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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 18 septembre 2024, n° 22/14881

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Ici Barbès (SASU)

Défendeur :

Renault (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Brun-Lallemand

Conseiller :

M. Richaud

Avocats :

Me Grappotte-Benetreau, Me Bencheikh, Me Martel, Me Portron

T. com. Paris, 13e ch., du 7 juin 2022, …

7 juin 2022

LES FAITS

Par une lettre de nomination du 12 juillet 2012, la société Renault, qui exerce une activité de commerce automobile et de tout service s'y rapportant ainsi qu'une activité de gestion de valeurs mobilières, a confié à la société Ici Barbès qui exerce une activité de communication, d'édition et de publicité, la réalisation de 6 numéros du magazine interne "Global".

Par une nouvelle lettre de nomination du 8 novembre 2016, la société Renault a confié à la société Ici Barbès la réalisation de ce magazine, pour une durée de trois ans allant jusqu'au 31 décembre 2019.

Par une lettre du 18 novembre 2019 en réponse à la demande de la société Renault l'informant aussi de son absence de visibilité sur la pérennité du magazine par courriel du 15 novembre 2019, la société Ici Barbès a accepté de s'engager à respecter un prix de 17 166 euros par magazine pour l'année 2020.

Par courriel du 2 décembre 2019, la société Renault a informé la société Ici Barbès de l'annulation du numéro de février en raison de restrictions budgétaires.

Aucun contact n'a plus eu lieu entre les parties jusqu'à la lettre du 26 mai 2020 par laquelle, la société Ici Barbès a mis en demeure Renault de lui régler la somme de 369 385,42 euros à titre de dommages et intérêts pour s'être livré depuis plusieurs années à des pratiques commerciales restrictives de concurrence ainsi qu'à des pratiques déloyales.

LA PROCÉDURE

Par acte du 24 décembre 2020, la société Ici Barbès a assigné la société Renault devant le tribunal de commerce de Paris pour obtenir des dommages-intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie, ainsi que pour des pratiques abusives et déloyales.

Par jugement du 7 juin 2022, le tribunal de commerce de Paris a :

- Condamné la société Renault à payer à la société Ici Barbès la somme de 18 402 euros au titre de la rupture brutale des relations commerciales.

- Débouté la société Ici Barbès de sa demande visant à condamner la société Renault à lui payer la somme de 156 246 euros au titre de la perte de marge consécutive à la réduction du volume d'affaires.

- Débouté la société Ici Barbès de sa demande de pénalités de retard, de sa demande de préjudice financier pour retard systématique du règlement des prestations, et de sa demande d'indemnités forfaitaires de recouvrement.

- Débouté la société Ici Barbès de sa demande de condamnation de la société Renault à lui payer la somme de 10 000 euros pour comportement déloyal.

- Débouté la société Ici Barbès de sa demande de condamnation de la société Renault à lui payer 82 396,80 euros TTC au titre de quatre numéros du magazine Global en 2020.

- Débouté la société Ici Barbès de ses demandes de publication avec astreinte.

- Condamné la société Renault à payer la somme de 5 000 euros à la société Ici Barbès au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Débouté les parties de leurs demandes autres plus amples ou contraires.

- Condamné la société Renault aux dépens, donc ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 71,35 euros, dont 11,68 euros de TVA.

La société Ici Barbès a interjeté appel de ce jugement par déclaration reçue au greffe de la Cour le 8 août 2022.

Par ses dernières conclusions déposées et notifiées par RPVA le 5 mai 2023, elle prie la Cour de :

Réformer le jugement du 7 juin 2022 du tribunal de commerce de Paris, en ce qu'il a limité ses condamnations au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies et de l'article 700 du code de procédure civile et l'a débouté de ses autres demandes.

Et statuant à nouveau :

- Condamner la société Renault à payer à la société Ici Barbès la somme totale de 462.050,10 euros dont :

* 213 140,42 euros, au titre de dommages-intérêts pour la rupture brutale des relations commerciales établies ;

* 156 245 euros au titre de la perte de marge brute subie par la société Ici Barbes en raison du non-respect par Renault de la lettre d'engagement du 8 novembre 2016 ;

* 1 640 euros, à titre d'indemnité de recouvrement forfaitaire pour les 41 factures payées tardivement,

* 22 001,85 euros au titre des pénalités de retard cumulées ;

* 5 000 euros au titre du préjudice financier subi par le retard systématique du règlement des prestations d'Ici Barbes ;

* 10 000 euros au titre du comportement déloyal de Renault avec son partenaire commercial durant la durée de leur relation ;

* 54 022,83 euros au titre de la perte de marge pour la réalisation du magazine Global pour 2020.

- Ordonner à la société Renault de publier ou faire publier, à ses frais exclusifs le dispositif de la décision à intervenir pendant un mois, sur les sites Internet de la société Renault.

