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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 18 septembre 2024, n° 22/16713

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Paloïse (SAS)

Défendeur :

Otalons.com (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Douillet

Conseillers :

Mme Barutel, Mme Bohée

Avocat :

Me Lefort

TJ Paris, du 2 août 2022, n° 21/12660

2 août 2022

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [L] [W], créateur de mode et d'accessoires, en particulier de chaussures de luxe à semelle extérieure rouge, a cédé ses droits patrimoniaux d'auteur sur ses créations, ses marques et ses dessins et modèle à la société Paloïse par contrat d'apport du 24 mars 2021.

La SAS Paloïse, qui a notamment pour activité la conception, la création et le développement de tout élément susceptible de faire l'objet de droits de propriété intellectuelle, est titulaire de :

la marque figurative française n° [Numéro identifiant 4] (n°370), laquelle aux termes de son certificat d'enregistrement « consiste en la couleur rouge (code Pantone n°18.1663TP) appliquée sur la semelle d'une chaussure telle que représentée (le contour de la chaussure ne fait donc pas partie de la marque mais a pour but de mettre en évidence l'emplacement de la marque) », déposée le 25 octobre 2011, pour désigner des « chaussures à talons hauts (à l'exception des chaussures orthopédiques) » en classe 25 ;

la marque figurative de l'Union européenne n°[Numéro identifiant 3] (n°539) laquelle, selon son certificat d'enregistrement, « consiste en la couleur rouge (code Pantone n°18.1663TP) appliquée sur la semelle d'une chaussure telle que représentée (le contour de la chaussure ne fait donc pas partie de la marque mais a pour but de mettre en évidence l'emplacement de la marque) », déposée le 10 mai 2015, pour désigner des « chaussures à talons hauts (à l'exception des chaussures orthopédiques) » en classe 25 ;

la marque semi-figurative française « [W] » n°[Numéro identifiant 6] (n°430), déposée le 6 juillet 2012, pour désigner notamment des « chaussures » en classe 25 ;

le modèle communautaire n°[Numéro identifiant 1] (n°034) sur un escarpin enregistré le 8 mars 2013 ;

le modèle communautaire n°[Numéro identifiant 2] (n°433) sur une semelle, enregistrée le 20 juin 2018.

La société Paloïse a concédé une licence exclusive d'exploitation de ses droits d'auteur, marques et dessins et modèles par contrat de licence du 13 avril 2021 à la SAS [L] [W], qui a notamment pour activité la conception de modèles d'articles chaussants ainsi que de tous articles d'habillement, prêt-à-porter et accessoire de mode.

La société Otalons.com a pour activité le commerce de tous articles et produits marchands non réglementés sur internet et par correspondance. Elle commercialise notamment des chaussures sur le site internet accessible à l'adresse otalons.com.

Reprochant à la société Otalons.com la commercialisation de chaussures dont ils considèrent qu'elles portent atteinte à leurs droits de propriété intellectuelle, M. [L] [W], la société Paloïse et la SAS [L] [W] ont, par courrier recommandé du 4 novembre 2020 réitéré par courriels des 16 et 25 novembre 2020, vainement mis en demeure la société Otalons.com de cesser ses agissements, de leur communiquer le nom de ses fournisseurs avec copies des factures, les quantités exhaustives des chaussures litigieuses commercialisées et en stock, ainsi que le chiffre d'affaires réalisé.

La société [L] [W] a fait procéder à un constat d'achat sur le site internet otalons.com 9 et 14 décembre 2020.

C'est dans ces conditions que, par acte d'huissier du 23 septembre 2021, M. [L] [W], la société Paloïse et la société [L] [W] ont fait assigner la société Otalons.com devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de droits d'auteur, de modèle et de marques à titre principal, et en concurrence déloyale et parasitaire à titre subsidiaire. La société Otalons.com n'a pas constitué avocats.

Par jugement réputé contradictoire rendu le 2 août 2022, dont appel, le tribunal judiciaire de Paris :

a dit qu'en offrant à la vente et en commercialisant les escarpins CHRISTA, les escarpins CYRIANA, les bottines CIRENA, les sandales CLEM, les escarpins CRESTINA, les escarpins CARMELLE, reproduisant la combinaison originale des caractéristiques des escarpins DEGRASTRASS PVC, des escarpins GALATA, des bottines CONSTELLA BOOTIE, des sandales BELLACAGE, des escarpins SO KATE STRIPY GLITTER, des escarpins SO KATE WALLGRAF et des escarpins PIGALLE FOLLIES METROGRAF, la SAS OTALONS.COM a commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur au préjudice de la SAS PALOÏSE et de la SAS [L] [W] ;

a dit qu'en offrant à la vente et en commercialisant les escarpins CARMELLE revêtus du signe "[W] ", la SAS OTALONS.COM a commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque semi-figurative française " [W] " n°[Numéro identifiant 10] ;

a condamné la SAS OTALONS.COM à payer à la SAS PALOÏSE la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de la contrefaçon ;

a condamné la SAS OTALONS.COM à payer à la SAS [L] [W] la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de la contrefaçon ;

a fait interdiction à la SAS OTALONS.COM d'offrir à la vente et de commercialiser, sur le territoire français, les escarpins CHRISTA, les escarpins CYRIANA, les bottines CIRENA, les sandales CLEM, les escarpins CRESTINA et les escarpins CARMELLE, et ce à l'expiration du délai de quinze jours à compter de la signification du présent jugement, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, l'astreinte courant pendant 180 jours ;

a dit que le tribunal se réserve la liquidation de l'astreinte ;

a rejeté la demande de publication ;

a débouté la SAS PALOÏSE et la SAS [L] [W] de leurs demandes en contrefaçon de droits d'auteur sur les sandales CHOCA et la semelle RLR ;

a débouté Monsieur [L] [W] de ses demandes fondées sur l'atteinte à son droit moral d'auteur ;

a débouté la SAS PALOÏSE et la SAS [L] [W] de leurs demandes en contrefaçon des modèles communautaires n°[Numéro identifiant 1] et n°[Numéro identifiant 2] ;

a débouté la SAS PALOÏSE et la SAS [L] [W] de leurs demandes en contrefaçon de la marque figurative de l'Union européenne n°[Numéro identifiant 3] et de la marque figurative française n°[Numéro identifiant 4] ;

a débouté Monsieur [L] [W], la SAS PALOÏSE et la SAS [L] [W] de leur demande subsidiaire au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ;

a condamné la SAS OTALONS.COM à payer à la SAS PALOÏSE et la SAS [L] [W] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en ce compris les frais du procès-verbal de constat d'achat sur internet des 9 et 14 décembre 2020 ;

a débouté Monsieur [L] [W] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

a condamné la SAS OTALONS.COM aux dépens, dont distraction au profit de la SELARL DUCLOS, THORNE, MOLLET-VIEVILLE & ASSOCIES conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

a rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

M. [L] [W], la société [L] [W] et la société Paloïse ont interjeté appel de ce jugement le 27 septembre 2022.

Dans leurs uniques conclusions transmises le 20 décembre 2022, M. [L] [W], la société [L] [W] et la société Paloïse, appelants, demandent à la cour de :

confirmer le jugement du tribunal judiciaire de paris du 2 aout 2022 en ce qu'il a:

dit qu'en offrant à la vente et en commercialisant les escarpins CHRISTA, les escarpins CYRIANA, les bottines CIRENA, les sandales CLEM, les escarpins CRESTINA, les escarpins CARMELLE, reproduisant la combinaison originale des caractéristiques des escarpins DEGRASTRASS PVC, des escarpins GALATA, des bottines CONSTELLA BOOTIE, des sandales BELLACAGE, des escarpins SO KATE STRIPY GLITTER, des escarpins SO KATE WALLGRAF et des escarpins PIGALLE FOLLIES METROGRAF, la SAS OTALONS.COM a commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur au préjudice de la LA SOCIÉTÉ PALOÏSE SAS et de la LA SOCIÉTÉ [L] [W] SAS [W] ;

dit qu'en offrant à la vente et en commercialisant les escarpins CARMELLE revêtus du signe " [W] ", la SAS OTALONS.COM a commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque semi-figurative française « [W] » n°[Numéro identifiant 10] ;

condamné la SAS OTALONS.COM à payer à la LA SOCIÉTÉ PALOÏSE SASla somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de la contrefaçon ;

condamné la SAS OTALONS.COM à payer à la LA SOCIÉTÉ [L] [W] SAS [W] la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de la contrefaçon ;

fait interdiction à la SAS OTALONS.COM d'offrir à la vente et de commercialiser, sur le territoire français, les escarpins CHRISTA, les escarpins CYRIANA, les bottines CIRENA, les sandales CLEM, les escarpins CRESTINA et les escarpins CARMELLE, et ce à l'expiration du délai de quinze jours à compter de la signification du présent jugement, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, l'astreinte courant pendant 180 jours ;

dit que le tribunal se réserve la liquidation de l'astreinte ;

condamné la SAS OTALONS.COM à payer à la SOCIÉTÉ PALOÏSE SAS et la SOCIÉTÉ [L] [W] SAS la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en ce compris les frais du procès-verbal de constat d'achat sur internet des 9 et 14 décembre 2020;

condamné la SAS OTALONS.COM aux dépens, dont distraction au profit de la SELARL DUCLOS, THORNE, MOLLET-VIEVILLE & ASSOCIES conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile;

infirmer le jugement en ce qu'il a :

rejeté la demande de publication ;

débouté la SOCIÉTÉ PALOÏSE SAS et la SOCIÉTÉ [L] [W] SAS de leurs demandes en contrefaçon de droits d'auteur sur les sandales CHOCA et la semelle RLR ;

débouté Monsieur [L] [W] de ses demandes fondées sur l'atteinte à son droit moral d'auteur ;

débouté la SOCIÉTÉ PALOÏSE SAS et la SOCIÉTÉ [L] [W] SAS de leurs demandes en contrefaçon des modèles communautaires n°[Numéro identifiant 1] et n°[Numéro identifiant 2] ;

débouté la SOCIÉTÉ PALOÏSE SAS et la SOCIÉTÉ [L] [W] SAS de leurs demandes en contrefaçon de la marque figurative de l'Union européenne n°[Numéro identifiant 3] et de la marque figurative française n°[Numéro identifiant 4] ;

débouté Monsieur [L] [W], la SOCIÉTÉ PALOÏSE SAS et la SOCIÉTÉ [L] [W] SAS de leur demande subsidiaire au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ;

débouté Monsieur [L] [W] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuer à nouveau et :

juger qu'en offrant à la vente et en commercialisant les sandale CARLANA à plateforme reproduisant la combinaison originale des caractéristiques des sandales CHOCA, la SAS OTALONS.COM a commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur au préjudice de la SOCIÉTÉ PALOÏSE SAS et de la SOCIÉTÉ [L] [W] SAS ;

juger qu'en offrant à la vente et en commercialisant les baskets CAROLA reproduisant la combinaison originale des caractéristiques de la semelle RLR, la SAS OTALONS.COM a commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur au préjudice de la SOCIÉTÉ PALOÏSE SAS et de la SOCIÉTÉ [L] [W] SAS ;

juger qu'en offrant à la vente et en commercialisant les baskets CAROLA créant une même impression d'ensemble avec la semelle RLR, la SAS OTALONS.COM a commis des actes de contrefaçon du modèle européen n° [Numéro identifiant 2] au préjudice de la SOCIÉTÉ PALOÏSE SAS et de la SOCIÉTÉ [L] [W] SAS ;

juger qu'en offrant à la vente et en commercialisant les escarpins CHRISTA créant une même impression d'ensemble avec le modèle communautaire n°[Numéro identifiant 1], la SAS OTALONS.COM a commis des actes de contrefaçon de modèle au préjudice de la SOCIÉTÉ PALOÏSE SAS et de la SOCIÉTÉ [L] [W] SAS ;

juger qu'en offrant à la vente et en commercialisant les escarpins CHRISTA, les escarpins CYRIANA, les bottines CIRENA, les sandales CLEM, les escarpins CRESTINA, les escarpins CARMELLE, les sandales CARLANA et les baskets CAROLA, la société OTALONS a porté atteinte au droit moral de M. [L] [W] en tant qu'auteur des escarpins DEGRASTRASS PVC, des escarpins GALATA, des bottines CONSTELLA BOOTIE, des sandales BELLACAGE, des escarpins SO KATE STRIPY GLITTER, des escarpins SO KATE WALLGRAF, des escarpins PIGALLE FOLLIES METROGRAF, des sandales CHOCA et de la semelle RLR ;

juger que les marques semelle rouge française n° [Numéro identifiant 9] et européenne n°[Numéro identifiant 12] sont renommée ;

juger qu'en offrant à la vente et en commercialisant les escarpins CORIA et CIRILA, la SAS OTALONS.COM a porté atteinte aux marques renommées semelle rouge française n° [Numéro identifiant 9] et européenne n°[Numéro identifiant 12] au préjudice de la SOCIÉTÉ PALOÏSE SAS et la SOCIÉTÉ [L] [W] SAS ;

Subsidiairement,

juger qu'en offrant à la vente et en commercialisant les escarpins CORIA et CIRILA, la SAS OTALONS.COM a commis des actes de contrefaçon des marques semelle rouge française n° [Numéro identifiant 9] et européenne n°[Numéro identifiant 12] au préjudice de la SOCIÉTÉ PALOÏSE SAS et la SOCIÉTÉ [L] [W] SAS ;

En conséquence,

condamner la société OTALONS à payer à la société [L] [W] SAS au titre du gain manqué la somme de 300 000 € ;

condamner la société OTALONS à payer à la société [L] [W] SAS au titre de la recherche d'un effet de gamme la somme de 100 000 € ;

condamner la société OTALONS à payer à la société PALOÏSE SAS et la société [L] [W] SAS au titre du préjudice moral subi notamment du fait de la dépréciation de leurs créations inédites originales et exclusives en France la somme de 100 000 € chacun ;

condamner la société OTALONS à payer à la société [L] [W] SAS au titre des économies d'investissement indues la somme de 50 000 € ;

condamner la société OTALONS à payer à M. [L] [W] au titre de l'atteinte à son droit moral d'auteur la somme de 50 000 € ;

À titre subsidiaire :

juger qu'en commercialisant les escarpins CHRISTA, les escarpins CYRIANA, les bottines CIRENA, les sandales CLEM, les escarpins CRESTINA, les escarpins CARMELLE, les sandales CARLANA et les baskets CAROLA, les escarpins CORLA et les escarpin CIRILLA, la société OTALONS a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice des sociétés PALOÏSE SAS et [L] [W] SAS ;

En conséquence,

condamner la société OTALONS à payer à la société PALOÏSE SAS et la société [L] [W] SAS au titre de la concurrence déloyale et parasitaire la somme de 150 000€ ;

En tout état de cause :

ordonner, à titre de complément de dommages-intérêts, la publication du jugement à intervenir dans trois (3) journaux ou périodiques en France au choix de la Maison [W], et aux frais avancés de la société OTALONS, dans la limite d'un budget de 10.000 € HT par publication ;

condamner la société OTALONS à payer à M. [L] [W], la société PALOÏSE SAS et la société [L] [W] SAS la somme de 30 000 € à titre de remboursement des peines et soins du procès, conformément à l'article 700 CPC.

condamner la société OTALONS, aux entiers dépens de l'instance comprenant notamment les frais de constat, dont distraction au profit de la SELARL Duclos Thorne Mollet-Vieville & Associés, Avocats aux offres de droit, conformément à l'article 699 CPC.

La société Otalons.com n'a pas constitué avocat. La déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées par l'appelant le 26 décembre 2022 selon procès-verbal de remise de l'acte à l'étude.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites transmises, telles que susvisées.

Sur les chefs du jugement non contestés

Le jugement n'est pas contesté en ce qu'il a :

dit qu'en offrant à la vente et en commercialisant les escarpins CHRISTA, les escarpins CYRIANA, les bottines CIRENA, les sandales CLEM, les escarpins CRESTINA, les escarpins CARMELLE, reproduisant la combinaison originale des caractéristiques des escarpins DEGRASTRASS PVC, des escarpins GALATA, des bottines CONSTELLA BOOTIE, des sandales BELLACAGE, des escarpins SO KATE STRIPY GLITTER, des escarpins SO KATE WALLGRAF et des escarpins PIGALLE FOLLIES METROGRAF, la SAS OTALONS.COM a commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur au préjudice de la SOCIÉTÉ PALOÏSE SAS et de la SOCIÉTÉ [L] [W] SAS [W] ;

dit qu'en offrant à la vente et en commercialisant les escarpins CARMELLE revêtus du signe "[W] ", la SAS OTALONS.COM a commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque semi-figurative française « [W] » n°[Numéro identifiant 10] ;

condamné la SAS OTALONS.COM à payer à la société PALOÏSE la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de la contrefaçon ;

condamné la SAS OTALONS.COM à payer à la société [L] [W] la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de la contrefaçon ;

fait interdiction à la SAS OTALONS.COM d'offrir à la vente et de commercialiser, sur le territoire français, les escarpins CHRISTA, les escarpins CYRIANA, les bottines CIRENA, les sandales CLEM, les escarpins CRESTINA et les escarpins CARMELLE, et ce à l'expiration du délai de quinze jours à compter de la signification du présent jugement, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, l'astreinte courant pendant 180 jours ;

dit que le tribunal se réserve la liquidation de l'astreinte ;

condamné la SAS OTALONS.COM à payer à la SOCIÉTÉ PALOÏSE SAS et la SOCIÉTÉ [L] [W] SAS la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en ce compris les frais du procès-verbal de constat d'achat sur internet des 9 et 14 décembre 2020 ;

condamné la SAS OTALONS.COM aux dépens, dont distraction au profit de la SELARL DUCLOS, THORNE, MOLLET-VIEVILLE & ASSOCIES conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Sur la contrefaçon de droit d'auteur

Sur l'originalité

Conformément à l'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une 'uvre de l'esprit jouit sur cette 'uvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. En application de l'article L.112-1 du même code, ce droit appartient à l'auteur de toute 'uvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination.

Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d'une 'uvre sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale en ce sens qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur et n'est pas la banale reprise d'un fonds commun non appropriable.

S'agissant des sandales Choca, M. [W] et les sociétés Paloïse et [L] [W] font valoir que leur originalité réside dans les caractéristiques suivantes : une paire de sandales à talon aiguille avec une plateforme en cuir verni comportant une bride rectangulaire assez large au niveau des orteils, un contrefort au niveau du talon sur le haut duquel est fixée une large sangle dotée d'une large boucle, ladite sangle ne faisant pas le tour de la cheville et retenant à l'avant du pied une fine bride en cuir croisée au niveau du coup de pied et remontant au-dessus de la cheville.

S'agissant de la semelle Rlr, M. [W] et les sociétés Paloïse et [L] [W] font valoir que son originalité réside dans les caractéristiques suivantes : une semelle épaisse et incurvée à la pointe du pied, formée de deux blocs principaux séparés par une arche marquée, des rainures de flexion divisant sur toute leur largeur le bloc talon en deux et le bloc avant en trois, des quadrillages en relief apparaissant sur la partie latérale du bloc avant, une encoche en forme de V étant découpée sur le côté extérieur du bloc talon et laissant apparaitre un insert, et la semelle étant surmontée d'une ligne de couleur unie régulière allant de la pointe au talon et d'une semelle intermédiaire formant trois ondulations et enveloppant la base du talon.

La cour constate que les appelants caractérisent des choix arbitraires et une démarche créatrice pour chacune des 'uvres revendiquées, de sorte que ces oeuvres sont éligibles à la protection au titre du droit d'auteur, étant souligné que leur originalité n'est pas contestée.

Sur la contrefaçon

Les appelantes estiment que la société Otalons.com a commercialisé des copies de leurs créations en reproduisant les combinaisons originales des caractéristiques décrites ci-dessus.

Il résulte en effet des procès-verbaux de constat en date des 9 et 4 décembre 2020 ainsi que des photographies versées à la procédure que les chaussures Carlana commercialisées par la société Otalons.com sont une copie quasi-servile des sandales Choca, et que la semelle des baskets Carola est une copie quasi-servile de la semelle Rlr, reproduisant respectivement la combinaison originale de leurs caractéristiques. Les faits de contrefaçon de droit d'auteur sont donc établis. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur la contrefaçon des modèles

L'article 10 du Règlement (CE) n°6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires dispose que : 1. La protection conférée par le dessin ou modèle communautaire s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'utilisateur averti une impression visuelle globale différente. 2. Pour apprécier l'étendue de la protection, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l'élaboration du dessin ou modèle.

Aux termes de l'article 19, paragraphe 1, du règlement 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèle communautaires, le dessin ou modèle communautaire enregistré confère à son titulaire le droit exclusif de l'utiliser et d'interdire à tout tiers de l'utiliser sans son consentement. Par utilisation au sens de la présente disposition, on entend en particulier la fabrication, l'offre, la mise sur le marché, l'importation, l'exportation ou l'utilisation d'un produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé ou auquel celui-ci est appliqué, ou le stockage du produit à ces mêmes fins.

L'atteinte au droit exclusif conféré par le modèle communautaire est qualifiée de contrefaçon, engageant la responsabilité civile de son auteur, par l'article L. 515-1 du code de la propriété intellectuelle.

Sur le modèle n°034

La cour constate que les escarpins Christa de la société Otalons.com ont une même tige transparente, tige sur laquelle viennent se poser, de la même façon que sur le modèle n°034 revendiqué, des strass en dégradé, plus denses sur le bout pointu de la chaussure et de plus en plus espacés en remontant vers le haut du pied, créant ainsi sur l'utilisateur averti une même impression visuelle globale, peu important que la tige du modèle incriminé soit légèrement teintée en noir ou qu'il existe un bord anglais autour de la tige, ces éléments étant insignifiants sur l'impression visuelle globale des chaussures en cause pour l'utilisateur averti, à savoir le consommateur de chaussures.

Sur le modèle n°433

La cour constate que les baskets Carola incriminés reproduisent quasiment à l'identique le modèle communautaire de la semelle Rlr, les seules différences à savoir la couleur blanche du dessous de la semelle et l'absence d'une encoche en forme de V sur la partie latérale intérieure, n'étant pas suffisantes pour écarter la même impression visuelle globale pour l'utilisateur averti.

Les faits de contrefaçon des modèles n°034 et n°433 invoqués sont établis. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur l'atteinte à la renommée des marques figuratives n°370 et n°539

Les appelants prétendent que les marques « Semelle rouge », exploitées depuis près de 30 ans par la maison [W], bénéficient d'une renommée exceptionnelle en France et à travers le monde ; que l'apposition de la couleur rouge sur une partie de la semelle des souliers Coria d'Otalons.com crée un risque de confusion avec les marques semelle rouge française n° [Numéro identifiant 9] et européenne n°[Numéro identifiant 12] et est donc constitutive d'atteinte à la renommée desdites marques ; que le tiers de la semelle sur laquelle la couleur rouge n'est pas apposée repose sur le sol ; que cette seule différence a été pensée pour le contrefacteur pour ne pas reproduire à l'identique la marque et tenter d'échapper à la condamnation pour contrefaçon ; que la société Otalons.com a également reproduit la marque semelle rouge sur les escarpins Cirila.

Sur ce,

L'article 9-2 c) du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne dispose que, sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque (...) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels il est utilisé soient identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d'une renommée dans l'Union et que l'usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque de l'Union européenne ou leur porte préjudice.

Selon l'article L.713-3 du code de la propriété intellectuelle, 'Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires, pour des produits ou des services, d'un signe identique ou similaire à la marque jouissant d'une renommée et utilisé pour des produits ou des services identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, si cet usage du signe, sans juste motif, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ou leur porte préjudice.'

Une marque renommée doit être connue d'une partie significative du public concerné par les produits ou services concernés par cette marque et exercer un pouvoir d'attraction propre indépendant des produits et services qu'elle désigne, ces conditions devant être réunies au moment de l'atteinte alléguée.

Le public pertinent est constitué par le consommateur moyen des produits et services pour lesquels cette marque est enregistrée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

En l'espèce, les appelants justifient d'une exploitation ancienne et constante de la marque dite « semelle rouge » depuis près de 30 ans, d'un chiffre d'affaires réalisé en 2020-21 de plus de 22 millions d'euros sur les souliers femme et homme, tous porteurs de la marque figurative « semelle rouge », de dépenses de communication média d'un montant important en France s'élevant à près de 1,5 millions d'euros pour les années 2020-21, ainsi que de nombreuses parutions presse.

La protection conférée aux marques jouissant d'une renommée n'est pas subordonnée à la constatation d'un risque d'assimilation ou de confusion. Il suffit que le degré de similitude entre une telle marque et le signe ait pour effet que le public concerné établit un lien entre le signe et la marque.

En l'espèce, sur les escarpins incriminés Coria est apposée une semelle de couleur rouge, de sorte que, nonobstant le fait que sur un tiers de cette semelle la couleur rouge ne soit pas apposée, ce tiers n'étant pas visible, le consommateur établit un lien avec les marques « semelle rouge » et ce d'autant que les marques invoquées sont ainsi reproduites sur des produits strictement identiques à ceux pour lesquels elles sont enregistrées, à savoir des chaussures à talons haut. Il en est de même des escarpins Cirila, qui sont des chaussures à talons hauts dont la semelle est de couleur rouge, le consommateur faisant le lien avec produits désignés par la marque figurative française n°370 et la marque figurative de l'UE n°539.

L'atteinte portée au caractère distinctif des marques renommée à semelle rouge est dès lors caractérisée. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté les sociétés Paloïse et [L] [W] de leurs demandes sur le fondement des marques figuratives n° 539 et n°370.

Sur la réparation des préjudices

La société [L] [W], qui a une licence exclusive des droits d'auteur, des marques et des dessins et modèles, a subi un préjudice économique résultant de l'avantage indu dont profite la société Otalons.com du fait de la notoriété des marques, ainsi qu'un gain manqué et une dépréciation de ses produits de luxe, les ventes de chaussures incriminées n'ayant pas cessé depuis avril 2020, et la société [L] [W] ne devant pas être pénalisée par son impossibilité de procéder à une saisie-contrefaçon faute d'information sur le lieu de stockage ou celui de la tenue de la comptabilité, la société Otalons.com étant défaillante et n'ayant jamais répondu aux mises en demeure ni retiré les chaussures incriminées de la vente. En l'état de ces éléments, et compte tenu de la durée de la contrefaçon, de la déclinaison des produits contrefaisants en plusieurs coloris et de la mauvaise foi de la société Otalons.com, il y a lieu d'évaluer à 80 000 € le préjudice patrimonial subi par la société [L] [W], et à 20 000 euros le préjudice moral.

La société Paloïse, qui est titulaire des titres ainsi contrefaits, a subi un préjudice financier du fait de la banalisation et de la vulgarisation de ses titres, qui sera réparé par l'allocation d'une somme de 40 000 euros, cette dernière ne justifiant pas d'un préjudice moral distinct.

M. [L] [W] a subi en outre une atteinte à son droit moral d'auteur, les chaussures incriminées portant atteinte à l'intégrité des chaussures dont il est l'auteur. Cette atteinte sera justement réparée par la condamnation de la société Otalons.com à lui payer la somme de 20 000 euros.

Les préjudices étant suffisamment réparés, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de publication. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

Selon arrêt rendu par défaut,

Confirme la décision entreprise sauf en ce qu'elle a :

débouté les sociétés Paloïse et [L] [W] de leurs demandes en contrefaçon de droits d'auteur sur les sandales Choca et la semelle Rlr ;

débouté les sociétés Paloïse et [L] [W] de leurs demandes en contrefaçon des modèles communautaires n°[Numéro identifiant 1] et n°[Numéro identifiant 2] ;

débouté les sociétés Paloïse et [L] [W] de leurs demandes en contrefaçon de la marque figurative de l'Union européenne n°[Numéro identifiant 3] et de la marque figurative française n°[Numéro identifiant 4] ;

débouté M. [L] [W] de ses demandes fondées sur l'atteinte à son droit moral d'auteur ;

débouté M. [L] [W] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau dans cette limite, et y ajoutant,

Dit qu'en offrant à la vente et en commercialisant les sandales Carlana reproduisant la combinaison originale des caractéristiques des sandales Choca, la société Otalons.com a commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur au préjudice des sociétés Paloïse et [L] [W] ;

Dit qu'en offrant à la vente et en commercialisant les baskets Carola, la société Otalons.com a commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur et du modèle européen n° [Numéro identifiant 2] au préjudice des sociétés Paloïse et [L] [W] ;

Dit qu'en offrant à la vente et en commercialisant les escarpins Christa, la société Otalons.com a commis des actes de contrefaçon du modèle européen n°[Numéro identifiant 1] au préjudice des sociétés Paloïse et [L] [W] ;

Dit qu'en offrant à la vente et en commercialisant les escarpins Coria et Cirila, la société Otalons.com a porté atteinte aux marques renommées « semelle rouge » française n° [Numéro identifiant 9] et européenne n°[Numéro identifiant 12] au préjudice des sociétés Paloïse et [L] [W];

Condamne la société la société Otalons.com à payer les sommes de :

100 000 euros à la société [L] [W] en en réparation de ses préjudices patrimonial et moral,

40 000 euros à la société Paloïse en réparation de son préjudice patrimonial,

20 000 euros à M. [L] [W] en réparation de l'atteinte à son droit moral ;

Les déboute du surplus des demandes ;

Condamne la société Otalons.com aux dépens d'appel et, vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à ce titre, aux sociétés Paloïse et [L] [W] et à M. [L] [W], pour les frais irrépétibles d'appel, une somme globale de 20 000 euros.