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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 6, 9 février 2024, n° 21/17649

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

FONCIERE DE BEAUGRENELLE (SCI)

Défendeur :

FACE ILE DE FRANCE (SA), CALQ (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme GUILLAUDIER

Conseillers :

Mme TARDY, Mme NORVAL-GRIVET

Avocats :

SCP CAROLINE REGNIER AUBERT - BRUNO REGNIER, SELAS KARILA SOCIETE D'AVOCATS, SCP Jeanne BAECHLIN, Me BEN-ZENOU

TJ PARIS, du 14 sept. 2021

14 septembre 2021

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La SCI Foncière de Beaugrenelle a entrepris, en qualité de maître de l'ouvrage, des travaux de restructuration et d'extension d'un immeuble dont elle est propriétaire, situé [Adresse 7] à [Localité 6], en vue d'y exploiter un hôtel.

Sont notamment intervenues à cette opération de construction :

- en qualité de maître d''uvre, la société Calq, qui s'est vu confier, par contrat du 3 novembre 2015, une mission de maîtrise d''uvre d'exécution des travaux pour un montant d'honoraires de 437 000 euros hors taxes (HT),

- en qualité d'entreprise générale, la société Cef Construction entreprise générale du bâtiment (la société Cef),

- en qualité de sous-traitant, la société Face Île-de-France, à qui la société Cef a confié la réalisation des lots « bardage », « châssis », « stores », « menuiseries aluminium » et « échafaudages » pour un montant total de 1 768 542 euros HT, par contrat du 8 septembre 2015, modifié par avenant du 2 janvier 2017 portant sur des travaux supplémentaires.

Les travaux ont été réceptionnés le 31 mai 2017.

La société Cef a procédé à des paiements à hauteur d'un total de 1 642 786,40 euros HT.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 28 mai 2018, la société Face Île-de-France a mis en demeure la société Cef et la SCI Foncière de Beaugrenelle de lui régler le montant d'une facture émise le 23 mai 2017 à hauteur de 126 762,60 euros HT.

Par actes d'huissier en date des 16 et 26 juillet 2018, la société Face Île-de-France a assigné les sociétés Cef et Foncière de Beaugrenelle devant le tribunal de grande instance de Paris en paiement de sa créance, assortie des intérêts de retard.

Par jugement du tribunal de commerce d'Evry en date du 29 octobre 2018, la société Cef a été placée en redressement judiciaire.

Par courrier du 21 novembre 2018, la société Face Île-de-France a déclaré sa créance à hauteur de 126 762,60 euros outre 15 836,64 euros au titre des intérêts et 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que des dépens, soit un total de 148 743,31 euros.

Par jugement du tribunal de commerce d'Evry du 20 février 2019, la société Cef a été placée en liquidation judiciaire.

Par actes du 20 mai 2019, la société Face Île-de-France a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris les sociétés A & M Aj associés et Fhb en qualité d'administrateurs judiciaires de la société Cef, ainsi que la société Mia et la société Christophe Ancel en qualité de liquidateurs judiciaires de cette dernière.

Par acte du 24 mai 2019, la SCI Foncière de Beaugrenelle a fait assigner en garantie et intervention forcée la société Calq en sa qualité de maître d''uvre de l'opération.

Les trois procédures ont été jointes.

Par jugement du 14 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Paris a statué en ces termes :

Déclare irrecevable la demande formée par la société Cef prise en la personne de la SCP Christophe Ancel, la société Mja, mandataires judiciaires, de la société A et M associés et de la société Fhb, administrateurs judiciaires, à l'encontre de la SCI Foncière de Beaugrenelle au titre de l'action directe ;

Condamne la SCI Foncière de Beaugrenelle à payer à la société Face Île-de-France la somme de 57 213,60 euros ;

Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

Fixe les créances suivantes de la société Face Île-de-France au passif de la liquidation judiciaire de la société Cef prise en la personne de la SCP Christophe Ancel, la société Mja, mandataires judiciaires de la société A et M et de la société Fhb, administrateurs judiciaires :

- 126 762,60 euros au titre de son solde de marché ;
- 15 836,64 euros au titre des intérêts ayant couru sur cette somme du 31 juillet 2017 au 29 octobre 2018 ; - les dépens de la présente instance à hauteur de moitié ;

Condamne la SCI Foncière de Beaugrenelle aux dépens de la présente instance à hauteur de la moitié ;

Condamne la SCI Foncière de Beaugrenelle à payer à la société Face Île-de-France la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SCI Foncière de Beaugrenelle à payer à la société Calq la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Ordonne l'exécution provisoire.

Par déclaration en date du 7 octobre 2021, la SCI Foncière de Beaugrenelle a interjeté appel du jugement, intimant la société Calq.

Par déclaration en date du 7 octobre 2021, la société Face Île-de-France a interjeté appel du jugement, intimant la SCI Foncière de Beaugrenelle.

Les deux affaires ont été jointes par ordonnance de jonction du 28 octobre 2021.

EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 8 novembre 2023, la SCI Foncière de Beaugrenelle demande à la cour de :

En premier lieu ;

Dire et juger que la SCI Foncière de Beaugrenelle n'avait pas connaissance des travaux supplémentaires commandés par la société Cef à la société Face Île-de-France pour un montant de 69 549,00 euros HT ;

Dire et juger que la SCI Foncière de Beaugrenelle n'a commis aucun manquement en ne mettant pas en demeure la société Cef de lui présenter la société Face Île-de-France pour la réalisation de travaux supplémentaires commandés dont elle n'avait pas connaissance et de délivrer à la société Face Île-de-France une garantie de paiement au titre de ces mêmes travaux ;

En conséquence,

Confirmer le jugement en ce qu'il a limité la condamnation de la SCI Foncière de Beaugrenelle à la somme de 57 213,60 euros HT correspondant à la différence entre le solde des travaux dont il est demandé le paiement (126 762,60 euros HT) et le montant des travaux supplémentaires commandés par la société Cef dont la SCI Foncière de Beaugrenelle ignorait l'existence (69 549,00 euros HT) ;

Confirmer le jugement rendu le 14 septembre 2021 s'agissant des modalités de calcul des intérêts sollicités par la société Face Île-de-France ;

Rejeter l'intégralité des demandes de la société Face Île-de-France ;

En second lieu :

Infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'appel en garantie formé par la SCI Foncière de Beaugrenelle à l'encontre de la société Calq ;

Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SCI Foncière de Beaugrenelle à verser à la société Calq une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau, condamner la société Calq à relever indemne et garantir la SCI Foncière de Beaugrenelle des condamnations qui ont été prononcées à son encontre aux termes du jugement du 14 septembre 2021 et de l'ensemble des autres condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au titre des demandes formées par la société Face Île-de-France ;

Rejeter toutes les demandes formées par la société Calq ;

En tout état de cause,

Condamner in solidum la société Face Île-de-France et la société Calq à verser à la SCI Foncière de Beaugrenelle une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner les mêmes aux entiers dépens.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 20 mai 2022, la société Face Île-de-France demande à la cour de :

Infirmer le jugement en ce qu'il :

- Condamne la SCI Foncière de Beaugrenelle à payer à la société Face Île-de-France la somme de 57 213,60 euros ;

- Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

- Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Et, statuant à nouveau,

A titre principal :

Condamner la SCI Foncière de Beaugrenelle à payer à

la société Face Île-de-France la somme de 126 762,60 euros ;

Condamner la SCI Foncière de Beaugrenelle à payer la société Face Île-de-France la somme de 15 836,64 euros ;

Dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, conformément à l'article 1153-1

du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause ;

A titre subsidiaire :

Condamner la SCI Foncière de Beaugrenelle à payer à

la société Face Île-de-France la somme de 91 988,10 euros ;

la SCI Foncière de Beaugrenelle à payer à la société Face Île-de-France la somme de 11 492,21 euros ;Dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, conformément à l'article 1153-1 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause ;

A titre très subsidiaire :

Condamner la SCI Foncière de Beaugrenelle à payer à la société Face Île-de-France la somme de 57 213,60 euros ;

Condamner la SCI Foncière de Beaugrenelle à payer à la société Face Île-de-France la somme de 7 147,78 euros ;

Dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, conformément à l'article 1153-1

du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause ;

En tout état de cause :

Condamner la SCI Foncière de Beaugrenelle a payer à la société Face Île-de-France la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la SCI Foncière de Beaugrenelle au paiement des entiers dépens, et dire que ces derniers pourront être directement recouvrés par la société Karila, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 25 octobre 2023, la société Calq demande à la cour de :

Déclarer l'appel interjeté par la SCI Foncière de Beaugrenelle recevable mais mal fondé et confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté toutes les demandes de cette SCI à son encontre et lui a accordé une indemnité au titre des frais irrépétibles ;

Y ajoutant,

Condamner la SCI Foncière de Beaugrenelle à lui payer une somme de 8 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;

En effet,

Déclarer cet appel en garantie mal fondé, la SCI Foncière de Beaugrenelle ayant engagé sa responsabilité propre pour n'avoir pas veillé au respect par la société Cef de ses obligations à l'égard du sous-traitant la société Face Île-de-France, sans pouvoir répercuter cette responsabilité sur son maître d''uvre ;

Juger que la société Calq n'a commis aucune faute, aucun manquement à son contrat ou à ses obligations générales, et n'a pas engagé sa responsabilité ;

Rejeter purement et simplement l'appel en garantie formé par la SCI Foncière de Beaugrenelle ;

À titre infiniment subsidiaire,

Juger que la responsabilité de la société Calq ne peut être qu'infiniment résiduelle compte tenu de la responsabilité

propre de la SCI Foncière de Beaugrenelle elle-même et du maître d''uvre qui a succédé à la société Calq et que la société n'a pas cru devoir mettre en cause ;

Condamner la SCI Foncière de Beaugrenelle à lui payer une somme de 8 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel et aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 novembre 2023.

MOTIVATION

Sur la demande principale du sous-traitant, la société Face Île-de-France

En ce qui concerne les travaux supplémentaires prévus par l'avenant du 2 janvier 2017 :

Moyens des parties :

La société Face Île-de-France soutient que c'est à tort que le tribunal a limité la condamnation du maître de l'ouvrage à lui payer le solde du marché initial, à l'exclusion des travaux supplémentaires. Elle fait valoir que les premiers juges ont opéré une confusion entre la question de la connaissance de l'intervention du sous-traitant sur le chantier, relative à la sous-traitance « irrégulière » prévue par l'article 14-1 alinéa 2 (1er tiret) et celle de l'acceptation du sous-traitant et agrément de ses conditions de paiement, relative à la sous-traitance « régulière » prévue par l'article 14-1 alinéa 3 (2ème tiret). Elle indique qu'elle entendait rechercher la responsabilité de la SCI sur le fondement de l'article 14-1 alinéa 3 pour ce qui concerne les seuls travaux objets du marché de base du 7 octobre 2015, dès lors que la SCI l'avait expressément acceptée en qualité de sous-traitant, et qu'elle s'est abstenue de mettre en demeure la société Cef de lui fournir le cautionnement prévu par ces dispositions. Elle précise que s'agissant en revanche des travaux supplémentaires, objets de l'avenant du 2 janvier 2017, elle fondait sa demande en paiement sur l'article 14-1 alinéa 2 applicable à l'hypothèse du sous-traitant non agréé, qui conditionne seulement la responsabilité du maître d'ouvrage à la simple connaissance de l'intervention du sous-traitant pour la réalisation des travaux, peu important qu'il n'ait pas eu connaissance de l'acte de sous-traitance ni du montant des travaux sous-traités et, a fortiori, qu'il n'ait pas accepté le sous-traitant.

La SCI Foncière de Beaugrenelle soutient que c'est à juste titre que les premiers juges ont limité sa condamnation au solde du marché initial. Elle fait valoir que la responsabilité du maître de l'ouvrage ne peut pas être recherchée sur le fondement de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 pour la part des travaux supplémentaires commandés par l'entreprise générale au sous-traitant et dont le maître de l'ouvrage ignorait l'existence. Elle indique qu'elle n'avait, en effet, connaissance de l'intervention du sous-traitant que pour le marché initial, de sorte que le montant de l'avenant lui est inopposable. Elle précise qu'il ne peut par ailleurs lui être reproché de n'avoir pas mis en demeure la société Cef de lui présenter le sous-traitant pour des travaux supplémentaires dont elle n'avait pas connaissance, ni de lui fournir une garantie de paiement.

Réponse de la cour :

Selon l'article 14-1 de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance :

- le maître de l'ouvrage doit, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant n'ayant pas fait l'objet des obligations définies à l'article 3 ou à l'article 6, ainsi que celles définies à l'article 5, mettre l'entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s'acquitter de ces obligations ;

- si le sous-traitant accepté, et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, ne bénéficie pas de la délégation de paiement, le maître de l'ouvrage doit exiger de l'entrepreneur principal qu'il justifie avoir fourni la caution.

Ces dispositions permettent au sous-traitant d'obtenir, sous forme de dommages et intérêts, le paiement du solde du prix des travaux restant dus en recherchant la responsabilité pour faute du maître de l'ouvrage en cas de manquements par ce dernier aux obligations qu'elles prévoient.

Le maître de l'ouvrage est tenu des obligations instituées par ces dispositions dès qu'il a connaissance de l'existence du sous-traitant, nonobstant son absence sur le chantier et l'achèvement de ses travaux ou la fin du chantier (3e Civ., 11 septembre 2013, pourvoi n° 12-21.077, Bull. 2013, III, n° 105).

En cas de travaux supplémentaires confiés par l'entrepreneur principal au sous-traitant agrée par le maître de l'ouvrage au titre du marché principal, le maître de l'ouvrage n'est tenu à ces obligations que lorsqu'il a connaissance de l'intervention du sous-traitant au titre de ces travaux (3e Civ., 10 mars 2015, pourvoi n° 13-28.05).

En l'espèce, la société Face Île-de-France s'est vu confier par l'entreprise générale, suivant avenant du 2 janvier 2017, l'exécution de travaux supplémentaires portant sur la « pose de cassettes buren » et des « travaux liés FTM12 ».

Il ressort des pièces versées aux débats que des échanges de courriels ont pu avoir lieu, notamment entre les mois de juin et octobre 2016, entre la société Face Île-de-France et le maître de l'ouvrage au sujet d'un projet de pose de cassettes buren.

Toutefois, ces seuls échanges directs, qui ne faisaient état que de discussions hypothétiques et qui ont cessé suite à la demande adressée par l'entreprise générale au sous-traitant en décembre 2016, ne peuvent suffire à établir que la SCI avait connaissance d'une intervention effective de la société Face Île-de-France au titre des travaux supplémentaires prévus par l'avenant du 2 janvier 2017.

Dès lors, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé qu'en l'absence de connaissance par le maître de l'ouvrage de l'intervention de la société Face Île-de-France au titre des travaux supplémentaires, la SCI Foncière de Beaugrenelle ne pouvait être tenue au paiement du solde de ces travaux à la société Face Île-de-France. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

En ce qui concerne le solde du marché initial :

Moyens des parties :

La société Face Île-de-France soutient que la SCI est redevable du solde du marché de base à hauteur de 91 988,10 euros et non de 57 213,60 euros comme l'ont retenu les premiers juges, dès lors que compte tenu des paiements intervenus au titre des travaux supplémentaires, seuls 50% du montant de ces travaux peuvent être soustraits à sa réclamation.

La SCI Foncière de Beaugrenelle soutient que c'est à juste titre que les premiers juges ont limité sa condamnation à la somme de 57 213,60 euros correspondant à la différence entre le solde des travaux dont il était demandé le paiement (126 762,60 euros HT) et le montant des travaux supplémentaires commandés par la société Cef et dont elle ignorait l'existence (69 549 euros HT).

Réponse de la cour :

S'agissant du fondement de la responsabilité de la SCI, il y a lieu de rappeler que les premiers juges ont retenu que celle- ci avait manqué à son obligation édictée par l'article 14-1 alinéa 3 de la loi susvisée en ne s'assurant pas de la fourniture effective par la société Cef d'une caution au sous-traitant, accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées.

S'agissant du solde du marché principal, les parties ne font que reprendre devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance.

En l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle approuve, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties en condamnant la SCI Foncière de Beaugrenelle à payer à la société Face Île-de-France la somme de 57 213,60 euros au titre du solde de ce marché.

Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée sur ce point.

En ce qui concerne les intérêts de retard :

Moyens des parties :

La société Face Île-de-France soutient que le montant des intérêts de retard dus par la SCI s'élève, en cas de limitation de la condamnation du maître de l'ouvrage à la somme de 57 213,60 euros, à la somme de 7 147,78 euros, suivant le taux d'intérêt appliqué par la Banque Centrale Européenne à son opération de refinancement applicable au 2ème semestre 2017, majoré de 10 points ' soit en l'espèce 10% ', conformément à l'article L. 441-6 du code de commerce, et à la facture du 23 mai 2017. Elle relève à cet égard que ces intérêts de retard, dus par la société Cef et dont la SCI devait répondre en tant que responsable du préjudice financier subi par le sous-traitant, font partie intégrante de ce préjudice.

La SCI Foncière de Beaugrenelle soutient qu'en première instance, le tribunal n'a pas été saisi d'une demande précise formée à son encontre au titre des intérêts de retard du paiement de la facture réclamée, et a donc à juste titre considéré que cette demande s'assimilait à un intérêt de retard applicable à la « créance de dommages et intérêts ». Elle fait valoir que la demande de la société Face Île-de-France se heurte à la prohibition des demandes nouvelles en appel. Elle indique que le jugement doit donc être confirmé quant aux modalités de calcul des intérêts.

Réponse de la cour :

En premier lieu, il sera relevé qu'en première instance, la société Face Île-de-France sollicitait que la condamnation en principal du maître de l'ouvrage soit assortie des intérêts de retard à compter du 31 juillet 2017 au taux d'intérêt appliqué par la Banque Centrale Européenne à son opération de refinancement majoré de 10 points.

Dès lors, la SCI Foncière de Beaugrenelle, qui au demeurant ne saisit la cour, dans le dispositif de ses conclusions, d'aucune fin de non-recevoir, ne peut utilement se prévaloir du caractère nouveau en appel de cette demande.

En second lieu, d'une part, en s'abstenant d'exiger de l'entrepreneur principal, en l'absence de délégation de paiement, la caution garantissant le paiement des sommes dues en application du sous-traité, le maître de l'ouvrage, qui avait accepté et agréé la sous-traitance, est tenu, en raison de sa faute délictuelle, de payer au sous-traitant, des dommages-intérêts équivalents au juste coût des travaux exécutés (3e Civ., 18 février 2015, pourvoi n° 14-10.604, 14-10.632, Bull. 2015, III, n° 20).

L'indemnisation dont est tenu le maître de l'ouvrage à l'égard du sous-traitant à titre de dommages et intérêts correspond donc, en cas de manquement, comme en l'espèce, à l'obligation d'exiger de l'entrepreneur principal la fourniture d'une caution, au préjudice correspondant à la différence entre les sommes qu'il aurait dû percevoir si un établissement financier avait cautionné son marché et celles qu'il a effectivement perçues (3e Civ., 5 juin 1996, pourvoi n°94-17.475, 94-17.371, Bulletin 1996, III, n° 134).

D'autre part, la pénalité de retard prévue par l'article L. 441-6 du code de commerce, qui sanctionne, entre professionnels, le non-paiement des factures constitue un intérêt moratoire (Com., 10 novembre 2015, n°14-15.968, Bull. 153).

En l'espèce, la société Face Île-de-France se borne à réclamer le paiement de la pénalité de retard prévue par l'article L. 441-6 du code de commerce au motif que cette pénalité lui était due par la société Cef, dont la SCI doit répondre en tant que responsable de son préjudice financier résultant du défaut de paiement à l'échéance de sa créance par l'entrepreneur général.

Toutefois, elle n'assortit sa demande d'aucune précision relative à l'absence de cautionnement, et n'allègue pas qu'elle aurait dû percevoir une telle pénalité si un établissement financier avait cautionné son marché.

Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande et en ce qu'il a assorti la condamnation de la SCI des intérêts au taux légal à compter du jugement.

Sur l'appel en garantie formé par la SCI Foncière de Beaugrenelle à l'encontre de la société Calq

Moyens des parties :

La SCI Foncière de Beaugrenelle soutient que c'est à tort que le tribunal a considéré que l'appel en garantie formé par elle à l'encontre de la société Calq ne pouvait prospérer en l'absence de préjudice caractérisé, et à titre surabondant, que cette société n'aurait commis aucun manquement à son obligation générale de conseil ni aux obligations contractuelles dont elle était débitrice. Elle considère qu'il n'existe, dans la loi du 31 décembre 1975, aucune interconnexion entre, d'une part, le préjudice susceptible d'être indemnisé au titre de l'article 14-1 -et imputable au maître d''uvre ayant manqué à ses obligations contractuelles- et, d'autre part, le solde qui pourrait rester dû par la maîtrise d'ouvrage à l'entrepreneur principal. Elle indique qu'en tout état de cause, elle n'est débitrice d'aucune somme à l'égard de la société Cef, tel que cela ressort du décompte général définitif transmis à la société Cef le 20 juin 2018 qui n'a pas été contesté par cette dernière. Elle affirme que le raisonnement tenu par les premiers juges revient à conférer au sous-traitant plus de droit que n'en dispose l'entreprise principale. Elle fait valoir que la société Calq a manqué à son devoir de conseil en lui demandant, sans aucune réserve, de signer la demande d'agrément présentée par l'entreprise principale et qu'elle a également failli à sa mission de gestion des sous-traitants.

La société Calq sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté toutes les demandes de la SCI Foncière de Beaugrenelle à son encontre. Elle soutient à titre principal que la SCI ne justifie d'aucun préjudice, dès lors que le maître d'ouvrage, tenu en tout état de cause de payer les travaux exécutés pour son compte, doit, s'il ne les paie pas à l'entrepreneur principal, les payer au sous-traitant. A titre subsidiaire, elle fait valoir qu'ainsi que l'a relevé le tribunal, elle n'a commis aucune faute en relation avec le préjudice dont se prévaut la SCI. Elle indique que la SCI répond vis-à-vis de la société Face Île-de-France de sa propre faute, dès lors qu'elle connaissait son intervention sur le chantier, sans pouvoir s'exonérer de sa responsabilité propre en la répercutant sur le maître d''uvre. Elle considère qu'aucun manquement à ses obligations contractuelles ne lui est imputable, dès lors qu'elle n'était chargée que d'une maîtrise d''uvre technique et non d'une maîtrise d''uvre administrative, et qu'en outre la SCI était assistée tout au long du chantier d'un professionnel de l'immobilier, la société Euragone.

Réponse de la cour :

Selon l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

L'article 1147 du même code prévoit que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Il entre dans la mission du maître d''uvre dont le contrat inclut expressément la direction des travaux et leur coordination, d'alerter le maître de l'ouvrage sur la présence sur le chantier d'un sous-traitant non agréé (3e Civ., 10 février 2010, pourvoi n° 09-11.562, Bull. 2010, III, n° 35).

Toutefois, il convient de rechercher si le devoir de conseil du maître d''uvre lui faisait obligation d'informer le maître de l'ouvrage des démarches utiles qu'il lui incombait d'exécuter personnellement pour satisfaire aux prescriptions de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, ainsi que des conséquences du défaut de respect de ces prescriptions.

En l'espèce, ainsi que le soutient la SCI, la société Calq était chargée d'une mission complète de maîtrise d''uvre d'exécution du 24 octobre 2014 et était notamment tenue, selon l'article 5.2.1 du contrat, de « préparer à l'attention du maître d'ouvrage le dossier marché pour signature, en ayant au préalable approuvé l'ensemble des documents qu'il devra comprendre et notamment : (') 3. Les pièces spécifiques à chaque entreprise sous-traitante (soumission, bordereaux, plans d'exécution, notes techniques) complétées par le marché relatif à chacun des lots ».

Pour autant, aucune stipulation de ce contrat ni du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) ne lui imposait, en cas d'intervention d'un sous-traitant agréé, d'attirer l'attention du maître de l'ouvrage sur les conséquences financières d'une absence de cautionnement.

En l'absence de tout manquement du maître d''uvre à ses obligations contractuelles et à son devoir général de conseil, la SCI n'est pas fondée à l'appeler en garantie des sommes dues au sous-traitant et le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cet appel en garantie.

Sur les frais du procès

Le jugement sera confirmé sur les condamnations aux dépens de première instance et au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En cause d'appel, il y a lieu de condamner la SCI Foncière de Beaugrenelle aux dépens, et d'admettre les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La SCI Foncière de Beaugrenelle sera condamnée à payer à la société Calq la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

En revanche, les autres demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS La cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant

Condamne la SCI Foncière de Beaugrenelle aux dépens d'appel ;

Admet les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne la SCI Foncière de Beaugrenelle à payer à la société Calq la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Rejette les autres demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile.