Décisions
CA Bordeaux, 1re ch. civ., 18 septembre 2024, n° 21/04755
BORDEAUX
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
--------------------------
ARRÊT DU : 18 SEPTEMBRE 2024
N° RG 21/04755 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MI7D
[I] [N]
[B] [N]
c/
S.A.S.U. EDF ENR
S.A.R.L. 1001 SOLEILS
CAISSE D'EPARGNE D'ASURRANCE MUTUELLE AGRICOLE CENTRE ATLANTIQUE - GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE
Nature de la décision : AU FOND
Copie exécutoire délibvrée le 18/09/2024 à :
Maître Evelyne DESPUJOLS, à Maître Annie TAILLARD et à Maître Emmanuel TRESTARD
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 21 juin 2021 par le Juge des contentieux de la protection du Tribunal Judiciaire de BORDEAUX (RG : 20/00382) suivant déclaration d'appel du 18 août 2021
APPELANTS :
[I] [N]
né le 30 Août 1947 à [Localité 6]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 1]
[B] [N]
née le 18 Novembre 1946 à [Localité 5] (ALGERIE)
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 1]
représentés par Maître Evelyne DESPUJOLS, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistés de Maître Paul YON de la SARL PAUL YON SARL, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMÉES :
S.A.S.U. EDF ENR agissant en la personne de so représentant légal, demeurant en cette qualité audit siége social sis [Adresse 2]
représentée par Maître Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître CHAUVAUX substituant Maître Christophe BELLOC, avocat plaidant au barreau de PARIS
S.A.R.L. 1001 SOLEILS agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 4]
CAISSE D'EPARGNE D'ASURRANCE MUTUELLE AGRICOLE CENTRE ATLANTIQUE - GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 3]
représentées par Maître Emmanuel TRESTARD de la SELARL VERMONT TRESTARD & ASSOCIES, avocat au barreau de LIBOURNE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 mai 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Emmanuel BREARD, conseiller, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Paule POIREL, présidente,
Bérengère VALLEE, conseiller,
Emmanuel BREARD, conseiller,
Greffier lors des débats : Véronique SAIGE
Greffier lors du prononcé : Mélina POUESSEL, greffier placé
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Selon bon de commande du 17 juillet 2018, M. [I] [N] et Mme [B] [N] ont conclu avec la SASU EDF ENR Solaire un contrat d'installation à leur domicile, situé [Adresse 1], d'une installation photovoltaïque pour la somme de 24 674 euros TTC.
La réalisation de l'ouvrage a été réalisée par la société 1001 Soleils en sa qualité de sous-traitant de la société EDF ENR Solaire.
Par acte d'huissier de justice du 27 janvier 2020, M. et Mme [N] ont assigné la société EDF ENR devant le tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins notamment d'obtenir la condamnation de la société EDF ENR à dissocier les deux câbles gainés, et ce sous astreinte, ainsi que la condamnation au paiement des sommes de :
* 3 475, 43 euros TTC pour la prise en charge des frais nécessaires à la mise aux normes de l'alimentation du système photovoltaïque ainsi que la remise en état de la pompe à chaleur,
* 1 900 euros pour la prise en charge de la surconsommation de fioul avec intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2019.
Par acte d'huissier du 31 juillet 2020, la société EDF ENR, anciennement dénommée EDF ENR Solaire a fait citer la société 1001 Soleils et la société Groupama Centre Atlantique devant le tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins notamment d'obtenir leur condamnation in solidum à la relever et la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre.
Les deux instances ont été jointes.
Par jugement contradictoire du 21 juin 2021 le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- débouté M. et Mme [N] de l'intégralité de leurs demandes dirigées à l'encontre de la société EDF ENR,
- débouté la société EDF ENR de ses demandes dirigées à l'encontre de la société 1001 Soleils et la compagnie Groupama Centre Atlantique,
- rejeté les demandes autres, plus amples ou contraires,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. et Mme [N] aux dépens,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
M. et Mme [N] ont relevé appel de ce jugement par déclaration du 18 août 2021, en ce qu'il a :
- débouté M. et Mme [N] de l'intégralité de leurs demandes dirigées à l'encontre de la société EDF ENR,
- débouté la société EDF ENR de ses demandes dirigées à l'encontre de la société 1001 Soleils et la compagnie Groupama Centre Atlantique,
- rejeté les demandes autres, plus amples ou contraires,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. et Mme [N] aux dépens.
Par dernières conclusions déposées le 2 janvier 2024, M. et Mme [N] demandent à la cour de :
- infirmer le jugement rendu le 21 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Bordeaux,
- débouter la société EDF ENR, la société 1001 Soleils et la compagnie Groupama Centre Atlantique de l'ensemble de leurs demandes,
- condamner in solidum la société EDF ENR, la société 1001 Soleils et la Compagnie Groupama à payer les sommes suivantes à M. et Mme [N] :
* 3 475,43 euros TTC pour la prise en charge des frais nécessaires à la mise aux normes de l'alimentation du système photovoltaïque ainsi que la remise en état de la pompe à chaleur,
* 1 900 euros pour la prise en charge de la surconsommation de fioul,
- dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 30 janvier 2019, date de la lettre de M. et Mme [N] à la société EDF ENR,
- condamner in solidum la société EDF ENR, la société 1001 Soleils et la Compagnie Groupama à verser à M. et Mme [N] la somme de 2 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- condamner in solidum la société EDF ENR, la société 1001 Soleils et la Compagnie Groupama à payer à M. et Mme [N] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles,
- condamner in solidum la société EDF ENR, la société 1001 Soleils et la Compagnie Groupama au paiement des entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Ludovic Baustier, avocat au Barreau de Bordeaux, qui pourra les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions déposées le 3 janvier 2024, la société EDF ENR, demande à la cour de :
A titre principal :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les époux [N] de leurs demandes dirigées à l'encontre de la société EDF ENR,
En conséquence,
- débouter les époux [N] de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions,
A titre subsidiaire
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société EDF ENR de ses demandes dirigées à l'encontre de la société 1001 Soleils et la société Groupama Centre Atlantique,
En conséquence, et statuant à nouveau,
- condamner la société 1001 Soleils et la société Groupama Centre Atlantique, es-qualité d'assureur de la société 1001 Soleils, à relever et garantir EDF ENR de toute condamnation prononcée à son encontre, en principal, intérêts, frais et accessoires,
En tout état de cause
- condamner tout succombant à payer à EDF ENR la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner tout succombant en tous les dépens.
Par dernières conclusions déposées le 11 février 2022, la société 1001 soleils et la Compagnie Groupama Centre Atlantique, demandent à la cour de :
- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,
- débouter les appelants de l'intégralité de leurs demandes,
- débouter la société EDF-ENR de ses demandes formées à l'encontre des concluantes,
- condamner les époux [N] à payer à chacune des sociétés concluantes la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner en tous les dépens.
L'affaire a été fixée à l'audience rapporteur du 13 mai 2024.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 4 janvier 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I Sur la responsabilité des société EDF ENR et 1001 Soleils.
Les époux [N], au visa de l'article 1792-3 du code civil, rappellent que la réception des travaux d'installation des panneaux photovoltaïques à leur domicile, éléments d'équipement de cet immeuble, a eu lieu le 27 septembre 2018.
Ils affirment que l'expert amiable dépêché à leur demande a constaté les éléments techniques établissant la responsabilité de la société installatrice de ces équipements, la société EDF ENR, laquelle a en outre, selon leurs dires, acquiescé aux conclusions de l'expertise.
En effet, ils soutiennent que les câbles d'alimentation de la pompe à chaleur installée par la société 1001 soleils et du système photovoltaïque étant dans la même goulotte, des courants de fuite électriques ont été générés entre les câbles et ont abîmé la pompe à chaleur.
Ils sollicitent à ce titre non seulement la dissociation des câbles gainés, mais aussi la remise en état de la pompe à chaleur, travaux chiffrés par l'expert à la somme de 3.475,43€.
Ils reprochent au premier juge d'avoir retenu la garantie biennale de bon fonctionnement à l'égard de l'installation photovoltaïque, alors que celle-ci fonctionne et n'a donc pas vocation à s'appliquer.
Ils contestent ne pas justifier de leur préjudice, celui-ci résultant de l'expertise amiable effectuée à leur demande et n'étant contredit que par un courrier d'un sachant communiqué par leurs adversaires.
Ils se prévalent de ce que le rapport d'expertise qu'ils produisent établit un lien de causalité entre l'installation de l'équipement photovoltaïque et la panne de la pompe à chaleur au vu du regroupement des câbles électriques dans une même goulotte.
Ils estiment que la lenteur de la réaction de la société EDF ENR n'a fait qu'aggraver leur préjudice, ayant été contraint de faire réaliser eux-mêmes les travaux de remise en état de la pompe à chaleur, qui, depuis que les câbles ont été séparés, fonctionne à nouveau.
Ils en déduisent que la contestation de la partie adverse à propos de la perturbation électrique n'est pas fondée.
Ils ajoutent que l'installation photovoltaïque ne fonctionnait pas parfaitement, élément qui engage selon leurs dires la responsabilité des sociétés 1001 soleils et EDF ENR.
A titre subsidiaire, ils mettent en avant, sur le fondement de l'article 1217 du code civil, le fait que la pompe à chaleur installée à leur domicile ne fonctionnait pas, du fait du de l'installation défectueuse des panneaux photovoltaïques pour les raisons susmentionnées, engageant la responsabilité contractuelle de la société EDF ENR.
De même, ils considèrent que la société 1001 Soleils a subsidiairement engagé sa responsabilité au titre de l'article 1240 du code civil en installant les panneaux photovoltaïques, installation défectueuse ayant elle-même détérioré l'alimentation de la pompe à chaleur et engageant sa responsabilité.
A titre encore plus subsidiaire, ils entendent que soit retenue la responsabilité délictuelle de la société EDF ENR en ce qu'il leur est reproché d'avoir glissé les câbles électriques de l'installation photovoltaïque dans la goulotte dédiée aux câbles d'alimentation de la pompe à chaleur.
Ils soulignent qu'outre les constatations de l'expert, ce dernier équipement a fonctionné pendant 11 ans sans problème, qu'il a de nouveau fonctionné normalement suite au nouveau branchement, ce qui s'analyse comme un faisceau d'indices concordant de nature à engager la responsabilité des intimées.
Ils s'opposent donc à ce que lien de causalité ne soit pas établi, outre que les éléments précités s'appliquent à la garantie des vices cachés et non aux régimes de responsabilité mis en avant lors du présent litige.
***
L'article 1792-3 du code civil prévoit que 'Les autres éléments d'équipement de l'ouvrage font l'objet d'une garantie de bon fonctionnement d'une durée minimale de deux ans à compter de sa réception.'
L'article 1217 du même code énonce que 'La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :
- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;
- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;
- obtenir une réduction du prix ;
- provoquer la résolution du contrat ;
- demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.'
L'article 1353 du code civil dispose 'Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation'.
Il est de principe qu'en application de ce texte, nul ne peut se faire de preuve à soi-même.
Il est constant que, pour établir un lien de causalité entre une faute et un dommage, si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l'une des parties, quant bien même celle-ci aurait été réalisée de manière contradictoire et soumise à la contradiction des parties dans le cadre des débats (en particulier en ce sens troisième chambre civile de la Cour de Cassation le 14 mai 2020 n°19-16.278).
La cour constate que si les époux [N] versent aux débats une expertise amiable datée du 12 août 2019 (pièce 5 des appelants) établissant un lien de causalité entre la défectuosité de la pompe à chaleur équipant leur domicile et l'installation photovoltaïque posée courant octobre 2018, il s'agit du seul élément communiqué en ce sens.
Il sera observé que les affirmations des appelants selon lesquelles la pompe à chaleur fonctionnait au préalable sans difficulté, puis à nouveau normalement une fois les câbles électriques litigieux séparés, ne sont étayées par aucun élément.
Il ne saurait résulter de ces simples déclarations un faisceau d'indices, contrairement à ce que soutiennent les appelants.
De même, il est exact que les régimes de responsabilité invoqués par les appelants exigent tous qu'il soit établi un lien de causalité entre le dommage subi et la faute de la partie adverse, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Aussi, faute que la responsabilité des sociétés intimées soit établie, les demandes faites à leur encontre que ce soit sur le fondement de l'article 1792-3 du code civil, de la responsabilité contractuelle ou délictuelle, seront rejetées et la décision attaquée sera confirmée de ce chef.
II Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive des époux [N].
Vu l'article 1240 du code civil précité.
L'article 32-1 du code de procédure civile mentionne que 'Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.'
Les appelants sollicitent la condamnation in solidum des sociétés intimées en ce que celles-ci ne pouvaient se méprendre sur leur obligation de reprise, alors même que leur refus n'a fait qu'aggraver leur préjudice selon leurs dires.
Néanmoins, faute que la responsabilité des sociétés 1001 soleils ou EDF ENR ait été retenue, il ne saurait leur être reproché d'avoir refusé d'acquiescer aux demandes adverses.
Il s'ensuit que ce chef de demande sera rejeté et la décision attaquée sera encore confirmée de ce chef.
II Sur les demandes annexes.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
L'équité exige que les époux [N] soient condamnés in solidum à verser aux sociétés EDF ENR, 1001 soleils et Groupama Centre Atlantique, ensemble, une somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la présente procédure.
Aux termes de l'article 696 alinéa premier du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. Sur ce fondement, les époux [N], qui succombent au principal, supporteront in solidum la charge des entiers dépens de la présente instance.
LA COUR, PAR CES MOTIFS,
CONFIRME la décision rendue par le juge des contentieux de proximité du tribunal judiciaire de Bordeaux le 21 juin 2021 ;
Y ajoutant,
CONDAMNE in solidum Mme [N] et M. [N] à régler à aux sociétés EDF ENR, 1001 soleils et Groupama Centre Atlantique, ensemble, une somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la présente procédure ;
CONDAMNE in solidum les époux [N] aux entiers dépens de la présente instance.
Le présent arrêt a été signé par Madame Paule POIREL, présidente, et par Madame Mélina POUESSEL, greffier placé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 18 SEPTEMBRE 2024
N° RG 21/04755 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MI7D
[I] [N]
[B] [N]
c/
S.A.S.U. EDF ENR
S.A.R.L. 1001 SOLEILS
CAISSE D'EPARGNE D'ASURRANCE MUTUELLE AGRICOLE CENTRE ATLANTIQUE - GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE
Nature de la décision : AU FOND
Copie exécutoire délibvrée le 18/09/2024 à :
Maître Evelyne DESPUJOLS, à Maître Annie TAILLARD et à Maître Emmanuel TRESTARD
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 21 juin 2021 par le Juge des contentieux de la protection du Tribunal Judiciaire de BORDEAUX (RG : 20/00382) suivant déclaration d'appel du 18 août 2021
APPELANTS :
[I] [N]
né le 30 Août 1947 à [Localité 6]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 1]
[B] [N]
née le 18 Novembre 1946 à [Localité 5] (ALGERIE)
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 1]
représentés par Maître Evelyne DESPUJOLS, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistés de Maître Paul YON de la SARL PAUL YON SARL, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMÉES :
S.A.S.U. EDF ENR agissant en la personne de so représentant légal, demeurant en cette qualité audit siége social sis [Adresse 2]
représentée par Maître Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître CHAUVAUX substituant Maître Christophe BELLOC, avocat plaidant au barreau de PARIS
S.A.R.L. 1001 SOLEILS agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 4]
CAISSE D'EPARGNE D'ASURRANCE MUTUELLE AGRICOLE CENTRE ATLANTIQUE - GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 3]
représentées par Maître Emmanuel TRESTARD de la SELARL VERMONT TRESTARD & ASSOCIES, avocat au barreau de LIBOURNE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 mai 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Emmanuel BREARD, conseiller, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Paule POIREL, présidente,
Bérengère VALLEE, conseiller,
Emmanuel BREARD, conseiller,
Greffier lors des débats : Véronique SAIGE
Greffier lors du prononcé : Mélina POUESSEL, greffier placé
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Selon bon de commande du 17 juillet 2018, M. [I] [N] et Mme [B] [N] ont conclu avec la SASU EDF ENR Solaire un contrat d'installation à leur domicile, situé [Adresse 1], d'une installation photovoltaïque pour la somme de 24 674 euros TTC.
La réalisation de l'ouvrage a été réalisée par la société 1001 Soleils en sa qualité de sous-traitant de la société EDF ENR Solaire.
Par acte d'huissier de justice du 27 janvier 2020, M. et Mme [N] ont assigné la société EDF ENR devant le tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins notamment d'obtenir la condamnation de la société EDF ENR à dissocier les deux câbles gainés, et ce sous astreinte, ainsi que la condamnation au paiement des sommes de :
* 3 475, 43 euros TTC pour la prise en charge des frais nécessaires à la mise aux normes de l'alimentation du système photovoltaïque ainsi que la remise en état de la pompe à chaleur,
* 1 900 euros pour la prise en charge de la surconsommation de fioul avec intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2019.
Par acte d'huissier du 31 juillet 2020, la société EDF ENR, anciennement dénommée EDF ENR Solaire a fait citer la société 1001 Soleils et la société Groupama Centre Atlantique devant le tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins notamment d'obtenir leur condamnation in solidum à la relever et la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre.
Les deux instances ont été jointes.
Par jugement contradictoire du 21 juin 2021 le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- débouté M. et Mme [N] de l'intégralité de leurs demandes dirigées à l'encontre de la société EDF ENR,
- débouté la société EDF ENR de ses demandes dirigées à l'encontre de la société 1001 Soleils et la compagnie Groupama Centre Atlantique,
- rejeté les demandes autres, plus amples ou contraires,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. et Mme [N] aux dépens,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
M. et Mme [N] ont relevé appel de ce jugement par déclaration du 18 août 2021, en ce qu'il a :
- débouté M. et Mme [N] de l'intégralité de leurs demandes dirigées à l'encontre de la société EDF ENR,
- débouté la société EDF ENR de ses demandes dirigées à l'encontre de la société 1001 Soleils et la compagnie Groupama Centre Atlantique,
- rejeté les demandes autres, plus amples ou contraires,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. et Mme [N] aux dépens.
Par dernières conclusions déposées le 2 janvier 2024, M. et Mme [N] demandent à la cour de :
- infirmer le jugement rendu le 21 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Bordeaux,
- débouter la société EDF ENR, la société 1001 Soleils et la compagnie Groupama Centre Atlantique de l'ensemble de leurs demandes,
- condamner in solidum la société EDF ENR, la société 1001 Soleils et la Compagnie Groupama à payer les sommes suivantes à M. et Mme [N] :
* 3 475,43 euros TTC pour la prise en charge des frais nécessaires à la mise aux normes de l'alimentation du système photovoltaïque ainsi que la remise en état de la pompe à chaleur,
* 1 900 euros pour la prise en charge de la surconsommation de fioul,
- dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 30 janvier 2019, date de la lettre de M. et Mme [N] à la société EDF ENR,
- condamner in solidum la société EDF ENR, la société 1001 Soleils et la Compagnie Groupama à verser à M. et Mme [N] la somme de 2 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- condamner in solidum la société EDF ENR, la société 1001 Soleils et la Compagnie Groupama à payer à M. et Mme [N] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles,
- condamner in solidum la société EDF ENR, la société 1001 Soleils et la Compagnie Groupama au paiement des entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Ludovic Baustier, avocat au Barreau de Bordeaux, qui pourra les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions déposées le 3 janvier 2024, la société EDF ENR, demande à la cour de :
A titre principal :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les époux [N] de leurs demandes dirigées à l'encontre de la société EDF ENR,
En conséquence,
- débouter les époux [N] de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions,
A titre subsidiaire
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société EDF ENR de ses demandes dirigées à l'encontre de la société 1001 Soleils et la société Groupama Centre Atlantique,
En conséquence, et statuant à nouveau,
- condamner la société 1001 Soleils et la société Groupama Centre Atlantique, es-qualité d'assureur de la société 1001 Soleils, à relever et garantir EDF ENR de toute condamnation prononcée à son encontre, en principal, intérêts, frais et accessoires,
En tout état de cause
- condamner tout succombant à payer à EDF ENR la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner tout succombant en tous les dépens.
Par dernières conclusions déposées le 11 février 2022, la société 1001 soleils et la Compagnie Groupama Centre Atlantique, demandent à la cour de :
- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,
- débouter les appelants de l'intégralité de leurs demandes,
- débouter la société EDF-ENR de ses demandes formées à l'encontre des concluantes,
- condamner les époux [N] à payer à chacune des sociétés concluantes la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner en tous les dépens.
L'affaire a été fixée à l'audience rapporteur du 13 mai 2024.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 4 janvier 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I Sur la responsabilité des société EDF ENR et 1001 Soleils.
Les époux [N], au visa de l'article 1792-3 du code civil, rappellent que la réception des travaux d'installation des panneaux photovoltaïques à leur domicile, éléments d'équipement de cet immeuble, a eu lieu le 27 septembre 2018.
Ils affirment que l'expert amiable dépêché à leur demande a constaté les éléments techniques établissant la responsabilité de la société installatrice de ces équipements, la société EDF ENR, laquelle a en outre, selon leurs dires, acquiescé aux conclusions de l'expertise.
En effet, ils soutiennent que les câbles d'alimentation de la pompe à chaleur installée par la société 1001 soleils et du système photovoltaïque étant dans la même goulotte, des courants de fuite électriques ont été générés entre les câbles et ont abîmé la pompe à chaleur.
Ils sollicitent à ce titre non seulement la dissociation des câbles gainés, mais aussi la remise en état de la pompe à chaleur, travaux chiffrés par l'expert à la somme de 3.475,43€.
Ils reprochent au premier juge d'avoir retenu la garantie biennale de bon fonctionnement à l'égard de l'installation photovoltaïque, alors que celle-ci fonctionne et n'a donc pas vocation à s'appliquer.
Ils contestent ne pas justifier de leur préjudice, celui-ci résultant de l'expertise amiable effectuée à leur demande et n'étant contredit que par un courrier d'un sachant communiqué par leurs adversaires.
Ils se prévalent de ce que le rapport d'expertise qu'ils produisent établit un lien de causalité entre l'installation de l'équipement photovoltaïque et la panne de la pompe à chaleur au vu du regroupement des câbles électriques dans une même goulotte.
Ils estiment que la lenteur de la réaction de la société EDF ENR n'a fait qu'aggraver leur préjudice, ayant été contraint de faire réaliser eux-mêmes les travaux de remise en état de la pompe à chaleur, qui, depuis que les câbles ont été séparés, fonctionne à nouveau.
Ils en déduisent que la contestation de la partie adverse à propos de la perturbation électrique n'est pas fondée.
Ils ajoutent que l'installation photovoltaïque ne fonctionnait pas parfaitement, élément qui engage selon leurs dires la responsabilité des sociétés 1001 soleils et EDF ENR.
A titre subsidiaire, ils mettent en avant, sur le fondement de l'article 1217 du code civil, le fait que la pompe à chaleur installée à leur domicile ne fonctionnait pas, du fait du de l'installation défectueuse des panneaux photovoltaïques pour les raisons susmentionnées, engageant la responsabilité contractuelle de la société EDF ENR.
De même, ils considèrent que la société 1001 Soleils a subsidiairement engagé sa responsabilité au titre de l'article 1240 du code civil en installant les panneaux photovoltaïques, installation défectueuse ayant elle-même détérioré l'alimentation de la pompe à chaleur et engageant sa responsabilité.
A titre encore plus subsidiaire, ils entendent que soit retenue la responsabilité délictuelle de la société EDF ENR en ce qu'il leur est reproché d'avoir glissé les câbles électriques de l'installation photovoltaïque dans la goulotte dédiée aux câbles d'alimentation de la pompe à chaleur.
Ils soulignent qu'outre les constatations de l'expert, ce dernier équipement a fonctionné pendant 11 ans sans problème, qu'il a de nouveau fonctionné normalement suite au nouveau branchement, ce qui s'analyse comme un faisceau d'indices concordant de nature à engager la responsabilité des intimées.
Ils s'opposent donc à ce que lien de causalité ne soit pas établi, outre que les éléments précités s'appliquent à la garantie des vices cachés et non aux régimes de responsabilité mis en avant lors du présent litige.
***
L'article 1792-3 du code civil prévoit que 'Les autres éléments d'équipement de l'ouvrage font l'objet d'une garantie de bon fonctionnement d'une durée minimale de deux ans à compter de sa réception.'
L'article 1217 du même code énonce que 'La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :
- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;
- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;
- obtenir une réduction du prix ;
- provoquer la résolution du contrat ;
- demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.'
L'article 1353 du code civil dispose 'Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation'.
Il est de principe qu'en application de ce texte, nul ne peut se faire de preuve à soi-même.
Il est constant que, pour établir un lien de causalité entre une faute et un dommage, si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l'une des parties, quant bien même celle-ci aurait été réalisée de manière contradictoire et soumise à la contradiction des parties dans le cadre des débats (en particulier en ce sens troisième chambre civile de la Cour de Cassation le 14 mai 2020 n°19-16.278).
La cour constate que si les époux [N] versent aux débats une expertise amiable datée du 12 août 2019 (pièce 5 des appelants) établissant un lien de causalité entre la défectuosité de la pompe à chaleur équipant leur domicile et l'installation photovoltaïque posée courant octobre 2018, il s'agit du seul élément communiqué en ce sens.
Il sera observé que les affirmations des appelants selon lesquelles la pompe à chaleur fonctionnait au préalable sans difficulté, puis à nouveau normalement une fois les câbles électriques litigieux séparés, ne sont étayées par aucun élément.
Il ne saurait résulter de ces simples déclarations un faisceau d'indices, contrairement à ce que soutiennent les appelants.
De même, il est exact que les régimes de responsabilité invoqués par les appelants exigent tous qu'il soit établi un lien de causalité entre le dommage subi et la faute de la partie adverse, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Aussi, faute que la responsabilité des sociétés intimées soit établie, les demandes faites à leur encontre que ce soit sur le fondement de l'article 1792-3 du code civil, de la responsabilité contractuelle ou délictuelle, seront rejetées et la décision attaquée sera confirmée de ce chef.
II Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive des époux [N].
Vu l'article 1240 du code civil précité.
L'article 32-1 du code de procédure civile mentionne que 'Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.'
Les appelants sollicitent la condamnation in solidum des sociétés intimées en ce que celles-ci ne pouvaient se méprendre sur leur obligation de reprise, alors même que leur refus n'a fait qu'aggraver leur préjudice selon leurs dires.
Néanmoins, faute que la responsabilité des sociétés 1001 soleils ou EDF ENR ait été retenue, il ne saurait leur être reproché d'avoir refusé d'acquiescer aux demandes adverses.
Il s'ensuit que ce chef de demande sera rejeté et la décision attaquée sera encore confirmée de ce chef.
II Sur les demandes annexes.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
L'équité exige que les époux [N] soient condamnés in solidum à verser aux sociétés EDF ENR, 1001 soleils et Groupama Centre Atlantique, ensemble, une somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la présente procédure.
Aux termes de l'article 696 alinéa premier du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. Sur ce fondement, les époux [N], qui succombent au principal, supporteront in solidum la charge des entiers dépens de la présente instance.
LA COUR, PAR CES MOTIFS,
CONFIRME la décision rendue par le juge des contentieux de proximité du tribunal judiciaire de Bordeaux le 21 juin 2021 ;
Y ajoutant,
CONDAMNE in solidum Mme [N] et M. [N] à régler à aux sociétés EDF ENR, 1001 soleils et Groupama Centre Atlantique, ensemble, une somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la présente procédure ;
CONDAMNE in solidum les époux [N] aux entiers dépens de la présente instance.
Le présent arrêt a été signé par Madame Paule POIREL, présidente, et par Madame Mélina POUESSEL, greffier placé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,