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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 18 septembre 2024, n° 21/20600

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

IMB Logistique (SASU)

Défendeur :

Franke Food Service System GmbH (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Brun-Lallemand

Conseillers :

Mme Depelley, M. Richaud

Avocats :

Me Boccon Gibod, Me Guidoux, Me Baechlin, Me Velard, Me Bourgade

T. com. Paris, 13e ch., du 22 nov. 2021,…

22 novembre 2021

EXPOSÉ DU LITIGE

La société IMB Logistique a pour activité l'organisation de transports routiers, maritime et aérien ainsi que de la logistique et du stockage.

La société de droit allemand Franke Food Service System a pour activité la conception sur mesure de cuisines de restaurants à service rapide.

De juillet 1998 à juin 2016, la société Franke Food Service System a fait appel à la société IMB Logistique pour organiser le stockage, la manutention et le transport de marchandises expédiées depuis l'Allemagne à destination de la France.

Les parties n'ont jamais formalisé leur relation par un contrat.

A compter du mois de mars 2016, les commandes passées par la société Franke Food Service System ont diminué.

La société IMB Logistique a obtenu le 18 aout 2017 la désignation d'un mandataire ad hoc ayant notamment pour mission de négocier le rétablissement des relations commerciales.

Alléguant qu'IMB Logistique avait fait l'objet d'un détournement de ses salariés par une société concurrente, cet administrateur judiciaire a adressé un premier courrier du 23 décembre 2017 à la société Franke Food Service System, lequel faisait état du préjudice subi à travers la perte de l'ordre de 80 % du chiffre d'affaires entre les deux sociétés et proposait de négocier un accord amiable.

Le 29 janvier 2018, il lui a adressé un second courrier, ayant le même objet, visant l'article L. 442-6, I, 5 du code de commerce relatif à la rupture brutale de la relation commerciale établie.

Après plusieurs échanges infructueux entre les parties, le conseil de la société Franke Food Service System a, par courrier officiel du 4 décembre 2019, refusé de donner suite à la demande indemnitaire de la société IMB Logistique.

Par acte du 23 juin 2020, la société IMB Logistique a assigné la société Franke Food Service System devant le tribunal de commerce de Paris pour obtenir des dommages-intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie.

Par jugement du 22 novembre 2021, le tribunal de commerce de Paris a :

- Débouté la société IMB Logistique de l'ensemble de ses demandes au titre de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;

- Dit prescrite l'action de la société IMB Logistique ;

- Condamné la société IMB Logistique à payer à la société de droit allemand Franke Food Service System la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples et contraires ;

- Condamné la société IMB Logistique aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,01 euros dont 12,12 euros de TVA.

La société IMB Logistique a interjeté appel de ce jugement par déclaration reçue au greffe de la Cour le 25 novembre 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées par voie électronique le 11 avril 2024, la société IMB Logistique demande à la Cour de :

Infirmer le jugement déféré du 22 novembre 2021 en ce qu'il a :

- Débouté la société IMB Logistique de l'ensemble de ses demandes au titre de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce,

- Dit prescrite l'action de la société IMB Logistique,

- Condamné la société IMB Logistique à payer à la société de droit allemand Franke Food Service System la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples et contraires mais uniquement en ce qu'elle déboute la société IMB Logistique de ses demandes,

- Condamné la société IMB Logistique aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés a la somme de 74,01 euros dont 12,12 euros de TVA,

Et statuant à nouveau :

- Juger la société IMB Logistique recevable et bien fondée en son action fondée sur l'article L.442-6, I, 5° ancien du code de commerce (devenu L.442-1, ii) ;

- Juger cette action non prescrite ;

- Juger que la société Franke Food Service System a rompu brutalement les relations commerciales établies avec la société IMB Logistique sans notifier un préavis écrit tenant compte de l'ancienneté de leurs relations commerciales établies ;

- Juger que la société Franke Food Service System aurait dû respecter un préavis d'une durée de 36 mois ;

En conséquence,

- Condamner la société Franke Food Service System à payer a la société IMB Logistique :

* La somme de 825 175 euros correspondant à la perte de marge brute par la société IMB Logistique pendant la durée de préavis qui aurait dû être accordée par la société Franke Food Service System ;

* La somme de 64 874,50 euros au titre des charges fixes engagées par la société IMB Logistique en pure perte ;

* La somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant du caractère vexatoire lié à la brutalité de la rupture ;

- Juger que ces sommes produiront intérêts au taux légal depuis le 14 novembre 2019, date de la mise en demeure ;

- Débouter la société Franke Food Service System de l'intégralité ses demandes, fins et prétentions ;

- Condamner la société Franke Food Service System à payer à la société IMB Logistique la somme de 70 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société Franke Food Service System aux entiers dépens d'instance.

Aux termes de leurs dernières écritures, déposées et notifiées par voie électronique le 19 avril 2024, la société Franke Food Service System demande à la Cour de :

Vu les articles L.1432-4 et L.1432-12 du code des transports,

Vu le contrat-type de commission de transport, approuvé par le décret n°2013-293 du 5 avril 2013 et désormais codifié au sein de l'annexe de l'article d.1432-3 du code des transports,

Vu l'ancien article L.442-6, I, 5° (devenu L.442-1, II) du code de commerce,

A titre principal :

- Confirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de paris le 22 novembre 2021, notamment en ce qu'il a jugé que :

* L'article L.442-6, i, 5° du code de commerce (devenu L.442-1, II) sur lequel l'appelante fonde sa demande n'est pas applicable à la rupture de la relation entre l'appelante et l'intimée ;

* La rupture de cette relation est exclusivement régie par l'article 15.1 du contrat-type de commission de transport approuvé par le décret n°2013-293 du 5 avril 2013 et désormais codifié au sein de l'annexe de l'article D.1432-3 du code des transports ;

* La prescription annale prévue par l'article L.133-6 du code de commerce est applicable ;

* L'action de l'appelante, introduite plus d'1 an après la fin de la relation, est irrecevable ;

- Rejeter l'intégralité des demandes contraires de l'appelante ;

A titre subsidiaire :

- Juger que, dans le cadre de sa relation avec l'intimée, l'appelante a manqué à plusieurs reprises à son obligation principale et essentielle qui consiste, selon le contrat-type de commission de transport, à assurer, sous forme d'obligation générale de résultat, la bonne fin du transport des équipements confiés par l'intimée ;

- Juger que ces nombreux manquements, qui revêtent le caractère de gravité requis par la jurisprudence applicable aux commissionnaires de transport, excluent toute brutalité dans la rupture de la relation commerciale ;

- Rejeter l'intégralité des demandes de l'appelante au titre d'une prétendue rupture brutale.

A titre encore plus subsidiaire, si la cour qualifiait de brutale la rupture de la relation entre les parties :

- Juger que le délai de préavis prétendument dû par l'intimée à l'appelante doit être fixé à 3 mois s'agissant d'une relation commerciale d'une durée supérieure à 1 an, conformément à ce qui est prévu à l'article 15.1 du contrat-type de commission de transport approuvé par le décret n°2013-293 du 5 avril 2013 et désormais codifié à l'annexe de l'article D.1432-3 du code des transports ;

- Juger que, dans l'hypothèse où le préavis de 3 mois prévu dans le contrat-type de commission de transport ne serait pas applicable, le préavis raisonnable que l'intimée aurait dû accorder à l'appelante ne saurait être supérieur à 12 mois et fixer la durée de ce préavis raisonnable à 3 mois, eu égard à la jurisprudence rendue spécifiquement par la cour d'appel de paris dans le secteur de la commission de transport ;

- Juger que la méthode de calcul utilisée par l'appelante afin de déterminer son prétendu gain manqué est totalement erronée à plusieurs égards (chiffre d'affaires, marge et préavis exorbitant retenus) ;

- Juger que le préjudice complémentaire que l'appelante estime avoir subi en lien avec la non-restitution des locaux loués auprès du port autonome de paris ne découle pas de la brutalité de la rupture de la relation et qu'il n'est absolument pas justifié ;

- Juger que les modalités de calcul utilisées par l'appelante afin de déterminer son prétendu préjudice complémentaire en lien avec la non-restitution des locaux loués auprès du port autonome de paris sont incohérentes et erronées ;

- Juger que le prétendu préjudice moral allégué par l'appelante n'est justifié ni dans son existence ni dans son étendue ;

- Rejeter l'ensemble des demandes indemnitaires et prétentions contraires de l'appelante sur le fondement de l'ancien article L.442-6, I, 5° du code de commerce (devenu L.442-1, II) ou de tout autre fondement ;

En tout état de cause :

- Condamner l'appelante à régler à l'intimée la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et mettre à sa charge les entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 avril 2024.

MOTIVATION

La Cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

Les moyens des parties s'articulent ainsi qu'il suit :

- La société Franke Food Service System soutient que les parties n'ont jamais conclu de contrat et que, la société IMB Logistique ayant assumé des missions de réception et de livraison en France de marchandises expédiées depuis l'Allemagne vers une clientèle de restaurants, leur relation commerciale est exclusivement régie par le contrat-type de commission de transport. La confirmation de la décision attaquée est sollicitée en ce qu'elle a considéré qu'IMB transport avait une activité essentielle et principale de commissionnaire de transport, dont la rupture est exclusivement régie par l'article 15.1 du contrat-type de commission de transport, de sorte que sa demande était prescrite.

- La société IMB Logistique répond, d'une part, que le contrat-type de commissionnaire de transport n'est pas applicable au cas d'espèce, eu égard à la nature des prestations qu'elle réalisait, et d'autre part, que la nature délictuelle et d'ordre public de l'action fondée sur l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce est exclusive de l'application de la prescription annale, seule applicable aux actions de nature contractuelle.

- Sur la qualité de commissionnaire de transport de la société IMB Logistique

Moyens des parties

La société IMB Logistique allègue avoir été mandatée avant tout en sa qualité de logisticien pour gérer le processus de livraison et d'installation des matériels et équipements de cuisines dans les fast-food des grandes enseignes de restauration rapide, cette activité la conduisant à assurer de nombreuses autres prestations, outre celle de commissionnaire de transport, celles d'entreposage, manutention, gestion des stocks, des commandes ou encore la facturation.

Elle soutient avoir supervisé, pour le compte de la société Franke Food Service System, tous ses chantiers localisés en France et avoir programmé la manutention sur sites de ses matériels et équipements de cuisine (installations à l'occasion d'ouvertures de nouveaux restaurants et/ou changements des installations ou des équipements de cuisine). Elle relate qu'en pratique, elle recevait à l'avance un planning d'interventions de remplacement de cuisines ou d'installations sur des nouveaux sites et devait notamment évaluer les besoins pour mettre en 'uvre l'opération, élaborer un planning horaire chronométré pour coordonner les intervenants sur site aux dates et heures imposées par la société Franke Food Service System, coordonner les ordres logistiques pour assurer le transfert des éléments de cuisine en transit/stockage depuis la cellule affectée à la société Franke Food Service System sur sa plateforme et suivre les opérations de manutentions sous-traitées sur le chantier.

La société IMB Logistique en conclut que les missions qui lui ont été confiées ne peuvent être qualifiées d'accessoire au sens des dispositions du contrat-type, celles-ci ne visant ni les prestations logistiques, ni celles de manutention, la société Franke Food Service System ne lui ayant confié une mission de transport que de manière ponctuelle.

La société Franke Food Service System répond que la société IMB Logistique était un intermédiaire responsable et libre de ses moyens qui disposait, à ce titre, d'un effectif compris entre trois et cinq salariés et s'appuyait sur des sous-traitants qu'elle choisissait librement et qu'elle chargeait de réaliser telle ou telle tâche sous sa responsabilité et sa supervision.

Elle allègue, en outre, que le fait d'accomplir des activités accessoires ou annexes au transport des marchandises mais étroitement liées à ce transport ne suffit pas à remettre en cause la qualité de commissionnaire et qu'en tout état de cause, la société IMB Logistique ne démontre pas avoir participé à des opérations d'installation d'équipements de cuisine sur les chantiers comme elle le prétend, ses factures faisant uniquement référence au transport et à des opérations accessoires au transport (réception, emballage, reprise de marchandise, stockage).

Réponse de la Cour

La qualité de commissionnaire de transport ne se présume pas, c'est à la personne qui l'invoque à son profit ou qui l'attribue à son adversaire d'apporter la preuve du contrat de commission, étant entendu que l'inscription de la société au registre des commissionnaires de transport n'est pas suffisante pour établir qu'elle est intervenue comme telle dans une opération donnée (en ce sens : Cass. com., 6 oct. 1992, n° 90-19.259).

Aux termes de l'article L. 1411-1, I, 1° du code des transports est commissionnaire de transport celui qui s'est engagé à organiser librement, en son propre nom, un transport de marchandises pour le compte de son client.

La commission de transport est, ainsi, la convention par laquelle le commissionnaire s'engage envers le commettant à accomplir pour le compte de celui-ci les actes juridiques nécessaires au déplacement d'une marchandise d'un lieu à un autre qui se caractérise non seulement par la latitude laissée au commissionnaire d'organiser librement le transport par les voies et moyens de son choix, sous son nom et sous sa responsabilité, mais aussi par le fait que cette convention porte sur le transport de bout en bout.

Les parties n'ayant pas conclu de contrat, il appartient à la Cour d'analyser la prestation effectivement réalisée au cas présent par la société IMB Logistique pour la société Franke Food Service System.

Il résulte des pièces versées au dossier que la société Franke Food Service System sollicitait la société IMB Logistique pour réaliser diverses prestations d'organisation de transport, d'emballage, de déballage et d'enlèvement de marchandises auprès de ses clients.

S'agissant en premier lieu de la qualité d'intermédiaire de la société IMB Logistique pour l'organisation du transport, la Cour constate que les factures adressées à la société Franke Food Service System en 2011, 2015 et 2016 mentionnent toutes des prestations de livraison et que certaines d'entre elles visent, en complément, diverses prestations de manutention (pièces n°72, 77 et 78).

Dès lors et contrairement à ce qu'affirme la société IMB Logistique, les missions de transport réalisées pour la société Franke Food Service System n'étaient pas simplement ponctuelles mais bien quotidiennes.

Il ressort par ailleurs des écritures de la société IMB Logistique « faisait appel à des logisticiens, qu'elle mandatait à cette fin, lesquels assuraient la prestation de transport local à l'aide de petits camions et/ou de manutention spécialisée pour son compte » (page 4 des écritures de la société IMB Logistique).

En outre, dans son attestation du 21 septembre 2019, M. [C] [X], à l'origine de la création de la société IMB Logistique, relate avoir été informé, après son départ de la société fin 2011, du remplacement de « ABTD par la société TMP pour les livraisons et manutentions dans les restaurants de la région parisienne » (pièce n°3, société IMB Logistique), la société TMP étant décrite comme l'un « des prestataires historiques de transport d'IMB » (page 3 des écritures de la société IMB Logistique).

Il se déduit de la mention de prestations de transport sur l'ensemble des factures versées au dossier qu'il s'agissait de l'activité principale de la société IMB Logistique pour la société Franke Food Service System.

Il est également démontré que la société IMB Logistique avait recours à des prestataires de transport et qu'elle agissait, ainsi, comme un intermédiaire pour assurer la livraison des marchandises de la société Franke Food Service System.

S'agissant, en second lieu, de la latitude laissée à la société IMB Logistique dans l'organisation du transport, il résulte des échanges entre les parties que la société Franke Food Service System lui adressait un planning avec ses besoins auquel la société IMB Logistique répondait par un devis sous forme d'offres forfaitaires (pièces n°13 et 19, société IMB Logistique et page 25 des écritures de la société IMB Logistique).

Or, la rémunération forfaitaire du prestataire qui ne détaille pas le coût des différentes prestations successives peut être perçue comme une preuve de l'autonomie qui caractérise sa mission, une manifestation de sa liberté d'organisation (en ce sens : Cass. com., 12 janv. 1988, n° 86-14.607).

De plus, les conditions générales de vente annexées aux factures adressées à la société Franke Food Service System présentent la société IMB Logistique comme un « organisateur - commissionnaire de transport » dont la responsabilité est limitée en cas de « pertes, avaries ou tous autres dommages subis par la marchandise ['] » (pièce n°2, société Franke Food Service System), qualité dont elle se prévaut pour limiter sa responsabilité à la suite de plusieurs sinistres : « vous n'ignorez pas qu'en matière d'assurance, notre responsabilité de commissionnaire en transport est limitée à 750 € du colis » (pièce n°3-3, société Franke Food Service System). En outre, la société IMB Logistique facturait à la société Franke Food Service System les assurances prises sur ses marchandises (pièces n°72, 77 et 78, société IMB Logistique), ce qui fait partie intégrante des prestations accessoires du contrat-type de commissionnaire de transport en vertu de son article 2.7.

Il résulte ainsi, de l'ensemble de ces éléments, que la société IMB Logistique réalisait pour la société Franke Food Service System, à titre principal, des prestations d'organisation de transport.

Par ailleurs, l'exécution, à titre accessoire de prestations notamment de manutention pour la société Franke Food Service System, de manière complémentaire à l'organisation du transport, n'est pas de nature à exclure sa qualité de commissionnaire de transport.

Il peut être enfin pris en considération, à titre complémentaire, l'inscription de cette société sur le registre des commissaires de transport.

Pour ces motifs substitués, il y a lieu de confirmer la décision attaquée en ce qu'elle a retenu l'existence de relations commerciales de commission de transport entre les parties.

