. La Commission s'est en outre fondée sur les caractéristiques physiques, chimiques et techniques essentielles du contreplaqué de bouleau ainsi que sur un certain degré de substituabilité et sur l'utilisation finale de base qui en découle.
166 Afin de faire valoir une appréciation erronée de ces facteurs, les requérantes soulèvent les différences en termes de dimensions et de forme, qui constitueraient des différences physiques fondamentales, les différences d'épaisseurs et de colles, les utilisations diverses et l'absence d'interchangeabilité entre le contreplaqué de forme carrée et le contreplaqué de forme rectangulaire, ainsi qu'une différence de prix.
167 À cet égard, le Tribunal relève que les requérantes restent en défaut d'apporter des éléments de preuve suffisants permettant de conclure que les différences de dimensions et de forme entre le contreplaqué de bouleau de forme rectangulaire et le contreplaqué de bouleau de forme carrée seraient déterminantes ou auraient une importance telle que ce dernier devrait être exclu des produits concernés par l'enquête.
168 Les requérantes n'apportent pas non plus d'élément de preuve permettant d'établir que le contreplaqué de bouleau de forme carrée ne pourrait avoir qu'une épaisseur maximale de 27 millimètres ou que le contreplaqué de bouleau de forme rectangulaire ne pourrait être découpé pour prendre une forme carrée, voire qu'une telle forme découpée ne pourrait être que de 4 pieds sur 4 alors que les dimensions habituelles du contreplaqué de bouleau de forme carrée seraient de 5 pieds sur 5.
169 Au contraire, ainsi que le soulèvent les intervenantes, il ressort d'une brochure commerciale des requérantes, relative au contreplaqué de bouleau qu'elles produisent, figurant à l'annexe I.2 du mémoire en intervention, que les contreplaqués de forme carrée et de forme rectangulaire peuvent avoir différentes dimensions standards, de sorte qu'un contreplaqué de forme rectangulaire de 4 pieds sur 8 ou de 5 pieds sur 10 peut être transformé en contreplaqué de forme carrée de 4 pieds sur 4 (1 200 millimètres sur 1 200 millimètres) ou de 5 pieds sur 5 (1 525 millimètres sur 1 525 millimètres), voire de 4,8 pieds sur 4,8 pieds (1 475 millimètres sur 1 475 millimètres.
170 En outre, dans la réfutation des commentaires des parties intéressées sur le règlement provisoire, datée du 7 juillet 2021, figurant à l'annexe I.3 du mémoire en intervention, le Woodstock Consortium a indiqué que le contreplaqué de bouleau n'était, dans la plupart des cas, pas utilisé dans son format original et que les consommateurs pouvaient effectuer des coupes à partir de tout type de format d'origine selon les besoins du produit final. Il a ajouté que cela valait en particulier pour le contreplaqué de forme carrée qui était découpé en panneaux rectangulaires de plus petites tailles et que les utilisateurs finaux pouvaient effectuer des coupes à partir de contreplaqué de forme carrée ou de contreplaqué de forme rectangulaire, ce qui permettait un certain degré d'interchangeabilité et de substituabilité. Selon le Woodstock Consortium, les producteurs de parquet et d'emballage de l'Union s'approvisionnaient pour leur production à la fois en contreplaqué de forme carrée et de forme rectangulaire, utilisés de manière interchangeable pour produire le revêtement de plancher ou l'emballage industriel. Il en allait de même pour les bobines de contreplaqué utilisées pour les câbles, où les brides découpées dans du contreplaqué avaient un format rond et non carré. Il existait en outre une technologie permettant aux entreprises de procéder à un assemblage en biseau de plusieurs panneaux individuels de forme carrée pour obtenir un panneau de forme rectangulaire répondant aux besoins particuliers d'un client.
171 Si les requérantes soutiennent qu'elles ont demandé que le produit visé par l'exclusion soit composé de « feuilles carrées d'une longueur de 1 525 millimètres et d'une largeur de 1 525 millimètres », il ne ressort pas du règlement de base que la Commission soit obligée d'enquêter sur les produits qui correspondent aux critères que les requérantes auraient retenus.
172 Il ressort par ailleurs du point 154 de la requête ainsi que des observations provisoires des requérantes sur le préjudice, figurant à l'annexe A.27 de la requête, que les requérantes ont admis que le contreplaqué de bouleau en provenance de Russie était « principalement » un produit semi-fini faisant l'objet d'une transformation ultérieure dans l'Union, dont une découpe, et que seule « une partie » du contreplaqué de forme carrée produit en Russie ne pouvait avoir qu'une épaisseur de 27 millimètres.
173 Le Tribunal constate également que les requérantes n'ont pas démontré que le contreplaqué de bouleau de forme carrée et le contreplaqué de bouleau de forme rectangulaire seraient destinés à des utilisations différentes. En effet, elles se contentent à cet effet de renvoyer à leurs propres observations provisoires sur le préjudice, figurant à l'annexe A.27 de la requête, à la demande d'exclusion du produit formulée par le groupe Sveza, figurant à l'annexe A.28 de la requête, et à la réponse du groupe Sveza aux observations sur la demande d'exclusion du produit, figurant à l'annexe A.29 de la requête. Quant au renvoi à la plainte déposée par le Woodstock Consortium, figurant à l'annexe A.30 de la requête, s'il y est indiqué que le contreplaqué de bouleau de forme rectangulaire est caractérisé par des utilisations plus complexes, il n'en ressort pas que les deux types de contreplaqués ne puissent jamais faire l'objet d'une utilisation similaire ou d'une interchangeabilité dans les mêmes secteurs.
174 Les requérantes indiquent, en revanche, dans la réplique, que la « pratique habituelle » dans le secteur de l'emballage consiste à utiliser du contreplaqué de forme carrée, tandis que les secteurs de l'ameublement et de l'aménagement intérieur utilisent « généralement » soit du contreplaqué de forme carrée, soit du contreplaqué de forme rectangulaire. Elles renvoient également aux réponses de Sveza-Les LLC aux observations sur la demande d'exclusion du produit, figurant à l'annexe A.29 de la requête, desquelles il ressort que les producteurs-exportateurs russes du groupe Sveza vendent tant du contreplaqué de forme rectangulaire que du contreplaqué de forme carrée dans les secteurs du transport et de la construction, de l'emballement et de l'ameublement, bien qu'en quantités différentes. Une telle argumentation implique qu'elles reconnaissent un certain degré d'interchangeabilité entre ces contreplaqués.
175 Le Tribunal constate par ailleurs que rien dans le règlement de base n'impose que les fonctionnalités techniques soient les mêmes pour tous les produits relevant de la définition du produit concerné. S'il en était ainsi, tous les produits relevant de cette définition devraient être pratiquement identiques, ce que le règlement de base n'impose pas (voir, par analogie, arrêt du 28 février 2017, Canadian Solar Emea e.a./Conseil, T‑162/14, non publié, EU:T:2017:124, point 127).
176 Quant à l'argument tiré de prix différents, même à considérer que le contreplaqué de bouleau de forme carrée soit moins cher que le contreplaqué de bouleau de forme rectangulaire, il ne permet pas de conclure à l'absence d'interchangeabilité de ces contreplaqués, le choix de l'un ou de l'autre étant susceptible de dépendre d'autres critères que du prix.
177 Ainsi, même si la Commission a reconnu qu'il existait des utilisations où, pour des raisons techniques, le contreplaqué de bouleau de forme rectangulaire, de plus grande taille, serait préféré au contreplaqué de bouleau de forme carrée, une telle constatation n'empêche pas de conclure à l'existence d'une certaine interchangeabilité de ces types de contreplaqués dans d'autres circonstances, notamment par une découpe pour atteindre une forme souhaitée.
178 Enfin, s'agissant de l'argument des requérantes selon lequel les contreplaqués de pin, de peuplier, d'okoumé et de hêtre ont été exclus de l'enquête et qu'une différence au niveau de l'essence du bois utilisée constituerait une différence de composition au même titre qu'une différence au niveau de la colle utilisée, il doit être rejeté, les requérantes n'ayant pas apporté d'éléments de preuve suffisants de nature à établir que le choix d'une essence de bois à partir de laquelle le contreplaqué est produit, en tant que principale matière première, serait aussi déterminant que le choix d'une colle liant les feuilles de bois.
179 Il y a donc lieu de conclure que les requérantes sont restées en défaut de démontrer que la Commission a commis une appréciation erronée dans son examen sur la matérialité des faits ou des erreurs manifestes d'appréciation des faits au regard des facteurs qu'elle a jugé pertinents aux fins de définir le produit concerné.
180 En second lieu, s'agissant de la question de savoir si l'application d'autres critères plus pertinents que ceux retenus par les institutions aurait conduit à l'exclusion d'un type de produits de la définition concernée, il a été jugé que l'application de ces autres critères ne saurait remettre en cause les conclusions tirées par les institutions au regard des critères retenus que si la requérante démontre au préalable que ces autres critères sont manifestement plus pertinents (arrêt du 28 février 2017, Canadian Solar Emea e.a./Conseil, T‑162/14, non publié, EU:T:2017:124, point 130).
181 À cet égard, le Tribunal considère que l'argumentation des requérantes selon laquelle il n'existerait pratiquement pas de production de contreplaqué de bouleau de forme carrée par l'industrie de l'Union doit être écartée. En effet, sans même qu'il soit nécessaire de se prononcer sur le bien-fondé de cette affirmation, l'absence éventuelle de production dans l'Union d'un tel contreplaqué n'est pas déterminante. En effet, la question déterminante est celle de savoir si ce type de contreplaqué est, en raison de ses caractéristiques et, partant, de la perception qu'en a le consommateur, en concurrence avec des produits issus de la production de l'Union (voir, par analogie, arrêt du 18 novembre 2014, Photo USA Electronic Graphic/Conseil, T‑394/13, non publié, EU:T:2014:964, point 37).
182 Or, il ressort des points 165 à 178 ci-dessus que le contreplaqué de bouleau de forme carrée et le contreplaqué de bouleau de forme rectangulaire peuvent être interchangeables. Ainsi, ils sont en concurrence à un certain degré.
183 En tout état de cause, force est de constater qu'il ressort du dossier qu'il existe une production de contreplaqué de bouleau de forme carrée dans l'Union, les requérantes ayant procédé à une comparaison des prix et du pourcentage des ventes du contreplaqué de bouleau de forme carrée produit par l'industrie de l'Union.
184 Ainsi, il ressort des documents figurant aux annexes A.31 et A.32 de la requête que les requérantes ont relevé que la production comparable de contreplaqué de bouleau de forme carrée par l'industrie de l'Union était de « [247,06] m3, i.e. [0,24 %] » du total des ventes comparables de l'industrie de l'Union et que le prix moyen du contreplaqué de bouleau de forme carrée vendue par l'industrie de l'Union était de 369 euros. Elles ont également relevé, au point 122 de la requête, en renvoyant à l'annexe A.31 de la requête, que le contreplaqué de forme carrée produit par les requérantes était 30 % moins cher que le contreplaqué de forme rectangulaire et que, pour des ventes comparables par les producteurs de l'Union, le contreplaqué de forme carrée était 47 % moins cher, ce qui tendait donc à démontrer qu'elles reconnaissaient l'existence de producteurs de l'Union de contreplaqué de bouleau de forme carrée.
185 Dès lors, les arguments des requérantes tendant à démontrer que d'autres critères pertinents auraient conduit à exclure le contreplaqué de bouleau de forme carrée de la définition du produit concerné doivent être rejetés.
186 Les griefs des requérantes portant sur des erreurs manifestes d'appréciation des faits dans la définition du produit concerné doivent donc être rejetés comme étant non fondés.
2. Sur la segmentation du marché dans le cadre de l'analyse du préjudice et du lien de causalité
187 Selon l'article 3, paragraphe 2, du règlement de base, l'examen de l'existence d'un préjudice se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif, d'une part, du volume des importations faisant l'objet d'un dumping et de l'effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l'Union et, d'autre part, de l'incidence de ces importations sur l'industrie de l'Union. Ladite disposition précise ainsi l'administration de la preuve et l'examen qui incombent à la Commission, en tant qu'autorité investigatrice, afin d'établir l'existence d'un préjudice pour pouvoir instituer des droits antidumping (arrêt du 21 septembre 2023, China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products e.a./Commission, C‑478/21 P, EU:C:2023:685, point 117).
188 L'article 3, paragraphe 6, du règlement de base stipule, quant à lui, qu'il doit être démontré à l'aide de tous les éléments de preuve pertinents présentés en relation avec le paragraphe 2 que les importations faisant l'objet d'un dumping causent un préjudice au sens dudit règlement.
189 Selon la jurisprudence, même si ces deux déterminations diffèrent dans leur finalité, les éléments de preuve de l'existence d'un préjudice, y compris ceux relatifs à l'effet des importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l'Union, sont pris en compte dans le cadre de l'analyse menée par la Commission concernant le lien de causalité, visé à l'article 3, paragraphe 6, du règlement de base. Ainsi, il existe un rapport entre la détermination de la sous-cotation des prix et, d'une façon plus générale, de l'effet des importations en dumping sur les prix des produits similaires sur le marché de l'Union, au titre de l'article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base, et l'établissement d'un lien de causalité, au titre de l'article 3, paragraphe 6, du règlement de base (voir, en ce sens, arrêt du 29 mars 2023, Hubei Xinyegang Special Tube/Commission, T‑500/17 RENV, non publié, EU:T:2023:171, point 44 et jurisprudence citée ; voir également, par analogie, arrêt du 14 décembre 2022, PT Wilmar Bioenergi Indonesia e.a./Commission, T‑111/20, EU:T:2022:809, point 266 et jurisprudence citée).
190 En outre, selon la Cour, il ressort des termes mêmes de l'article 3, paragraphe 3, du règlement de base que la méthode suivie pour déterminer une éventuelle sous-cotation des prix doit, en principe, être opérée au niveau du « produit similaire », au sens de l'article 1er, paragraphe 4, dudit règlement, même si celui-ci peut être composé de différents types de produit relevant de plusieurs segments de marché (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 74 et jurisprudence citée).
191 Partant, le règlement de base n'impose, en principe, pas d'obligation à la Commission d'effectuer une analyse de l'existence de la sous-cotation des prix à un niveau autre que celui du produit similaire (arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 75).
192 Toutefois, dès lors que, en vertu de l'article 3, paragraphe 2, du règlement de base, la Commission est tenue de procéder à un « examen objectif » de l'effet des importations faisant l'objet d'un dumping sur les prix des produits similaires de l'industrie de l'Union, elle est obligée de tenir compte dans son analyse de la sous-cotation des prix de tous les éléments de preuve positifs pertinents, y compris, le cas échéant, ceux relatifs aux différents segments de marché du produit considéré (arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 77).
193 Ainsi, afin d'assurer l'objectivité de l'analyse de la sous-cotation des prix, la Commission peut, dans certaines circonstances, être tenue, malgré son large pouvoir d'appréciation, de procéder à une telle analyse au niveau des segments du marché du produit en cause. Il peut en aller ainsi dans une situation marquée par l'existence d'une segmentation caractérisée du marché du produit en cause et par le fait que les importations faisant l'objet de l'enquête antidumping étaient très majoritairement concentrées dans l'un des segments du marché du produit en cause, sous réserve, toutefois, que le produit similaire dans son ensemble soit dûment pris en compte. Il peut également en aller ainsi dans une situation particulière caractérisée par une forte concentration des ventes intérieures et des importations faisant l'objet d'un dumping sur des segments distincts ainsi que par des différences de prix tout à fait notables entre ces segments. En effet, dans ces circonstances, la Commission peut être tenue de prendre en considération les parts de marché de chaque type de produit et ces différences de prix afin de garantir l'objectivité de l'analyse relative à l'existence de la sous-cotation des prix (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, points 78 à 81, 110 et 111).
194 En revanche, une telle analyse par segment n'est pas requise lorsque les produits sont suffisamment interchangeables. Ce n'est que dans l'hypothèse où les résultats se révéleraient biaisés, pour une raison ou une autre, qu'une analyse segmentée se justifierait en présence de produits pourtant interchangeables. Dans un tel cas, il appartient à la partie intéressée d'apporter des éléments concrets permettant d'étayer son affirmation selon laquelle différents produits ne sont pas suffisamment interchangeables ou selon laquelle l'absence d'une analyse segmentée en présence de produits suffisamment interchangeables aboutirait, en l'espèce, à des résultats biaisés (voir, en ce sens, arrêt du 19 mai 2021, China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products e.a./Commission, T‑254/18, EU:T:2021:278, points 378 et 379).
195 En outre, il a déjà été jugé que l'appartenance de produits à des gammes différentes ne suffit pas pour établir, en soi, leur absence d'interchangeabilité et donc l'opportunité d'effectuer une analyse par segment, dès lors que des produits appartenant à des gammes distinctes peuvent avoir des fonctions identiques ou répondre aux mêmes besoins (voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 1992, Sanyo Electric/Conseil, C‑177/87, EU:C:1992:111, point 12).
196 En l'espèce, il ressort des considérants 164 à 166 et 193 à 199 du règlement attaqué que la Commission a rejeté les allégations fondées sur l'existence de segments de marché différents entre le contreplaqué de bouleau produit par l'industrie russe et le contreplaqué de bouleau produit par l'industrie de l'Union, en raison du fait qu'elle aurait comparé des milliers de types différents de produits en contreplaqué, constaté un niveau significatif de correspondance (plus de 68 %) entre les ventes de l'Union et les produits importés russes et que l'enquête aurait établi que ces produits partageaient les mêmes caractéristiques physiques et techniques essentielles et que l'industrie de l'Union et les producteurs-exportateurs étaient en concurrence dans les mêmes secteurs et pour les mêmes utilisateurs finaux.
197 Or, ainsi qu'il ressort du point 182 ci-dessus, le contreplaqué de bouleau de forme carrée et le contreplaqué de bouleau de forme rectangulaire peuvent être interchangeables et en concurrence l'un avec l'autre à un certain degré.
198 En outre, dans un document renseignant des calculs basés sur les informations relatives à la sous-cotation des prix et à la sous-cotation des prix indicatifs fournies dans les conclusions finales, figurant à l'annexe A.31 de la requête, les requérantes indiquent que leurs ventes de contreplaqué de forme carrée représentent 21 % de leurs ventes totales sur le marché de l'Union. Comme le souligne la Commission, il en ressort donc que le contreplaqué de forme rectangulaire représente 79 % de leurs ventes, ce que les requérantes ne contestent pas.
199 C'est donc à tort que les requérantes soutiennent que leurs importations se concentreraient sur le contreplaqué de forme carrée. Il en va de même de l'affirmation selon laquelle les importations en provenance de Russie seraient concentrées sur un segment du marché différent.
200 Ainsi, dans la plainte déposée par le Woodstock Consortium, figurant à l'annexe A.30 de la requête, il est indiqué que le contreplaqué de bouleau exporté de Russie vers l'Union consiste principalement en des feuilles rectangulaires. Certes, le Woodstock Consortium a indiqué que ces feuilles étaient caractérisées par des utilisations plus sophistiquées et par des prix moyens plus élevés. Toutefois, il a également fait valoir que les importations en provenance de Russie étaient concentrées sur les qualités et les tailles les plus standards qui étaient considérées comme des produits de base parmi le contreplaqué de bouleau. Il a ajouté que, sur un marché de matière première, tous les produits étant interchangeables, le prix le plus bas disponible sur le marché devenait la référence en matière de fixation des prix, ce qui donnait aux producteurs-exportateurs russes une position de pouvoir sur le marché. Il n'en ressort donc pas qu'une segmentation entre le marché du contreplaqué de forme carrée et le marché du contreplaqué de forme rectangulaire serait largement admise.
201 Quant à l'argument des requérantes selon lequel la Birch Plywood Alliance aurait expliqué que l'industrie de l'Union n'avait pas les capacités suffisantes pour répondre à la demande dans l'Union, même à considérer que tel soit le cas, il ne permet pas en soi de conclure à une segmentation entre le marché du contreplaqué de bouleau de forme rectangulaire et le marché du contreplaqué de bouleau de forme carrée, voire entre le contreplaqué de bouleau produit dans l'Union et le contreplaqué de bouleau produit par les requérantes.
202 Les requérantes font également valoir que 39 % des ventes qu'elles réalisent ne peuvent pas être comparées aux ventes de producteurs de l'Union inclus dans l'échantillon, que les ventes réalisées par ces derniers qui peuvent être comparées à leurs ventes ne représentent que 42 % de leurs ventes et que plus de 55 % des ventes de producteurs de l'Union ne sont pas en concurrence avec le contreplaqué russe.
203 Cependant, d'une part, le règlement de base ne prévoit pas que la Commission est tenue, en toute circonstance, de prendre en compte l'intégralité des produits vendus par l'industrie de l'Union.
204 D'autre part, force est de constater qu'il ressort de l'annexe A.31 de la requête que les requérantes ont obtenu ces pourcentages en procédant à la comparaison de leurs seules importations à la production de l'Union. Or, les requérantes ne sont pas les seuls producteurs-exportateurs de contreplaqué de bouleau originaire de Russie dont la Commission a tenu compte dans l'échantillon, Zheshartsky LPK OOO et Syktyvkar Plywood Mill Ltd ayant également été retenues.
205 En outre, si 39 % des ventes des requérantes ne sont pas comparables aux ventes des producteurs de l'Union, cela signifie que 61 % le sont. À cela s'ajoute le fait que les ventes réalisées par les producteurs de l'Union qui peuvent être comparées aux ventes des requérantes représentent 42 % de leurs ventes. Il s'agit donc d'un nombre relativement élevé de correspondances pour ce seul groupe de producteurs-exportateurs.
206 Les requérantes n'expliquent également pas comment elles parviennent à la conclusion que plus de 55 % des ventes des producteurs de l'Union inclus dans l'échantillon ne seraient pas en concurrence avec le contreplaqué russe, mais correspondraient à des produits plus haut de gamme et plus chers. Cet argument n'étant pas circonstancié, il n'est pas non plus de nature à remettre en cause la conclusion de la Commission portant sur le niveau significatif de correspondance de plus de 68 % entre les ventes de l'Union et les produits importés russes.
207 Les requérantes déduisent par ailleurs à tort de l'absence éventuelle de correspondance pour les 32 % restants des ventes de producteurs de l'Union retenus dans l'échantillon que celles-ci n'auraient pas été affectées par les importations en cause. En effet, dès lors que le produit concerné comprend différents types de produits qui sont interchangeables et que, corrélativement, il n'existe pas de segmentation caractérisée du marché du produit en cause, ces importations ont vraisemblablement eu également un effet sur les prix des produits des producteurs de l'Union retenus dans l'échantillon n'ayant pas pu être comparés. Les arguments des requérantes ne suffisent donc pas à remettre en cause l'objectivité de l'appréciation selon laquelle les importations en cause ont dû affecter le prix des produits des producteurs de l'Union puisque ces produits sont interchangeables.
208 Partant, les arguments des requérantes ne permettent pas de démontrer que la Commission aurait commis des erreurs de droit ou des erreurs manifestes d'appréciation des faits en ne procédant pas à une segmentation du marché dans le cadre de l'analyse du préjudice et du lien de causalité, de sorte que leurs griefs à cet égard doivent être rejetés comme étant non fondés.
3. Sur la violation de l'obligation de motivation
209 La motivation exigée par l'article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l'acte en cause et faire apparaître, de façon claire et non équivoque, le raisonnement de l'institution qui en est l'auteur, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d'exercer son contrôle. L'exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l'espèce, notamment du contenu de l'acte, de la nature des motifs invoqués et de l'intérêt que les destinataires ou d'autres personnes concernées directement et individuellement par l'acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 9 janvier 2003, Petrotub et Republica/Conseil, C‑76/00 P, EU:C:2003:4, point 81 et jurisprudence citée).
210 En l'espèce, le Tribunal considère que le règlement attaqué, lu à la lumière du règlement provisoire, contient une motivation suffisante de la décision de la Commission de ne pas exclure le contreplaqué de forme carrée de la définition du produit concerné et de ne pas tenir compte d'une segmentation du marché à cet égard.
211 En effet, aux considérants 27 à 30 du règlement attaqué, qui renvoient également aux considérants 32, 33 et 37 du règlement provisoire, la Commission a répondu aux arguments portant sur l'exclusion du contreplaqué de bouleau de forme carrée de la définition du produit concerné en raison du fait qu'il présentait les mêmes caractéristiques physiques, techniques et chimiques essentielles que le contreplaqué de bouleau de forme rectangulaire, ainsi qu'un degré d'interchangeabilité et de substituabilité, de sorte qu'il exerçait une pression concurrentielle sur ce dernier.
212 Quant au rejet de l'allégation portant sur une segmentation entre le marché du contreplaqué de forme carrée et le marché du contreplaqué de forme rectangulaire, il ressort de la lecture des considérants 164 à 165 et 193 à 199 du règlement attaqué, qui renvoient également aux considérants 162 et 163 du règlement provisoire, que la Commission s'est fondée sur le fait que ces produits partageaient les mêmes caractéristiques physiques, chimiques et techniques essentielles, qu'ils présentaient un degré important d'interchangeabilité, qu'ils étaient en concurrence dans les mêmes secteurs et pour les mêmes utilisateurs finaux et qu'ils avaient un niveau significatif de correspondance.
213 Par conséquent, la motivation du règlement attaqué répond aux conditions posées par l'article 296 TFUE et le grief des requérantes à cet égard doit être rejeté comme étant non fondé.
4. Sur la violation du principe de bonne administration
214 Dans le cadre des enquêtes antidumping, il appartient aux institutions de veiller au respect du principe de bonne administration consacré par l'article 41, paragraphes 1 et 2, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, en vertu duquel toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union. Cet article de la charte des droits fondamentaux régit la procédure administrative devant la Commission et le Conseil de l'Union européenne en matière de défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de l'Union [voir arrêt du 12 décembre 2014, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T‑643/11, EU:T:2014:1076, point 45 et jurisprudence citée].
215 En l'espèce, il ressort de l'analyse ci-dessus que la Commission a examiné avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d'espèce et les principaux arguments soulevés par les requérantes et y a répondu aux fins de confirmer l'inclusion du contreplaqué de bouleau de forme carrée dans la définition du produit concerné et le refus de reconnaître deux segments de marché.
216 Dans ces circonstances, il convient de conclure que tous les éléments pertinents dans le cas d'espèce ont été examinés et que la Commission n'a pas méconnu le principe de bonne administration à cet égard.
217 Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter le quatrième moyen dans son intégralité ainsi que la première branche du sixième moyen comme étant non fondés.
D. Sur le cinquième moyen, tiré d'erreurs de droit, d'erreurs manifestes d'appréciation et d'une violation du principe de bonne administration dans l'utilisation de données d'Eurostat
218 Les requérantes allèguent une violation de l'article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base et du droit à une bonne administration ainsi que l'existence d'erreurs manifestes d'appréciation, en ce que la Commission aurait déterminé les volumes et les prix des importations du produit concerné sur la base de données d'Eurostat non fiables.
219 S'agissant des volumes des importations, les requérantes font valoir que l'utilisation d'un ratio de 79 %, aux fins de distinguer le pourcentage des importations du produit concerné parmi les importations de contreplaqué en provenance de Russie tombant sous le code de nomenclature combinée (code NC) 44123300, ne reflète pas la situation prévalant sur l'ensemble de la période d'enquête et ne permet pas d'identifier précisément l'évolution et les volumes des importations dudit produit. Ainsi, le code NC comprendrait des produits autres que le produit concerné et le ratio serait artificiellement gonflé, car fondé sur une période de six mois postérieure à la période d'enquête, qui aurait été marquée par des conditions de marché particulières, la part du produit concerné dans le code NC ayant augmenté en raison d'une pénurie d'autres types de contreplaqué. Les tendances relatives aux volumes fondées sur les données d'Eurostat différeraient par ailleurs des tendances telles qu'elles émanent des réponses de la requérante au questionnaire de la Commission.
220 En outre, le rapport de densité de 0,69 kilogramme par mètre cube de contreplaqué, ayant servi à convertir en mètres cubes les données d'Eurostat exprimées en tonnes, auquel il est fait référence dans le règlement attaqué, serait inadéquat et devrait être de 0,26. Les requérantes auraient ainsi fourni, au cours de l'enquête, des statistiques d'exportations russes pour le produit concerné qui refléteraient la densité exacte du contreplaqué.
221 S'agissant des prix des importations, les requérantes soutiennent que leurs réponses au questionnaire relatives à l'évolution des prix à l'exportation du produit concerné auraient démontré que les prix avaient augmenté au cours de la période d'enquête, alors que le règlement attaqué, se fondant sur les données d'Eurostat, indique une baisse de 10 %. Elles ajoutent que les données d'Eurostat sur les prix sont déconnectées de la réalité, car elles renseignent une augmentation à partir de décembre 2020 jusqu'à mai 2021, pour ensuite baisser drastiquement en juin 2021 et atteindre les 385 euros par tonne, alors qu'il est constant que les prix ont atteint des niveaux sans précédent en juin 2021.
222 La Commission fait valoir que la violation alléguée de l'article 3, paragraphe 3, du règlement de base est manifestement irrecevable. Du reste, la Commission, soutenue par les intervenantes, conteste les arguments des requérantes.
223 Selon la jurisprudence, la Commission jouit d'une large marge d'appréciation dans l'analyse des données, y compris celles fournies par Eurostat (voir, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2015, Schroeder/Conseil et Commission, T‑205/14, EU:T:2015:673, point 41).
224 Par ailleurs, les institutions ne commettent pas d'erreur manifeste d'appréciation des faits quand elles se fondent sur les données dont elles peuvent raisonnablement disposer (voir, en ce sens, arrêts du 27 novembre 1991, Gimelec e.a./Commission, C‑315/90, EU:C:1991:447, points 13 et 14, et du 28 octobre 2004, Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, T‑35/01, EU:T:2004:317, points 229 et 230).
225 Il appartient, par conséquent, aux requérantes, si elles entendent contester la fiabilité des données utilisées par la Commission à propos du volume et des prix des importations faisant l'objet d'un dumping, d'étayer leurs affirmations par des éléments de nature à jeter un doute, d'une manière concrète, sur la crédibilité de la méthode ou des données utilisées par cette institution. Dès lors, une partie requérante, si elle veut obtenir gain de cause, ne peut pas se limiter à contester les données et les chiffres utilisés par la Commission ou produire des chiffres alternatifs, par exemple des chiffres obtenus sur la base de données émanant des autorités douanières dont proviennent les importations litigieuses, mais doit produire des éléments susceptibles de mettre en cause celles fournies par la Commission [voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission, T‑650/17, EU:T:2019:644, point 357 (non publié)].
226 En l'espèce, s'agissant des volumes des importations, le Tribunal considère que la Commission a fait un usage raisonnable et prudent des données d'Eurostat relatives aux importations de produits relevant du code NC 44123300. Ainsi qu'il ressort du considérant 86 du règlement provisoire et du considérant 127 du règlement attaqué, la Commission avait pleinement conscience du fait que ce code incluait également d'autres produits que le produit concerné. Elle a donc estimé la proportion des importations de celui-ci à l'intérieur dudit code. Pour ce faire, elle a, lors de l'ouverture de la procédure, créé un code TARIC spécial pour lequel seules les importations du produit concerné étaient enregistrées.
227 La Commission a alors établi le pourcentage du produit concerné dans le code NC à partir des données du premier mois complet faisant suite à la création du code TARIC spécial, soit le mois de novembre 2020. Dans le règlement provisoire, le ratio entre les volumes d'importations du code NC complet et les importations du produit concerné ressortant des données TARIC, correspondant à 78 %, a été établi sur la base des données de trois mois postérieurs à la période d'enquête, soit de novembre 2020 à janvier 2021. Ce ratio a ensuite été revu à 79 % dans le règlement attaqué sur la base des données de six mois postérieurs à la période d'enquête, soit de novembre 2020 à avril 2021.
228 Il ressort également des considérants 128 à 130 du règlement attaqué que la Commission a également tenu compte d'un problème de comptabilité dans le cadre de la comparaison de données exprimées en tonnes avec des données exprimées en mètres cubes, les résultats ne correspondant pas au rapport normal de densité moyenne du produit concerné. Elle a constaté que les données exprimées en mètres cubes fluctuaient, alors que les données exprimées en poids conservaient une valeur constante. La Commission a donc procédé à une conversion des données exprimées en tonnes, jugées plus fiables et stables, en mètres cubes et a utilisé un rapport de densité de 0,69 kilogramme par mètre cube pour ce faire.
229 Sur la base de cette méthode, la Commission indique, aux considérants 133 et 135 du règlement attaqué, avoir établi le volume des importations du produit concerné ainsi que leur évolution.
230 Or, une enquête antidumping est en réalité un processus continu, au cours duquel de nombreuses conclusions sont constamment révisées. Dès lors, il ne peut pas être exclu que les conclusions finales des institutions de l'Union diffèrent des conclusions établies à un certain moment de l'enquête. En outre, les données provisoires peuvent, par définition, être modifiées au cours de l'enquête. Par suite, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la légère augmentation du ratio des importations en provenance de Russie, passant de 78 à 79 %, serait, d'une quelconque manière, l'illustration du manque de fiabilité des données en cause. Enfin, il importe de souligner que le préjudice doit être établi par rapport au moment de l'adoption d'un éventuel acte instituant des mesures de défense (voir, en ce sens, arrêt du 28 novembre 1989, Epichirisseon Metalleftikon, Viomichanikon kai Naftiliakon e.a./Conseil, C‑121/86, EU:C:1989:596, points 34 et 35).
231 L'utilisation du rapport de densité de 0,69 kilogramme par mètre cube, utilisé par la Commission pour convertir en mètres cubes les données d'Eurostat exprimées en tonnes, a par ailleurs été suggérée par les requérantes elles-mêmes au cours de l'enquête.
232 En effet, dans leurs observations provisoires sur le préjudice du 28 juin 2021, figurant à l'annexe A.27 de la requête, et leurs observations définitives sur le préjudice du 10 septembre 2021, figurant à l'annexe A.32 de la requête, les requérantes ont fait valoir que les volumes d'importation obtenus par la Commission ne reflétaient pas la densité typique du contreplaqué de bouleau, qui est d'environ 0,69 kilogramme par mètre cube. Elles indiquent alors avoir demandé à la Commission, à tout le moins, de renoncer aux chiffres en mètres cubes d'Eurostat et de convertir les chiffres exprimés en tonnes en appliquant un ratio de densité de 0,69, tout en exprimant leur préférence à cet égard pour une utilisation des statistiques d'exportations russes pour le contreplaqué de bouleau.
233 Il ressort donc clairement de ces documents que les requérantes ont demandé à ce que la Commission renonce aux chiffres en mètres cubes et les convertisse en tonnes en appliquant le rapport de densité typique du contreplaqué de bouleau de 0,69, et qu'elles ont reconnu que cette conversion avait, à tout le moins, résolu le problème affectant la densité.
234 Les requérantes ont en outre admis que, même en cas d'utilisation des statistiques russes sur les exportations, il conviendrait d'ajuster le montant des volumes à la baisse en ayant recours aux données TARIC. Ainsi, dans leurs observations provisoires sur le préjudice du 28 juin 2021, figurant à l'annexe A.27 de la requête, les requérantes ont suggéré à la Commission, en cas d'utilisation des statistiques russes sur les exportations comme base pour évaluer le volume des importations du produit concerné, d'ajuster ces statistiques à la baisse en utilisant les données TARIC.
235 Les requérantes ont donc reconnu que les statistiques russes, tout comme le code NC, incluaient des produits autres que le produit concerné et qu'il n'existait aucun outil similaire au code TARIC en Russie pour déterminer la part des exportations du produit concerné contenue. Leurs arguments ne permettent donc pas de considérer que les statistiques russes seraient plus fiables que les données d'Eurostat.
236 Les arguments des requérantes tirés de ce que le ratio calculé par la Commission ne refléterait pas la situation prévalant sur l'ensemble de la période considérée ou de la période d'enquête, en raison de conditions de marché particulières, ou de ce que l'évolution des volumes des importations fondées sur les données d'Eurostat ne serait pas reflétée par leurs données, ne sont par ailleurs pas étayés par des éléments de preuve suffisants.
237 En effet, si les requérantes renvoient aux explications supplémentaires de la Commission du 21 juin 2021 concernant la détermination des chiffres d'importations, figurant à l'annexe A.35 de la requête, desquelles il ressortirait que, d'un mois à l'autre, des variations pouvaient survenir (71 % en décembre 2020 et 79 % en janvier 2021), il en ressort également que le ratio de 78 % repris par la Commission dans le règlement provisoire y a été établi en calculant la moyenne des données combinées de trois mois postérieurs à la période d'enquête, à savoir de novembre 2020 à janvier 2021. Force est de relever que ce ratio est proche du ratio de 79 % repris dans le règlement attaqué.
238 Les requérantes renvoient également aux réponses du Woodstock Consortium au questionnaire de suspension, figurant à l'annexe B.4 du mémoire en défense, desquelles il ressort que les changements survenus dans les conditions du marché entre la période d'enquête et la période d'analyse et l'augmentation de la demande du contreplaqué de bouleau dans l'Union en 2021 étaient causés, entre autres, par une pénurie d'autres types de contreplaqué et une demande croissante des États-Unis.
239 Toutefois, à la lecture de ces informations, il n'est pas possible de conclure dans quelle mesure l'augmentation alléguée de la demande de contreplaqué de bouleau se serait traduite par une augmentation des importations du produit concerné originaire de Russie vers l'Union, ni la part d'une telle augmentation.
240 Dans ses réponses au questionnaire de suspension, figurant à l'annexe B.4 du mémoire en défense, le Woodstock Consortium a également indiqué que, dans l'ensemble, durant les six premiers mois de l'année 2021, les importations en provenance de Russie avaient augmenté de 13 % par rapport à la même période en 2020 ainsi que de 13 % entre le premier semestre 2021 et la même période au cours de l'année prépandémique de 2019.
241 Cependant, cette information s'inscrivait dans le cadre d'une réflexion plus générale visant à relever que les exportateurs russes étaient capables de générer des exportations massives en direction de l'Union en très peu de temps et que les usines russes et leurs clients dans l'Union n'étaient pas dissuadés par les mesures antidumping. En outre, ainsi que le relève la Commission, ces observations portaient sur des données au niveau de la NC antérieures à l'ouverture de l'enquête et à la création du code TARIC et qui couvraient donc d'autres produits que le produit concerné sans qu'il soit possible de déterminer si la part du produit concerné dans le volume couvert par le code NC avait réellement augmenté ou diminué.
242 Enfin, les requérantes renvoient à leurs propres réponses au questionnaire de la Commission, établissant que les volumes de leurs importations ont baissé de 7 % entre 2017 et la période d'enquête, aux fins de contester les chiffres repris dans le tableau no 2 du règlement attaqué, qui renseignent une augmentation de 14 % des importations du produit concerné en provenance de Russie.
243 Or, conformément à la jurisprudence citée aux points 224 à 225 ci-dessus, les requérantes ne peuvent se limiter à produire des chiffres alternatifs, obtenus sur la base de leurs propres données exclusivement, pour contester les données et les chiffres utilisés par la Commission.
244 Partant, les requérantes n'ont pas étayé à suffisance de droit leurs affirmations par des éléments de nature à jeter un doute, d'une manière concrète, sur la crédibilité de la méthode ou des données utilisées par la Commission pour établir le volume des importations du produit concerné.
245 S'agissant des prix des importations, il ressort des considérants 136 à 141 du règlement attaqué que la Commission les a déterminés à partir des statistiques d'Eurostat exprimées en euros par tonne, au niveau de la NC. Bien que les importations du produit concerné aient été enregistrées avec un panier plus large de produits, selon la Commission, cette méthode garantissait une estimation fiable des prix et de leur évolution et permettait de comparer l'évolution des prix entre différents pays exportateurs. Elle a ajouté que la méthode utilisée aurait confirmé que les prix obtenus à partir des statistiques d'Eurostat, qui ont diminué de 10 % au cours de la période d'enquête, en passant de 646 euros par tonne en 2017 à 584 euros par tonne au cours de la période d'enquête, ont suivi la même tendance que les prix à l'exportation moyens pondérés des producteurs-exportateurs russes retenus dans l'échantillon, avec un prix de 434 euros par mètre cube au cours de la période d'enquête.
246 Les requérantes contestent la tendance que l'évolution des prix aurait suivie et renvoient à cet égard à leurs observations définitives sur le préjudice, figurant à l'annexe A.32 de la requête, ainsi qu'à leurs réponses au questionnaire de la Commission, figurant à l'annexe C.5 de la réplique.
247 Or, d'une part, force est de constater que les données chiffrées auxquelles les requérantes renvoient dans leurs observations définitives sur le préjudice, pour alléguer une déconnexion des données d'Eurostat avec la réalité, relèvent d'une période postérieure à la période d'enquête, allant de juillet 2020-février 2021 à juin 2021. Les requérantes n'expliquent pas en quoi cette augmentation des prix postérieure à la période d'enquête mettrait en cause la fiabilité des données d'Eurostat sur les prix pendant ladite période.
248 En outre, le montant de 385 euros par tonne auquel les requérantes font référence pour alléguer que la baisse de prix renseignée par Eurostat était erronée ne correspond pas au chiffre après les mises à jour mensuelles auquel Eurostat est soumis. En effet, le mode d'emploi sur les statistiques européennes sur le commerce international de biens indique, en substance, que les données telles que publiées par Eurostat sont susceptibles de faire l'objet de révisions ultérieures. À cet égard, la Commission produit les données de juin 2021, extraites en juillet 2022, qui font état d'un prix moyen de 784,35 euros par tonne et donc d'une augmentation par rapport à la période d'enquête.
249 D'autre part, les requérantes s'appuient sur leurs réponses au questionnaire de la Commission pour contester la tendance d'une baisse des prix à l'importation entre 2017 et la période d'enquête, telle qu'elle ressort du tableau no 3 du règlement attaqué, leurs propres importations ayant suivi une augmentation de 3 %.
250 Néanmoins, il ne s'agit là que de l'évolution des prix à l'exportation des requérantes, qui représentent environ 40 % de l'ensemble des importations du produit concerné dans l'Union. Or, aux fins de l'analyse de l'évolution des prix des importations du produit concerné, la Commission a tenu compte de la tendance telle qu'elle ressortait des données Eurostat, qui se fondent sur les prix de toutes les importations du produit concerné originaire de Russie, et l'a comparée avec la tendance qui ressortait des données des trois producteurs-exportateurs russes retenus dans l'échantillon, représentant environ 66 % de toutes les importations dudit produit dans l'Union. Les chiffres des requérantes, établis sur la base de leurs propres données exclusivement, ne sont donc pas de nature à mettre en cause les données fournies par la Commission, ainsi qu'il ressort de la jurisprudence citée aux points 221 à 222 ci-dessus.
251 Partant, les requérantes n'ont pas produit d'éléments suffisants de nature à jeter un doute, d'une manière concrète, sur la crédibilité de la méthode ou des données utilisées par la Commission pour établir les prix des importations du produit concerné.
252 Au vu de ce qui précède, le Tribunal considère que les requérantes restent en défaut de démontrer que, en tenant compte des données d'Eurostat, la Commission a commis des erreurs manifestes d'appréciation des faits ainsi qu'une violation de l'article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base ou de leur droit à une bonne administration, à supposer même que les allégations de violation de l'article 3, paragraphe 3, dudit règlement et du droit à une bonne administration, qui se limitent à la seule affirmation de leur violation, satisfassent à l'exigence de l'article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal et, partant, soient recevables.
253 Partant, il y a lieu de rejeter le cinquième moyen dans son intégralité.
E. Sur la seconde branche du sixième moyen, tirée d'erreurs de droit, d'erreurs manifestes d'appréciation et d'une violation du droit à une bonne administration dans le cadre de l'analyse de l'existence d'autres facteurs de préjudice
254 Les requérantes allèguent une violation de l'article 3, paragraphe 7, du règlement de base et du droit à une bonne administration ainsi que des erreurs manifestes d'appréciation, en ce que la Commission aurait omis de tenir compte de l'incidence d'autres facteurs de préjudice lors de l'évaluation du lien de causalité entre les importations du produit concerné et le préjudice causé à l'industrie de l'Union.
255 En premier lieu, les requérantes font valoir que les augmentations du volume des importations en provenance d'Ukraine et de Biélorussie entre 2017 et la période d'enquête ne sauraient être considérées comme marginales. Elles seraient plus élevées et moins chères que les augmentations des importations en provenance de Russie et auraient pu influencer la situation de l'industrie de l'Union. La décision de la Commission de ne pas les considérer dans l'évaluation du lien de causalité serait donc erronée.
256 La Commission se contredirait par ailleurs lorsqu'elle reconnaît une segmentation entre le marché du contreplaqué de bouleau en provenance de Biélorussie, mais estime qu'il n'en irait pas de même pour les marchés de contreplaqué de bouleau russe et de l'Union.
257 En second lieu, selon les requérantes, la décision de suspension confirme que, pendant la période postérieure à la période d'enquête, allant de juillet 2020 à juin 2021, les fluctuations des prix des matières premières et les engagements contractuels à long terme qui lient les producteurs de l'Union à leurs clients ont affecté leur capacité à bénéficier de l'augmentation de la demande et à adapter leurs prix. Ces facteurs auraient donc affecté les producteurs de l'Union, non seulement pendant la période postérieure à la période d'enquête, mais également pendant cette dernière.
258 La Commission, soutenue par les intervenantes, conteste les arguments des requérantes.
259 L'article 3, paragraphe 7, du règlement de base prévoit que les facteurs connus, autres que les importations faisant l'objet d'un dumping, qui, au même moment, causent un préjudice à l'industrie de l'Union sont aussi examinés de manière à ce que le préjudice causé par ces autres facteurs ne soit pas attribué aux importations faisant l'objet d'un dumping au sens du paragraphe 6 de cet article, lequel précise qu'il doit être démontré, à l'aide de tous les éléments de preuve pertinents présentés, que les importations faisant l'objet d'un dumping causent un préjudice important à l'industrie de l'Union (voir arrêt du 16 avril 2015, TMK Europe, C‑143/14, EU:C:2015:236, point 33 et jurisprudence citée).
260 Lors de sa détermination, les institutions de l'Union ont l'obligation d'examiner si le préjudice qu'elles entendent retenir découle effectivement des importations qui ont fait l'objet d'un dumping et d'écarter tout préjudice découlant d'autres facteurs et, notamment, celui qui aurait sa cause dans le comportement propre des producteurs de l'Union (voir arrêt du 16 avril 2015, TMK Europe, C‑143/14, EU:C:2015:236, point 35 et jurisprudence citée).
261 Il appartient, à ce titre, aux institutions de l'Union de vérifier si les effets de ces autres facteurs n'ont pas été de nature à rompre le lien de causalité entre, d'une part, les importations en cause et, d'autre part, le préjudice subi par l'industrie de l'Union. Il leur appartient également de vérifier que le préjudice imputable à ces autres facteurs n'entre pas en ligne de compte dans la détermination du préjudice au sens de l'article 3, paragraphe 7, du règlement de base et que, par conséquent, le droit antidumping imposé n'excède pas ce qui est nécessaire pour éliminer le préjudice causé par les importations faisant l'objet d'un dumping (voir arrêt du 16 avril 2015, TMK Europe, C‑143/14, EU:C:2015:236, point 36 et jurisprudence citée).
262 Toutefois, si les institutions de l'Union constatent que, en dépit de tels facteurs, le préjudice causé par les importations faisant l'objet d'un dumping est important, en vertu de l'article 3, paragraphe 1, du règlement de base, le lien de causalité entre ces importations et le préjudice subi par l'industrie de l'Union peut en conséquence être établi (voir arrêt du 16 avril 2015, TMK Europe, C‑143/14, EU:C:2015:236, point 37 et jurisprudence citée).
263 Enfin, il appartient aux parties invoquant l'illégalité d'un règlement tel que le règlement attaqué de présenter les éléments de preuve de nature à démontrer l'incidence des facteurs susceptibles d'avoir un effet sur le préjudice causé à l'industrie de l'Union. Ces parties doivent notamment démontrer que lesdits facteurs ont pu avoir une incidence d'une telle importance que l'existence d'un préjudice causé à l'industrie de l'Union et celle du lien de causalité entre ce préjudice et les importations faisant l'objet d'un dumping n'étaient plus fiables (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2013, Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil, C‑10/12 P, non publié, EU:C:2013:865, point 28 et jurisprudence citée).
264 S'agissant, en premier lieu, des importations en provenance d'Ukraine et de Biélorussie, il ressort des considérants 168 à 177 du règlement attaqué que la Commission en a tenu compte dans l'analyse du lien de causalité. Elle n'a donc pas refusé de les examiner, mais a conclu, aux considérants 173 et 176 du règlement attaqué, que leur incidence n'atténuait pas le lien de causalité entre les importations du produit concerné et le préjudice important subi par les producteurs de l'Union.
265 À cet égard, il ressort des données d'Eurostat reprises dans le tableau no 5, figurant au considérant 170 du règlement attaqué, que les volumes des importations en provenance d'Ukraine et de Biélorussie ont, au cours de la période considérée, augmenté respectivement de 30 % (passant de 67 831 à 88 303 mètres cubes) et de 17 % (passant de 124 561 à 145 731 mètres cubes). En comparaison, le tableau no 2, figurant au considérant 134 du règlement attaqué, permet quant à lui de constater que le volume des importations en provenance de Russie a augmenté de 14 % (passant de 710 163 à 812 521 mètres cubes) pour cette même période.
266 Les augmentations de volume correspondent ainsi, pour l'Ukraine et la Biélorussie, à une augmentation de leur part de marché de 1 % (passant, respectivement, de 4 à 5 % et de 7 à 8 %), tandis que la part de marché des importations en provenance de Russie a augmenté de 6 % (passant de 40 à 46 %).
267 Dès lors, si le pourcentage d'augmentation des importations en provenance d'Ukraine et de Biélorussie est plus élevé que celui des importations en provenance de Russie, il n'en reste pas moins que le volume de ces importations en soi et la part de marché qu'elles représentent sont beaucoup moins élevés que le volume des importations en provenance de Russie et la part de marché détenue par ces dernières.
268 Quant aux prix des importations en provenance d'Ukraine et de Biélorussie, les requérantes ont repris les prix tels que figurant au tableau no 5 du règlement attaqué, mais les ont augmentés, pour les importations en provenance de Russie et de Biélorussie, de 7 % afin de tenir compte des droits de douane. Elles n'en ont pas fait de même avec les prix des importations en provenance d'Ukraine.
269 Or, ainsi qu'il ressort du tableau no 5 du règlement attaqué, une comparaison des prix sans les droits de douane permet de constater que le prix moyen des importations en provenance d'Ukraine et de Biélorussie a diminué, respectivement, de 5 % (passant de 651 à 616 euros par tonne) et de 10 % (passant de 403 à 363 euros par tonne), au cours de la période considérée, alors que le prix moyen des importations en provenance de Russie a diminué de 11 % (passant de 646 à 584 euros par tonne), ainsi qu'il ressort du tableau no 3 du règlement attaqué. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le prix moyen des importations en provenance d'Ukraine est donc plus élevé que le prix moyen des importations en provenance de Russie.
270 Quant au prix moyen des importations en provenance de Biélorussie, s'il est moins élevé, les requérantes ne contestent pas l'explication de la Commission figurant au considérant 172 du règlement attaqué, selon laquelle cette différence de prix serait due aux contraintes technologiques du pays, qui ne peut produire que du contreplaqué de bouleau de moins bonne qualité, alors que les importations en provenance de Russie concerneraient un plus large éventail de produits et du contreplaqué de bouleau de qualité supérieure. Elles se contentent de soulever une contradiction avec le choix de la Commission d'inclure le contreplaqué de forme carrée dans la définition du produit concerné et de ne pas reconnaître une segmentation du marché. Or, ainsi qu'il ressort de l'analyse des points 160 et 205 ci-dessus, les requérantes n'ont pas démontré que la Commission avait commis une erreur manifeste d'appréciation à cet égard.
271 Partant, les requérantes sont restées en défaut de démontrer l'incidence des importations en provenance d'Ukraine et de Biélorussie sur le préjudice causé à l'industrie de l'Union, au sens de la jurisprudence citée au point 260 ci-dessus. Leurs griefs tirés d'erreurs manifestes d'appréciation des faits et d'une erreur de droit à cet égard doivent donc être rejetés.
272 S'agissant, en second lieu, des fluctuations des prix des matières premières et des engagements contractuels à long terme qui lient les producteurs de l'Union à leurs clients, la Commission a indiqué, au considérant 185 du règlement attaqué, que l'enquête avait établi que le coût des matières premières n'atténuait pas le lien de causalité et que le problème tenait plutôt au fait que l'industrie de l'Union était peu en mesure d'augmenter suffisamment les prix pour répercuter les hausses de coûts dues à la pression exercée par les importations faisant l'objet d'un dumping en provenance de Russie, tant sur le plan des volumes que des prix.
273 Certes, au considérant 11 de la décision de suspension, la Commission a indiqué que l'industrie de l'Union n'avait que partiellement bénéficié de l'augmentation de la demande, étant donné que la hausse des ventes et des prix avait été contrebalancée, dans une large mesure, par la hausse des coûts de production et par des ajustements tardifs des prix en raison d'obligations contractuelles. De même, le Woodstock Consortium a, dans sa réponse au questionnaire sur la suspension, figurant à l'annexe A.39 de la requête, précisé que les producteurs de l'Union travaillaient normalement avec leurs clients sur la base de contrats à long terme, qui limitaient considérablement leur capacité à ajuster les prix à court terme en cas de fluctuation rapide des prix sur le marché.
274 Toutefois, les requérantes n'étayent pas à suffisance de droit les raisons pour lesquelles la Commission n'aurait pu, au terme de l'enquête, conclure que la baisse des prix de vente dans l'Union était due à la pression sur les prix exercée par les importations du produit concerné, et non à l'augmentation des prix des matières premières et aux modalités contractuelles auxquelles est soumise l'industrie de l'Union.
275 Partant, les requérantes ne démontrent pas en quoi les obligations contractuelles des producteurs de l'Union et les augmentations des prix des matières premières au cours de la période postérieure à la période d'enquête seraient telles qu'elles affecteraient le lien de causalité entre les importations du produit concerné et le préjudice subi par l'industrie de l'Union, au point de rendre manifestement inadaptée l'institution du droit antidumping.
276 Il résulte de ce qui précède que les requérantes n'ont pas produit d'éléments de preuve suffisants susceptibles de remettre en cause la validité de l'analyse de la Commission portant sur le lien de causalité.
277 Au vu de ce qui précède, le Tribunal considère que les requérantes restent en défaut de démontrer que, en considérant que les importations en provenance d'Ukraine et de Biélorussie, les coûts des matières premières et les engagements contractuels des producteurs de l'Union n'avaient pas atténué le lien de causalité entre les importations du produit concerné et le préjudice subi par les producteurs de l'Union, la Commission a commis des erreurs manifestes d'appréciation des faits ainsi qu'une violation de l'article 3, paragraphe 7, du règlement de base ou de leur droit à une bonne administration.
278 Il s'ensuit que la deuxième branche du sixième moyen doit être rejetée comme étant non fondée et, partant, le recours dans son intégralité.
IV. Sur les dépens
279 Aux termes de l'article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens.
280 Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission et des intervenantes.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (sixième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Sveza Verkhnyaya Sinyachikha NAO et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe sont condamnées aux dépens.