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Décisions

CA Bastia, ch. civ. sect. 2, 18 septembre 2024, n° 23/00760

BASTIA

Arrêt

Autre

CA Bastia n° 23/00760

18 septembre 2024

Chambre civile

Section 2

ARRET N°

du 18 SEPTEMBRE 2024

N° RG 23/00760 - N° Portalis DBVE-V-B7H-CHX6 VL-J

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance Au fond, origine Juge commissaire d'[Localité 3], décision attaquée en date du 30 Novembre 2023, enregistrée sous le n° 2023003343

CAISSE REGIONALE DU CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA CORSE

C/

[N]

S.A.R.L. JUCE PRESSING

Copies exécutoires délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE CIVILE

ARRET DU

DIX-HUIT SEPTEMBRE DEUX-MILLE-VINGT-QUATRE

APPELANTE :

CAISSE REGIONALE DU CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA CORSE

prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Liria PRIETTO de la SCP MORELLI MAUREL ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AJACCIO

INTIMES :

M. [R] [N]

désigné en qualité de mandataire judiciaire dans la procédure de redressement judiciaire ouvert selon jugement du 16 janvier 2023 par le tribunal de commerce d'Ajaccio au profit de la société Juce Pressing

né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 6]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Défaillant

S.A.R.L. JUCE PRESSING

prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Défaillante

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 mai 2024, devant Mme Valérie LEBRETON, présidente de chambre, chargée du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Valérie LEBRETON, présidente de chambre

Emmanuelle ZAMO, conseillère

Guillaume DESGENS, conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Vykhanda CHENG.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 septembre 2024

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée le 15 mai 2024 et qui a fait connaître son avis, dont les parties ont pu prendre connaissance.

ARRET :

Réputé contradictoire,

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Valérie LEBRETON, présidente de chambre, et par Cécile BORCKHOLZ, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS :

Par jugement du 16 janvier 2023, le tribunal de commerce d'Ajaccio a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Juce pressing et a désigné [R] [N] en qualité de mandataire judiciaire.

Par ordonnance du 30 novembre 2023, le juge commissaire du tribunal de commerce d'Ajaccio a admis la créance du Crédit agricole au passif de la société Juce pressing pour la somme de 84 164,94 euros à titre privilégié à échoir (nantissement sur fonds de commerce) outre intérêts pour mémoire jusqu'à parfait paiement et modération de l'indemnité de recouvrement à 0,1 %.

Par déclaration au greffe du 14 décembre 2023, la Caisse de crédit agricole mutuel de la Corse a interjeté appel en ce que le tribunal de commerce a admis la créance du Crédit agricole au passif de la société Juce pressing pour la somme de 84 164,94 euros à titre privilégié à échoir (nantissement sur fonds de commerce) outre intérêts pour mémoire jusqu'à parfait paiement et modération de l'indemnité de recouvrement à 0,1 %.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 12 janvier 2024, que la cour vise pour l'exposé des moyens et prétentions de parties, la Caisse de crédit agricole mutuel de la Corse sollicite l'infirmation de l'ordonnance, statuant à nouveau ordonner la créance au passif pour un montant de 94 528,46 euros outre intérêts au taux de 7,63 % l'an et les intérêts majorés en cas de défaut de réglement jusqu'à parfait paiement.

Elle indique que la déclaration de créance au passif d'un débiteur doit mentionner le montant de la créance due au jour du jugement et indication des sommes à échoir, ainsi que les modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté.

Elle demande donc la prise en compte des intérêts et infirmer l'ordonnance, en ce qu'elle modéré l'indemnité de recouvrement à 1 %, ce qui ne ne se justifie pas, cette indemnité étant valable et le taux n'est pas excessif.

La société Juce pressing et monsieur [R] [N] ès qualités de mandataire judiciaire de la société Juce pressing n'ont pas comparu ni été représentés.

Le ministère public a conclu et s'en est rapporté le 16 mai 2024

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la déclaration de créance :

Sur les demandes d'admission :

Aux termes des articles L 624-3 et R 624-1 du code du commerce, le recours contre les décisions du juge commissaire est ouvert au créancier et au débiteur.

En vertu de l'article L. 622-24 du code de commerce, les créances dont le montant n'est pas encore définitivement fixé doivent être déclarées sur la base d'une évaluation et la déclaration doit alors contenir cette dernière.

En vertu de l'article L 622-25 du code de commerce, la déclaration de créance doit préciser les sommes non seulement échues, mais également celles à échoir, le créancier doit donc procéder à la déclaration des intérêts échus et impayés antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure, mais également à celle des intérêts à échoir dont le cours n'est pas arrêté après ce jugement.

Ces derniers sont directement visés par l'article L. 622-28 du code de commerce comme les intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d'un paiement différé d'un an ou plus, l'alinéa 2 de l'article R. 622-23 du code de commerce précisant que, le cas échéant, la déclaration de créance doit contenir les modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté.

Il résulte de ces textes que la seule mention dans une déclaration de créance, du montant à échoir d'une créance, de son montant échu, des intérêts calculés sur ce montant échu et du taux conventionnel des intérêts, ne peut, en l'absence de toute indication relative à une demande au titre des intérêts de retard dans la déclaration elle-même ou par renvoi exprès de celle-ci à un document joint indiquant les modalités de leur calcul, valoir déclaration des intérêts de retard dont le cours n'était pas arrêté par le jugement d'ouverture de la procédure collective.

En l'espèce, il ressort de la déclaration de créance du Crédit agricole du (pièce 5 de l'appelante), qu'elle a déclaré sa créance au titre du prêt n° 00000192445 pour un montant de 84 164,94 euros au titre du capital.

Sur les intérêts à échoir, le mode de calcul a été précisé puisqu'il s'agit d'intérêts au taux contractuel de 2% du 10 février au 17 février 2023, soit une somme de 4 179,42 euros.

Sur les intérêts dont le cours n'est pas arrêté, le Crédit agricole dans sa déclaration de créance indique que les modalités de calcul sont au taux de 2% du 17 février 2023 au 10 novembre 2027, intérêts de retard à défaut de réglement calculé selon le taux du prêt+taux d'intérêts de retardX montant de l'échéanceXnombre de jours de retard /365, qui sont des modalités contractuelles.

Ainsi, le libellé de la déclaration de créance du crédit agricole répond aux exigences de l'article R 622-23 du code du commerce, car elle contient les modalités de calcul des intérêts à échoir et des intérêts dont le cours n'est pas arrêté.

En conséquence, l'ordonnance du juge commissaire sera infirmée et la somme admise au titre du capital et des intérêts sera de 88344,36 euros.

Sur l'indemnité de recouvrement :

En vertu de l'article 1231-5 du code civil, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Selon les dispositions de l'article L. 622-28, alinéa 1er, du code de commerce, le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, exception des contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an. Cette exception s'applique également aux intérêts et aux clauses pénales.

En l'espèce, la déclaration de créance mentionne une indemnité de recouvrement de 7 %, soit une somme de 6 184,10 euros

Il est manifeste que l'indemnité de recouvrement est une clause pénale qui sanctionne le retard de paiement.

Cette indemnité qui correspond à une somme supérieure aux intérêts échus du prêt pour une période de 7 jours est une clause excessive.

Selon l'article 1231-5 du code civil, le juge peut modérer même d'office la pénalité convenue.

En conséquence, la décision du premier juge sera infirmée en ce que cette indemnité contractuelle sera prise en compte, mais à raison d'un taux de 1 %

L'indemnité due sera donc d'un montant de 883,44 euros.

En conséquence, la décision sera infirmée, la créance du Crédit agricole sera admise pour un montant de 89 227,80 euros à titre privilégié.

Les dépens seront passés en frais privilégiés de procédure de redressement judiciaire.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt réputé contradictoire,

INFIRME l'ordonnance du juge-commissaire du tribunal de commerce d'Ajaccio du 30 novembre 2023

STATUANT A NOUVEAU

ADMET la créance de la Caisse de crédit agricole mutuel de la Corse pour un montant de quatre vingt neuf mille deux cent vingt sept euros et quatre vingt centimes (89 227,80 euros) à titre privilégié outre les intérêts dont le cours n'est pas arrêté

DIT que les dépens seront passés en frais privilégiés de redressement judiciaire

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE