CA Lyon, 8e ch., 18 septembre 2024, n° 23/00836
LYON
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
AB Medica (SAS)
Défendeur :
Conmed Corporation (Sté), Conmed France (SASU)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Boisselet
Conseillers :
Mme Drahi, M. d'Ussel
Avocats :
Me Laffly, Me Ruffa, Me Aguiraud, Me Le Guillou, Me Panneau
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant contrat de distribution du 9 juillet 2013, la SAS AB Medica s'est vu confier la distribution exclusive en France des produits de la société SurgiQuest Inc, fabricant du dispositif médical AirSeal (insuflateur de CO2) utilisé dans les chirurgies abdominales peu invasives.
Le 4 janvier 2016, la société SurgiQuest Inc est devenue une filiale à 100% de la société de droit américain ConMed Corporation, spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de dispositifs médicaux destinés à la chirurgie.
Les parties ont mis un terme au contrat de distribution antérieur et, suivant contrat de distribution à effet au 1er septembre 2016, la SAS ConMed France, filiale de la société ConMed Corporation, a confié à la société AB Medica la distribution exclusive en France de certains des produits listés dans une annexe, soit les produits «'AirSeal iFS et produits consommables accessoires'».
Ce contrat a été conclu pour une durée initiale expirant le 31 décembre 2019, renouvelable automatiquement pour une période de 2 ans, soit jusqu'au 31 décembre 2021. En cas de cessation du contrat à son terme, son article 8.04 c) prévoyait la reprise par la société ConMed de la distribution exclusive en France des produits AirSeal par voie de cessions des contrats d'approvisionnement de droit public ou de droit privé en cours entre son ancien distributeur et les propres clients de ce dernier, tout en ménageant la poursuite de ces contrats par AB Medica pour ceux qui ne peuvent pas être cédés.
Par lettre recommandée du 24 juin 2021, la société ConMed France a notifié à la société AB Medica son intention de ne pas renouveler le contrat de distribution à son terme, précisant qu'elle continuerait «'à accepter des commandes raisonnables jusqu'à la date d'expiration'».
Par la suite, les parties se sont opposées sur l'identification des contrats «'couverts par l'article 8.04 c) » (entendus comme les contrats qui ne peuvent pas être cédés) et, par courriel du 13 janvier 2022, la société ConMed a considéré, après analyse des documents transmis, que seuls 21 des 59 contrats revendiqués par AB Medica sont des appels d'offre ou contrats d'approvisionnement tombant sous le coup de l'article 8.04 pour lesquels elle continuera, jusqu'à leur date d'expiration et sur justification de la commande de l'hôpital, à fournir le distributeur en quantité suffisante.
Par assignation du 16 août 2022, la société AB Medica a attrait les sociétés ConMed Corporation et ConMed France devant la formation de référés du tribunal de commerce de Lyon à l'effet de les voir condamnées sous astreinte, d'une part, à valider et livrer chaque commande passée par AB Medica dans les conditions ayant habituellement cours entre les parties, et d'autre part, de ne pas approcher les hôpitaux aux fins de reprise/transfert/substitution des contrats d'approvisionnement en cours.
Par ordonnance de référé rendue contradictoirement le 10 janvier 2023, le Président du Tribunal de commerce de Lyon a statué ainsi':
NOUS DECLARONS compétent pour connaître de l'affaire,
DEBOUTONS la société AB Medica de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
INVITONS la société AB Medica à se mieux pourvoir devant les juges du fond si elle l'estime nécessaire,
JUGONS que la société ConMed dispose du droit d'approcher les établissements de santé listés par AB Medica dans le constat d'huissier établi à sa requête, afin que soit déterminée la position de chaque client sur le transfert des contrats en cours,
DEBOUTONS la société ConMed de sa demande tendant à faire injonction sous astreinte à la société AB Medica de cesser de promouvoir et vendre tous produits concurrents aux produits AirSeal,
CONDAMNONS la société AB Medica à payer à la société ConMed Corporation la somme de 10'000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNONS la société AB Medica à payer à la société ConMed France la somme de 10'000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNONS la société AB Medica aux dépens de l'instance.
Pour fonder sa décision, le juge consulaire a considéré':
Que les 54 contrats d'approvisionnement revendiqués par AB Medica comme étant en cours et autant d'établissements hospitaliers ne sont pas produits mais que, même s'ils l'étaient, le juge des référés, juge de l'évidence, ne pourrait faire droit à la demande puisque l'interprétation de l'article 8.04 c), soumis au droit américain et nécessitant de discuter de notions complexes du droit français de la commande publique pour apprécier la cessibilité des contrats, excède ses pouvoirs ;
Que AB Medica ne rapporte pas la preuve d'un trouble manifestement illicite qui serait constitué par une violation des prévisions du contrat dont l'interprétation excède les pouvoirs du juge des référés';
Que le dommage imminent qui résulterait de la rupture d'approvisionnement des services hospitaliers n'est pas non plus démontré'; que même s'il existait, il ne serait causé que par le propre comportement d'AB Medica qui s'est engagée auprès de ses clients à livrer après la fin du contrat de distribution, alors qu'elle ne pouvait ignorer que la plus grande partie des engagements devait être transférée à ConMed aux termes du contrat ;
Qu'il appartient aux établissements hospitaliers de déterminer si les contrats d'approvisionnement conclus avec la société AB Medica sont transférables à la société ConMed ; qu'il ne peut y avoir lieu à analyse des contrats d'approvisionnement sans que la société ConMed ne prenne attache auprès des établissements hospitaliers utilisateurs des produits AirSeal dont elle est le fabricant.
Par déclaration en date du 3 février 2023, la SAS AB Medica a relevé appel de cette décision en tous ses chefs, à l'exception, d'une part, du chef portant sur la compétence, et d'autre part, du chef ayant débouté les sociétés ConMed de leur demande reconventionnelle.
Par avis de fixation du 20 février 2023 pris en vertu de l'article 905 et suivants du Code de procédure civile, l'affaire a été fixée à bref délai.
Parallèlement, quatre autres procédures ont été engagées par les parties':
La société AB Medica, devenue distributeur d'un produit concurrent de marque Lexion lancé sur le marché en 2022, a saisi la formation de référé du tribunal administratif de Paris en suspension ou annulation d'un marché conclu entre l'Agence Générale des Équipements et Produits de Santé (AGEPS) de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) avec la société ConMed France pour non-respect des procédures de publicité et de mise en concurrence et, par jugement rendu le 30 mai 2023, la juridiction administrative a annulé le contrat désigné «'accord-cadre à bons de commande n°23-104E'» conclu le 14 mars 2023, cette décision étant définitive en l'absence de recours.
La société AB Medica a sollicité, par requêtes des 28 septembre et 4 novembre 2022, et obtenu, par ordonnances des 17 octobre et 18 novembre 2022, une mesure de sasie de documents au siège de la société ConMed France à l'effet de documenter une éventuelle action en concurrence déloyale. L'huissier a procédé aux opérations de saisie du 7 décembre 2022 au 25 janvier 2023 et le 30 décembre 2022, la société ConMed a engagé une procédure en rétractation de cette ordonnance (affaire en cours).
Les sociétés ConMed ont à leur tour saisi le président du tribunal de commerce de Bourges afin d'obtenir une mesure de saisie de documents au siège de AB Medica, laquelle mesure a été autorisée le 27 mars 2024 et exécutée les 11 et 12 avril 2024. Une procédure en rétractation est en cours.
Les sociétés ConMed ont engagé une procédure au fond aux États-Unis en juin 2024 afin d'obtenir la condamnation d'AB Medica aux titres de manquements de sa part au contrat de distribution.