- Ordonner que cette injonction de publier soit assortie d'une astreinte de 5 000euros par jour de retard, à compter de la date de l'arrêt à intervenir ;

- Ordonner à la société Renault de publier ou faire publier, à ses frais exclusifs le dispositif de la décision intervenir dans deux quotidiens nationaux majeurs.

- Ordonner que cette injonction de publier sera assortie d'une astreinte de 5 000euros par jour de retard, à compter de la date de l'arrêt à intervenir ;

- Débouter la société Renault de toutes ses demandes, fins, conclusions et appel incident.

- Condamner la société Renault à payer à la société Ici Barbès la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner la société Renault aux dépens de l'instance dont distraction au profit de la SCP Grappotte Benetreau en application de l'article 699 du CPC.

La société Renault par ses dernières conclusions déposées et notifiées par RPVA le 7 février 2023, demande à la Cour de :

Vu les dispositions de l'article 1104 du Code civil,

Vu les dispositions de l'article L. 442-6 I 2° ancien du Code de commerce,

Vu les dispositions de l'article L. 442-1 II du Code de commerce,

Vu les dispositions des articles 9, 16 et 700 du Code de procédure civile,

Vu la jurisprudence citée et les pièces versées aux débats

Vu le Jugement entrepris du tribunal de Commerce de Paris du 7 juin 2022,

A titre principal :

Juger la société Renault recevable et bien fondée en son appel incident,

Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

- Débouté la société ici Barbes de sa demande de condamnation de la société Renault lui payer la somme de 156 245 euros au titre de la perte de marge consécutive à la réduction du volume d'affaire,

- Débouté la société Ici Barbès de sa demande de pénalité de retard, de sa demande de préjudice financier pour retard systématique du règlement des prestations et de sa demande d'indemnités forfaitaires de recouvrement,

- Débouté la société Ici Barbes de sa demande de condamnation de la société Renault lui payer la somme de 10 000 euros pour comportement déloyal,

- Débouté la société Ici Barbes de sa demande de condamner la société Renault au titre de la réalisation du magazine "Global" pour l'année 2020,

- Débouté la société Ici Barbes de ses demandes de publication sous astreinte

Infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

- Condamné la société Renault à payer à la société Ici Barbes la somme de 18 402 euros au titre de la rupture brutale des relations commerciales,

- Condamné la société Renault payer à la société Ici Barbes la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la société Renault aux entiers dépens.

Et statuant à nouveau sur ces chefs :

- Juger que la société Ici Barbes ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une relation commerciale établie entre les parties,

- Juger que la société Renault parfaitement respecté ses obligations, tant légales, que contractuelles, en prenant acte du terme de la relation contractuelle à durée déterminée,

- Juger qu'en aucun cas la rupture des relations contractuelles entre les parties ne peut être qualifiée de brutale au sens de l'article L. 442-1 II ancien du code de commerce,

En conséquence,

- Débouter la société Ici Barbes de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires ou plus amples,

A titre subsidiaire :

- Confirmer purement et simplement le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- Débouter la société Ici Barbes de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires ou plus amples,

En tout état de cause :

- Condamner la société Ici Barbes au paiement d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La Cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

Par avis de désignation du conseiller de la mise en état du 12 octobre 2022, il est proposé aux parties de recourir à une médiation judiciaire.

Par courrier du 18 octobre 2022 la société Ici Barbès informe être favorable à la mise en place d'une médiation judiciaire. Le 15 novembre 2022, la société Renault refuse la mise en place d'une médiation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 mai 2024.

MOTIVATION

Sur l'existence d'un déséquilibre significatif

La société Ici Barbès soutient que l'introduction d'une clause de productivité dans la lettre d'engagement du 8 novembre 2016, stipulant une réduction annuelle de ses tarifs de 5 % si le périmètre d'achat demeurait inchangé, a entraîné un déséquilibre entre les parties, dès lors que, bien qu'elle ait respecté son engagement de productivité de 5 % sur l'ensemble du magazine, Renault a réduit son périmètre de commande, notamment en diminuant progressivement le nombre de pages du magazine et en le passant au format digital, ce qui n'était pas prévu dans le contrat.

Elle conteste le jugement en ce que le tribunal retient que la lettre de nomination ne prévoyait pas d'engagement de la société Renault à maintenir le volume d'affaires. Elle soutient, au contraire, que la clause lui imposait de réduire ses tarifs de 5 % en échange du maintien d'un périmètre d'achat constant par la société Renault. Elle conteste également l'interprétation de cette clause par Renault,qui affirme que la réduction de 5 % s'applique uniquement à la part d'achat identique à l'année précédente, sans que la société Renault ne soit tenue de maintenir le volume d'achat global.

Elle fait valoir que cette clause a eu un impact négatif sur sa marge brute totale qui aurait pu être de 590 752 euros au lieu de 434 651,16 euros, ainsi que sur ces marges de négociations et sur tous les autres gains de productivité, et soutient que cela caractérise une baisse de sa rémunération sans contrepartie (CA Paris, 16 mai 2018, RG n° 17/11187).

De plus, elle conteste le jugement en ce qu'il a été retenu qu'elle n'avait pas manifesté d'opposition pendant la relation contractuelle alors que la direction des achats de Renault lui faisait des menaces répétées, la plaçant ainsi dans l'impossibilité de se plaindre. Elle ajoute que manifester une opposition dans la relation contractuelle n'est pas une condition nécessaire pour caractériser le comportement sanctionné par l'article L442-6 I 2° (ancien),

Elle sollicite ainsi la condamnation de la société Renault au paiement d'une somme de 156 245 euros au titre de la perte de marge subie du fait du non-respect de ses engagements par la société Renault.

La société Renault soutient en réplique qu'en application de l'article L442-6 I 2° du code de commerce, deux conditions doivent être réunies pour démontrer un déséquilibre significatif : l'existence d'obligations créant un déséquilibre significatif et la soumission ou la tentative de soumission à ces clauses.

Sur la soumission à la clause, la société Renault soutient qu'une jurisprudence constante retient que l'absence de négociation effective est un critère caractérisant une situation de soumission et que le juge doit écarter le grief de déséquilibre significatif si l'absence de négociation entre les parties n'est pas démontrée.

Elle relève que le jugement retient que la société Ici Barbès ne fournit pas la preuve d'une soumission, et qu'il ressort des pièces qu'il y a eu des négociations entre les parties, comme en témoignent les multiples versions et propositions successives. Par conséquent, Renault soutient qu'il n'a pas imposé les conditions tarifaires, notamment la réduction de 5 % pour productivité, puisque cette clause a été négociée.

Sur l'absence d'obligation créant un déséquilibre significatif, elle soutient qu'une clause réciproque ne peut constituer un déséquilibre significatif et qu'en l'espèce, les 5% de réduction sur la part d'achat identique à l'année précédente avaient pour effet de l'inciter à maintenir ce volume d'achat.

Elle en conclut que la clause, favorable aux deux parties, a été négociée et acceptée, et n'induit pas de déséquilibre significatif.

Elle conteste également le montant sollicité sur ce fondement au titre de la prétendue perte de marge brute qui est injustifiée et se confond avec l'indemnisation au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies.

Réponse de la Cour

En application de l'article L 442-6 I 2° du code de commerce dans sa version applicable aux faits litigieux, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

La caractérisation de cette pratique restrictive suppose ainsi la réunion de deux éléments : d'une part la soumission à des obligations, ou sa tentative, et d'autre part l'existence d'obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

S'agissant de la soumission, ou sa tentative, il appartient à la société Ici Barbès de démontrer par tous moyens, conformément à l'article 9 du code de procédure civile, l'absence de négociation effective, ou de sa possibilité, de la clause litigieuse. L'appréciation de cette première condition est réalisée en considération du contexte matériel et économique de la conclusion. Peuvent constituer des critères pertinents de la soumission ou de sa tentative, les conditions concrètes de souscription, l'existence d'une contrepartie en ce que de l'absence d'avantage attendu ou de réciprocité des obligations peut traduire une volonté d'assujettissement, l'état de dépendance économique, critère pertinent mais insuffisant permettant d'évaluer le rapport de forces.

S'agissant de l'appréciation du déséquilibre significatif, qui peut être économique comme juridique, celle-ci est globale, au regard de l'économie du contrat, et concrète. L'existence d'obligations créant un déséquilibre significatif peut notamment se déduire d'une absence totale de réciprocité ou de contrepartie à une obligation, ou encore d'une disproportion importante entre les obligations respectives des parties.

En l'espèce, selon la société ICI Barbès, serait constituée par l'engagement de performance économique figurant dans la "lettre de nomination pour 2017/2018/2019" du 8 novembre 2016 (pièce 4 de l'appelante) en ces termes :

"(')

Nous avons bien noté les conditions financières sur lesquelles nous nous sommes accordés en référence à votre mail du 6 juillet dernier, soit une productivité de - 5% par an sur les années 2017/2018 et 2019. Les conditions de votre renouvellement sur ces trois dernières années sont donc les suivantes :

- Performance année 2017 calculée à isopérimètre (2017 vs 2016)

- Performance année 2018 calculée à isopérimètre (2018 vs 2017)

- Performance année 2019 calculée à isopérimètre (2019 vs 2018)

(')"

Cependant, il résulte de cette lettre qu'elle est le résultat d'échanges de courriels entre les parties, étant observé que celui du 6 juillet 2016 de la société Ici Barbès n'est pas produit.

Par conséquent aucune soumission ou tentative de soumission n'est établie par la société Ici Barbès.

En outre, les échanges de courriels du mois de janvier 2018 (pièces 6,7 et 8 de l'appelante) démontre une résistance de la société Ici Barbès sur les modalités d'application des 5% de productivité convenus, incompatible avec l'existence d'une soumission.

De surcroît, l'existence d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ne résulte pas de cette réduction sur la part d'achat identique à l'année précédente, en ce que notamment cette clause est de nature à inciter Renault à maintenir ce volume d'achat, étant observé que, contrairement à ce que soutient la société Ici Barbès, il ne résulte pas de cet accord un engagement de Renault à maintenir un périmètre de commande constant,

La demande en paiement de la somme de 156 245 € au titre de la perte de marge brute consécutive à la réduction du volume d'affaires fondée sur l'existence d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties est rejetée, et le jugement confirmé de ce chef.

Il sera ajouté qu'il résulte des éléments ci-dessus qu'aucune mauvaise foi dans l'exécution du contrat par Renault n'est établi au titre de cette clause sur le fondement de l'article 1104 du code civil.

Sur le décalage abusif des paiements

La société Ici Barbès soutient avoir subi un décalage abusif et artificiel des bons de commande ayant conduit au paiement tardif de 41 factures et demande la condamnation de la société Renault au paiement de la somme de 1.640 euros à titre d'indemnité de recouvrement forfaitaire, de 22 001,85 euros au titre des pénalités de retard cumulées, et de 5 000 euros au titre du préjudice financier subi par le retard systématique du règlement des prestations.

Elle fait valoir que la société Renault retardait artificiellement l'émission des bons de commande à plusieurs mois après la réalisation des magazines, ce qui a entrainé un paiement tardif des prestations, puisque les paiements intervenaient souvent 120 jours après la réalisation des prestations, et, à partir de 2015, systématiquement après le délai de 60 jours convenu contractuellement, ce qui constitue une pratique illicite et contraire à l'article L. 441-10 du code de commerce.

En outre, elle conteste la motivation du jugement la déboutant aux motifs qu'elle ne s'était jamais plainte de la mauvaise application du processus de règlement alors qu'elle était dans l'incapacité de se plaindre en raison du rapport de force existant entre les parties. De plus, elle soutient qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir émis de devis, alors que Renault n'a pas été en mesure de prouver l'émission d'ordres d'achat et que ceux-ci, lorsqu'ils étaient émis, étaient postérieurs à la réalisation des magazines.

La société Ici Barbès ajoute que l'indemnité de 1 640 euros et les pénalités de retard de 22 001,85 euros correspondent aux indemnités légales fixées par les articles L441-10 et D441-5 du code de commerce. Elle justifie également la demande de paiement de 5 000 euros, comme destinée à compenser les décalages et déséquilibres de trésorerie subis en raison des retards de paiement.

La société Renault réplique que la société Ici Barbès ne rapporte pas la preuve des retards ni de leur imputabilité à Renault, et soutient que ces retards proviennent des difficultés des parties à valider les devis, ce qui a systématiquement retardé les bons de commande, entrainant des décalages dans le processus du paiement. Elle soutient que le processus de paiement était connu et accepté des parties.

En outre, elle fait valoir que le paiement était effectué dans les 45 jours "fin de mois" imposé par la société Ici Barbès et sollicite la confirmation du jugement, en ce qu'il retient une absence de volonté délibérée et récurrente de ralentir le processus de paiement.

Elle sollicite de même la confirmation du jugement en ce que le tribunal a rejeté les demandes de paiement de 1 640 euros d'indemnité de recouvrement forfaitaire pour les factures payées tardivement, de 22 001,85 euros pour les pénalités de retard cumulées et 5 000 euros de préjudice financier.

Elle allègue à cet égard que les trois demandes ont le même objet visant à indemniser les retards de paiement, alors même que les conditions générales d'achats limitent les pénalités de retard au taux légal.

Réponse de la Cour

En application de l'article L 442-6 I 4° du code de commerce dans sa version applicable aux faits litigieux, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers d'obtenir ou de tenter d'obtenir sous la menace d'une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant les prix, les délais de paiement, les modalités de vente ou les services ne relevant pas des obligations d'achat et de vente.

Les demandes fondées sur cet article seront rejetées puisqu'ainsi que le tribunal l'a retenu aucune menace émanant de Renault de rompre les relations en cas de refus du process de paiement des prestations n'est établie.

De la même manière, l'absence d'exécution de bonne foi des modalités de paiement par Renault sur le fondement de l'article 1104 du code civil n'est pas démontrée étant observé que seuls deux courriels de la société Ici Barbès des 27 juillet et 10 septembre 2018 se plaignent de retard de paiement concernant les numéros 129 et 130 du magazine Global.