- Sur les conditions d'application de la prescription abrégée

Moyens des parties

La société Franke Food Service System soutient que les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ne s'appliquent pas en l'espèce à la fin de la relation commerciale, laquelle est exclusivement régie par le contrat-type de commission de transport qui prévoit en son article 15.1 une stipulation encadrant de manière spécifique et dérogatoire cette fin. Elle ne conteste pas que l'article L. 442-6, I, 5° puisse s'appliquer aux relations de transport en général, mais fait valoir que par exception, cette exception ne s'applique pas aux relations qui sont régies par deux catégories de contrat type, celui relatif aux transporteurs routiers exécutés par des sous-traitants, d'une part, et celui relatif à la commission de transport, d'autre part. Elle en déduit que c'est à tort que l'appelante, prétendant formuler une demande indemnitaire sur un fondement délictuel, demande que la prescription annale de L. 133-6 du code de commerce soit écartée. Se référant à l'article 14 du contrat type qui prévoit lui aussi une prescription d'un an, elle fait valoir que l'action de la société IMB Logistique est prescrite puisqu'elle n'a été introduite qu'en 2020.

La société IMB Logistique répond que la prescription de l'article L. 133-6 du code de commerce gouverne les litiges découlant du contrat de transport est qu'elle est inapplicable à la rupture brutale de relations entre un transporteur et un de ses clients, laquelle est soumise au délai de prescription de droit commun de 5 ans. Elle soutient que la prescription annale ne s'applique qu'aux dommages aux marchandises et aux litiges relatifs à l'exécution du contrat de transport.

Réponse de la Cour

L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

En vertu de l'article L. 1432-4 du code des transports, à défaut de convention écrite et sans préjudice de dispositions législatives régissant les contrats, les rapports entre les parties sont, de plein droit, ceux fixés par les contrats-types.

En application de l'article L. 133-6 du code de commerce et de l'article 14 du contrat-type de commission de transport, toutes les actions auxquelles le contrat de commission de transport peut donner lieu sont prescrites dans le délai d'un an.

La loi spéciale dérogeant à la loi générale et l'article L. 442-1 II du code de commerce consacrant un régime spécial de responsabilité de nature délictuelle exclusif de celui du droit commun fondé sur l'article 1382 (devenu 1240) du code civil (en ce sens, Com., 2 octobre 2019, n° 18 15.676) et ouvrant un droit à réparation du préjudice né de la brutalité de la rupture et non d'une inexécution contractuelle, l'article L. 442-1 II du code de commerce ne s'applique pas dans le cadre des relations commerciales de transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants, lorsque le contrat-type qui prévoit la durée des préavis de rupture institué par la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 dite loi LOTI régit, faute de stipulations contractuelles, les rapports du sous-traitant et de l'opérateur de transport (en ce sens, Com. 4 octobre 2011, n° 10-20.240 ; Com., 25 septembre 2019, n° 17-22.275 ; Com., 22 janv. 2008, n° 06-19.440, qui précise qu'un contrat-type, institué sur le fondement de l'article 8§II de la loi Loti règle pour l'avenir, dès l'entrée en vigueur du décret qui l'établit, les rapports que les parties n'ont pas définis au contrat de transport qui les lie).

Ce raisonnement est également applicable aux contrats conclus entre un donneur d'ordre et un commissionnaire de transport. A défaut de convention écrite définissant les rapports entre les parties au contrat, les clauses supplétives de volonté du contrat-type établi par voie réglementaire - qui prévoyaient notamment à l'époque des faits un préavis de trois mois pour une relation de plus d'un an - s'appliquent de plein droit.

En l'espèce, la Cour relève que :

- aucun contrat écrit n'ayant été signé entre les parties, leurs relations sont régies par le contrat-type de commission de transport ;

- il est constant que la date de la fin des relations commerciales litigieuses est bien antérieure à juin 2019 ;

- l'assignation a été délivrée le 23 juin 2020.

Dans ces circonstances de fait et de droit, la Cour retient, d'une part, qu'il n'y a pas de faire application de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce et, d'autre part, que c'est à raison que la prescription extinctive est opposée à la société IMB Logistique, sa demande étant irrecevable pour ce motif.

Le jugement est confirmé.

1. Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné la société IMB Logistique à payer à la société Franke Food Service System la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La société IMB Logistique, succombant en son appel, sera condamnée aux dépens.

En application de l'article 700 du code de procédure civile en appel, la société IMB Logistique sera déboutée de ses demandes et condamnée à verser à la société Franke Food Service System la somme de 5 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement dans toutes ses dispositions soumises à la Cour.

Y ajoutant,

Condamne la société IMB Logistique aux dépens d'appel qui seront recouvrés suivant la procédure de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne la société IMB Logistique à payer à la société Franke Food Service System la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel.