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Décisions

CA Rouen, 1re ch. civ., 18 septembre 2024, n° 23/02094

ROUEN

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Constructeurs Normands (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Wittrant

Vice-président :

Mme Deguette

Conseiller :

Mme Bergere

Avocats :

Me Bouillet-Guillaume, Me Descamps, Me Le Bihan, Me Gautier

TJ Dieppe, du 12 mai 2023, n° 19/01327

12 mai 2023

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Suivant promesse synallagmatique de vente du 30 novembre 2018, rédigée par

M. [J] [Y], agent immobilier mandaté à cet effet par le propriétaire,

M. [Z] [S] s'est engagé à céder à Mme [P] [T] et M. [K] [B] un terrain cadastré AE [Cadastre 6], sis [Adresse 5] à [Localité 11], pour un prix de 56 000 euros.

Par acte sous seing privé du 5 décembre 2018, Mme [T] et M. [B] ont conclu avec la Sas Constructeurs Normands, un contrat de construction d'une maison individuelle, à bâtir sur le terrain en cours d'acquisition, pour un prix de

155 191 euros.

La vente du terrain a été réitérée par acte authentique le 29 avril 2019.

Par exploits des 20 et 21 décembre 2019, Mme [T] et M. [B] ont assigné M. [S] et la Sas Constructeurs Normands devant le tribunal de grande instance de Dieppe aux fins de voir ordonner la résolution de la vente du terrain sur le fondement des vices cachés ; soutenant qu'ils n'avaient pas reçu, préalablement à la vente, information quant au remblaiement dont il avait fait l'objet, ni la communication d'un diagnostic géotechnique réalisé en 2013, préconisant avant construction la réalisation d'études géotechniques complémentaires.

Par acte d'huissier du 26 octobre 2021, M. [S] a appelé M. [Y] en garantie.

Par ordonnance du 9 décembre 2021, le juge de la mise en état a ordonné la jonction de cette instance avec l'instance initiale.

Par jugement du 12 mai 2023, le tribunal judiciaire de Dieppe a :

- déclaré recevables les assignations des 20 et 21 décembre 2019 ;

- dit que le terrain vendu par M. [Z] [S] à M. [K] [B] et à Mme [P] [T] est affecté de vices-cachés au sens de l'article 1641 du code civil ;

- prononcé la résolution de la vente régularisée le 29 avril 2019 par acte authentique de Me [M] [F], notaire aux [Localité 13] intervenue entre M. [Z] [S] d'une part et M. [K] [B] et Mme [P] [T] d'autre part portant sur un terrain à bâtir situé à [Adresse 12] cadastré section AE n°[Cadastre 6] pour une contenance de 12 ares et 49 centiares ;

- ordonné la publication de la présente décision au service de la publicité foncière de [Localité 15] à la diligence de M. [K] [B] et Mme [P] [T] et aux frais de M. [Z] [S] ;

- condamné M. [Z] [S] à payer à M. [K] [B] et à Mme [P] [T] la somme de 56 000 euros au titre de la restitution du prix de vente ;

- condamné M. [Z] [S] à payer à M. [K] [B] et Mme [P] [T] les sommes suivantes :

. 5 400 euros au titre des frais de notaire,

. 2 000 euros au titre du préjudice moral,

le tout avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision ;

- condamné M. [Z] [S] à payer à la société Constructeurs Normands la somme de 15 519 euros ;

- dit que M. [Z] [S] est responsable à hauteur de 70 % des préjudices subis par M. [K] [B] et Mme [P] [T] ;

- condamné M. [J] [Y] à garantir M. [Z] [S] à hauteur de 30 % du montant des condamnations prononcées à son encontre à l'exception de celle relative à la restitution du prix de vente (56 000 euros) ;

- précisé que les condamnations à garantie ne portent pas sur les condamnations au titre des dépens et des frais irrépétibles ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- condamné M. [Z] [S] aux dépens ;

- condamné M. [Z] [S] à payer à M. [K] [B] et à Mme [P] [T] la somme de 2 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles, ledit montant incluant les frais de constat d'huissier ;

- débouté les autres parties de leurs demandes formulées au titre des frais irrépétibles ;

- accordé aux avocats des parties le bénéfice de distraction des dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire.