Le tribunal a justement rappelé le process de règlement des magazines convenu entre les parties de chacun qui commençait par l'envoi d'un devis à la société Renault laquelle adressait un bon de commande à Ici Barbès, puis un bon de réception à l'envoi du magazine, suivi de l'envoi de la facture par Ici Barbès à Renault et du règlement de la facture à 45 joursfin de mois.

Ici Barbès reproche à Renault un retard de plusieurs mois après la réalisation effective des prestations dans l'envoi des bons de commande et un paiement plusieurs mois après la réalisation du magazine du numéro 109 au numéro136 (sa pièce 24 notamment).

En tout état de cause, s'agissant des numéros 121, 124, 125, 127, 128, 131,134 et 135, Ici Barbès a envoyé les devis après parution du numéro ainsi que l'a relevé le tribunal, de sorte que le retard ne peut être imputé à Renault.

Par ailleurs, si Renault a tardé à envoyer le bon de réception pour les n°118, 120, 129, 130, 135 et 136 ce qui a retardé le processus de paiement, ou n'a omis d'émettre un ordre d'achat voire les a émis tardivement (le 18 novembre 2018 pour les magazines 127 à 131 de janvier à septembre 2018- pièce 34), il n'en demeure pas moins que les factures ont été payées à 45 jours fin de mois.

Dès lors, ici Barbès ne peut prétendre au paiement de l'indemnité forfaitaire de 40 € par facture sur le fondement de l'article L 441-10 du code de commerce.

Elle doit être déboutée de cette demande ainsi que de sa demande au titre des pénalités de retard et de celle en réparation du préjudice financier invoqué.

Le jugement est confirmé de ces chefs.

Sur les autres pratiques abusives

La société Ici Barbès estime avoir subi un déséquilibre significatif au sens de l'article L.442-6 I du code de commerce, et sollicite la réformation du jugement et la condamnation de Renault au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts au titre de son comportement déloyal.

L'appelante soutient que la société Renault pratiquait le gel de factures afin de s'assurer du maintien de ses tarifs, a abusé de sa position en imposant à la société Ici Barbès de contracter avec Mme [F] [B], qui exerce une activité de traductrice, pour des prestations sans rapport avec la réalisation du magazine Global, afin de se décharger sur elle du risque de requalification de la prestation en contrat de travail et lui a imposé de satisfaire à une grille d'évaluation dont les critères n'ont jamais été précisés, en obtenant une note CQP "Constat Qualité Prestation" de minimum 91.

En réplique, la société Renault soutient avoir seulement proposé les tarifs préférentiels de la traductrice qu'il dénomme Mme [F] [P] (et non Mme "[B]"), et sollicite la confirmation du jugement.

Réponse de la Cour

S'agissant du reproche fait à Renault d'avoir gelé le paiement des factures en souffrance, il a été répondu par le constat du paiement des factures dans les délais impartis.

S'agissant du recours à la traductrice proposée par Renault, la circonstance que cette dernière société ait proposé à Ici Barbès de faire appel à leur traductrice habituelle pour bénéficier des tarifs préférentiels pratiqués ne saurait être constitutif d'une mauvaise foi de la part de Renault.

Et la facturation par ladite traductrice à Ici Barbès de textes pour l'intranet de Renault ne permet pas d'affirmer que ces travaux étaient sans lien avec le magazine Global dont Ici Barbès avait la charge et en tout état de cause d'établir une quelconque mauvaise foi de Renault dans le cadre d'un stratagème visant à se prémunir d'une requalification de la relation en contrat de travail.

Enfin, s'agissant de la note CQP (Constat Qualité Prestation), une note de 91 à la fin de chaque année était posée par la lettre de nomination pour 2017/2018 et 2019. (Pièce 4) dont il résulte des termes mêmes qu'il s'agissait du fruit d'un accord des parties avec les conditions financières (pièce 4).

Par conséquent, Ici Barbès ne peut se plaindre du rappel de cet objectif par Renault et elle ne justifie pas avoir demandé des précisions sur les critères en cause ce qui tend à considérer qu'elle les connaissait (Pièces 7 et 8).

Le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages intérêts de 1 000 € de ces chefs.

Sur la rupture brutale des relations établies

La société Ici Barbès sollicite la réformation du jugement en ce qu'il a minoré la condamnation de la société Renault et sollicite la condamnation de cette dernière au paiement de la somme de 213 140,42 euros au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies, le montant du préjudice devant intégrer l'absence de préavis, et la correction des marges réalisés du fait de la réduction du volume d'affaires imposée par la société Renault.

