Décisions
CA Paris, Pôle 5 - ch. 1, 18 septembre 2024, n° 22/11995
PARIS
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 1
ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2024
(n° 097/2024, 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 22/11995 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGBFN
Décision déférée à la Cour : jugement du 24 mai 2022 du tribunal de Commerce de CRETEIL - 2ème chambre - RG n° 2020F00531
APPELANTE
EURL LAXE IMMOBILIER
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de CRETEIL sous le numéro 423 875 244, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés domiciliés au siège social situé
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Morgane GRÉVELLEC, avocat au barreau de PARIS, toque : E2122
Assistée de Me Stéphan FESCHET, avocat au barreau de PARIS, toque E1673
INTIMÉES
Société CITYA IMMOBILIER
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de TOURS sous le numéro 380 435 248, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés au siège social situé
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Morgane GRÉVELLEC, avocat au barreau de PARIS, toque : E2122
Assistée de Me Stéphan FESCHET, avocat au barreau de PARIS, toque E1673
Société ORPI FRANCE
Société Civile Coopérative, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE sous le numéro 311 701 080, prise en la personne de son gérant domicilié au siège social situé
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Elisabeth BEYNEY, avocat au barreau de PARIS
Assistée de Me Claire FLAGEOLLET, avocat au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Françoise BARUTEL, conseillère et Mme Déborah BOHÉE, conseillère, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.
Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
- Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre ,
- Mme Françoise BARUTEL, conseillère,
- Mme Déborah BOHÉE, conseillère.
Greffier lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRÊT :
contradictoire ;
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Soufiane HASSAOUI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
La société coopérative Orpi France anime et développe un réseau d'agences immobilières fédérées sous une enseigne commune (ORPI). En sa qualité de coopérative, la société Orpi France est gérée par ses adhérents, agents immobiliers élus par leurs pairs, selon les règles fixées par ses statuts et les relations entre les membres du réseau sont, quant à elles, régies par le règlement intérieur unifié (RIU) ORPI.
La société Citya Immobilier se présente comme une agence immobilière qui a des filiales et qui exploite sa propre marque.
La société Laxe immobilier (anciennement 2 AI GESTION) a adhéré à la coopérative ORPI le 27 juin 2011 pour l'exploitation de son agence de gestion locative située à [Localité 6].
Par courrier du 7 décembre 2015, les associés de la société Laxe immobilier ont notifié à la société Orpi France le projet de cession de 100 % de leurs parts sociales à la société Citya immobilier. Dans ce courrier, il était précisé qu'à cette cession de titres sociaux s'ajoutait une cession partielle du fonds de commerce appartenant à la société cédante pour sa branche complète d'activité de transaction d'habitation. Etaient également visées les dispositions statutaires relatives au droit de priorité d'Orpi France ainsi que la condition suspensive concernant la levée des engagements auprès de la société coopérative, dont la clause de non ré-affiliation prévue dans le RIU ORPI.
La société Orpi France, répondant par courrier du 22 décembre 2015, a rappelé à la société Laxe Immobilier l'existence de la clause de non ré-affiliation et qu'en l'état, le projet de cession entrait en contravention avec le RIU ORPI, précisant qu'elle restait dans l'attente de sa réaction
et de l'envoi de son courrier de démission du réseau ORPI.
La société Laxe Immobilier a notifié, le 29 décembre 2015, sa démission du réseau ORPI au motif de la cession de 100 % de ses parts sociales à compter de la fin du mois de février 2016. Par courrier daté du même jour, elle a adressé une demande de dérogation à la clause de non ré-affiliation.
La société Orpi France, par courrier du 5 février 2016, a informé la société Laxe Immobilier que le conseil de gérance n'entendait pas accéder à sa demande de dérogation, justifiant de l'importance de la protection du savoir-faire ORPI.
C'est dans ce contexte que, suivant actes du 26 juin 2020 (à destination de la société Laxe Immobilier) et du 20 août 2020 (à destination de la société Citya Immobilier), la société Orpi France les a fait assigner devant le tribunal de commerce de Créteil afin d'être indemnisée pour le préjudice subi du fait du non-respect de la clause de non ré-affiliation et d'actes qu'elle qualifie de déloyaux et d'obtenir le paiement de factures restées impayées par la société Laxe Immobilier.
Par jugement rendu le 24 mai 2022 dont appel, le tribunal de commerce de Créteil a :
condamné la société Laxe Immobilier à payer à la société Orpi France la somme de 7.506,22 euros au titre des factures impayées de l'exercice 2016, avec intérêt au taux de 1,5 fois le taux légal à compter de la date d'échéance de chaque facture ;
condamné la société Laxe Immobilier à payer à la société Orpi France la somme de 32.160,00 euros au titre du non-respect de la clause de non-ré-affiliation et débouté la société Orpi France de sa demande à l'encontre de la société Citya Immobilier formée de ce chef ;
débouté la société Orpi France de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de la société Citya Immobilier ;
condamné la société Laxe Immobilier à payer à la société Orpi France la somme de 5.000,00 euros au titre de l'article 700 du CPC, et débouté la société Laxe Immobilier de sa demande formée de ce chef ;
rappelé que l'exécution provisoire est de droit ;
condamné la société Laxe Immobilier aux dépens, dont ceux à recouvrer par le Greffe, liquidés à la somme de 94,34 euros (dont 20 % de TVA).
La société Laxe Immobilier a interjeté appel de ce jugement le 28 juin 2022.
À la requête de la société Orpi France, intimée et appelante incidente, la société Citya Immobilier a été assignée sur appel provoqué le 8 décembre 2022.
Dans leurs dernières conclusions numérotées 4 transmises le 17 janvier 2024, la société Laxe Immobilier, appelante, et la société Citya Immobilier, intimée à l'appel provoqué, demandent à la cour de :
Vu notamment les articles 1103,1231-5, 1231, 1240 et 1353 du code civil,
Vu l'article 7 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération,
Vu l'article L 442-1 du code de commerce,
Vu la jurisprudence,
Vu les pièces du dossier,
confirmer le jugement rendu le 24 mai 2022 par le tribunal de commerce de Créteil (RG n°2020F00531) en ce qu'il a débouté la société Orpi France de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de la société Citya Immobilier ;
reformer et infirmer le jugement rendu le 24 mai 2022 par le tribunal de commerce de Créteil (RG n°2020F00531) en ce qu'il a :
condamné la société Laxe Immobilier à payer à la société Orpi France la somme de 7.506,22 € au titre des factures impayées de l'exercice 2016, avec intérêt au taux de 1,5 fois le taux légal à compter de la date d'échéance de chaque facture ;
condamné la société Laxe Immobilier à payer à la société Orpi France la somme de 32.160,00 € au titre du non-respect de la clause dite de non-ré-affiliation ;
condamné la société Laxe Immobilier à payer à la société Orpi France la somme de 5.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la société Laxe Immobilier aux dépens ;
débouté la société Laxe Immobilier de toutes ses demandes.
Et statuant à nouveau,
A titre principal,
juger que le principe de la non-affiliation n'a pas été fixé dans les statuts ;
juger que la clause 19.2 (clause de non-affiliation) du règlement intérieur est inopposable à la société Laxe Immobilier ;
rejeter les demandes de la société Orpi France contre la société Laxe Immobilier au titre de la prétendue violation de la clause de non-affiliation post-contractuelle ;
rejeter les demandes de la société Orpi France contre la société Citya Immobilier au titre de la prétendue violation de la clause de non-affiliation post-contractuelle ;
rejeter les demandes de la société Orpi France contre la société Laxe Immobilier au titre du paiement des factures.
A titre subsidiaire,
juger que la société Laxe Immobilier était parfaitement libre de démissionner de la coopérative ORPI et a respecté le préavis ;
juger que la société Citya Immobilier était parfaitement libre d'acquérir les parts du capital de la société Laxe Immobilier ;
juger que la société Citya Immobilier n'exploite pas un réseau et que la clause de non-affiliation n'a pas été violée ;
juger que la société Orpi France ne démontre pas que la société Laxe Immobilier a violé la clause de non-affiliation notamment en adhérant à un réseau ;
rejeter les demandes de la société Orpi France contre la société Laxe Immobilier au titre de la violation de la clause de non-affiliation ;
rejeter les demandes de la société Orpi France contre la société Laxe Immobilier au titre du paiement des factures.
A titre très subsidiaire, si la responsabilité des sociétés Laxe Immobilier et Citya Immobilier devait être engagée,
réduire les dommages et intérêts à zéro.
En toutes hypothèses,
rejeter toutes les demandes, fins et conclusions de la société Orpi France ;
condamner la société Orpi France à régler aux sociétés Laxe Immobilier et Citya Immobilier la somme de 4.000 euros chacune outre les entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions numérotées 3, transmises le 11 janvier 2024, la société Orpi France, intimée et appelante incidente, demande à la cour de :
Vu les articles 1134, 1142, 1146, 1147, 1148, 1149 et 1382 du code civil (ancien),
Vu les pièces versées aux débats,
recevoir la société Orpi France en son appel provoqué à l'égard de la société Citya Immobilier ;
confirmer le jugement entrepris par le tribunal de commerce de Créteil le 24 mai 2022 en ce qu'il a condamné la société Laxe Immobilier à payer à la société Orpi France la somme de 7.506,22 euros au titre des factures impayées de l'exercice 2016, avec intérêt au taux de 1,5 fois le taux légal à compter de la date d'échéance de chaque facture.
confirmer le jugement entrepris par le tribunal de commerce de Créteil le 24 mai 2022 en ce qu'il a condamné la société Laxe Immobilier à payer à la société Orpi France la somme de 32.160,00 euros au titre du non-respect de la clause dite de non ré-affiliation ;
confirmer le jugement entrepris par le tribunal de commerce de Créteil le 24 mai 2022 en ce qu'il a condamné la société Laxe Immobilier à payer à la société Orpi France la somme de 5.000,00 euros au titre de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux dépens de première instance ;
infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Orpi France de sa demande de condamnation à l'encontre de la société Citya Immobilier au paiement de la somme de 200.000,00 euros en réparation du préjudice subi du fait de ses agissements déloyaux.
En conséquence,
condamner la société Citya Immobilier au paiement de la somme de 200.000,00 euros en réparation du préjudice subi du fait de ses agissements déloyaux ;
condamner la société Laxe Immobilier et la société Citya Immobilier à payer chacune à la société Orpi France la somme de 10.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile d'appel ;
condamner la société Laxe Immobilier et la société Citya Immobilier aux entiers dépens d'appel ;
débouter la société Laxe Immobilier et la société Citya Immobilier de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions, et notamment de toute demande de condamnation au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 janvier 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.
Sur le chef du jugement non contesté
La cour constate que le jugement n'est pas contesté en ce qu'il a débouté la société Orpi France de sa demande de condamnation de la société Citya Immobilier au titre du non-respect de la clause de non-réaffiliation et est donc définitif de ce chef.
Sur l'opposabilité de la clause de non-affiliation
Les sociétés Laxe Immobilier et Citya Immobilier contestent l'opposabilité de la clause de non ré-affiliation, soutenant que toute sanction, toute limitation de la liberté en cas de retrait et/ou d'exclusion d'un associé doit avoir été prévue par les statuts, et uniquement par les statuts, le fondement du règlement intérieur étant insuffisant pour la justifier.
La société Orpi France soutient que les conditions d'admission, de retrait et d'exclusion des associés ORPI sont prévues par les statuts (Titre II ' Admission. Retrait. Exclusion des statuts ORPI) qui fixent les conditions et la procédure dans lesquelles un associé peut adhérer à la société coopérative, se retirer par démission ou faire l'objet d'une exclusion, le RIU prévoyant, quant à lui, les conséquences de la perte de la qualité d'agent immobilier ORPI et notamment, l'interdiction de s'affilier, adhérer, participer directement ou indirectement à un réseau commercial d'agences immobilières. Elle rappelle qu'en tout état de cause, ce n'est pas la régularité du retrait de la société Laxe Immobilier qui est contestée mais ses conséquences telles que prévues dans les statuts. Elle ajoute que le RIU est voté dans les mêmes conditions que les statuts, en assemblée générale, qu'il a donc la même force obligatoire à l'égard des associés que les statuts. Elle rappelle enfin que la Cour de cassation a expressément validé la clause litigieuse et l'a également déclarée opposable aux associés sortants.
L'article 7 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération dispose que « Les statuts des coopératives déterminent notamment le siège de la société, son mode d'administration, en particulier les décisions réservées à l'assemblée générale, les pouvoirs des administrateurs ou gérants, les modalités du contrôle exercé sur ses opérations au nom des associés, les formes à observer en cas de modification des statuts ou de dissolution. Ils fixent les conditions d'adhésion, le cas échéant d'agrément, de retrait, de radiation et d'exclusion des associés, l'étendue et les modalités de la responsabilité qui incombe à chacun d'eux dans les engagements de la coopérative. Les coopératives constituées sous forme de sociétés à capital variable régies par les articles L. 231-1 et suivants du code de commerce ne sont pas tenues de fixer dans leurs statuts le montant maximal que peut atteindre leur capital. »
Puis, il doit être rappelé qu'une clause de non-réaffiliation à un réseau pour l'exercice dans les mêmes locaux que ceux où était exploitée la précédente activité est, sans avoir à être rémunérée, licite, dès lors qu'elle est limitée dans le temps et l'espace, justifiée et proportionnée aux intérêts de la société qui exploite le premier réseau et n'interdit pas à l'ancien adhérent toute activité. (Com. 31 janvier 2012, pourvoi n° 11-11.071.)
En vertu de l'article 19.2 « Conséquences de la perte de qualité d'agent immobilier ORPI » du Règlement Intérieur Unifié (RIU) ORPI, « L'Agent Immobilier ORPI a accès à un savoir-faire confidentiel, spécifique au Réseau ORPI et dont l'utilisation hors du Réseau ORPI est strictement interdite. Ce savoir-faire concerne notamment :
1. La mise en 'uvre du Fichier Commun ORPI ;
2. La mise en 'uvre d'une relation de confiance au sein du Réseau pour éviter les fuites et les ventes égoïstes ;
3. L'organisation technique qui donne accès, notamment :
' à toutes les informations confidentielles (nom, adresse des propriétaires, vendeurs et adresse des biens à vendre, prix etc.) concernant les biens, à la connaissance de l'historique de la relation client,
' au suivi de l'activité des commerciaux de l'Agence,
' au rapprochement du fichier des vendeurs et de celui des acquéreurs,
' au suivi du cycle de vente dans le respect des aspects légaux (lois SRU, HOGUET, CARREZ, exigences CNIL etc.),
' à un ensemble d'outils qui permettent l'exploitation d'une Agence
immobilière spécialisée en transaction, développée et mise en 'uvre par la Coopérative,
' au référentiel métier qui est un recueil de toutes les méthodes ORPI,
' aux statistiques de vente et de performances tant de l'Agence qu'au plan régional et national,
' au comparatif de résultats des commerciaux de toutes les Agences du Réseau (à travers le Challenge National),
' à l'annuaire d'entreprises qui référence toutes les Agences ORPI,
' à la stratégie ORPI soumise au vote de l'Assemblée Générale de la Coopérative chaque année, du fait que celle-ci est diffusée à tous ses membres.
Ce savoir-faire ORPI, validé par la jurisprudence, justifie l'interdiction qui est faite par ce présent Règlement à l'agence ORPI (qu'il s'agisse de la structure juridique, de la personne physique exploitant ou de la personne physique contrôlant le capital et dirigeant l'entreprise), de s'affilier, adhérer, participer directement ou indirectement à un réseau commercial d'Agences immobilières local, régional, national ou international ayant l'une ou l'autre des activités ORPI
1: Mise en gras ajoutée par la cour.
visées à l'article «EXCLUSIVITE D'ACTIVITES ' FIDELITE » des présentes. Cette interdiction n'est valable que dans les locaux où étai(en)t exploitée(s) la ou les Agences ORPI, et pendant une durée d'un an à compter de la fin de la relation contractuelle.
La violation de cette clause expose l'agence à des dommages et intérêts au profit de la coopérative, fixés forfaitairement à titre de clause pénale à 20€ x (dernier indice INSEE connu du coût de la construction) par point de vente.»
Il doit d'abord être relevé que la validité de cette clause n'est pas remise en cause par les appelantes qui contestent uniquement son opposabilité à la société Laxe Immobilier.
Sur ce, la cour retient que, comme l'impose le texte précité, les statuts ORPI prévoient effectivement les conditions d'admission, d'agrément, de retrait, de radiation et d'exclusion, tandis que le RIU vient uniquement préciser les conséquences de la perte de la qualité d'associé. En outre, comme le souligne la société Orpi France, il n'est pas contesté que le RIU a été voté le 29 novembre 2012, dans les mêmes conditions que les statuts, dans le cadre d'une assemblée générale réunissant les associés de la coopérative, et que dans la présente affaire, la société Laxe Immobilier a expressément formulé une demande de dérogation à la clause de non-réaffiliation, sans jamais remettre en cause ni sa validité, ni son opposabilité, ne contestant au demeurant pas avoir déjà la qualité d'associée lorsque cette clause a été votée et introduite dans le RIU.
Au vu de cet ensemble d'éléments, il convient de dire que l'article 19.2 du RIU ORPI est opposable à la société Laxe Immobilier.
Sur la violation de la clause de non-réaffiliation
Les sociétés Laxe Immobilier et Citya Immobilier soutiennent que la cession de 100% des parts de la société Laxe Immobilier à Citya ne constitue pas une violation de la clause de non-réaffiliation, la société Laxe Immobilier étant libre de démissionner et ayant respecté le formalisme imposé par les textes et le délai d'un an ayant été respecté pour apposer la signalétique Citya sur l'agence concernée.
Elles ajoutent que la société Citya Immobilier ne gère pas un réseau ni en terme d'organisation sociale, ni en terme contractuel puisqu'elle n'assume vis-à-vis de ses filiales aucune obligation et que la seule cession de parts ne vaut pas adhésion, la stipulation contractuelle opposée, qui est d'interprétation stricte, ne sanctionnant que l'adhésion et non pas la cession à un réseau concurrent.
Les sociétés Laxe Immobilier et Citya Immobilier considèrent que la somme demandée par la société Orpi France, s'agissant d'une clause pénale, est manifestement exagérée et doit être réduite puisque les services Orpi ont été interrompus avant la cession et que l'action a été introduite tardivement, soit plus de 4 ans après la sortie du réseau Orpi. La société Citya rappelle également qu'elle n'a jamais eu accès au fichier commun.
La société Orpi France soutient essentiellement qu'en cédant 100% de ses parts sociales au profit du réseau concurrent Citya, avant même l'expiration du délai de préavis résultant de sa démission, la société Laxe Immobilier a délibérément violé l'obligation de non-réaffiliation qu'elle avait souscrite, dont elle rappelle la validité, cette clause étant limitée dans le temps, l'espace et visant uniquement à protéger son savoir-faire. Elle rappelle également que la clause vise l'interdiction de s'affilier, d'adhérer, de participer directement ou indirectement à un réseau commercial d'agences immobilières et que la cession du bloc de contrôle d'une société à une société qui contrôle, en sa qualité de société mère, 100% du capital social de ses filiales et exploite un réseau commercial national d'agences immobilières constitue une participation directe à un tel réseau concurrent, de sorte que la violation est pleinement constituée comme l'a retenu le tribunal, ce dont les sociétés Laxe et Citya avaient connaissance puisqu'elles ont tenté d'obtenir une dérogation à cette clause.
Elle considère que le réseau Citya Immobilier est effectivement un réseau concurrent d'agences immobilières, en ce qu'il permet à ses agences filiales, personnes morales distinctes, d'exploiter des agences immobilières à travers une marque, une communication et une organisation communes, étant toutes liées par un intérêt commun.
La société Orpi France demande en conséquence réparation du préjudice subi en conséquence rappelant que « le seul constat de la violation de l'engagement de non-affiliation, par son débiteur, ouvre droit à des dommages et intérêts au profit du créancier de cet engagement (Cass. Civ 1ère, 10 mai 2005).
La cour constate, comme les premiers juges, que la clause de non-réaffiliation opposable pendant une durée d'un an de l'article 19.2 du RIU ne se limite pas au cas de ré-affiliation directe mais concerne, plus largement, l'interdiction de « participer directement ou indirectement à un réseau commercial d'Agences immobilières », sans qu'au regard de son caractère clair et non ambigu, il y ait lieu à procéder en conséquence à son interprétation.
A ce titre, dans la mesure où la société Citya Immobilier se présente elle-même comme une agence immobilière, qui possède sa propre marque et qui exploite plus d'une centaine de filiales, dont il n'est pas contesté qu'elles exercent une activité d'agence immobilière, à travers les mêmes enseigne et marque, bénéficiant toutes en outre d'une communication et d'une organisation commune (charte graphique, site internet, accès au paiement en ligne commun, consultation des biens à vendre par l'ensemble des agences du réseau etc'), la cour retient qu'elle constitue effectivement un réseau commercial d'agences immobilières au sens du RIU.
Ainsi, la cession par la société Laxe Immobilier de 100% de ses parts sociales au profit de la société Citya Immobilier qui, en sa qualité de société mère, contrôle le capital social de ses filiales, agences immobilières, constitue une participation directe à un tel réseau.
Enfin, la cour constate, comme le tribunal, que la société Laxe Immobilier a expressément sollicité une dérogation à la clause de non-réaffiliation le 29 décembre 2015, de sorte qu'elle a, elle-même, considéré que cette cession y contrevenait.
En conséquence, en cédant le 7 avril 2016, 100% de ses parts sociales au profit de la société Citya Immobilier, à la tête d'un réseau commercial d'agences immobilières ayant la même activité qu'Orpi, la société Laxe, après avoir démissionné le 29 décembre 2015 « pour la fin du mois de février 2016 », alors que cette démission ne pouvait, en outre, prendre effet que quatre mois après sa réception, a violé la clause de non-réaffiliation stipulée dans le RIU.