Par déclaration d'appel reçue le 19 juin 2023, M. [S] a interjeté appel de la décision de première instance.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 12 juillet 2023, M. [Z] [S] demande à la cour, au visa des articles 1641 et suivants du code civil de :

- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Dieppe du 12 mai 2023 et statuant à nouveau ;

au principal,

- débouter Mme [T] et M. [B] de toutes leurs demandes fins et conclusions ;

- débouter la société Constructeurs Normands de toutes ses demandes à l'encontre de M. [S] ;

- condamner in solidum Mme [T] et M. [B] à payer à M. [S] une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens de première instance et d'appel ;

subsidiairement,

- condamner M. [Y] à garantir intégralement M. [S] de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre à la demande de M. [B] et Mme [T] et à la demande de la société Constructeurs Normands ;

- condamner M. [Y] au paiement d'une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens de première instance et d'appel.

M. [S] conclut à l'absence de vices cachés. Se prévalant des mentions figurant au compromis de vente et à l'acte de vente, il soutient que le vendeur a informé les acquéreurs de l'existence du remblaiement avant la signature dudit compromis, et que ces derniers ont implicitement reconnu, notamment par mail, en avoir eu connaissance avant la réalisation de la vente. Il ajoute que l'agent immobilier,

M. [Y], confirme ces affirmations.

M. [S] fait valoir que l'étude de sol diligentée par Fondouest a été transmise à M. [Y] en amont de la signature du compromis de vente, afin d'être communiquée aux acquéreurs. Il conteste la version des consorts [T] [B] d'après laquelle, l'étude ne leur serait pas parvenue en raison d'une erreur d'adresse mail, indiquant que si les acquéreurs ne l'avaient effectivement pas reçue, il s'en seraient ouverts au vendeur et à l'agent immobilier.

M. [S] soutient d'après courrier des consorts [T] [B] que ceux-ci ont eu connaissance des remblaiements le 26 avril 2019, date d'obtention de leur permis de construire, soit quelques jours avant la conclusion de la vente le 29 avril 2019.

M. [S] soutient l'absence de caractère rédhibitoire du vice, en ce que le remblaiement ne constitue pas un vice rendant le terrain impropre à recevoir une construction. Il précise que l'acte de vente indique que tous les certificats d'urbanisme et le permis de construire ont été obtenus, rendant dès lors réalisable l'opération de construction d'une maison individuelle. De plus, M. [S] expose que le premier juge a retenu à tort la survenance éventuelle des conséquences incertaines du vice, soit une étude géotechnique complémentaire pour laquelle les acquéreurs n'ont fourni aucun élément de coût qui diminue tellement l'usage du terrain que les acquéreurs ne l'auraient pas acquis ou en auraient demandé un prix moindre. Il fait par ailleurs valoir que le rapport Fondouest ne fait état d'aucun risque constructif et souligne la bonne qualité des remblais ; que la commune d'[Localité 11] a accordé aux acquéreurs un permis de construire conforme à leur projet sans restriction ni réserve ; que tous les lots de ce terrain ont été vendus et construits sans que les propriétaires ne rencontrent de difficultés particulières dans la réalisation de leurs projets ; que la Sas Constructeurs Normands a confirmé tout au long de la procédure être disposée à réaliser la construction prévue, conforme aux souhaits des maîtres de l'ouvrage.

Subsidiairement, M. [S] explique que l'action des consorts [T] [B] est fondée sur l'ignorance de l'existence d'une étude de sol et de son contenu, avant la vente. Il soutient qu'il n'est pas contesté que ladite étude a été envoyée le 6 novembre 2018 à l'agent immobilier, pour transmission aux acquéreurs. Il en conclut que si la cour devait retenir l'existence d'un vice caché, l'agent immobilier par lequel est survenu le défaut d'information devrait garantir intégralement M. [S] de toutes ses condamnations. En outre, M. [S] fait valoir dès lors que le défaut d'information résulte d'une erreur de l'agent immobilier, l'absence de lien de causalité entre un prétendu manquement de sa part et le préjudice allégué du constructeur, sa responsabilité délictuelle ne pouvant être engagée vis-à-vis de ce dernier.

Par dernières conclusions notifiées le 10 octobre 2023, Mme [P] [T] et

M. [K] [B] demandent à la cour, au visa des articles 1137, et 1641 et suivants du code civil, de :

à titre principal,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dieppe le 12 mai 2023 ;

en conséquence,

- dire et juger que le terrain vendu par M. [Z] [S] à M. [K] [B] et à Mme [P] [T] est affecté de vices cachés au sens de l'article 1641 du code civil,

- prononcer la résolution de la vente régularisée le 29 avril 2019 par acte authentique de Me [M] [F], notaire aux [Localité 13], intervenue entre M. [Z] [S] d'une part et M. [K] [B] et Mme [P] [T] d'autre part portant sur un terrain à bâtir situé à [Adresse 12] cadastré section AE n°[Cadastre 6] pour une contenance de 12 ares et 49 centiares ;

- condamner M. [Z] [S] à payer à M. [K] [B] et à Mme [P] [T] la somme de 56 000 euros au titre de la restitution du prix de vente ;

- condamner M. [Z] [S] à payer à M. [K] [B] et à Mme [P] [T] les sommes suivantes :

. 5 400 euros au titre des frais de notaire,

. 2 000 euros au titre du préjudice moral,

. le tout avec intérêts au taux légal à compter de la décision rendue par le tribunal le 12 mai 2023 ;

- condamner M. [Z] [S] à payer à la société Constructeurs Normands la somme de 15 519 euros ;

- condamner M. [Z] [S] aux dépens ainsi qu'à la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ;

y ajoutant,

- condamner M. [S] au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en cause d'appel ;

à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour infirmait le jugement et ne prononçait pas la résolution de la vente sur le fondement de l'article 1641 du code civil,

- constater que le vendeur a commis une réticence dolosive en s'abstenant de fournir l'étude géotechnique ;

- prononcer l'annulation de la vente sur le fondement de la réticence dolosive de la vente immobilière régularisée suivant acte authentique du 29 avril 2019 et portant acquisition pas les consorts [B] [T] auprès de M. [S] d'un terrain à bâtir situé [Adresse 5] à [Localité 11] cadastré AE [Cadastre 6] ;

- condamner M. [Z] [S] à payer à M. [K] [B] et à Mme [P] [T] la somme de 56 000 euros au titre de la restitution du prix de vente ;

- condamner M. [Z] [S] à payer à M. [K] [B] et Mme [P]

[T] les sommes suivantes :

. 5 400 euros au titre des frais de notaire,

. 2 000 euros au titre du préjudice moral ;

- condamner M. [S] à garantir les requérants de toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre au bénéfice de la société Constructeurs Normands ;

- condamner M. [S] au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en cause d'appel.

Mme [T] et M. [B] sollicitent, sur le fondement de l'article 1641 du code civil, la résolution de la vente pour vice caché.

Ils soutiennent n'avoir pas eu connaissance du diagnostic géotechnique avant la vente, indiquant qu'il ne figurait pas aux pièces fournies par le notaire et que son existence ne leur a pas été révélée par le vendeur ni aucun professionnel. Ils précisent ne pas avoir reçu information de l'existence de cette étude dès lors qu'elle a été envoyée à une adresse mail erronée par l'agent immobilier. Ils rapportent que leur notaire confirme également n'en avoir eu connaissance qu'après la vente.

Mme [T] et M. [B] ne remettent pas en cause la constructibilité du terrain mais soutiennent qu'il est bien affecté d'un vice caché, en raison du défaut d'information susmentionné et de ses conséquences au regard des études complémentaires à réaliser avant construction. Ils exposent, en effet, que le diagnostic recommande au maître de l'ouvrage de prévoir une étude géotechnique d'avant-projet G12, ainsi qu'une mission de supervision géotechnique d'exécution G4, permettant de vérifier la conformité entre les objectifs du projet et l'étude géotechnique d'exécution et de formuler un avis sur les adaptations ou optimisations potentielles des ouvrages géotechniques proposés par l'entrepreneur tant en phase d'étude qu'en phase de travaux. Relativement à l'obtention du permis de construire du 26 avril 2019, Mme [T] et M. [B] expliquent qu'il n'est nullement fait état, dans la demande de dépôt de permis, de difficultés relatives à une quelconque consolidation des fondations ou du terrain, liées à la connaissance du diagnostic géotechnique. Ils précisent que les études faites par le constructeur n'incluaient pas de telles hypothèses, avec la mise en place d'études G12 et G4, dès lors que ni eux, ni le constructeur lui-même, n'avaient connaissance des préconisations du diagnostic. Mme [T] et M. [B] affirment, en sus, que s'ils avaient eu connaissance des conclusions du diagnostic, ils n'auraient pas acheté le terrain, faisant valoir que ces éléments représentent des contraintes et inquiétudes auxquelles ils n'étaient pas prêts à faire face en leur qualité de primo accédants.

Ils soutiennent que le surcoût induit par une étude G12 ne peut être évalué tant que ladite étude n'a pas été réalisée.

Mme [T] et M. [B] sollicitent, en plus de la résolution de la vente, l'indemnisation de préjudices annexes correspondant aux frais de notaire engagés, ainsi qu'un préjudice moral résultant de la contrainte qui avait été la leur de se loger pendant la construction qui n'a jamais aboutie, et la recherche subséquente d'une nouvelle acquisition immobilière, outre le préjudice découlant du remboursement intégral du prêt contracté, grâce à leurs proches, afin d'éviter à l'avenir une difficulté d'emprunt auprès de leur banque.

Sur l'indemnisation de la Sas Constructeurs Normands, Mme [T] et M. [B] sollicitent la garantie du vendeur par suite de leur volonté de résilier le marché en raison du vice caché dont ils se prévalent.

Subsidiairement, Mme [T] et M. [B] sollicitent l'annulation de la vente pour vice du consentement. Ils se prévalent à ce titre, sur le fondement de l'article 1137 alinéa 2 du code civil, de la réticence dolosive du vendeur qui a fait réaliser le diagnostic géotechnique, et en connaissait la teneur, sans l'avoir communiqué à ses cocontractants à l'occasion de la vente, nonobstant son caractère déterminant pour les acquéreurs. Ils ajoutent que l'agent immobilier a également commis une faute engageant sa responsabilité si, comme le dit le vendeur, le diagnostic géotechnique lui a bien été remis, mais qu'il ne l'a pas, par la suite, communiqué aux acquéreurs et au notaire.

Par dernières conclusions notifiées le 9 janvier 2024, M. [J] [Y], demande à la cour au visa des articles 1641 et suivants du code civil, de :

- déclarer M. [Y] recevable et bien fondé en son appel incident ;

en conséquence,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dieppe en date du 12 mai 2023 et débouter M. [B] et Mme [T] de leur demande d'annulation de la vente immobilière reçue le 29 avril 2019 ;

à titre subsidiaire,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 12 mai 2023 par le tribunal judiciaire de Dieppe ;

- juger que M. [J] [Y] ne serait tenu à garantir M. [S] au-delà de 30 % du montant des condamnations prononcées à son encontre, à l'exception de celle relative à la restitution du prix de vente, et se décomposant comme suit :

. 5 400 euros au titre des frais de notaire,

- 2 000 euros au titre du préjudice moral,

- 15 519 euros à titre de dommages et intérêts à la société Les Constructeurs Normands soit la somme de 6 875,70 euros.

. condamner les parties succombantes à régler à M. [Y] la somme de

2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la Selarl Nomos selon les termes de l'article 699 du code de procédure civile.

M. [Y] conclut à l'absence de vices cachés en raison de la constructibilité du projet immobilier et de sa conformité aux règles d'urbanisme applicables, confirmées par le diagnostic géotechnique du 4 mars 2013 réalisé par le bureau d'étude Fondouest qui rend compte de la bonne qualité des remblais, confirmées également par le certificat d'urbanisme du 28 juillet 2017 et le permis de construire du 26 avril 2019 délivrés par la commune d'[Localité 11], ainsi que par la Sas Constructeurs Normands.

Il affirme avoir transmis le diagnostic géotechnique par mail le 7 novembre 2018. Il reconnaît avoir commis une erreur dans l'adresse destinataire mais indique avoir été en relation constante avec les acquéreurs avec lesquels il échangeait régulièrement. Il fait valoir que cette erreur involontaire n'emporte pas de conséquence dommageable pour les acquéreurs dès lors que l'étude ne remet pas en cause la constructibilité du terrain, et que la destination de celui-ci n'en a pas été modifiée.

Il soutient que Mme [T] et M. [B] avaient connaissance de tous les éléments relatifs au terrain et à l'existence des remblais avant la signature de l'acte authentique. Il soutient que les acquéreurs, dès la signature du compromis de vente le 30 novembre 2018, avaient connaissance des travaux de remblaiement effectués sur la parcelle au vu des documents administratifs nécessaires à leur demande de permis de construire qui leur ont alors été transmis. M. [Y] produit au soutien de sa démonstration des mails des acquéreurs, antérieurs et postérieurs à la vente. Il argue, en outre, que la suppression de la clause par laquelle le vendeur déclare qu'il n'a pas été effectué de travaux de remblaiement, entre le compromis du 30 novembre 2018 et l'acte authentique du 29 avril 2019, démontre que l'existence de remblais a incontestablement été discutée, et en tout état de cause portée à la connaissance des acquéreurs.

Il ajoute que Mme [T] et M. [B] n'ont versé aucun élément aux débats à même de justifier la survenance des conséquences de la présence de remblais.

Subsidiairement, si le jugement était confirmé, M. [Y] expose qu'il y aurait lieu à confirmer le jugement qu'en ce qu'il l'a condamné à garantir M. [S] à hauteur de 30 % des sommes mises à sa charge au titre des frais notariés exposés par l'acquéreur, des frais d'annulation du contrat de construction, du préjudice moral.

En revanche, il soutient ne pas être tenu à garantir M. [S] de la restitution du prix de vente, dès lors qu'elle ne constitue pas, pour ce dernier, un préjudice dommageable en lien avec un manquement de M. [Y], et que son terrain lui serait restitué afin pour les parties d'être replacées dans l'exacte situation dans laquelle elles se trouvaient avant la conclusion du contrat. M. [Y] soutient de plus, ne pouvoir être appelé en garantie par M. [S] au titre de l'indemnité de résiliation dans la mesure où en tant que tiers au contrat, il n'y a pas expressément consenti, le contrat de construction ayant été exclusivement signé par Mme [T], M. [B] et la Sas Constructeurs Normands.

Par dernières conclusions notifiées le 17 mai 2024, la Sas Constructeurs Normands, demande à la cour, au visa des articles 1240 et suivants du code civil, de :

- réformer le jugement attaqué en ce qu'il a limité l'indemnisation de la société Constructeurs Normands par M. [Z] [S] à la somme de 15 519 euros TTC ;

à titre principal,

- condamner M. [Z] [S] à payer à la société Constructeurs Normands les sommes suivantes :

. 30 676,20 euros à titre de dommages et intérêts,

.1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

. les entiers dépens,

à titre subsidiaire,

- condamner solidairement Mme [P] [T] et M. [K] [B] à payer à la société Constructeurs Normands les sommes suivantes :

. 30 676,20 euros à titre de dommages et intérêts,

.1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

. les entiers dépens.

Elle s'en rapporte sur la demande d'annulation de la vente.

En cas d'annulation de la vente, la Sas Constructeurs Normands sollicite en sa qualité de tiers au contrat, l'indemnisation par le vendeur de son préjudice résultant de la résiliation du contrat passé avec les acquéreurs, maîtres de l'ouvrage, dès lors qu'il a été causé par le manquement du vendeur à son obligation contractuelle d'information.

Elle ajoute que s'il a été convenu avec les consorts [B] [T] une indemnisation forfaitaire en cas de résiliation du contrat de construction, cela n'est pas de nature à la priver de son droit à demander également réparation de la perte de son bénéfice à l'égard de M. [S] qu'elle estime à 18,36 % du prix de vente, soit bien en deça du préjudice réellement subi.

Subsidiairement, si l'annulation de la vente n'était pas prononcée, la Sas Constructeurs Normands, sollicite d'être indemnisée de son préjudice par les consorts [B] [T] au titre de la facture du 7 juin 2019, ainsi qu'au titre de l'indemnité de résiliation de 10 %.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 mai 2024.

MOTIFS

Sur la garantie des vices cachés

Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

L'article 1644 du même code précise que dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

Enfin, l'article 1645 prévoit que si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.

Conformément au droit commun de la preuve, il incombe à l'acheteur de rapporter la preuve du vice caché et de ses différents caractères, notamment le caractère de gravité.

En l'espèce, Mme [T] et M. [X] ont acquis auprès de M. [S] un terrain dans le but d'y édifier une maison d'habitation, sans formuler aucune condition ou restriction quant à cet usage, notamment sur les conditions de constructibilité du terrain.

Or, il ressort des éléments versés au débat que :

- le diagnostic géotechnique du 4 mars 2013 s'il recommande une étude d'avant-projet G12 et une supervision dans l'exécution du projet G4, ne rapporte l'existence d'aucun risque géotechnique inhérent au remblaiement indiquant : 'Les caractéristiques mécaniques mesurées dans ces remblais sont bonnes à élevées. Dans ces conditions, un principe de fondation superficielle pourra a priori être envisagé directement dans ces remblais pour une construction traditionnelle de type maison individuelle en simple rez-de-chaussée, et le niveau bas pourra également être envisagé a priori sur terre-plein'. Ce faisant, il ne remet pas en cause la constructibilité du terrain ;

- le certificat d'urbanisme délivré par la commue d'[Localité 11] le 27 juillet 2017 répond à la demande de M. [S], de construction d'une maison individuelle sur la parcelle cadastrée AE [Cadastre 6] : 'L'opération est réalisable' ;

- le permis de construire une maison individuelle sur la parcelle AE [Cadastre 6], demandé par Mme [T] et M. [B], est accordé le 26 avril 2019, sans restrictions particulières sinon celles relatives au bâti existant aux abords d'un monument historique.

Dès lors, nonobstant l'exécution de travaux de remblaiement, aucun élément du dossier ne remet en cause la constructibilité du terrain, par ailleurs non contestée par les acquéreurs, ni ne démontre l'existence d'aucun vice qui le rendrait impropre à son usage normal de terrain à bâtir.

Il apparaît que Mme [T] et M. [B] ne critiquent pas la nature intrinsèque du terrain, mais l'absence d'information quant à l'exécution de travaux de remblaiement sur la parcelle acquise, ainsi que la non communication, en amont de la vente, d'un diagnostic géotechnique préconisant la réalisation d'une étude complémentaire G12 avant construction sur le terrain, et d'une supervision G4 en phase d'exécution du projet, dont Mme [T] et M. [B] n'avaient pas envisagé l'existence, ni les conséquences et contraintes qui pourraient potentiellement en découler et qui, s'ils les avaient connus, les auraient conduit à ne pas acheter le terrain, eu égard à leur qualité de primo-accédants.

Or, ce défaut d'information ne caractérise aucunement un vice inhérent à la chose vendue qui en diminue l'usage auquel il était destiné, et ce d'autant que non seulement ils ne produisent aucun élément permettant d'apprécier le surcoût de ces études, de déterminer l'ampleur des contraintes inhérentes à la nécessité de réaliser les dites études ou encore l'existence de contraintes morales d'une telle importance et qu'en outre, ces éléments n'étaient pas entrés dans le champ contractuel.

Partant, Mme [T] et M. [B] ne caractérisent pas un vice rédhibitoire affectant le terrain acquis.

En conséquence, sans qu'il soit besoin de statuer sur la connaissance du vice allégué antérieurement à la vente, ni sur son caractère caché, par arrêt infirmatif, Mme [T] et M. [B] seront déboutés de leur demande au titre de la garantie des vices cachés.

Sur le vice du consentement pour dol

L'article 1137 du code civil dispose que le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie. Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.

A titre subsidiaire, Mme [T] et M. [B] sollicitent l'annulation de la vente en raison de la commission d'une réticence dolosive par le vendeur, M. [S], lequel ne leur a pas communiqué en amont de la vente le diagnostic géotechnique de 2013.

Il n'est pas contesté que par courriel du 6 novembre 2018, pièce figurant au dossier, M. [S], vendeur, a transmis à M. [Y], agent immobilier mandaté pour la vente, le diagnostic géotechnique du 4 mars 2013 pour communication aux acquéreurs. Il apparaît également des courriels produits que le lendemain, le 7 novembre 2018, M. [Y] a fait suivre le diagnostic à une adresse erronée de Mme [T] en 'hotmail.com' en place de 'hotmail.fr'. Dans ses écritures, M. [Y] reconnaît une erreur involontaire.

Dès lors, Mme [T] et M. [B] recourant à des affirmations putatives sans rapporter la preuve d'une manoeuvre dolosive imputable à M. [S] dans le but de surprendre leur consentement, et considérant que les courriels susmentionnés démontrent au contraire que le vendeur n'a pas cherché à dissimuler par une abstention fautive un élément déterminant pour ses cocontractant, Mme [T] et M. [B] seront déboutés de leur demande fondée sur le dol.

Compte tenu de l'infirmation, l'indemnisation des préjudices annexes, remboursement des frais de notaires et préjudice moral découlant de l'annulation de la vente est sans objet, Mme [T] et M. [B] seront déboutés de ce chef de demande.

Sur la responsabilité de l'agent immobilier

En application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

A cet égard, la cour ne peut que relever que Mme [T] et M. [B], quand bien même évoquent-ils dans le corps de leur discussion la faute engageant la responsabilité de l'agent immobilier, ne la saisissent, dans le dispositif de leurs conclusions, d'aucune demande en réparation à son encontre.

Il n'y a donc pas lieu à statuer sur ce point.

Sur la demande d'indemnisation du constructeur

A titre subsidiaire, dès lors que Mme [T] et M. [B] seront déboutés de leur demande en annulation de la vente, la Sas Constructeurs Normands sollicite leur condamnation au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 30 676,20 euros, la somme est décomposée comme suit :

- 15 519 euros au titre de la facture du 7 juin 2019,

- 15 157,20 euros au titre d'une indemnité de résiliation de 10 %.

Il résulte des articles 1103 et 1104 du code civil que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public.

L'article 5-2 des conditions générales du contrat de construction stipule que : 'La résiliation par le maître de l'ouvrage en application de l'article 1794 du code civil entraîne l'exigibilité en plus des sommes correspondant à l'avancement des travaux d'une indemnité forfaitaire évaluée à 10 % du prix convenu de la construction en dédommagement des frais engagés par le constructeur et du bénéfice qu'il aurait pu retirer de la réalisation complète de la construction'.

Par facture de situation du 7 juin 2019, la Sas Constructeurs Normands justifie de l'avancement du projet à hauteur de 10 %, équivalant à la somme de 15 519 euros TTC.

Par courrier du 13 juin 2019, Mme [T] et M. [B] informent la Sas Constructeurs Normands de leur volonté explicite de résilier le contrat passé avec le constructeur : 'nous souhaitons rompre le contrat de construction'.

Considérant la force obligatoire du contrat et les dispositions prévues à l'article 5-2 des conditions générales du contrat de construction portant sur l'exigibilité des sommes correspondant à l'avancement des travaux et à l'indemnité forfaitaire de résiliation, la facture d'avancement du 7 juin 2019 et l'indemnité de résiliation de 10 % du prix de construction, sont dues.

En conséquence, le jugement sera infirmé, Mme [T] et M. [B] seront condamnés à payer à la Sas Constructeurs Normands la somme totale de

30 676,20 euros.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions de première instance relatives aux dépens et frais irrépétibles seront infirmées.

Mme [T] et M. [B] succombant à titre principal, ils seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la Selarl Nomos, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Eu égard à la solution du litige et aux demandes respectives des parties, Mme [T] et M. [B] seront condamnés in solidum à payer à M. [S] la somme de 2 500 euros et à la Sas Constructeurs Normands la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Ils seront également condamnés à payer à M. [Y] une somme de 2 000 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau,

Déboute Mme [P] [T] et M. [K] [B] de l'intégralité de leurs demandes ;

Condamne Mme [P] [T] et M. [K] [B] à payer à la Sas Constructeurs Normands la somme de 30 676,20 euros ;

Condamne in solidum Mme [P] [T] et M. [K] [B] à payer :

- à M. [Z] [S] la somme de 2 500 euros,

- à la Sas Constructeurs Normands la somme de 1 500 euros,

- à M. [Y] la somme de 2 000 euros,

au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum Mme [P] [T] et M. [K] [B] aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la Selarl Nomos conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.