Elle soutient que pour le calcul de l'indemnisation de la rupture brutale des relations commerciales établies, la marge brute mensuelle ne doit pas être calculée sur les résultats des trois dernières années mais sur les résultats qu'elle aurait réalisés si elle avait bénéficié d'un préavis effectif et que Renault avait respecté ses engagements issus de la lettre du 8 novembre 2016.

Elle conteste la durée de 8 ans de relations commerciales établies retenue, alors l'origine de la relation remonte à 2004, avec le magazine "Synchro", la société étant nommée "Textuel Lamine", puis à 2007 avec les magazines " Global". Elle estime que la relation a duré au moins 13 ans et qu'elle aurait dû bénéficier d'un délai de préavis de 13 mois. De même, elle allègue que le préavis d'un mois retenu par le jugement et prétendument accordé par le courrier du 2 décembre 2019, était inopérant puisqu'aucune commande n'a été passée depuis cette date.

La société Ici Barbès conteste aussi le taux de marge de 40% retenu alors qu'au vu des fiches méthodologiques de la cour d'appel et des fiches relatives au secteur de la communication, il y a lieu de retenir un taux de marge de 78,7%.

En outre, la société Ici Barbes fait valoir que le jugement ne pouvait prendre en compte l'absence de dépendance économique pour minorer l'indemnisation due au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies, et soutient que ce critère ne peut jouer que pour majorer l'indemnisation.

En réplique, la société Renault sollicite la réformation du jugement en ce qu'il retient une rupture brutale de la relation commerciale établie, et le condamne à verser la somme de 18 402 euros à la société Ici Barbes. Elle soutient que ni le caractère établi des relations commerciales, ni le caractère brutal de la rupture n'est démontré.

Elle fait valoir qu'en application de la jurisprudence, ne peuvent faire l'objet d'une rupture brutale, les relations commerciales dont la rupture est liée à l'arrivée du terme d'une convention à durée déterminée, qu'en l'espèce, la rupture intervenue le 2 décembre 2019 a été effectuée dans le cadre du terme prévu au 31 décembre 2019 par la lettre du 8 novembre 2016, et résulte de la clause résolutoire liée à la suppression du budget pour la réalisation du magazine.

Elle ajoute que la rupture n'était ni brutale ni soudaine, mais plutôt prévisible et attendue, dès lors que la continuité de la relation était subordonnée à des objectifs de performance ainsi qu'au maintien du budget, comme le prévoyait la lettre de nomination du 8 novembre 2016 et que dans plusieurs courriels de janvier 2018, elle a rappelé à Ici Barbès ses objectifs de performance et de productivité, sans que cela ne constitue pour autant des menaces.

En outre, Renault justifie la rupture de la relation par des restrictions budgétaires, dont la société Ici Barbès était informée, précisant que ces diminutions étaient dues à la digitalisation du magazine et à une étude recueillant l'avis des lecteurs, qui a conduit à la réduction du nombre de pages. Elle ajoute encore que la société Ici Barbès était pleinement consciente de la transition progressive vers un format digital, entraînant une baisse du volume d'achat et du chiffre d'affaires.

La société Renault en conclut que la rupture était justifiée non seulement par le non-respect des engagements contractuels de la société Ici Barbès, mais aussi par la clause résolutoire de la lettre de mission qui arrivait dans tous les cas à son terme, et qu'elle a satisfait à ses obligations légales et contractuelles.

A titre subsidiaire, la société Renault sollicite la confirmation pure et simple du jugement en ce qu'il a limité l'indemnisation à verser à la société Ici Barbès la somme de 18 402 euros au lieu de 213 140,42 euros, aux motifs que :

- La société Ici Barbes ne démontre pas que la relation commerciale soit d'une durée de 13 ans, et ne justifie donc pas que le préavis aurait dû être d'une durée de 13 mois.

- En outre, le calcul de l'indemnisation doit se fonder sur la moyenne de la marge brute effectivement réalisée, diminuée de couts fixes, et non sur la marge brute qui aurait pu être réalisée.

- L'attestation relative au chiffre d'affaires ne fait pas l'objet d'une véritable vérification comptable et sa valeur probante peut donc être remise en cause.

- Le calcul du préjudice n'est pas justifié, celui-ci devant se fonder sur la marge sur coûts variables, en application de la jurisprudence.

Réponse de la Cour

L'article L. 442-1, II du code de commerce issu de l'ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019 applicable au litige dispose :

"Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l'absence d'un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels".

La relation, pour être établie au sens des dispositions susvisées doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper une certaine continuité de flux d'affaires avec son partenaire commercial. L'absence de contrat écrit n'est pas incompatible avec l'existence d'une relation établie.

La brutalité de la rupture résulte de l'absence de préavis écrit ou de l'insuffisance de ce dernier.

Le délai de préavis, qui s'apprécie au moment de la notification de la rupture, doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée de la relation commerciale et de ses spécificités, du produit ou du service concerné.

Les principaux critères à prendre en compte sont l'ancienneté des relations, le degré de dépendance économique, le volume d'affaires réalisé, la progression du chiffre d'affaires, les investissements effectués, les relations d'exclusivité et la spécificité des produits ou services en cause.

En l'espèce, le tribunal doit être approuvé d'avoir retenu l'existence de relations commerciales établies entre les parties à compter du 12 juillet 2012, date à laquelle Renault a confié à Textuel Lamine (ancienne dénomination de la société Ici Barbès) la réalisation des 6 numéros de son magazine Global à paraître en 2013 et 2014.

En effet, l'absence de relation suivie et stable antérieurement établie (magazine de septembre 2004 et magazine de décembre 2007) ne permet pas de retenir une date antérieure à celle retenue par les premiers juges.

A partir du mois de juillet 2012, la relation s'est poursuivie sans interruption en 2015, 2016, puis par la lettre de nomination du 8 novembre 2016 jusqu'en décembre 2019, peu important à cet égard l'absence de stipulation de reconduction du contrat.

Des discussions ont été engagées entre les parties pour la poursuite des relations en 2020, Ici Barbès adressant sa proposition de devis à Renaut le 18 octobre 2019, puis à la demande de cette dernière, sa lettre d'engagement à respecter un certain prix par magazine pour 2020 adressée le 18 novembre suivant.

La relation a pris fin par le courriel de Renault du 2 décembre 2019 informant Ici Barbès qu'en raison d'arbitrages budgétaires le numéro de février 2020 était annulé.

Elle a donc duré 7 ans et 5 mois.

Le tribunal doit de même être approuvé d'avoir retenu l'existence d'une rupture brutale et fixé à 4 mois le délai de préavis qui aurait dû être accordé, compte de la durée de ces relations et de la très faible dépendance économique avec la société Renault au regard de son chiffre d'affaires global et de celui réalisé avec la société Renault pour le magazine Global

Il sera ajouté que la mention suivante figurant dans la lettre de nomination du 8 novembre 2016 de la société Renault : "Il va de soit que si toutefois les budgets de GLOBAL étaient supprimés, cet accord serait caduc" comme le courriel du 15 novembre 2019 de celle-ci indiquant :

"Sans visibilité dans le temps sur la durée du projet nous ne souhaitons pas nous engager sur quantité de magazine" en réponse à l'envoi du devis pour 2020 de la société Ici Barbès, sont insuffisants pour précariser la relation. A cet égard, il sera observé que le courriel du 15 novembre 2019 de Renault demande à Ici Barbès de lui adresser une lettre d'engagement à respecter le prix fixé pour 2020.

Il en est de même de la baisse des commandes et de la digitalisation progressive du magazine. Et la circonstance que la rupture soit justifiée par la suppression du budget du magazine ne dispense pas la société Renault d'accorder un préavis à l'intéressée.

Selon la Cour de cassation, il convient d'évaluer le préjudice comme suit :

"le préjudice principal résultant du caractère brutal de la rupture s'évalue en considération de la marge brute escomptée, c'est-à-dire la différence entre le chiffre d'affaires hors taxe escompté et les coûts variables hors taxe non supportés durant la période d'insuffisance de préavis, différence dont pourra encore être déduite, le cas échéant, la part des coûts fixes non supportés du fait de la baisse d'activité résultant de la rupture, durant la même période" (Com. 28 juin 2023, n° 21-16.940)

En l'espèce, le chiffre d'affaires moyen réalisé par la société Ici Barbès avec le magazine Global sur les trois dernières années (2019,2018,2017) s'établit à la somme de 184 066€ (attestation de l'expert-comptable - pièce 28).

La marge brute escomptée qui s'élèverait selon l'arrestation de l'expert- comptable de la société Ici Barbès à un montant moyen sur les trois dernières années de 144 883€, soit mensuellement 12. 073€ (pièce 29).

Il en ressort un taux de marge brute sur coûts variables de 78,7% lequel, non corroboré par des éléments comptables, ne peut être retenu.

Le tribunal a justement retenu un taux de marge brute sur coûts variables de 40% constaté dans le secteur de la communication et de l'information.

Le niveau de perte mensuelle s'établit ainsi à 6 136€ (12 073 X 0,4/ 0,787)

Un préavis d'un mois ayant été accordé, l'indemnisation doit porter sur 3 mois de préavis ainsi que l'a retenu le tribunal.

Dès lors, le préjudice subi par Ici Barbès s'élève à 18 408€ (6 136 X 3), somme que la société Renault devra lui verser au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies.

Sur la non-réalisation du magazine Global pour l'année 2020

La société Ici Barbès sollicite la condamnation de la société Renault au paiement de la somme de 54 022,83 euros pour la réalisation du magazine en 2020. Elle soutient que les parties s'étaient accordées sur le contenu et le prix par les courriels du 15 novembre 2019, lesquels imposaient un engagement à un prix spécifique pour la réalisation des magazines, engagement confirmé par la lettre du 18 novembre 2019. Par conséquent, Renault avait confié à Ici Barbès la conception du magazine.

De plus, la société Ici Barbes soutient que Renault ne peut affirmer que la signature d'un bon de commande était nécessaire pour s'engager alors que, depuis le début de la relation commerciale, les bons de commandes étaient émis postérieurement à la réalisation. L'appelante conteste le jugement en ce qu'il retient que l'engagement de Renault devait être formalisé par une lettre de mission.

L'appelante allègue que c'est le principe du consensualisme qui doit prévaloir, car l'engagement prit le 18 novembre 2019 était uniquement conditionné au respect du prix auquel elle s'est engagée.

La société Renault sollicite la confirmation du jugement entrepris, qui a débouté la société Ici Barbès de sa demande de paiement au titre de la réalisation du magazine en 2020, aux motifs que l'appelante ne peut se prévaloir de la réalisation de prestations postérieures au terme du contrat, le devis n'ayant pas été accepté par la société Renault.

En outre, l'intimée soutient que l'article 2 des conditions générales d'achat précise que Renault ne peut être engagée pour une proposition non retenue et que seule la signature de la commande vaut engagement. De plus, elle soutient que les commandes ont toujours été formalisées par une lettre de mission, qui n'a pas été émise par Renault pour la période de 2020.

Réponse de la Cour

Aucune lettre de nomination n'a été signée engageant la société Renault à l'égard de la société Ici Barbès pour l'année 2020, contrairement à ce qu'elle avait fait le 8 juin 2016 pour les années 2017 à 2019.

En outre, si Ici Barbès s'est engagé sur un prix par magazine pour l'année 2020 à la demande de Renault, cette dernière a indiqué par courriel du 15 novembre 2019 ne pas vouloir s'engager sur une quantité de magazines.

Il s'en déduit que la société Renault ne peut être condamnée à payer les 4 magazines de l'année 2020. Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur la demande de publication de la décision à intervenir

La société Ici Barbès estime qu'en application de l'article L. 442-4 II du code de commerce : "la juridiction ordonne systématiquement la publication" des décisions de justice se prononçant sur une rupture brutale d'une relation commerciale établie. Elle conteste la motivation du jugement qui retient que les circonstances ne justifiaient pas la publication du jugement.

En réplique, la société Renault soutient qu'aux termes des articles L.442-6 I 2° et L. 442-1 II du code de commerce, la réparation prend la forme de dommages et intérêts et non d'une publication.

De plus, elle soutient que la société Ici Barbes aurait dû démontrer l'existence d'un intérêt légitime et d'une justification, sans quoi elle ne peut être condamnée à publier les décisions. Enfin, elle soutient que le montant de l'astreinte n'est pas justifié, ni nécessaire.

Réponse de la Cour

La publication, la diffusion ou l'affichage de la décision ou d'un extrait de celle-ci se prononçant sur une rupture brutale des relations commerciales est "systématiquement" ordonnée conformément à l'article L. 442-4 II du code de commerce.

Il y a lieu d'ordonner l'affichage d'un extrait de la décision conformément au dispositif ci-après

En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette disposition d'une astreinte.

Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Le jugement est confirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Le sens de l'arrêt commande de partager les dépens d'appel par moitié entre les parties.

Et, l'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement en ses dispositions qui lui sont soumises, sauf sur le montant des dommages et intérêts alloués à la société Ici Barbès au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies et sur la publication du jugement ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la société Renault SAS à payer à la SAS à associé unique Ici Barbès la somme de 18 408€ au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies ;

Ordonne l'affichage par la société Renault, SAS sur la porte d'entrée de son siège social pendant une semaine à compter du prononcé de l'arrêt, de la communication judiciaire suivante :

"Par arrêt du 18 septembre 2024, la cour d'appel de Paris, saisie d'un appel formé par la SAS à associé unique Ici Barbès contre le jugement rendu le 7 juin 2022 par le tribunal de commerce de Paris, a condamné la société Renault à payer une somme de18 408 euros à la SAS à associé unique Ici Barbès en réparation du préjudice causé par la rupture brutale de leurs relations commerciales établies" ;

Dit que cette communication sera reproduite sur une page format A4 en police Times New Roman de taille 48 sans ajout, précision ou commentaire autre que le titre "Affichage judiciaire" reproduit en entête dans la même police en taille 72 et en caractère gras ;

Partage les dépens par moitié entre les parties ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande.