CA Grenoble, service des référés, 18 septembre 2024, n° 24/00084
GRENOBLE
Ordonnance
Autre
PARTIES
Demandeur :
Tabac Presse du (SNC)
Défendeur :
Foncière Altimm (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Callec
Avocats :
Me Mangione, Me Medina, Me Bandosz
Le 21/03/1977, les époux [B], aux droits desquels se trouve aujourd'hui la société Foncière Altimm, ont donné à bail commercial à M. [O], aux droits duquel se trouve aujourd'hui la société en nom collectif Tabac Presse du [Localité 3], des locaux situés [Adresse 4] à [Localité 5].
Le 18/10/2023, le bailleur a fait délivrer au preneur un commandement visant la clause résolutoire stipulée au bail lui enjoignant de procéder dans le délai d'un mois à la coupe des arbres et des mauvaises herbes, au nettoyage de la façade et du lierre recouvrant le pignon et de repeindre le bandeau bois en façade.
Saisi par acte du 07/02/2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Grenoble a, principalement, par ordonnance du 11/07/2024 :
- constaté la résilitation du bail au 18/11/2023 ;
- ordonné l'expulsion de la SNC Tabac Presse du [Localité 3] et de toute personne de son chef des lieux loués avec le concours de la force publique si nécessaire ;
- renvoyé aux articles L.433-1 et R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution concernant la séquestration des meubles ;
- condamné la SNC Tabac Presse du [Localité 3] à verser à titre provisionnel une indemnité d'occupation égale au montant du loyer à compter de la résiliation du bail jusqu'au départ effectif du preneur outre 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 17/07/2024, la SNC Tabac Presse du [Localité 3] a relevé appel de cette décision.
Par acte du 22/07/2024, elle a assigné le bailleur en référé devant le premier président de la cour d'appel de Grenoble aux fins de voir ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire attachée à la décision déférée et en paiement de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, faisant valoir dans l'assignation soutenue oralement à l'audience que :
- le bail commercial ne mentionne pas le jardin et l'obligation d'entretien stipulée au bail ne prévoit pas expressément la coupe des herbes, arbres, lierre et du bandeau de bois ;
- le juge des référés n'avait pas le pouvoir d'interpréter le bail et de déterminer les obligations d'entretien du preneur ;
- contrairement aux affirmations du bailleur, l'entretien est réalisé ;
- en tout état de cause, le preneur est fondé à invoquer la suspension de la clause résolutoire rétroactivement au 17/05/2024 ;
- elle justifie ainsi de moyens sérieux de réformation de la décision attaquée ;
- son expulsion entraînerait des conséquences manifestement excessives car, faute de local, elle ne pourrait plus exercer ses activités.
Dans ses conclusions soutenues oralement à l'audience, la société Foncière Altimm, pour conclure au rejet de la demande et réclamer reconventionnellement 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, réplique en substance que :
- plusieurs constats ont été dressés par commissaire de justice faisant apparaître une végétation envahissante caractérisant un abandon des lieux ;
- déjà, par ordonnance du 24/03/2021, le juge des référés avait condamné sous astreinte le locataire à couper les arbres et mauvaises herbes et à nettoyer la façade ;
- cette décision n'a pas été respectée, le preneur étant condamné à payer 25 000 euros au titre de la liquidation d'astreinte par arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 13/12/2022 ;
- la société requérante ne démontre pas l'existence d'un moyen sérieux de réformation, ni être dans l'incapacité de retrouver un local en cas d'exécution de la décision.
MOTIFS DE LA DECISION
Aux termes de l'article 514-3 du code de procédure civile, 'en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives. La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance'.
* l'existence de moyens sérieux de réformation
Seule la cour statuant au fond est à même de déterminer si le juge des référés a excédé ses pouvoirs en considérant que le locataire était défaillant dans l'exécution de son obligation d'entretien, en l'absence de mention d'un jardin dans le bail et de stipulations contractuelles explicites à ce sujet.
Concernant la résiliation du bail, le motif retenu est l'absence d'entretien des extérieurs. Le bâtiment loué consiste en un petit chalet ainsi qu'un local de plain pied attenant, donnant sur une artère passante, sur un terrain à usage de jardin.
Pour considérer que le preneur avait manqué à ses obligations d'entretien, le premier juge s'est fondé notamment sur un constat dressé le 08/01/2024 montrant la présence de lierrre grimpant sur un mur et de ronces dans le jardin attenant au tabac.
Toutefois, le preneur produit un constat du 25/07/2024 faisant état du nettoyage des espaces verts suite à des travaux d'entretien et de débroussaillage. L'examen des photographies annexées permet de vérifier qu'effectivement, les ronces et autres mauvaises herbes qui envahissaient le terrain sont désormais enlevées, que le balcon Sud est débarrassé et nettoyé de tout ce qui l'encombrait, tandis que la façade est propre et ne présente pas de signe de décrépitude.
En conséquence, la société requérante est maintenant en mesure d'invoquer les dispositions de l'alinéa 2 de l'article L.145-1 du code de commerce, aux termes desquels 'les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues aux articles 1244-1 à 1244-3 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge'.
La SNC Tabac Presse du [Localité 3] justifie ainsi d'un moyen sérieux de réformation de la décision entreprise.
* le risque de conséquences manifestement excessives
Si la requérante n'a pas formé d'observations quant à l'exécution provisoire devant le premier juge, cette abstention est sans conséquences. En effet, le juge des référés n'a pas le pouvoir d'écarter l'exécution provisoire. De ce fait, toute remarque à ce sujet était inutile. La SNC Tabac Presse du [Localité 3] est donc recevable à invoquer des éléments antérieurs à la décision frappée d'appel.
En l'occurrence, l'exécution de la décision entraîne la fermeture du commerce exploité dans les lieux litigieux, avec le risque d'un caractère irréversible pour la société locataire, sa pérennité étant compromise du fait de l'importance de ses charges fixes, notamment salariales.
La seconde condition fixée par le texte sus-rappelée est ainsi remplie. Il sera fait droit à la demande d'arrêt de l'exécution provisoire attachée à l'ordonnance de référé du 11/07/2024.
En revanche, au stade de la présente procédure de référé, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
Nous, Olivier Callec, conseiller délégué par le premier président, statuant en référé, publiquement, par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe :
Arrêtons l'exécution provisoire attachée à l'ordonnance de référé du 11/07/2024 ;
Disons n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamnons la société Foncière Altimm aux dépens.