***
Aux termes de ses écritures remises au greffe par voie électronique le 14 juin 2024 (conclusions récapitulatives n°3), la SAS AB Medica demande à la cour':
Vu les articles 4, 9, 31 et 122 du Code de procédure civile,
Vu les articles 563 et 564 du Code de procédure civile,
Vu l'article 768 du Code de procédure civile,
Vu les articles 872 et 873 du Code de procédure civile,
Vu l'article L. 131-1 du Code des procédures civiles d'exécution,
Vu les articles L.2194-1 et R.2194-1 du Code de la commande publique,
Vu la Directive 2014/24/UE,
Vu l'article 1200 du Code civil,
Vu l'article 1729 du Code Général des Impôts,
Vu l'urgence,
Vu l'existence d'un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser et un dommage imminent de prévenir,
INFIRMER l'ordonnance rendue par le juge des référés de Lyon le 10 janvier 2023, enregistrée sous le numéro 2022R683 en ce qu'elle': (reprise des chefs critiqués de la décision attaquée),
Statuant à nouveau :
RECEVOIR la société AB Medica en ses demandes, fins, moyens et prétentions,
DEBOUTER la société ConMed Corporation et la société ConMed France en ses demandes, fins, moyens et prétentions,
DECLARER IRRECEVABLES car nouvelles en appel les prétentions de ConMed France et ConMed Corporation tendant à :
« FAIRE INJONCTION à AB Medica de ne pas s'opposer à la reprise des marchés et engagements par ConMed lorsque l'établissement client en a confirmé la possibilité, sous astreinte de 10'000 euros par infraction constatée.
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour infirmait l'ordonnance et enjoignait à ConMed de poursuivre les livraisons relatives à certains établissements de santé, FAIRE INJONCTION à AB Medica, dans le cadre de tout engagement que la Cour enjoindrait à ConMed de livrer, de justifier des quantités commandées par le client final pour chaque commande adressée à ConMed »,
ET LES EN DEBOUTER ;
ENJOINDRE à la société ConMed Corporation et à la société ConMed France, de valider chaque commande passée par AB Medica sur les Produits AirSeal dans les 24 heures de sa réception dans les conditions habituelles ayant cours entre les parties depuis 2016, c'est-à-dire sans besoin de justifier de l'identité de l'Hôpital client et de l'import de sa commande, sous astreinte de 5'000 euros par jour de retard dans le cadre des engagements conclus avec les Hôpitaux avant le 31 décembre 2021 et qui sont toujours en cours depuis le 1er janvier 2022, tels que listés par la société AB Medica à l'attention des sociétés susvisées et tels que mis à jour et constatés par Huissier en Pièce n°54, ce jusqu'à leurs termes respectifs ou jusqu'à leur transfert à ConMed France ou, par impossible, à ConMed Corporation, à savoir (hors marchés terminés et sous réserve d'une prorogation du marché initial à l'initiative de l'Hôpital) :
CH PIERRE OUDOT jusqu'au 30 juin 2024,
CH DE [Localité 10] jusqu'au 24 février 2025
CH [Localité 5] jusqu'au 16 mars 2025
CH [Localité 3] jusqu'au 18 juillet 2025
CHU [Localité 7] jusqu'au 2 juillet 2025
GH [9] jusqu'au 30 juin 2024
CHRU [14] jusqu'au 25 juin 2026
CLINIQUE [Localité 23] jusqu'au 28 avril 2025
CH DE [Localité 13] jusqu'au 1er avril 2026
MEDIPOLE DE SAVOIE jusqu'au 10 mars 2025
UNIHA et tous ses adhérents jusqu'au 30 septembre 2024
CLINIQUE [24] jusqu'au 19 mai 2025
CHU [Localité 8] jusqu'au 10 juin 2024
CHU [Localité 21] jusqu'au 4 janvier 2025
CHU [Localité 25] jusqu'au 18 mai 2026
CHU [Localité 20] jusqu'au 31 décembre 2024
GH BRETAGNE SUD-LORIENT jusqu'au 20 janvier 2025
« ETUDE P-NeLop » pendant la durée de l'étude pour tous ses participants
POLYCLINIQUE DE NAVARRE jusqu'au 9 septembre 2024
CHU [Localité 17] jusqu'au 17 septembre 2024
CHU DE [Localité 18] (GHT 06 et tous ses adhérents) jusqu'au 30 novembre 2024
HOPITAL EUROPEEN jusqu'au 31 décembre 2024
INSTITUT [19] jusqu'au 22 février 2026
CH [Localité 12] jusqu'au 9 octobre 2024
CH DE [Localité 6] jusqu'au 20 juin 2025
AP-HP (AGEPS) jusqu'au 3 novembre 2025
CH DE [Localité 11] jusqu'au 21 janvier 2025
GHEF jusqu'au 30 juin 2024
CH DE [Localité 26] jusqu'au 22 octobre 2025
HIA SAINT-ANNE jusqu'au 25 novembre 2024 pour l'OPC020717 et 25 novembre 2025 pour l'OPC020719
A titre subsidiaire, ENJOINDRE à la société ConMed Corporation et à la société ConMed France de livrer jusqu'à leur terme les marchés qu'elles ont expressément reconnus et pour lesquels elles se sont expressément engagées à livrer AB Medica afin qu'elle les approvisionne jusqu'à leur terme en vertu des courriers adressés à AB Medica les 6 et 13 janvier 2022, à savoir (Pièce n°24 et Pièce n°26) (hors marchés terminés et sous réserve d'une prorogation du marché initial à l'initiative de l'Hôpital) :
CH PIERRE OUDOT jusqu'au 30 juin 2024
UNIHA (tous les adhérents) jusqu'au 30 septembre 2024
CHU [Localité 5] jusqu'au 16 mars 2025
CH [Localité 3] jusqu'au 18 juillet 2025
CHU DE [Localité 18] jusqu'au 30 novembre 2024
CHU [Localité 21] jusqu'au 4 janvier 2025
CHU [Localité 20] jusqu'au 31 décembre 2024
CHU DE [Localité 17] jusqu'au 17 septembre 2024
AGEPS (AP-HP) jusqu'au 3 novembre 2025
ENJOINDRE à la société ConMed Corporation et à la société ConMed France de livrer chaque commande passée par AB Medica sur les Produits AirSeal dans les 5 jours de la validation de la commande dans les conditions habituelles ayant cours entre les parties depuis 2016, sous astreinte de 10'000 euros par jour de retard dans le cadre des engagements conclus avec les Hôpitaux avant le 31 décembre 2021 et qui sont toujours en cours depuis le 1er janvier 2022, tels que listés par la société AB Medica à l'attention des sociétés susvisées constatés par Huissier dans le cadre des présentes en Pièce n°54 mis à jour et listés ci-dessus et, subsidiairement, dans le cadre de tout engagement que la présente juridiction ordonnerait à ConMed d'exécuter.
ENJOINDRE à la société ConMed Corporation et à la société ConMed France de ne pas approcher les Hôpitaux aux fins de reprise/transfert/substitution dans le cadre des engagements conclus avec les Hôpitaux avant le 31 décembre 2021 et qui sont toujours en cours depuis le 1er janvier 2022, tels que listés par la société AB Medica à l'attention des sociétés susvisées et constatés par Huissier dans le cadre des présentes en Pièce n°54 mis à jour et listés ci-dessus, et, subsidiairement, dans le cadre de tout engagement que la présente juridiction ordonnerait à ConMed d'exécuter, sous peine d'astreinte de 50'000 euros par infraction démontrée.
EN TOUT ETAT DE CAUSE
DEBOUTER la société ConMed Corporation et la société ConMed France de l'intégralité de leurs prétentions,
CONDAMNER solidairement la société ConMed Corporation et la société ConMed France à payer à la société AB Medica la somme de 50'000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNER solidairement la société ConMed Corporation et la société ConMed France aux entiers dépens de première instance et d'appel.
En fait, elle expose que, pour respecter les stipulations contractuelles et assurer une transition concertée, elle a, dès le mois de juillet 2021, communiqué à ConMed une liste exhaustive de ses engagements en cours avec de nombreux hôpitaux. Elle précise avoir réitéré cette démarche le 10 janvier 2022 conformément au contrat. Elle déplore que les sociétés ConMed en aient profité pour approcher les clients avant même la fin du contrat de distribution exclusive, multipliant les man'uvres préjudiciables. Elle affirme en particulier que les sociétés ConMed ont':
approché les hôpitaux pour présenter un produit de la gamme AirSeal (robotique AirSeal Solution) dont le lancement en France a vraisemblablement été retardé par le fabricant dans le seul objectif de soustraire ce produit à l'exclusivité dont elle bénéficiait,
notifié aux hôpitaux la fin des relations avec AB Medica,
menacé de rompre son approvisionnement,
réduit arbitrairement à la portion congrue le nombre de contrats reconnus comme couverts par l'article 8.04 c),
tenté de débaucher du personnel dédié à la distribution des produits,
obtenu de certains hôpitaux des conclusions de nouveaux contrats d'approvisionnement, dont celui conclu avec l'AP-HP qui a été annulé par le juge des référés administratifs,
'
Elle affirme qu'il appartient à ConMed de saisir le juge du fond si celle-ci considère que l'absence de transfert des contrats est fautive, ce que ConMed vient de faire en engageant une procédure aux États-Unis, mais qu'en tout état de cause, le juge des référés doit assurer l'effectivité de l'article 8.04 c) en contraignant ConMed à la livrer afin qu'elle puisse approvisionner les hôpitaux dans le cadre des contrats en cours tels que listés et constatés par huissier. Elle ajoute que ConMed a commis de nouvelles man'uvres déloyales en cours de procédure puisqu'elle lui a notifié une hausse des tarifs qui ne respecte pas le contrat de distribution et qu'elle ne peut pas répercuter sur les hôpitaux qu'elle approvisionne.
En droit, elle demande d'abord à la cour de déclarer irrecevables les demandes nouvelles de la société ConMed.
Sur le fond, elle considère d'une manière générale que l'ordonnance de référé doit être infirmée puisqu'elle procède à une confusion entre contrats en cours avec les hôpitaux et terme du contrat de distribution.
Elle fonde d'abord sa demande d'injonction sur l'article 872 du Code de procédure civile à raison de l'urgence de la situation et de l'existence d'un différend. Elle fait valoir que la condamnation à livrer ne suppose aucune interprétation de l'article 8.04 du contrat de distribution, lequel article a été négocié entre les parties qui en connaissent parfaitement la portée. En particulier, elle expose que cet article permet de répondre à la nécessité absolue de poursuivre la distribution de produits à l'égard des hôpitaux pour éviter toute rupture d'approvisionnement au préjudice des patients mais également de répondre aux investissements importants qu'elle a effectués.
Elle ajoute que cet article 08,4 est l'une des contreparties essentielles à son engagement de distribuer les produits, engagement pour lequel s'est dimensionnée avec la prévisibilité légitime que l'on peut attacher à la bonne exécution du contrat par toutes les parties. Elle renvoie à un constat d'huissier attestant de la communication complète de la documentation contractuelle sur l'ensemble des engagements en cours au 1er janvier 2022. Elle se défend d'avoir trompé ConMed sur la nature des marchés et elle fait valoir qu'à ce jour, malgré les nombreuses approches agressives de ConMed, aucune demande de transfert d'un marché en cours n'a été formulée par les hôpitaux. Elle fait valoir la précarité de sa situation compte tenu du comportement arbitraire et fluctuant de ConMed et l'urgence qu'il y a de la sécuriser vis-à-vis des hôpitaux. Elle souligne qu'il n'est pas besoin pour le juge des référés de se prononcer sur l'interprétation de l'article 8.04, ni de se prononcer sur la cessibilité de chaque contrat et encore moins sur la prétendue faute qu'elle aurait commise pour ne pas avoir procédé au transfert de certains contrats. Elle ramène la liste des contrats en cours à ceux dont le terme n'est pas encore arrivé, soit désormais 30 contrats sur les 54 initialement revendiqués.
Elle souligne que la problématique de la transférabilité des contrats est distincte de l'obligation de ConMed de la livrer et que cette problématique apparaît dans un second temps, sujet sur lequel le professeur [G] [F], enseignant en droit public, a établi, en tant que de besoin, un avis motivé aux termes duquel il indique que AB Medica, pas plus d'ailleurs que les établissements hospitaliers eux-mêmes, n'est en mesure de mettre un terme aux engagements en cours vis-à-vis des personnes publiques avant leur échéance. Elle indique qu'au regard des exigences du droit de la commande publique, le transfert de ces contrats n'est pas possible, sauf à détourner les règles de publicité et de mise en concurrence. Elle rappelle que la pratique de ConMed, qui incite les hôpitaux à conclure de nouveaux marchés sans mise en concurrence, a été censurée par le juge administratif dans une ordonnance du 30 mai 2023. Elle rappelle que pour contourner cette difficulté, elle avait proposé à ConMed de lui racheter globalement l'activité de distribution d'AirSeal, hypothèse admise par le Code de la commande publique. Concernant les contrats en cours avec des cliniques privées qui ne représentent selon elle que 5% de son chiffre d'affaires se rapportant aux ventes de produits AirSeal, elle fait valoir l'intuitu personae dans le cadre de la conclusion de tels engagements justifiant les clauses d'incessibilité insérées dans ces contrats d'approvisionnement. Elle fait valoir qu'à supposer que certains engagements soient considérés comme cessibles, la cession n'est pas possible en ce qu'ils ne sauraient être cédés à titre gratuit, sauf pour elle de commettre un acte anormal de gestion et une fraude fiscale.
Elle souligne l'urgence à imposer des mesures provisoires à raison du risque de rupture d'approvisionnement des hôpitaux, du risque majeur de perte des contrats en cours non-cessibles, de dommages irrémédiables et des sanctions qu'elle encourt en cas de rupture d'approvisionnement. Elle précise que ses stocks de produits ont atteint un niveau critique puisque ConMed refuse de livrer les commandes passées pour des marchés qu'elle ne reconnaît pas et que, si elle est parvenue à maintenir un stock tampon pendant la procédure de première instance, cela n'est plus le cas. Elle rappelle que le contrat de distribution prévoyait pourtant, à l'article 6.01 k), son obligation de maintenir un stock adéquat de produits afin d'être en mesure de répondre à la demande et elle estime que cette précaution conserve toute sa pertinence, même après le terme du contrat de distribution puisqu'elle doit honorer les contrats d'approvisionnement en cours. Elle reproche à ConMed de ne pas la livrer, non pas pour obtenir le transfert des marchés, puisque les sociétés intimées ont compris que cela n'était pas possible, mais pour voir ces marchés résiliés par anticipation pour faute, ce qui constitue un comportement illicite. A cet égard, elle souligne les sanctions majeures qu'elle encourt en cas de rupture d'approvisionnement, soit des pénalités de retards prévues dans les CCAG des marchés publics, mais encore la résiliation pour faute avec possibilité pour l'acheteur public de lui faire supporter les surcoûts. Elle considère que le juge des référés commet une erreur manifeste en refusant de statuer alors qu'elle rapporte la preuve d'un trouble manifestement illicite tenant à une violation flagrante des termes du contrat.
A titre subsidiaire, elle souhaite que les injonctions prononcées contre ConMed de valider dans les 24 heures et de livrer dans les 5 jours les produits AirSeal concernent, à tout le moins, les contrats dont le fabricant a admis qu'ils sont couverts par l'article 8,04.
Elle fonde ensuite sa demande d'injonction sur l'article 873 du Code de procédure civile puisque le risque de rupture d'approvisionnement des hôpitaux constitue un dommage imminent qu'il convient de prévenir. Elle souligne le risque de résiliation anticipée des marchés auquel elle est exposée, avec les sanctions qui s'y attacheraient et des impacts sur sa réputation, voire son activité. Elle invoque également la nécessité de faire cesser un trouble manifestement illicite résultant de la violation des prévisions contractuelles pour les contrats dont ConMed ne conteste pas qu'ils n'ont pas été transférés. Elle rappelle que la problématique du transfert est distincte. Elle estime que les méthodes des sociétés ConMed sont susceptibles de recevoir des qualifications pénales (abus de confiance pour avoir détourné les informations communiquées et pratiques anticoncurrentielles à raison des prix prédateurs, refus d'approvisionnement, abus de position dominante, ').
Elle demande enfin l'infirmation de l'ordonnance en ce qu'elle a jugé ConMed légitime à approcher les hôpitaux alors que la «'demande'» correspondante, à l'instar des «'demandes'» de «'dire et juger'» ne constitue pas une prétention. Elle ajoute qu'en reconnaissant un droit, la juridiction des référés a statué sur une action déclaratoire qui aurait été irrecevable si elle avait été formulée et que ce chef de la décision revient à autoriser la remise en cause des engagements en cours en désorganisant son activité et en fragilisant son réseau.
***
Aux termes de ses écritures remises au greffe par voie électronique le 6 juin 2024 (conclusions d'intimée n°5), les sociétés ConMed Corporation et ConMed France demandent à la cour':
A titre principal :
CONFIRMER l'ordonnance rendue par le juge des référés près le Tribunal de commerce de Lyon le 10 janvier 2023 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
DECLARER RECEVABLES les demandes de ConMed,
FAIRE INJONCTION à AB Medica de ne pas s'opposer à la reprise des marchés et engagements par ConMed lorsque l'établissement client en a confirmé la possibilité, sous astreinte de 10'000 euros par infraction constatée,
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour infirmait l'Ordonnance et enjoignait à ConMed de poursuivre les livraisons relatives à certains établissements de santé :
DECLARER IRRECEVABLES les prétentions tardives d'AB Medica tendant à ajouter des marchés à sa liste initiale et à permettre la prorogation des marchés au-delà de leur terme contractuel à la date d'expiration du Contrat de distribution,
DECLARER RECEVABLES les demandes de ConMed,
FAIRE INJONCTION à AB Medica, dans le cadre de tout engagement que la Cour enjoindrait à ConMed de livrer, de justifier des quantités commandées par le client final pour chaque commande adressée à ConMed,
DEBOUTER la société AB Medica de l'ensemble de ses demandes tendant à faire appliquer les conditions contractuelles relatives aux modalités de livraison, en ce compris la validation des commandes en 24 heures et la livraison des produits dans les 5 jours de la commande,
CONFIRMER pour le surplus la décision déférée en ses dispositions non contraires aux présentes,
En tout état de cause :
CONFIRMER l'ordonnance en ce qu'elle a condamné AB Medica à verser aux sociétés ConMed France et ConMed Corporation une somme de 20'000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNER AB Medica à verser aux sociétés ConMed France et ConMed Corporation la somme de 30'000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens au titre de la procédure d'appel.
En fait, elles affirment que la société AB Medica, qui ne conteste pas le non-renouvellement du contrat soumis au droit de New-York, fait tout pour organiser frauduleusement la continuation de son activité de distribution de produits Airseal en extrapolant le champ d'application de l'article 8.04 et en s'empressant de conclure de nouveaux contrats qu'elle a tout fait pour rendre non-transmissibles. Elles prétendent que AB Medica a transmis des éléments incomplets le 10 janvier 2022 sur la base desquels elles ont accepté d'exécuter les commandes pour 21 contrats en cours puisque, pour le surplus, l'impossibilité du transfert n'était pas juridiquement justifiée ou bien elles n'avaient pas suffisamment d'éléments pour le vérifier. Elles reprochent à AB Medica d'avoir indiqué aux hôpitaux qu'elle serait en mesure de les approvisionner car elle conserverait l'exclusivité, tout en cherchant à remplacer les produits Airseal par des produits concurrents. Elles ajoutent que l'appelante n'a pas hésité, malgré la décision de première instance, à s'opposer à la reprise des contrats d'approvisionnement pourtant autorisée par le client final. Elles font en particulier valoir que le tribunal administratif de Paris n'a pas annulé le contrat qu'elles ont signé avec l'AP-HP parce qu'il aurait été conclu parallèlement avec celui existant, conclus avec AB Medica, mais uniquement pour absence de mise en place d'une procédure de mise en concurrence avec le produit concurrent, mis sur le marché par AB Medica. Elles rappellent que l'article 8,04 prévoit, outre le transfert des contrats et la poursuite des livraisons pour ceux qui ne pourraient pas être cédés, la communication par le distributeur de la liste des acheteurs de produits (article 8,04 a) et l'absence d'indemnisation du distributeur à l'issue du contrat d'exclusivité (article 8,04 d).
En droit, elles considèrent que AB Medica ne rapporte pas la preuve d'une urgence puisqu'elle a continué de livré les produits AirSeal à ses clients comme la société appelante le reconnaît dans ses écritures. Elles estiment qu'il est normal le stock tampon s'amenuise puisque, pour leur part, elles honorent les commandes uniquement lorsque AB Medica justifie que ces commandes concernent les 21 contrats en cours.
Elles font valoir que les demandes de la société AB Medica se heurtent à une contestation sérieuse constituée par les difficultés d'interprétation de la clause contractuelle litigieuse. Elles considèrent que AB Medica ne pouvait pas s'engager à continuer à approvisionner ses clients à raison de son obligation de transférer à ConMed les contrats. Elles soulignent que la société appelante ne produit toujours pas les contrats dont elle prétend qu'ils seraient en cours et couverts par la clause. En tout état de cause, elles relèvent que AB Medica ne peut pas sérieusement soutenir que la liste des contrats en cours ne serait pas contestée, outre que cette argumentation revient à éluder que les contrats doivent en principe être cédés. Elles observent qu'en s'engageant unilatéralement à approvisionner les clients, la société AB Medica entend écarter le principe de la cession de ces contrats.
Elles contestent que les contrats seraient tous incessibles en application des règles impératives de la commande publique, d'abord parce que 19 des 59 contrats initialement revendiqués sont des contrats de droit privé, ensuite parce que AB Medica ne produit que les offres de prix qui, prises isolément, sans les contrats de rattachement, ne permettent pas, ni de connaître les droits et obligations des parties, ni de recevoir la qualification de marché public. Elles soulignent que la consultation du professeur [F] ne concerne qu'un seul contrat qui n'est pas représentatif. Elles ajoutent que les derniers contrats d'approvisionnement conclus par AB Medica contiennent des clauses de non-cessibilité en totale violation des dispositions du contrat de distribution. Elles font valoir qu'aucune disposition légale n'empêche la cession à titre gratuit prévue contractuellement à l'article 8,04 d).
Elles demandent la confirmation de l'ordonnance en ce qu'elle a débouté AB Medica de ses demandes fondées sur l'article 873 du Code de procédure civile, estimant d'abord que le distributeur ne rapporte pas la preuve d'un dommage imminent, sauf celui dont il est lui-même à l'origine. Elles soulignent en effet que AB Medica, informée du non-renouvellement du contrat, a signé 13 engagements postérieurement en affirmant qu'elle serait en mesure d'assurer les approvisionnements.
Elles contestent l'existence d'un trouble manifestement illicite puisqu'il supposerait, pour être retenu, que le juge interprète la clause prétendument violée. Elles ajoutent qu'en se prévalant d'une obligation de livraison pour les contrats qui n'auraient pas été cédés et non pas pour ceux qui ne peuvent pas être cédés, la société AB Medica tente de priver la clause d'efficacité puisqu'il lui suffirait de ne procéder à aucun transfert pour poursuivre les contrats jusqu'à leur terme. Elles relèvent que AB Medica leur impute un catalogue d'infractions qui ne résistent pas à l'analyse.
Elles demandent la confirmation de l'ordonnance en ce qu'elle a reconnu leur droit de se rapprocher des hôpitaux pour que ceux-ci se prononcent sur la reprise des contrats. Elles rappellent qu'elles avaient présenté une demande en ce sens. Elles souhaitent que la décision de première instance soit complétée compte tenu de l'obstruction faite par AB Medica à la transmission des marchés. Elles dénoncent une campagne d'intimidation menée par AB Medica auprès des hôpitaux pour faire échec aux transferts, soulignant le pragmatisme de la décision du premier juge qui, en s'en remettant à la demande de l'établissement de santé, permettait de mettre un terme au débat sur la cessibilité des contrats d'approvisionnement. Elles demandent ainsi à la cour de faire cesser le trouble manifestement illicite constitué par l'entrave commise par AB Medica en lui faisant injonction de ne pas s'opposer sous peine d'une astreinte de 10'000 € par infraction constatée. Elles se défendent du caractère nouveau de cette demande puisqu'elle fait suite à la révélation d'un fait postérieur à l'ordonnance de référé.
A titre subsidiaire, elles relèvent que AB Medica a ajouté 4 marchés dans sa demande subsidiaire entre ses conclusions n°1 et n°2 et elles invoquent l'irrecevabilité de cette demande sur le fondement de l'article 910-4 du Code de procédure civile. De même, elles relèvent que dans ses conclusions n°4, AB Medica ajoute une réserve concernant des éventuelles prorogations des marchés. Sur le fond, elles s'opposent à cette demande qui, selon elles, ajoute à l'article 8,04 qui vise le terme des marchés d'approvisionnement.
Elles demandent, s'il devait leur être fait injonction de livrer des produits jusqu'au terme de certains marchés, d'encadrer ces livraisons car AB Medica passe des commandes pour des quantités supérieures pour se constituer des stocks et livrer d'autres clients. Elles se défendent de l'irrecevabilité de cette demande qui ne vise qu'à écarter les prétentions adverses. Elles estiment que AB Medica ne peut se prévaloir des stipulations contractuelles d'un contrat de distribution arrivé à terme.
***
Il est renvoyé aux écritures des parties pour plus ample exposé des moyens venant à l'appui de leurs prétentions.
MOTIFS,
Sur les demandes d'injonction présentées à titre principal':
Sur le principe des injonctions sollicitées par AB Medica':
Selon l'article 872 du Code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
Le premier alinéa de l'article 873 prévoit que le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de sa compétence et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
En l'espèce, le contrat de distribution exclusive liant les parties est arrivé à terme le 31 décembre 2021 et, à l'article 8.04 organisant les obligations des parties en cas de cessation du contrat à son terme, il était notamment prévu un paragraphe c) ainsi libellé':
«'Dans les dix (10) jours suivant la fin du présent Contrat, le Distributeur doit fournir à la Société des copies de tous les appels d'offres ou accords d'approvisionnement en cours avec les clients. Dans la mesure du possible, ces appels d'offres ou contrats d'approvisionnement seront cédés à la Société par le Distributeur. Pour les appels d'offres ou les contrats d'approvisionnement qui ne peuvent être cédés, la Société accepte de continuer à fournir des Produits au Distributeur en quantités suffisantes pour satisfaire les conditions de ces contrats.'».
Cet article vise ainsi à organiser, à compter du 1er janvier 2022, la reprise par la société ConMed de la distribution exclusive en France des produits AirSeal dont elle est le fabricant, tout en ménageant la poursuite des contrats d'approvisionnement de droit public ou de droit privé en cours entre son ancien distributeur, AB Medica, et les propres clients de ce dernier, pour ceux de ces contrats qui ne peuvent pas être cédés.
A la demande de la société ConMed, qui a souhaité examiner par anticipation les appels d'offres et accords d'approvisionnement en cours, la société AM Medica a procédé à divers envois, en particulier une communication de documents via un lien «'dropbox'» par courriel du 26 novembre 2021. La société ConMed a, par courriel en réponse du 3 décembre 2021, listé les documents manquants comparativement à une liste fournie par AB Medica, laquelle a alors transmis des éléments complémentaires et fournis diverses explications notamment par retour de courriels.
En tout état de cause, une communication officielle a été réitérée par le distributeur dans le délai prévu à l'article 8.04 c), soit par courriel du 10 janvier 2022 portant sur une liste de 59 contrats en cours. Par courriel en réponse du 13 janvier 2022, la société ConMed a fait savoir qu'elle considérait, après analyse des documents transmis, que 21 contrats sont des appels d'offre ou contrats d'approvisionnement tombant sous le coup de l'article 8.04 pour lesquels elle continuera, jusqu'à leur date d'expiration, à fournir le distributeur en quantité suffisante. Le fabricant a précisé que les commandes seraient honorées sur justification par AB Medica de la commande de l'hôpital approvisionné.
Pour établir cette liste, la société ConMed explique, dans le cadre de la présente instance, qu'elle s'est attachée à identifier les engagements formellement signés et en vigueur. En réalité, le tableau récapitulatif, pièce 69 produit par AB Medica mais qui émane de la société ConMed comme ayant été produit par celle-ci en référé, montre que le fabricant a jugé impossible de se prononcer sur l'incessibilité alléguée des contrats d'approvisionnement de droit public ou de droit privé notamment pour ceux sans CCAP ou en l'état de documents contractuels jugés insuffisants.
Dès lors, la cour relève à ce stade que les objections de ConMed portaient, non pas sur l'existence des 59 contrats en cours, désormais au nombre de 30 compte tenu de l'arrivée à terme de partie d'entre eux, mais tout au plus, sur leur valeur contraignante pour AB Medica, et dès lors, sur leur incessibilité invoquée par son ancien distributeur.
Quoi qu'il en soit, la société AB Medica, qui n'a pas accepté la décision du fabricant de limiter les contrats considérés comme «'couvert par l'article 8.04'» à 21 contrats, a continué de passer des commandes de produits AirSeal pour les 59 contrats en cours dont elle se prévaut, désormais ramenés au nombre de 30 compte tenu de l'arrivée à terme de partie d'entre eux, pour lesquels elle considère qu'elle reste engagée contractuellement et dont elle explique qu'ils seraient incessibles à raison, soit des règles de la commande publique, soit de l'intuitu personae qui s'y attache.
Comme justement retenu par la décision de première instance, il n'appartient pas au juge des référés, juge de l'évidence en application de l'article 872, de départager les parties sur le périmètre des contrats «'couverts par l'article 8.04'» entendus comme les contrats incessibles pour lesquels le fabricant doit continuer d'honorer les commandes du distributeur. Ce point, dont le pendant est la détermination des contrats d'approvisionnement devant être cédés par AB Medica, constitue en réalité le différend de fond opposant les parties auxquelles il revient, le cas échéant, de saisir le juge compétent au principal.
Dès lors, il est indifférent que les 54 contrats d'approvisionnement litigieux, de droit public et de droit privé, ne soient pas produits puisque les questions de leur cessibilité, de la faute qui aurait été commise par AB Medica en l'absence de cession de ces contrats et de l'efficacité de l'article 8.04 en ce qu'il prévoit la cession desdits contrats en précisant «'dans la mesure du possible'», sont autant de questions qui relèvent du juge du fond.
Il n'y a en conséquence pas lieu d'examiner les arguments des parties, ni tenant à la définition du contrat de droit public selon que l'offre de prix s'accompagne ou non d'un contrat de mise à disposition, ni tenant à l'incessibilité de principe des contrats de droit public en l'état de la transposition de la directive 2014/24 du 26 février 2014 à l'article R.2194-6 du Code de la commande publique, ni tenant à l'absence de résiliation de plein droit des contrats d'approvisionnement par l'effet de la perte d'exclusivité du distributeur.
En revanche, la décision de première instance ajoute une condition au premier alinéa de l'article 873 en écartant tout dommage imminent au motif qu'à défaut d'avoir procédé au transfert des contrats, AB Medica serait responsable dudit dommage puisque cette argumentation revient nécessairement à se prononcer sur le débat de fond concernant la cessibilité des contrats. En réalité, le juge des référés peut prescrire des mesures provisoires, types injonction, de nature à prévenir le dommage imminent auquel l'une des parties est exposée même en présence d'une contestation sérieuse.
A cet égard, il est manifeste que le différend opposant les parties concernant le périmètre des contrats «'couverts par l'article 8.04'» génère, pour la société AB Medica, des difficultés commerciales urgentes, constitutives d'un tel dommage.
En effet, le stock de produits AirSeal détenu par la société AB Medica ne peut que s'amenuiser dès lors que le fabricant n'honore pas toutes les commandes du distributeur qui continue quant à lui de livrer l'ensemble de ses clients. Le procès-verbal dressé le 22 juillet 2022 par maître [Y] [I], huissier de justice, en procédant à des calculs sur la base du stock déclaré par le distributeur, corrélé aux prévisions de ventes calculées au moyen de statistiques des ventes effectives par produits sur les 12 dernier mois, ne fait qu'objectiver cette situation. Au delà d'une diminution, voire d'une rupture de stock en produits AirSeal, le risque commercial encouru est, plus fondamentalement, que le distributeur, tenu d'approvisionner ses clients, ne soit plus en mesure de le faire, ce qui générerait nécessairement des préjudices économiques.
Si la société appelante n'est pas fondée à invoquer les risques d'atteinte à la continuité du service public hospitalier à raison d'une rupture d'approvisionnement de ses clients en produits AirSeal, s'agissant d'un préjudice qui ne lui serait pas personnel, elle est en revanche directement concernée par le risque de voir sa responsabilité contractuelle engagée et sa réputation ternie si elle n'honorait pas les contrats d'approvisionnement, de droit public ou de droit privé, qu'elle a signés.
La société ConMed, qui considère que le péril allégué n'existe pas puisque la rupture de stock initialement invoquée devait subvenir dans les deux mois de l'assignation en référé, ne convainc pas, d'abord parce que l'existence d'un stock tampon était prévu par les prévisions contractuelles de l'article 6.01 k) imposant au distributeur de maintenir un stock adéquat de produits afin d'être en mesure de répondre à la demande, ensuite parce que la société intimée sait pertinemment que l'urgence et le dommage imminent ci-avant caractérisés se résorbent avec le temps.
En effet, les contrats d'approvisionnement litigieux arrivent progressivement à leur terme de sorte que la société AB Medica, qui en listait 54 en première instance, en dénombre désormais 30, étant observé que 4 d'entre eux arriveront à terme entre la date de l'audience de plaidoirie et la date de délibéré. Cette résorption progressive de l'ampleur des conséquences dommageables imminentes générées le litige, qui disparaîtront courant 2026 avec l'arrivée à terme du dernier contrat d'approvisionnement en produits AirSeal assumé par AB Medica, n'enlève rien à l'urgence actuelle de la situation, laquelle est avérée.
Par ailleurs, l'argument selon lequel la société AB Medica serait à l'origine du dommage imminent qu'elle allègue n'est pas pertinent, d'abord parce qu'il supposerait de retenir le principe de la cessibilité des contrats comme ci-avant évoqué, point qui relève d'un débat de fond, ensuite parce que la société appelante, tenue en vertu du contrat de distribution de développer la commercialisation des produits AirSeal, a rempli les objectifs de vente fixés par ConMed en souscrivant des contrats à durée déterminée auprès de divers établissements de santé. Pour les derniers contrats souscrits, la société AB Medica ne peut être taxée d'imprudence, avec l'évidence requise devant le juge des référés, puisque l'article 8.04, s'il prévoit la cession de ces contrats au terme du contrat de distribution, prévoit également leur poursuite pour ceux de ces contrats ne pouvant pas être cédés.
Il s'ensuit que le risque de ne pas être en mesure d'honorer les contrats d'approvisionnement auprès de ses propres clients, auquel est exposé la société appelante en l'état de la position des sociétés ConMed qui n'ont initialement reconnu que 21 marchés en cours, liste ramenée à 9 marchés reconnus compte tenu de l'arrivée à terme de certains d'entre eux, caractérise un dommage économique imminent qui est établi avec l'évidence requise devant le juge des référés. La nécessité de prévenir la survenance de ce dommage justifie, même en présence d'une contestation sérieuse tenant essentiellement au périmètre des contrats couverts par l'article 8.04 c), l'intervention du juge des référés par voie d'injonctions faites à ConMed.
La décision attaquée, en ce qu'elle a rejeté les demandes d'injonction présentées à titre principal par la société AB Medica, sera infirmée.
Statuant à nouveau, la cour fait injonction à la société ConMed France seule, puisque cette société est la destinataire des bons de commande passés par AB Medica, de fournir cette dernière en produits AirSeal pour les besoins de la poursuite des 30 contrats d'approvisionnement en cours listés par la société appelante, sans préjudice d'une éventuelle décision au fond concernant la détermination des contrats d'approvisionnement de droit public et de droit privé devant, soit être cédés par AB Medica, soit être poursuivis par AB Medica car incessibles.
Sur les délais de validation des commandes et de livraison':
Concernant les délais de validation des commandes et de livraison à intervenir pour les besoins de la poursuite des contrats d'approvisionnement en cours, la cour relève que même si le contrat de distribution est arrivé à terme et que les parties sont déliées de leurs obligations réciproques sous réserve notamment des prévisions de l'article 8.04, la société AB Medica est fondée à se prévaloir des conditions habituelles ayant jusqu'alors eu cours entre les parties. Par ailleurs, ConMed ne contestent pas que les délais étaient alors de 24 heures pour valider une commande et de 5 jours pour assumer la livraison correspondante.
En conséquence, l'injonction faite à ConMed pour les besoins de la poursuite des 30 contrats en cours lui impartira le respect de tels délais.
Sur la prorogation du terme des contrats en cours':
Les sociétés ConMed excipent de l'irrecevabilité de la demande de la société AB Medica, tendant à ménager l'hypothèse d'une prorogation des contrats en cours à l'initiative de l'hôpital, au motif que cette demande n'a pas été présentée dès le premier jeu de conclusions de l'appelante comme l'impose l'article 910-4 alinéa 1 du Code de procédure civile.
En réalité, l'alinéa 2 de ce texte précise que demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
En l'espèce, la société AB Medica justifie de courriels des 15 mai 2023 et 19 janvier 2024 par lesquels la coopérative des acheteurs hospitaliers (UNIHA) sollicite une prolongation d'un marché en cours. Ces courriels sont postérieurs au 20 mars 2023, date d'expiration du délai d'un mois dans lequel la société appelante devait présenter ses premières écritures en application de l'article 905-2. Dès lors, il est suffisamment établi que la demande d'AB Medica tendant à inclure dans l'injonction sollicitée la prorogation litigieuse est destinée à faire juger une question née postérieurement à ses premières conclusions d'appel. La fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de cette demande sera rejetée et ladite demande sera déclarée recevable.
Sur le fond, la société appelante prétend, sans être démentie, qu'elle ne peut pas s'opposer à la demande de prorogation. Par ailleurs, les sociétés ConMed, qui considèrent que la prorogation d'un contrat excéderait la lettre de l'article 8.04, lequel vise les contrats de droit public ou de droit privé «'en cours avec les clients'», ne convainquent pas puisque, par définition, la prorogation d'un contrat ne fait pas naître un nouveau contrat, mais permet simplement de différer le terme du contrat initial.
Dès lors, il sera fait droit à la demande de la société appelante tendant à inclure, dans l'injonction faite au fabricant, les éventuelles prorogations de marchés en cours mais uniquement pour les contrats en cours avec l'UNIHA et tous ses adhérents puisque cette coopérative est la seule à avoir présenté une telle demande.
Sur les autres modalités de passation des commandes':
Aux termes de l'article 564 du Code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
En l'espèce, les sociétés ConMed sollicitent, à titre subsidiaire pour le cas où elles devraient poursuivre certaines livraisons auprès d'AB Medica, qu'il soit fait injonction à cette dernière de justifier des quantités commandées par le client final.
Cette demande, qui n'avait pas été présentée en première instance, a pour objectif d'encadrer les modalités de livraison afin de se prémunir d'un risque de détournement par AB Medica de la décision de justice pour le cas où l'ancien distributeur, sous couvert d'honorer ses propres commandes, ne cherche en réalité à se constituer un stock. Ainsi entendue, cette demande n'est destinée qu'à faire écarter, même partiellement, les prétentions adverses au sens de l'article 564 précité. La fin de non-recevoir tirée du caractère nouveau en cause d'appel de cette demande sera en conséquence rejetée et ladite demande sera déclarée recevable.
Sur le fond, le principe de cette demande est parfaitement légitime compte tenu du terme du contrat de distribution qui ne survit que pour permettre à l'ancien distributeur exclusif d'honorer les contrats d'approvisionnement dont il reste tenu de répondre à l'égard de ses propres clients. Cette demande est en outre conforme aux prévisions claires et précises de l'article 8.04 c) sur ce point selon lesquelles le fabricant est tenu de «'fournir des Produits au Distributeur en quantités suffisantes pour satisfaire les conditions de ces contrats.'».
Si AB Medica disposait, en qualité de distributeur exclusif, d'un stock pour lui permettre d'être en mesure de répondre à la demande de ses clients, cette précaution n'est plus de mise compte tenu, d'une part, de la fin de l'exclusivité qui lui avait été consentie par ConMed, et d'autre part, de la circonstance que le nombre de contrats d'approvisionnement dont AB Medica reste tenue diminue avec le temps.
Dès lors et sans qu'il ne soit nécessaire de prononcer une injonction à l'encontre de la société AB Medica, il y a lieu de prévoir, au titre des modalités des commandes passées à ConMed, que l'ancien distributeur exclusif devra justifier, d'une part, de l'identité du client final, qui doit être l'un des 30 clients dont le contrat est en cours au jour de la commande qu'il passe, et d'autre part, des quantités commandées par ce client final.
Sur les demandes réciproques des parties tendant à reconnaître ou à contester à ConMed le droit d'approcher les Hôpitaux :
Sur la demande reconventionnelle de ConMed tendant à se voir reconnaître le droit d'approcher les hôpitaux':
Le deuxième alinéa de l'article 768 du Code de procédure civile énonce notamment que «'Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif'».
Par ailleurs, il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes des parties tendant à voir la cour «'juger'» lorsqu'elles ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du Code de procédure civile.
En l'espèce, les assertions de la société AB Medica selon lesquelles le juge consulaire aurait «'jugé que la société ConMed dispose du droit d'approcher les établissements de santé listés par AB Medica dans le constat d'huissier établi à sa requête, afin que soit déterminée la position de chaque client sur le transfert des contrats en cours'», sans avoir été saisi en ce sens par les écritures des sociétés ConMed, sont démenties puisque ces dernières sociétés produisent leurs conclusions de première instance comportant une telle demande. L'argumentation de la société appelante, fondée sur la méconnaissance de l'article 768 précité, sera rejetée.
Sur le fond, la cour relève que, par courriel circulaire du 18 janvier 2022, la société ConMed France a annoncé à de nombreux établissements de santé, parmi lesquels les clients de AB Medica, qu'elle reprenait en direct la distribution de divers produits, dont ceux de la gamme AirSeal.
Les sociétés intimées ont également, par un courriel personnalisé adressé à CH d'[4], démarché cet établissement en vue de lui faire signer un avenant de transfert du marché en cours avec AB Medica. Il s'ensuit que, avant même de se voir reconnaître judiciairement le «'droit'» querellé, le fabricant s'était rapproché des établissements de santé pour chercher à susciter des avenants de transfert.
Cette démarche, dès lors qu'elle ne s'accompagne pas d'actes susceptibles de constituer un comportement déloyal, type dénigrement ou désinformation notamment, est libre, d'autant plus que la libre concurrence est désormais de mise entre les parties compte tenu de la fin de l'exclusivité de la distribution des produits AirSeal.
Pour autant, cette démarche ne constitue pas à proprement parler un «'droit'» pouvant être reconnu judiciairement à défaut de pouvoir faire l'objet d'acte d'exécution forcée.
L'ordonnance attaquée, en ce qu'elle a accueillie la demande de ConMed tendant à se voir reconnaître le droit d'approcher les hôpitaux, sera infirmée.
Statuant à nouveau, la cour dit n'y avoir lieu à statuer sur cette demande qui ne constitue pas à proprement parler une prétention.
Sur la demande d'AB Medica tendant à faire injonction sous astreinte à ConMed de ne pas approcher les hôpitaux':
Il a été vu ci-avant que le débat opposant les parties concernant la cessibilité des contrats d'approvisionnement conclus entre AB Medica et ses propres clients relève du juge du fond. Ce débat n'étant pas tranché, il n'est pas établi que les «'approches'» réalisées par ConMed constitueraient un trouble manifestement illicite.
Il n'y a en conséquence pas lieu à référé sur la demande d'AB Medica tendant à faire injonction sous astreinte à ConMed de ne pas chercher à susciter la cession des contrats d'approvisionnement en cours.
Sur la demande reconventionnelle tendant à faire interdiction à AB Medica de s'opposer aux transferts':
Le premier alinéa de l'article 873 prévoit que le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de sa compétence et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Aux termes de l'article 566 du Code de procédure civile, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
En l'espèce, il est d'abord constant que la demande présentée par les sociétés ConMed tendant à «'FAIRE INJONCTION à AB Medica de ne pas s'opposer à la reprise des marchés et engagements par ConMed lorsque l'établissement client en a confirmé la possibilité, sous astreinte de 10'000 euros par infraction constatée.'» est nouvelle à hauteur d'appel. Pour autant, les sociétés intimées la présentent à juste titre comme le complément nécessaire à leur demande, qui avait été accueillie en première instance, tendant à voir juger qu'elles ont le droit d'approcher les établissements de santé afin que soit déterminée la position de chaque client sur le transfert. Ainsi entendue, cette demande reconventionnelle est recevable et la fin de non-recevoir tirée de son caractère nouveau en cause d'appel sera en conséquence rejetée.
Sur le fond, cette demande d'injonction, présentée comme étant de nature à faire cesser un trouble manifestement illicite tenant aux actes d'obstruction qui seraient commis par la société AB Medica qui ferait échec au transfert des contrats d'approvisionnement en méconnaissance de l'article 8.04c), est d'abord trop imprécise et générale pour constituer une injonction exécutable. En effet, si elle était accueillie, une telle injonction susciterait immanquablement des difficultés d'interprétation.
Cette demande est ensuite non-fondée puisque les actes d'obstruction allégués ne sont pas établis. En réalité, il ne peut pas être présumé de l'absence de bien-fondé d'une opposition par la société AB Médica à la reprise d'un contrat en cours, même dans l'hypothèse où l'établissement de santé concerné en aurait confirmé la possibilité, puisque tel était le cas de l'APHP qui a signé un accord-cadre avec ConMed, annulé par le tribunal administratif de Paris saisi par AB Medica.
La demande d'injonction complémentaire présentée par ConMed sera en conséquence rejetée.
Sur les demandes accessoires':
Les sociétés ConMed succombant, la cour infirme la décision attaquée qui a condamné AB Medica aux dépens de première instance et à payer aux sociétés ConMed la somme de 10'000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Statuant à nouveau et y ajoutant, la cour condamne in solidum les sociétés ConMed aux dépens de première instance et d'appel.
Les sociétés ConMed, dont les demandes au titre de l'article 700 sont rejetées, sont en outre condamnées in solidum à payer à AB Medica la somme de 30'000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme l'ordonnance de référé rendue le 10 janvier 2023 par le Tribunal de commerce de Lyon en toutes ses dispositions critiquées,
Statuant à nouveau,
Rejette la fin de non-recevoir soulevée par les sociétés ConMed sur le fondement de l'article 410-4 du Code de procédure civile tirée du caractère tardif de la demande de la société AB Medica tendant à inclure dans la liste des contrats en cours leur éventuelle prorogation au-delà de leur terme contractuel à l'initiative de l'hôpital,
Déclare AB Medica recevable en cette demande,
Y fait droit uniquement pour les contrats avec l'UNIHA et tous ses adhérents comme il sera dit ci-après,
Rejette la fin de non-recevoir soulevée par la société AB Medica sur le fondement de l'article 564 du Code de procédure civile tirée du caractère nouveau en cause d'appel de la demande des sociétés ConMed tendant à «'FAIRE INJONCTION à AB Medica, dans le cadre de tout engagement que la cour enjoindrait à ConMed de livrer, de justifier des quantités commandées par le client final pour chaque commande adressée à ConMed'»,
Déclare ConMed recevable en cette demande,
Y fait droit partiellement en prévoyant, au titre des modalités des commandes adressées à ConMed, que AB Medica justifiera de l'identité du client final et des quantités commandées par ce dernier comme il sera dit ci-après,
ENJOINT à la SAS ConMed France, à compter de la signification qui lui sera faite du présent arrêt, de valider chaque commande passée par la SAS AB Medica portant sur des produits AirSeal dans les 24 heures de sa réception, sous réserve que l'ancien distributeur exclusif justifie que sa commande corresponde, quant au destinataire final, quant aux quantités de produits commandés et quant au terme du contrat d'approvisionnement concerné, à l'un des 30 contrats en cours suivants':
1. CH PIERRE OUDOT jusqu'au 30 juin 2024,
2. CH DE [Localité 10] jusqu'au 24 février 2025
3. CH [Localité 5] jusqu'au 16 mars 2025
4. CH [Localité 3] jusqu'au 18 juillet 2025
5. CHU [Localité 7] jusqu'au 2 juillet 2025
6. GH [9] jusqu'au 30 juin 2024
7. CHRU [14] jusqu'au 25 juin 2026
8. CLINIQUE [Localité 23] jusqu'au 28 avril 2025
9. CH DE [Localité 13] jusqu'au 1er avril 2026
10. MEDIPOLE DE SAVOIE jusqu'au 10 mars 2025
11. UNIHA et tous ses adhérents jusqu'au 30 septembre 2024 (sous réserve d'une prorogation du marché initial à l'initiative de l'Hôpital)
12. CLINIQUE [24] jusqu'au 19 mai 2025
13. CHU [Localité 8] jusqu'au 10 juin 2024
14. CHU [Localité 21] jusqu'au 4 janvier 2025
15. CHU [Localité 25] jusqu'au 18 mai 2026
16. CHU [Localité 20] jusqu'au 31 décembre 2024
17. GH BRETAGNE SUD-LORIENT jusqu'au 20 janvier 2025
18. « ETUDE P-NeLop » pendant la durée de l'étude pour tous ses participants
19. POLYCLINIQUE DE NAVARRE jusqu'au 9 septembre 2024
20. CHU [Localité 17] jusqu'au 17 septembre 2024
21. CHU DE [Localité 18] (GHT 06 et tous ses adhérents) jusqu'au 30 novembre 2024
22. HOPITAL EUROPEEN jusqu'au 31 décembre 2024
23. INSTITUT [19] jusqu'au 22 février 2026
24. CH [Localité 12] jusqu'au 9 octobre 2024
25. CH DE [Localité 6] jusqu'au 20 juin 2025
26. AP-HP (AGEPS) jusqu'au 3 novembre 2025
27. CH DE [Localité 11] jusqu'au 21 janvier 2025
28. GHEF jusqu'au 30 juin 2024
29. CH DE [Localité 26] jusqu'au 22 octobre 2025
30. HIA [Localité 22] jusqu'au 25 novembre 2024 pour l'OPC020717 et 25 novembre 2025 pour l'OPC020719
DIT que faute par la SAS ConMed France de procéder à cette validation dans les 24 heures de la réception de la commande, elle sera redevable, passé ce délai, d'une astreinte dont le montant sera provisoirement fixé jusqu'au 25 juin 2026 à 500 euros par tranche de 24 heures de retard commencée,
ENJOINT à la SAS ConMed France, à compter de la signification qui lui sera faite du présent arrêt, de livrer chaque commande ainsi passée par la SAS AB Medica portant sur des Produits AirSeal dans les 5 jours de la validation de la commande,
DIT que faute par la SAS ConMed France de procéder à cette livraison dans les 5 jours de la validation de la commande, elle sera redevable, passé ce délai, d'une astreinte dont le montant sera provisoirement fixé jusqu'au 25 juin 2026 à 500 euros par jour de retard commencé,
DIT n'y avoir lieu à statuer sur la «'demande'» présentée par la société de droit américain ConMed Corporation et la SAS ConMed France tendant à voir «'juger que la société ConMed dispose du droit d'approcher les établissements de santé listés par AB Medica dans le constat d'huissier établi à sa requête, afin que soit déterminée la position de chaque client sur le transfert des contrats en cours'» qui ne constitue pas une prétention,
Rejette la fin de non-recevoir soulevée par la SAS AB Medica sur le fondement de l'article 564 du Code de procédure civile tirée du caractère nouveau en cause d'appel de la demande de la société de droit américain ConMed Corporation et de la SAS ConMed France tendant à «'FAIRE INJONCTION à AB Medica de ne pas s'opposer à la reprise des marchés et engagements par ConMed lorsque l'établissement client en a confirmé la possibilité, sous astreinte de 10'000 euros par infraction constatée'»,
Déclare la société de droit américain ConMed Corporation et la SAS ConMed France recevables en cette demande,
Rejette cette demande d'injonction,
Rejette la demande réciproque de la SAS AB Medica tendant à voir «'ENJOINDRE à la société ConMed Corporation et à la société ConMed France de ne pas approcher les Hôpitaux aux fins de reprise/transfert/substitution dans le cadre des engagements conclus avec les Hôpitaux avant le 31 décembre 2021 et qui sont toujours en cours depuis le 1er janvier 2022, tels que listés par la société AB Medica à l'attention des sociétés susvisées et constatés par Huissier dans le cadre des présentes en Pièce n°54 mis à jour et listés ci-dessus, et, subsidiairement, dans le cadre de tout engagement que la présente juridiction ordonnerait à ConMed d'exécuter, sous peine d'astreinte de 50'000 euros par infraction démontrée'»,
Condamne in solidum la société de droit américain ConMed Corporation et la SAS ConMed France, prise chacune en la personne de son représentant légal, aux dépens de première instance et d'appel,
Rejette la demande de la société de droit américain ConMed Corporation et de la SAS ConMed France au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne in solidum la société de droit américain ConMed Corporation et la SAS ConMed France, prise chacune en la personne de son représentant légal, à payer à la SAS AB Medica la somme de 30'000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.