C'est, par conséquent, par une juste appréciation en droit et en fait que le tribunal a fait application de la sanction prévue en cas de violation de la clause de non-réaffiliation en condamnant la société Laxe Immobilier à verser à la société Orpi France une somme de 32.160€ fixée, comme stipulé, à hauteur de 20 fois l'indice INSEE du coût de la construction (1608), cette clause n'étant manifestement ni excessive, ni disproportionnée, eu égard au manquement et au secteur concerné, nonobstant le délai de quatre années écoulé entre ces faits et l'introduction de la présente action par la société Orpi France.
Sur la complicité de Citya dans la violation de la clause
La société Citya Immobilier conteste les faits qui lui sont imputés faisant valoir que la société Orpi France ne démontre nullement qu'elle aurait eu accès à son fichier et ce alors qu'au jour de l'acquisition des parts sociales de la société Laxe Immobilier, celle-ci était exclue de la coopérative depuis déjà trois semaines et que, du fait de l'interruption des services, elle n'a bénéficié d'un quelconque savoir-faire, de sorte que le préjudice allégué n'est nullement démontré. Elle dénonce le comportement de la société Orpi qui a introduit l'action plus de quatre ans après les faits dénoncés, dans le but d'interdire toute cession ultérieure, rappelant que les anciens associés d'Orpi sont libres de céder leur fonds de commerce et que dès lors elle n'est pas fautive en se proposant de les racheter.
La société Orpi France soutient essentiellement que la société Citya Immobilier en se portant acquéreur de 100% des parts de la société Laxe Immobilier et alors qu'elle avait connaissance de cette clause a participé activement à la violation des engagements post-contractuels de cette dernière, ce qui constitue un agissement déloyal, lui ayant permis de s'emparer de son savoir-faire et, notamment, de son fichier commun d'annonces dont elle demande réparation, ces agissements déloyaux ayant engendré un préjudice financier, d'image et moral pour le réseau ORPI.
La cour rappelle que, fondée sur les dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil, l'action en responsabilité sur le fondement de la concurrence déloyale suppose la réunion de trois éléments, soit une faute commise par la personne dont la responsabilité est recherchée, un dommage et un lien de causalité entre le dommage et le comportement reproché.
En outre, le créancier d'une obligation de non-concurrence inexécutée peut engager la responsabilité délictuelle du tiers complice qui a, fautivement, aidé le débiteur de cette obligation à la méconnaître ou qui l'a engagé en toute connaissance de cause.
En l'espèce, il a été jugé que la société Laxe Immobilier a violé la clause de non-réaffiliation du RIU ORPI en cédant ses parts sociales à la société Citya Immobilier.
Or, il ressort des pièces versées que la société Citya Immobilier, professionnelle avisée du secteur, était informée de l'existence de la clause de non-réaffiliation stipulée dans le règlement ORPI, ainsi que le mentionne le protocole d'accord portant cession des parts sociales de la société Laxe Immobilier, et a pourtant réitéré son intention de l'acquérir, malgré le refus de dérogation notifié par la société Orpi France le 5 février 2016, et ainsi fautivement aidé le débiteur de cette obligation à la méconnaître.
Il incombe cependant à la société Orpi France de démontrer le dommage subi en conséquence de ce comportement fautif.
Sur ce point, la société Orpi France n'apporte pas la preuve de l'apposition de la signalétique du réseau Citya ni sur les documents commerciaux, ni sur la façade de la société Laxe Immobilier dans le délai d'une année suivant la cession de l'agence. Par ailleurs, la cour constate, comme le tribunal, que la société Orpi France ne conteste pas avoir coupé tout accès à ses bases de données dès le 1er avril 2016, alors que la cession effective de l'agence de la société Laxe Immobilier à la société Citya Immobilier n'est intervenue que le 7 avril 2016. Il n'est donc nullement démontré que la société Citya Immobilier, en sa qualité de nouvel actionnaire de la société Laxe Immobilier, a eu un accès direct aux informations confidentielles de la société Orpi.
Cependant, la cour rappelle qu'il s'infère nécessairement de la participation de la société Citya Immobilier à la violation par la société Laxe Immobilier de la clause de non ré-affiliation, cette dernière renforçant ainsi déloyalement son réseau local dans un secteur particulièrement concurrentiel, un préjudice moral pour la société Orpi France, société coopérative, ces agissements conduisant à fragiliser son enseigne notamment auprès de ses coopérateurs.
Au vu de cet ensemble d'éléments, il convient de condamner la société Citya Immobilier à verser à la société Orpi France une somme de 10.000€ en réparation du préjudice distinct subi pour cet acte de concurrence déloyale, le jugement déféré étant infirmé de ce chef.
Sur la demande en paiement de factures
Les sociétés Laxe Immobilier et Citya Immobilier contestent les sommes réclamées indiquant qu'il s'agit de factures postérieures à l'exclusion prononcée et alors que la société Laxe Immobilier n'a pu profiter des prestations ainsi facturées.
La société Orpi France fait valoir que la société Laxe Immobilier demeure débitrice de la somme totale de 7.506,22 euros, au titre des factures de cotisations et autres services ORPI jusqu'au terme de l'année civile 2016 ; que la créance réclamée n'est contestable ni dans son principe, ni dans son montant en ce qu'elle constitue la stricte exécution des obligations financières contractuelles, prévues par les statuts (article 16) et par le RIU (article 19.2.2) et trouvent à s'appliquer à la sortie du réseau consécutive à une démission ou une exclusion, l'associé, à sa date de sortie du réseau, demeurant redevable jusqu'au 31 décembre de l'année en cours, des cotisations et sommes dues.
Il résulte de l'article 16 des statuts ORPI, dont la société Laxe Immobilier ne conteste ni la teneur ni leur opposabilité, dans la partie « démission » que :« A sa date de sortie effective du réseau, l'associé reste redevable jusqu'au 31 décembre de l'année en cours des cotisations et sommes dues par application des présents statuts et du Règlement intérieur unifié (RIU) du réseau ORPI. »
Dans la mesure où la société Laxe Immobilier a annoncé sa démission du réseau ORPI par courrier du 29 décembre 2015 à l'issue d'un préavis de deux mois, soit à la fin du mois de février 2016, elle restait en conséquence redevable des cotisations et sommes dues, comme stipulé à l'article 16 des statuts, soit 7.506,22 €, selon mise en demeure adressée le 29 juillet 2016.
En conséquence, c'est à juste titre que le tribunal de commerce a condamné la société Laxe Immobilier au paiement de cette somme dont elle contestait le principe mais pas le montant, outre intérêt au taux de 1,5 fois le taux légal à compter de la date d'échéance de chaque facture, tel que mentionné sur la facture.
Sur les autres demandes
Les sociétés Laxe Immobilier et Citya Immobilier, succombant, seront condamnées aux dépens d'appel et garderont à leur charge les frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.
Enfin, l'équité et la situation des parties commandent de condamner les sociétés Laxe Immobilier et Citya Immobilier à verser à la société Orpi, chacune, une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ces sommes complétant celle allouée en première instance.
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a :
- Débouté la société Orpi France de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de la société Citya Immobilier ;
L'infirme sur ce point,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société Citya Immobilier à verser à la société Orpi France une somme de 10.000€ en réparation des faits de concurrence déloyale,
Condamne les sociétés Laxe Immobilier et Citya Immobilier aux dépens d'appel,
Condamne les sociétés Laxe Immobilier et Citya Immobilier à verser chacune à la société Orpi France une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 1
ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2024
(n° 097/2024, 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 22/11995 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGBFN
Décision déférée à la Cour : jugement du 24 mai 2022 du tribunal de Commerce de CRETEIL - 2ème chambre - RG n° 2020F00531
APPELANTE
EURL LAXE IMMOBILIER
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de CRETEIL sous le numéro 423 875 244, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés domiciliés au siège social situé
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Morgane GRÉVELLEC, avocat au barreau de PARIS, toque : E2122
Assistée de Me Stéphan FESCHET, avocat au barreau de PARIS, toque E1673
INTIMÉES
Société CITYA IMMOBILIER
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de TOURS sous le numéro 380 435 248, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés au siège social situé
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Morgane GRÉVELLEC, avocat au barreau de PARIS, toque : E2122
Assistée de Me Stéphan FESCHET, avocat au barreau de PARIS, toque E1673
Société ORPI FRANCE
Société Civile Coopérative, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE sous le numéro 311 701 080, prise en la personne de son gérant domicilié au siège social situé
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Elisabeth BEYNEY, avocat au barreau de PARIS
Assistée de Me Claire FLAGEOLLET, avocat au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Françoise BARUTEL, conseillère et Mme Déborah BOHÉE, conseillère, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.
Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
- Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre ,
- Mme Françoise BARUTEL, conseillère,
- Mme Déborah BOHÉE, conseillère.
Greffier lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRÊT :
contradictoire ;
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Soufiane HASSAOUI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
La société coopérative Orpi France anime et développe un réseau d'agences immobilières fédérées sous une enseigne commune (ORPI). En sa qualité de coopérative, la société Orpi France est gérée par ses adhérents, agents immobiliers élus par leurs pairs, selon les règles fixées par ses statuts et les relations entre les membres du réseau sont, quant à elles, régies par le règlement intérieur unifié (RIU) ORPI.
La société Citya Immobilier se présente comme une agence immobilière qui a des filiales et qui exploite sa propre marque.
La société Laxe immobilier (anciennement 2 AI GESTION) a adhéré à la coopérative ORPI le 27 juin 2011 pour l'exploitation de son agence de gestion locative située à [Localité 6].
Par courrier du 7 décembre 2015, les associés de la société Laxe immobilier ont notifié à la société Orpi France le projet de cession de 100 % de leurs parts sociales à la société Citya immobilier. Dans ce courrier, il était précisé qu'à cette cession de titres sociaux s'ajoutait une cession partielle du fonds de commerce appartenant à la société cédante pour sa branche complète d'activité de transaction d'habitation. Etaient également visées les dispositions statutaires relatives au droit de priorité d'Orpi France ainsi que la condition suspensive concernant la levée des engagements auprès de la société coopérative, dont la clause de non ré-affiliation prévue dans le RIU ORPI.
La société Orpi France, répondant par courrier du 22 décembre 2015, a rappelé à la société Laxe Immobilier l'existence de la clause de non ré-affiliation et qu'en l'état, le projet de cession entrait en contravention avec le RIU ORPI, précisant qu'elle restait dans l'attente de sa réaction
et de l'envoi de son courrier de démission du réseau ORPI.
La société Laxe Immobilier a notifié, le 29 décembre 2015, sa démission du réseau ORPI au motif de la cession de 100 % de ses parts sociales à compter de la fin du mois de février 2016. Par courrier daté du même jour, elle a adressé une demande de dérogation à la clause de non ré-affiliation.
La société Orpi France, par courrier du 5 février 2016, a informé la société Laxe Immobilier que le conseil de gérance n'entendait pas accéder à sa demande de dérogation, justifiant de l'importance de la protection du savoir-faire ORPI.
C'est dans ce contexte que, suivant actes du 26 juin 2020 (à destination de la société Laxe Immobilier) et du 20 août 2020 (à destination de la société Citya Immobilier), la société Orpi France les a fait assigner devant le tribunal de commerce de Créteil afin d'être indemnisée pour le préjudice subi du fait du non-respect de la clause de non ré-affiliation et d'actes qu'elle qualifie de déloyaux et d'obtenir le paiement de factures restées impayées par la société Laxe Immobilier.
Par jugement rendu le 24 mai 2022 dont appel, le tribunal de commerce de Créteil a :
condamné la société Laxe Immobilier à payer à la société Orpi France la somme de 7.506,22 euros au titre des factures impayées de l'exercice 2016, avec intérêt au taux de 1,5 fois le taux légal à compter de la date d'échéance de chaque facture ;
condamné la société Laxe Immobilier à payer à la société Orpi France la somme de 32.160,00 euros au titre du non-respect de la clause de non-ré-affiliation et débouté la société Orpi France de sa demande à l'encontre de la société Citya Immobilier formée de ce chef ;
débouté la société Orpi France de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de la société Citya Immobilier ;
condamné la société Laxe Immobilier à payer à la société Orpi France la somme de 5.000,00 euros au titre de l'article 700 du CPC, et débouté la société Laxe Immobilier de sa demande formée de ce chef ;
rappelé que l'exécution provisoire est de droit ;
condamné la société Laxe Immobilier aux dépens, dont ceux à recouvrer par le Greffe, liquidés à la somme de 94,34 euros (dont 20 % de TVA).
La société Laxe Immobilier a interjeté appel de ce jugement le 28 juin 2022.
À la requête de la société Orpi France, intimée et appelante incidente, la société Citya Immobilier a été assignée sur appel provoqué le 8 décembre 2022.
Dans leurs dernières conclusions numérotées 4 transmises le 17 janvier 2024, la société Laxe Immobilier, appelante, et la société Citya Immobilier, intimée à l'appel provoqué, demandent à la cour de :
Vu notamment les articles 1103,1231-5, 1231, 1240 et 1353 du code civil,
Vu l'article 7 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération,
Vu l'article L 442-1 du code de commerce,
Vu la jurisprudence,
Vu les pièces du dossier,
confirmer le jugement rendu le 24 mai 2022 par le tribunal de commerce de Créteil (RG n°2020F00531) en ce qu'il a débouté la société Orpi France de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de la société Citya Immobilier ;
reformer et infirmer le jugement rendu le 24 mai 2022 par le tribunal de commerce de Créteil (RG n°2020F00531) en ce qu'il a :
condamné la société Laxe Immobilier à payer à la société Orpi France la somme de 7.506,22 € au titre des factures impayées de l'exercice 2016, avec intérêt au taux de 1,5 fois le taux légal à compter de la date d'échéance de chaque facture ;
condamné la société Laxe Immobilier à payer à la société Orpi France la somme de 32.160,00 € au titre du non-respect de la clause dite de non-ré-affiliation ;
condamné la société Laxe Immobilier à payer à la société Orpi France la somme de 5.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la société Laxe Immobilier aux dépens ;
débouté la société Laxe Immobilier de toutes ses demandes.
Et statuant à nouveau,
A titre principal,
juger que le principe de la non-affiliation n'a pas été fixé dans les statuts ;
juger que la clause 19.2 (clause de non-affiliation) du règlement intérieur est inopposable à la société Laxe Immobilier ;
rejeter les demandes de la société Orpi France contre la société Laxe Immobilier au titre de la prétendue violation de la clause de non-affiliation post-contractuelle ;
rejeter les demandes de la société Orpi France contre la société Citya Immobilier au titre de la prétendue violation de la clause de non-affiliation post-contractuelle ;
rejeter les demandes de la société Orpi France contre la société Laxe Immobilier au titre du paiement des factures.
A titre subsidiaire,
juger que la société Laxe Immobilier était parfaitement libre de démissionner de la coopérative ORPI et a respecté le préavis ;
juger que la société Citya Immobilier était parfaitement libre d'acquérir les parts du capital de la société Laxe Immobilier ;
juger que la société Citya Immobilier n'exploite pas un réseau et que la clause de non-affiliation n'a pas été violée ;
juger que la société Orpi France ne démontre pas que la société Laxe Immobilier a violé la clause de non-affiliation notamment en adhérant à un réseau ;
rejeter les demandes de la société Orpi France contre la société Laxe Immobilier au titre de la violation de la clause de non-affiliation ;
rejeter les demandes de la société Orpi France contre la société Laxe Immobilier au titre du paiement des factures.
A titre très subsidiaire, si la responsabilité des sociétés Laxe Immobilier et Citya Immobilier devait être engagée,
réduire les dommages et intérêts à zéro.
En toutes hypothèses,
rejeter toutes les demandes, fins et conclusions de la société Orpi France ;
condamner la société Orpi France à régler aux sociétés Laxe Immobilier et Citya Immobilier la somme de 4.000 euros chacune outre les entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions numérotées 3, transmises le 11 janvier 2024, la société Orpi France, intimée et appelante incidente, demande à la cour de :
Vu les articles 1134, 1142, 1146, 1147, 1148, 1149 et 1382 du code civil (ancien),
Vu les pièces versées aux débats,
recevoir la société Orpi France en son appel provoqué à l'égard de la société Citya Immobilier ;
confirmer le jugement entrepris par le tribunal de commerce de Créteil le 24 mai 2022 en ce qu'il a condamné la société Laxe Immobilier à payer à la société Orpi France la somme de 7.506,22 euros au titre des factures impayées de l'exercice 2016, avec intérêt au taux de 1,5 fois le taux légal à compter de la date d'échéance de chaque facture.
confirmer le jugement entrepris par le tribunal de commerce de Créteil le 24 mai 2022 en ce qu'il a condamné la société Laxe Immobilier à payer à la société Orpi France la somme de 32.160,00 euros au titre du non-respect de la clause dite de non ré-affiliation ;
confirmer le jugement entrepris par le tribunal de commerce de Créteil le 24 mai 2022 en ce qu'il a condamné la société Laxe Immobilier à payer à la société Orpi France la somme de 5.000,00 euros au titre de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux dépens de première instance ;
infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Orpi France de sa demande de condamnation à l'encontre de la société Citya Immobilier au paiement de la somme de 200.000,00 euros en réparation du préjudice subi du fait de ses agissements déloyaux.
En conséquence,
condamner la société Citya Immobilier au paiement de la somme de 200.000,00 euros en réparation du préjudice subi du fait de ses agissements déloyaux ;
condamner la société Laxe Immobilier et la société Citya Immobilier à payer chacune à la société Orpi France la somme de 10.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile d'appel ;
condamner la société Laxe Immobilier et la société Citya Immobilier aux entiers dépens d'appel ;
débouter la société Laxe Immobilier et la société Citya Immobilier de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions, et notamment de toute demande de condamnation au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 janvier 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.
Sur le chef du jugement non contesté
La cour constate que le jugement n'est pas contesté en ce qu'il a débouté la société Orpi France de sa demande de condamnation de la société Citya Immobilier au titre du non-respect de la clause de non-réaffiliation et est donc définitif de ce chef.
Sur l'opposabilité de la clause de non-affiliation
Les sociétés Laxe Immobilier et Citya Immobilier contestent l'opposabilité de la clause de non ré-affiliation, soutenant que toute sanction, toute limitation de la liberté en cas de retrait et/ou d'exclusion d'un associé doit avoir été prévue par les statuts, et uniquement par les statuts, le fondement du règlement intérieur étant insuffisant pour la justifier.
La société Orpi France soutient que les conditions d'admission, de retrait et d'exclusion des associés ORPI sont prévues par les statuts (Titre II ' Admission. Retrait. Exclusion des statuts ORPI) qui fixent les conditions et la procédure dans lesquelles un associé peut adhérer à la société coopérative, se retirer par démission ou faire l'objet d'une exclusion, le RIU prévoyant, quant à lui, les conséquences de la perte de la qualité d'agent immobilier ORPI et notamment, l'interdiction de s'affilier, adhérer, participer directement ou indirectement à un réseau commercial d'agences immobilières. Elle rappelle qu'en tout état de cause, ce n'est pas la régularité du retrait de la société Laxe Immobilier qui est contestée mais ses conséquences telles que prévues dans les statuts. Elle ajoute que le RIU est voté dans les mêmes conditions que les statuts, en assemblée générale, qu'il a donc la même force obligatoire à l'égard des associés que les statuts. Elle rappelle enfin que la Cour de cassation a expressément validé la clause litigieuse et l'a également déclarée opposable aux associés sortants.
L'article 7 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération dispose que « Les statuts des coopératives déterminent notamment le siège de la société, son mode d'administration, en particulier les décisions réservées à l'assemblée générale, les pouvoirs des administrateurs ou gérants, les modalités du contrôle exercé sur ses opérations au nom des associés, les formes à observer en cas de modification des statuts ou de dissolution. Ils fixent les conditions d'adhésion, le cas échéant d'agrément, de retrait, de radiation et d'exclusion des associés, l'étendue et les modalités de la responsabilité qui incombe à chacun d'eux dans les engagements de la coopérative. Les coopératives constituées sous forme de sociétés à capital variable régies par les articles L. 231-1 et suivants du code de commerce ne sont pas tenues de fixer dans leurs statuts le montant maximal que peut atteindre leur capital. »
Puis, il doit être rappelé qu'une clause de non-réaffiliation à un réseau pour l'exercice dans les mêmes locaux que ceux où était exploitée la précédente activité est, sans avoir à être rémunérée, licite, dès lors qu'elle est limitée dans le temps et l'espace, justifiée et proportionnée aux intérêts de la société qui exploite le premier réseau et n'interdit pas à l'ancien adhérent toute activité. (Com. 31 janvier 2012, pourvoi n° 11-11.071.)
En vertu de l'article 19.2 « Conséquences de la perte de qualité d'agent immobilier ORPI » du Règlement Intérieur Unifié (RIU) ORPI, « L'Agent Immobilier ORPI a accès à un savoir-faire confidentiel, spécifique au Réseau ORPI et dont l'utilisation hors du Réseau ORPI est strictement interdite. Ce savoir-faire concerne notamment :
1. La mise en 'uvre du Fichier Commun ORPI ;
2. La mise en 'uvre d'une relation de confiance au sein du Réseau pour éviter les fuites et les ventes égoïstes ;
3. L'organisation technique qui donne accès, notamment :
' à toutes les informations confidentielles (nom, adresse des propriétaires, vendeurs et adresse des biens à vendre, prix etc.) concernant les biens, à la connaissance de l'historique de la relation client,
' au suivi de l'activité des commerciaux de l'Agence,
' au rapprochement du fichier des vendeurs et de celui des acquéreurs,
' au suivi du cycle de vente dans le respect des aspects légaux (lois SRU, HOGUET, CARREZ, exigences CNIL etc.),
' à un ensemble d'outils qui permettent l'exploitation d'une Agence
immobilière spécialisée en transaction, développée et mise en 'uvre par la Coopérative,
' au référentiel métier qui est un recueil de toutes les méthodes ORPI,
' aux statistiques de vente et de performances tant de l'Agence qu'au plan régional et national,
' au comparatif de résultats des commerciaux de toutes les Agences du Réseau (à travers le Challenge National),
' à l'annuaire d'entreprises qui référence toutes les Agences ORPI,
' à la stratégie ORPI soumise au vote de l'Assemblée Générale de la Coopérative chaque année, du fait que celle-ci est diffusée à tous ses membres.
Ce savoir-faire ORPI, validé par la jurisprudence, justifie l'interdiction qui est faite par ce présent Règlement à l'agence ORPI (qu'il s'agisse de la structure juridique, de la personne physique exploitant ou de la personne physique contrôlant le capital et dirigeant l'entreprise), de s'affilier, adhérer, participer directement ou indirectement à un réseau commercial d'Agences immobilières local, régional, national ou international ayant l'une ou l'autre des activités ORPI
1: Mise en gras ajoutée par la cour.
visées à l'article «EXCLUSIVITE D'ACTIVITES ' FIDELITE » des présentes. Cette interdiction n'est valable que dans les locaux où étai(en)t exploitée(s) la ou les Agences ORPI, et pendant une durée d'un an à compter de la fin de la relation contractuelle.
La violation de cette clause expose l'agence à des dommages et intérêts au profit de la coopérative, fixés forfaitairement à titre de clause pénale à 20€ x (dernier indice INSEE connu du coût de la construction) par point de vente.»
Il doit d'abord être relevé que la validité de cette clause n'est pas remise en cause par les appelantes qui contestent uniquement son opposabilité à la société Laxe Immobilier.
Sur ce, la cour retient que, comme l'impose le texte précité, les statuts ORPI prévoient effectivement les conditions d'admission, d'agrément, de retrait, de radiation et d'exclusion, tandis que le RIU vient uniquement préciser les conséquences de la perte de la qualité d'associé. En outre, comme le souligne la société Orpi France, il n'est pas contesté que le RIU a été voté le 29 novembre 2012, dans les mêmes conditions que les statuts, dans le cadre d'une assemblée générale réunissant les associés de la coopérative, et que dans la présente affaire, la société Laxe Immobilier a expressément formulé une demande de dérogation à la clause de non-réaffiliation, sans jamais remettre en cause ni sa validité, ni son opposabilité, ne contestant au demeurant pas avoir déjà la qualité d'associée lorsque cette clause a été votée et introduite dans le RIU.
Au vu de cet ensemble d'éléments, il convient de dire que l'article 19.2 du RIU ORPI est opposable à la société Laxe Immobilier.
Sur la violation de la clause de non-réaffiliation
Les sociétés Laxe Immobilier et Citya Immobilier soutiennent que la cession de 100% des parts de la société Laxe Immobilier à Citya ne constitue pas une violation de la clause de non-réaffiliation, la société Laxe Immobilier étant libre de démissionner et ayant respecté le formalisme imposé par les textes et le délai d'un an ayant été respecté pour apposer la signalétique Citya sur l'agence concernée.
Elles ajoutent que la société Citya Immobilier ne gère pas un réseau ni en terme d'organisation sociale, ni en terme contractuel puisqu'elle n'assume vis-à-vis de ses filiales aucune obligation et que la seule cession de parts ne vaut pas adhésion, la stipulation contractuelle opposée, qui est d'interprétation stricte, ne sanctionnant que l'adhésion et non pas la cession à un réseau concurrent.
Les sociétés Laxe Immobilier et Citya Immobilier considèrent que la somme demandée par la société Orpi France, s'agissant d'une clause pénale, est manifestement exagérée et doit être réduite puisque les services Orpi ont été interrompus avant la cession et que l'action a été introduite tardivement, soit plus de 4 ans après la sortie du réseau Orpi. La société Citya rappelle également qu'elle n'a jamais eu accès au fichier commun.
La société Orpi France soutient essentiellement qu'en cédant 100% de ses parts sociales au profit du réseau concurrent Citya, avant même l'expiration du délai de préavis résultant de sa démission, la société Laxe Immobilier a délibérément violé l'obligation de non-réaffiliation qu'elle avait souscrite, dont elle rappelle la validité, cette clause étant limitée dans le temps, l'espace et visant uniquement à protéger son savoir-faire. Elle rappelle également que la clause vise l'interdiction de s'affilier, d'adhérer, de participer directement ou indirectement à un réseau commercial d'agences immobilières et que la cession du bloc de contrôle d'une société à une société qui contrôle, en sa qualité de société mère, 100% du capital social de ses filiales et exploite un réseau commercial national d'agences immobilières constitue une participation directe à un tel réseau concurrent, de sorte que la violation est pleinement constituée comme l'a retenu le tribunal, ce dont les sociétés Laxe et Citya avaient connaissance puisqu'elles ont tenté d'obtenir une dérogation à cette clause.
Elle considère que le réseau Citya Immobilier est effectivement un réseau concurrent d'agences immobilières, en ce qu'il permet à ses agences filiales, personnes morales distinctes, d'exploiter des agences immobilières à travers une marque, une communication et une organisation communes, étant toutes liées par un intérêt commun.
La société Orpi France demande en conséquence réparation du préjudice subi en conséquence rappelant que « le seul constat de la violation de l'engagement de non-affiliation, par son débiteur, ouvre droit à des dommages et intérêts au profit du créancier de cet engagement (Cass. Civ 1ère, 10 mai 2005).
La cour constate, comme les premiers juges, que la clause de non-réaffiliation opposable pendant une durée d'un an de l'article 19.2 du RIU ne se limite pas au cas de ré-affiliation directe mais concerne, plus largement, l'interdiction de « participer directement ou indirectement à un réseau commercial d'Agences immobilières », sans qu'au regard de son caractère clair et non ambigu, il y ait lieu à procéder en conséquence à son interprétation.
A ce titre, dans la mesure où la société Citya Immobilier se présente elle-même comme une agence immobilière, qui possède sa propre marque et qui exploite plus d'une centaine de filiales, dont il n'est pas contesté qu'elles exercent une activité d'agence immobilière, à travers les mêmes enseigne et marque, bénéficiant toutes en outre d'une communication et d'une organisation commune (charte graphique, site internet, accès au paiement en ligne commun, consultation des biens à vendre par l'ensemble des agences du réseau etc'), la cour retient qu'elle constitue effectivement un réseau commercial d'agences immobilières au sens du RIU.
Ainsi, la cession par la société Laxe Immobilier de 100% de ses parts sociales au profit de la société Citya Immobilier qui, en sa qualité de société mère, contrôle le capital social de ses filiales, agences immobilières, constitue une participation directe à un tel réseau.
Enfin, la cour constate, comme le tribunal, que la société Laxe Immobilier a expressément sollicité une dérogation à la clause de non-réaffiliation le 29 décembre 2015, de sorte qu'elle a, elle-même, considéré que cette cession y contrevenait.
En conséquence, en cédant le 7 avril 2016, 100% de ses parts sociales au profit de la société Citya Immobilier, à la tête d'un réseau commercial d'agences immobilières ayant la même activité qu'Orpi, la société Laxe, après avoir démissionné le 29 décembre 2015 « pour la fin du mois de février 2016 », alors que cette démission ne pouvait, en outre, prendre effet que quatre mois après sa réception, a violé la clause de non-réaffiliation stipulée dans le RIU.
C'est, par conséquent, par une juste appréciation en droit et en fait que le tribunal a fait application de la sanction prévue en cas de violation de la clause de non-réaffiliation en condamnant la société Laxe Immobilier à verser à la société Orpi France une somme de 32.160€ fixée, comme stipulé, à hauteur de 20 fois l'indice INSEE du coût de la construction (1608), cette clause n'étant manifestement ni excessive, ni disproportionnée, eu égard au manquement et au secteur concerné, nonobstant le délai de quatre années écoulé entre ces faits et l'introduction de la présente action par la société Orpi France.
Sur la complicité de Citya dans la violation de la clause
La société Citya Immobilier conteste les faits qui lui sont imputés faisant valoir que la société Orpi France ne démontre nullement qu'elle aurait eu accès à son fichier et ce alors qu'au jour de l'acquisition des parts sociales de la société Laxe Immobilier, celle-ci était exclue de la coopérative depuis déjà trois semaines et que, du fait de l'interruption des services, elle n'a bénéficié d'un quelconque savoir-faire, de sorte que le préjudice allégué n'est nullement démontré. Elle dénonce le comportement de la société Orpi qui a introduit l'action plus de quatre ans après les faits dénoncés, dans le but d'interdire toute cession ultérieure, rappelant que les anciens associés d'Orpi sont libres de céder leur fonds de commerce et que dès lors elle n'est pas fautive en se proposant de les racheter.
La société Orpi France soutient essentiellement que la société Citya Immobilier en se portant acquéreur de 100% des parts de la société Laxe Immobilier et alors qu'elle avait connaissance de cette clause a participé activement à la violation des engagements post-contractuels de cette dernière, ce qui constitue un agissement déloyal, lui ayant permis de s'emparer de son savoir-faire et, notamment, de son fichier commun d'annonces dont elle demande réparation, ces agissements déloyaux ayant engendré un préjudice financier, d'image et moral pour le réseau ORPI.
La cour rappelle que, fondée sur les dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil, l'action en responsabilité sur le fondement de la concurrence déloyale suppose la réunion de trois éléments, soit une faute commise par la personne dont la responsabilité est recherchée, un dommage et un lien de causalité entre le dommage et le comportement reproché.
En outre, le créancier d'une obligation de non-concurrence inexécutée peut engager la responsabilité délictuelle du tiers complice qui a, fautivement, aidé le débiteur de cette obligation à la méconnaître ou qui l'a engagé en toute connaissance de cause.
En l'espèce, il a été jugé que la société Laxe Immobilier a violé la clause de non-réaffiliation du RIU ORPI en cédant ses parts sociales à la société Citya Immobilier.
Or, il ressort des pièces versées que la société Citya Immobilier, professionnelle avisée du secteur, était informée de l'existence de la clause de non-réaffiliation stipulée dans le règlement ORPI, ainsi que le mentionne le protocole d'accord portant cession des parts sociales de la société Laxe Immobilier, et a pourtant réitéré son intention de l'acquérir, malgré le refus de dérogation notifié par la société Orpi France le 5 février 2016, et ainsi fautivement aidé le débiteur de cette obligation à la méconnaître.
Il incombe cependant à la société Orpi France de démontrer le dommage subi en conséquence de ce comportement fautif.
Sur ce point, la société Orpi France n'apporte pas la preuve de l'apposition de la signalétique du réseau Citya ni sur les documents commerciaux, ni sur la façade de la société Laxe Immobilier dans le délai d'une année suivant la cession de l'agence. Par ailleurs, la cour constate, comme le tribunal, que la société Orpi France ne conteste pas avoir coupé tout accès à ses bases de données dès le 1er avril 2016, alors que la cession effective de l'agence de la société Laxe Immobilier à la société Citya Immobilier n'est intervenue que le 7 avril 2016. Il n'est donc nullement démontré que la société Citya Immobilier, en sa qualité de nouvel actionnaire de la société Laxe Immobilier, a eu un accès direct aux informations confidentielles de la société Orpi.
Cependant, la cour rappelle qu'il s'infère nécessairement de la participation de la société Citya Immobilier à la violation par la société Laxe Immobilier de la clause de non ré-affiliation, cette dernière renforçant ainsi déloyalement son réseau local dans un secteur particulièrement concurrentiel, un préjudice moral pour la société Orpi France, société coopérative, ces agissements conduisant à fragiliser son enseigne notamment auprès de ses coopérateurs.
Au vu de cet ensemble d'éléments, il convient de condamner la société Citya Immobilier à verser à la société Orpi France une somme de 10.000€ en réparation du préjudice distinct subi pour cet acte de concurrence déloyale, le jugement déféré étant infirmé de ce chef.
Sur la demande en paiement de factures
Les sociétés Laxe Immobilier et Citya Immobilier contestent les sommes réclamées indiquant qu'il s'agit de factures postérieures à l'exclusion prononcée et alors que la société Laxe Immobilier n'a pu profiter des prestations ainsi facturées.
La société Orpi France fait valoir que la société Laxe Immobilier demeure débitrice de la somme totale de 7.506,22 euros, au titre des factures de cotisations et autres services ORPI jusqu'au terme de l'année civile 2016 ; que la créance réclamée n'est contestable ni dans son principe, ni dans son montant en ce qu'elle constitue la stricte exécution des obligations financières contractuelles, prévues par les statuts (article 16) et par le RIU (article 19.2.2) et trouvent à s'appliquer à la sortie du réseau consécutive à une démission ou une exclusion, l'associé, à sa date de sortie du réseau, demeurant redevable jusqu'au 31 décembre de l'année en cours, des cotisations et sommes dues.
Il résulte de l'article 16 des statuts ORPI, dont la société Laxe Immobilier ne conteste ni la teneur ni leur opposabilité, dans la partie « démission » que :« A sa date de sortie effective du réseau, l'associé reste redevable jusqu'au 31 décembre de l'année en cours des cotisations et sommes dues par application des présents statuts et du Règlement intérieur unifié (RIU) du réseau ORPI. »
Dans la mesure où la société Laxe Immobilier a annoncé sa démission du réseau ORPI par courrier du 29 décembre 2015 à l'issue d'un préavis de deux mois, soit à la fin du mois de février 2016, elle restait en conséquence redevable des cotisations et sommes dues, comme stipulé à l'article 16 des statuts, soit 7.506,22 €, selon mise en demeure adressée le 29 juillet 2016.
En conséquence, c'est à juste titre que le tribunal de commerce a condamné la société Laxe Immobilier au paiement de cette somme dont elle contestait le principe mais pas le montant, outre intérêt au taux de 1,5 fois le taux légal à compter de la date d'échéance de chaque facture, tel que mentionné sur la facture.
Sur les autres demandes
Les sociétés Laxe Immobilier et Citya Immobilier, succombant, seront condamnées aux dépens d'appel et garderont à leur charge les frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.
Enfin, l'équité et la situation des parties commandent de condamner les sociétés Laxe Immobilier et Citya Immobilier à verser à la société Orpi, chacune, une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ces sommes complétant celle allouée en première instance.
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a :
- Débouté la société Orpi France de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de la société Citya Immobilier ;
L'infirme sur ce point,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société Citya Immobilier à verser à la société Orpi France une somme de 10.000€ en réparation des faits de concurrence déloyale,
Condamne les sociétés Laxe Immobilier et Citya Immobilier aux dépens d'appel,
Condamne les sociétés Laxe Immobilier et Citya Immobilier à verser chacune à la société Orpi France une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE