CA Rennes, 5e ch., 18 septembre 2024, n° 21/04799
RENNES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Établissements Pierre Moreau (SA)
Défendeur :
Psa Retail France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Le Champion
Vice-président :
Mme Parent
Conseiller :
Mme Hauet
Avocats :
Me Preneux, Me Bailly
Suivant acte dressé le 25 juin 1996 par maître [C] [K], notaire associé à [Localité 6], la société Établissements Pierre Moreau a consenti au renouvellement d'un bail commercial concédé à la société Industrielle Automobile de l'Ouest sur des locaux situés [Adresse 9] et [Adresse 3] à [Localité 6] à destination 'd'exposition, achat, vente, location, entretien et réparation de tous véhicules automobiles neufs et d'occasion de tous accessoires et pièces détachées s'y rapportant en un mot pour toutes les opérations se rapportant à l'objet social du preneur' pour une durée de 9 ans à compter du 1er janvier 1996, moyennant un loyer annuel de 451 925 francs hors taxes, payable trimestriellement et d'avance.
À l'occasion du renouvellement du bail le 1er janvier 2005, le juge des loyers commerciaux, saisi d'un litige sur le montant du loyer, a, par jugement du 22 juin 2006, rejeté la demande de déplafonnement formée par le bailleur, et a fixé le montant du loyer du bail renouvelé à 85 58l euros et a condamné le bailleur aux frais d'instance. Cette décision a été confirmée par la cour d'appel de Rennes suivant arrêt du 2 avril 2008 qui a ajouté une nouvelle indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par acte d'huissier signifié le 23 décembre 2016, la société PSA Retail France (anciennement société commerciale Automobile), preneuse, a sollicité le renouvellement du bail en proposant que le loyer soit fixé à 109 129 euros hors taxes hors charges par an en fonction de la variation de l'indice du coût de la construction depuis le dernier renouvellement.
Par acte d'huissier du 22 mars 2017, la société Établissements Pierre Moreau a accepté le renouvellement du bail au 1er janvier 2017 en réclamant que le loyer soit porté à 195 000 euros.
Par jugement avant-dire droit du 21 juin 2018, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Nantes a ordonné une expertise, qu'il a confié à Mme [N] [M], expert judiciaire.
L'expert a déposé son rapport le 9 mars 2020.
Par jugement en date du 20 mai 2021, le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Nantes a :
- rejeté la demande de déplafonnement du loyer,
- fixé à 101 059,90 euros hors taxes hors charges le montant du loyer du bail renouvelé au 1er janvier 2017,
- rejeté toutes autres prétentions plus amples ou contraire,
- ordonné l'exception provisoire,
- fait masse des dépens, y compris les frais d'expertise, et les a partagés par moitié entre les parties.
Le 23 juillet 2021, la société Établissements Pierre Moreau a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 2 janvier 2024, elle demande à la cour de :
- la dire recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
En conséquence,
- reformer le jugement rendu le 21 mai 2021 par le juge des loyers commerciaux près le tribunal judiciaire de Nantes en l'ensemble de ces dispositions, sauf en ce qu'il a retenu que le bail était renouvelé à effet au 1er janvier 2017,
Statuant à nouveau,
- juger qu'il y a lieu de retenir le déplafonnement,
- juger que le loyer du bail renouvelé à effet au 1er janvier 2017 s'élève à une somme annuelle de 204 750 euros HT et HC (90 euros HT/HC x 2 275 m²),
Y additant,
- dire et juger que la société Stellantis & You (anciennement dénommée société commerciale automobile, puis PSA Retail France SAS) sera tenue au paiement des intérêts de droit au taux légal conformément aux dispositions de l'article 1155 du code civil, à compter de la date d'effet du nouveau loyer et que les intérêts échus depuis plus d'une année produiront eux-mêmes intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,
- condamner la société Stellantis & You au paiement d'une somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner à l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
- condamner la société Stellantis & You aux entiers dépens de l'instance.
Par dernières conclusions notifiées le 14 mai 2024, la société Stellantis & You France, anciennement dénommée société commerciale automobile puis PSA Retail France SAS demande à la cour de :
- confirmer le jugement du 20 mai 2021 du juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Nantes en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à déplafonnement, la société bailleresse ne rapportant la preuve d'une quelconque modification notable au titre des locaux pris à bail par la société Stellantis & You France, anciennement dénommée PSA Retail France et en conséquence,
- fixer le prix de renouvellement du bail, à compter du 1er janvier 2017, date d'effet de la demande de renouvellement du 23 décembre 2016 acceptée par la bailleresse, bail consenti par la société Établissements Pierre Moreau à la société Stellantis & You France, anciennement dénommée PSA Retail France anciennement dénommée société Commerciale Automobile sur les locaux sis, [Adresse 3] à [Localité 6], à la somme annuelle de 101 059,90 euros,
- infirmer le jugement du 20 mai 2021 en ce qu'il l'a déboutée de sa demande indemnitaire de remboursement des loyers trop versés et en conséquence,
- condamner la société Établissements Pierre Moreau à lui rembourser le trop-perçu des loyers qui lui ont été dûment versés à compter du 1er janvier 2017 et jusqu'au 30 juin 2021, soit la somme de 35 820,45 euros (109 020 euros - 101 059,20 euros X 4,5 années),
- débouter la société Établissements Pierre Moreau de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions d'appel, tendant notamment à la fixation du loyer annuel en renouvellement à la somme de 204 750 euros hors taxes et hors charges,
- condamner la société Établissements Pierre Moreau à lui payer la somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel qui comprendront les frais de l'expertise judiciaire ordonnée, qui pourront être recouvrés par Me Christophe Bailly, avocat au barreau de Rennes, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et infirmer de ce chef le jugement du 20 mai 2021 en ce qu'il a partagé les dépens, en ce inclus les coûts d'expertise, par moitié entre les parties.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 mai 2024.
Par conclusions de procédure notifiées le 21 mai 2014, la société Etablissements Pierre Moreau demande à la cour de rejeter les conclusions d'intimé n° 2 notifiées par la société Stellantis & You France SAS le 14 mai 2021 à 17h18, puis par conclusions de procédure notifiées le 22 mai 2024, elle demande de prendre acte de ce qu'elle renonce à sa demande de rejet de ces mêmes conclusions.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La cour n'est saisie d'aucune demande de rejet des conclusions, la société Etablissement Pierre Moreau renonçant à sa demande formée en ce sens.
Sur la demande de déplafonnement
Les parties s'accordent sur le principe du renouvellement du bail à compter du 1er janvier 2017, mais s'opposent sur le montant du loyer sur renouvellement.
S'appuyant sur les conclusions d'un rapport d'expertise réalisé à sa demande par M. [L], expert judiciaire, la société Etablissements Pierre Moreau soutient qu'il y a lieu à déplafonnement du loyer, en ce que plusieurs critères de l'article L 145-33 du code de commerce ont été modifiés notablement :
- les obligations des parties :
L'appelante note que l'impôt foncier est à la charge du bailleur, qu'il y a lieu de prendre en considération la période comprise entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2016, et non à compter de l'année 2007 comme le font Mme [M] et le juge des loyers commerciaux ; elle indique que la taxe foncière en 2005 s'élevait à 8 403 euros et en 2016 à 17 027 euros, soit un pourcentage d'augmentation de 102,60 %, pour un pourcentage de revenus nets du bailleur (impôt foncier déduit) de + 59 % ; selon elle, cette augmentation notable du montant de la taxe foncière affecte de façon substantielle les revenus tirés des locaux loués et donc l'équilibre financier du contrat de bail.
- les caractéristiques des locaux :
L'appelante indique que la société locataire a réalisé dans les lieux des travaux au cours du bail expiré, des travaux extérieurs sur les façades et des travaux intérieurs de transformation du magasin de pièces détachées en espace de livraison de véhicules et d'ouverture des bureaux des commerciaux sur l'espace d'exposition-vente des véhicules.
Elle estime que ces travaux ont modifié de manière notable les caractéristiques du local considéré ; elle note que les travaux extérieurs ne sont pas des simples travaux d'entretien, telle qu'une simple remise en peinture de la façade, comme en témoigne la comparaison entre les photos prises en 2008 et 2014, mais traduisent un véritable 'relooking' du local, avec modification importante de la façade et suppression de l'algeco sur le parking augmentant la surface disponible d'exposition des véhicules, de nature à impacter favorablement l'activité du preneur.
S'agissant des travaux intérieurs, elle relève un accroissement de la surface commerciale dédiée à l'accueil de la clientèle, d'une part sur une zone autrefois surface de réserve ou technique, compte tenu de la mise en place d'une plateforme centralisée à [Localité 7] pour les pièces détachées et d'autre part, par l'ouverture des bureaux des commerciaux auparavant cloisonnés.
Elle indique qu'ainsi la surface dédiée à l'accueil de la clientèle est passée au cours du bail de 19,4 % à 26,4 %, représentant une augmentation de surface accessible au public de 243 m2, ce qui traduit une modification significative, notable et favorable justifiant le déplafonnement.
- les facteurs de commercialité :
L'appelante indique qu'eu égard à sa nature, le commerce expertisé ne peut être regardé comme un commerce de proximité et qu'il convient donc de prendre en compte l'échelle de l'agglomération nantaise.
Elle relève que l'expert retient une évolution positive et durable des facteurs de commercialité pour le commerce étudié, au regard tout d'abord d'une évolution de la démographie de la région Pays de Loire, du dynamisme démographique sur [Localité 6] et sur [Localité 6] métropole, d'une évolution particulière des populations des tranches d'âge de 15 à 59 ans et donc les plus consommateurs du commerce considéré. Elle note aussi un développement économique du secteur d'implantation du local considéré, la zone centre de gros comptant aujourd'hui près de 400 établissements où près de 7 700 personnes travaillent, soulignant de M. [L] indique qu'en 2015, la zone [Localité 6]'Est Entreprises s'est étendue au nord et a multiplié par 3 sa surface initiale. Elle observe également l'implantation en 2013 de deux restaurants et l'installation du garage Citroën à 900 mètres du local expertisé.
Selon elle, la diminution du flux de circulation qui lui est opposée reste un élément isolé dans un tel contexte, remarquant que l'achat d'un véhicule ne s'effectue pas de manière soudaine, mais après avoir repéré un véhicule, de sorte que l'impact de cet élément n'est pas établi.
Au contraire, elle considère que l'évolution notable des facteurs de commercialité précédemment décrite a eu des répercussions positives sur l'activité du preneur, dont on sait qu'il réalise les 2/3 de son chiffre d'affaires grâce à la vente de véhicules aux professionnels et entreprises.
La société Stellantis & You s'oppose au déplafonnement.
Elle rappelle qu'il y a lieu de vérifier si une modification notable d'un des critères visés à l'article L 145-33 du code de commerce au cours du bail objet du renouvellement, a eu un intérêt pour le commerce considéré et son activité et estime que cette preuve en l'espèce n'est pas rapportée.
S'agissant de la prétendue modification notable des obligations respectives des parties, elle estime que le ratio de 10 % de la taxe foncière en début de bail par rapport au montant du loyer annuel hors charges, pour un ratio de 13 % en fin de bail, ne peut être considéré comme une augmentation notable. Elle rappelle que le juge des loyers commerciaux a d'ailleurs déjà tranché ce point dans son jugement avant-dire droit du 21 juin 2018, écartant ce motif pour autoriser le déplafonnement du loyer.
En ce qui concerne la prétendue modification des caractéristiques du local considéré, elle indique avoir effectué quelques travaux extérieurs pour lui permettre d'être conforme à sa nouvelle image de marque en 2012, qu'il s'agit de travaux classiques, relevant pour l'essentiel de ses obligations d'entretien. Elle estime que ces travaux extérieurs ne correspondent pas à des modifications notables des caractéristiques du local qui est resté identique et qu'ils n'ont en tout état de cause nullement entraîné des modifications notables. Elle souligne que l'expert note que l'effet de ces travaux sur l'activité doit être tempéré au regard des données nationales qui constatent une stagnation dans le nombre de vente de véhicules neufs entre 2005 et 2016.
S'agissant des travaux intérieurs, ils ont porté sur une surface de 50m2, ce qui au regard de la surface totale de 2 275 m2, correspond à un ratio de 0,02 qui ne peut traduire une modification substantielle des caractéristiques du local et notamment notable. Elle relève qu'il ne s'agit pas d'un second hall d'entrée d'exposition, cette surface n'étant pas communicante avec le hall d'exposition, seul accessible au public. Elle conteste donc les calculs retenus par la bailleresse.
Enfin, en ce qui concerne les facteurs locaux de commercialité, elle rappelle que l'expert judiciaire a écarté plusieurs pans de l'expertise amiable de la bailleresse, les références données n'étant pas étayées ou non transposables à l'espèce.
Elle entend souligner que les dispositions de l'article R 145-10 du code de commerce visées dans le dispositif de l'assignation de la bailleresse ne sont pas applicables, rien ne permettant de considérer les locaux objets de la présente procédure comme monovalents, s'agissant d'une activité de garage.
La société Stellantis & You fait valoir que la cour d'appel de Rennes en 2008 a indiqué que la concession automobile litigieuse était située dans une zone difficile d'accès, ne s'adressant pas au consommateur ordinaire et que l'expert judiciaire a clairement indiqué que le trafic sur la route de Paris avait diminué durant le cours du bail à renouveler.
Elle considère que ni la démographie, ni une évolution économique du secteur ne constituent des modifications notables des facteurs de commercialité, l'expert judiciaire rapportant que l'évolution de la population reste limitée, que son activité fait prévaloir la clientèle professionnelle, de sorte qu'il n'est nullement établi un effet de cette évolution sur le commerce des ventes automobiles. Elle observe que l'expert judiciaire a constaté que la zone a connu une baisse du taux de vacance, mais ne conclut en rien à une prétendue multiplication ou un quelconque développement de la zone concernée par les locaux loués.
L'article L 145- 33 du code de commerce énonce :
Le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative, laquelle, à défaut d'accord entre les parties, est déterminée d'après :
1° les caractéristiques du local considéré,
2° la destination des lieux,
3° les obligations respectives des parties,
4° les facteurs locaux de commercialité,
5° les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
L'article 145-34 du code de commerce édicte une exception à ce principe, à savoir le plafonnement du loyer sur renouvellement et prévoit ainsi qu'à moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 4 premiers paragraphes de l'article L 145- 33 du code de commerce, le taux de variation applicable lors du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à 9 ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré de l'indice trimestriel des loyers commerciaux (ILC) ou de l'indice trimestriel des activités tertiaires (ILAT).
La bailleresse soutient qu'en l'espèce, cette règle du plafonnement doit être écartée, en raison d'une modification notable :
- des obligations respectives des parties,
- des caractéristiques du local considéré,
- des facteurs locaux de commercialité.
Sollicitant le déplafonnement du loyer, elle est tenue de rapporter la preuve d'une modification notable de ces éléments.
Il est souligné que le rapport d'expertise de M. [L] réalisé à la demande de la bailleresse en mai 2017 a été soumis à l'expert judiciaire Mme [M].
* sur la modification notable des obligations respectives de parties
L'article R 145-8 du code de commerce prévoit :
Du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.
Les obligations découlant de la loi et génératrices de charges pour l'une ou l'autre partie depuis la dernière fixation du prix peuvent être invoquées par celui qui est tenu de les assumer.
Il est aussi tenu compte des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé.
Il est discuté ici de la charge augmentée de taxe foncière, mise à la charge du bailleur.
Le premier juge retient à raison que l'impact de cette évolution sur l'équilibre financier entre les parties nécessite de rechercher l'évolution proportionnelle de cette charge d'impôt sur les revenus tirés par le bailleur.
Mme [M], expert judiciaire, a procédé à la comparaison du montant de la taxe foncière et des loyers entre 2007 et 2016.
Si par précédent arrêt de la cour, le montant du loyer renouvelé a été fixé à compter du 1er janvier 2005 à la somme de 85 581 euros, il ne peut être effectué cette comparaison entre les chiffres de 2005, tel que sollicité par la société Etablissements Pierre Moreau et ceux de 2016, alors que le montant de la taxe foncière pour les années 2005 et 2006 n'ont pu être vérifiés par les experts, M. [L] notamment indiquant page 13 de son rapport ne pas disposer des taxes des exercices 2005 et 2006. La bailleresse ne verse pas ceux-ci aux débats.
À juste titre le premier juge a donc recherché, comme l'expert judiciaire, l'évolution de la charge d'impôt sur les revenus tirés par le bailleur entre 2007 et 2016, au vu des éléments communiqués.
En 2007, l'impôt foncier était de 12 774 euros, le loyer de 86 089 euros, soit un revenu net pour la bailleresse de 73 315 euros.
En 2016 , l'impôt foncier était de 17 027 euros, le loyer de 109 020 euros, soit un revenu net de 91 993 euros.
Ces chiffres établissent que, si la taxe foncière a augmenté de 33,29 %, la part de cette taxe sur le montant du loyer est passée de 14,84 % en 2007 à 15,11 % en 2016 et les revenus nets du bailleur ont augmenté entre 2007 et 2016 de 25,48 %.
Au vu de ces éléments chiffrés, le premier juge a justement considéré que la seule augmentation de la taxe foncière à la charge de la bailleresse ne modifiait pas l'équilibre financier du contrat.
Aucune modification notable des obligations respectives des parties n'est avérée.
* sur la modification notable des caractéristiques du local considéré
Conformément à l'article R 145-3 du code de commerce, les caractéristiques propres au local s'apprécient en considération :
1° De sa situation dans l'immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ;
2° De l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ;
3° De ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la
forme d'activité qui y est exercée ;
4° De l'état d'entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ;
5° De la nature et de l'état des équipements et des moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire.
Mme [M], expert judiciaire, indique qu'entre le 1er janvier 2005 et le 1er janvier 2017, il a été constaté une évolution dans les caractéristiques du local tant extérieur (réfection des façades) qu'intérieur (modification des surfaces affectées à l'accueil de la clientèle).
S'agissant des travaux extérieurs, ils sont décrits dans un document (pièce 14 de la bailleresse) et correspondent à :
- sur la façade Ae : mise en place d'un bardage horizontal nervuré,
- sur la façade BC : au niveau de la porte, mise en place d'un bardage horizontal plan bleu et mise en place d'un bardage horizontal nervuré,
- sur la façade CD, mise en place d'un bardage horizontal nervuré,
- traitement entrée atelier : mise en place d'un bardage horizontal nervuré,
- traitement façade arrière : réfection peinture façades en blanc.
Selon des photographies tirées du site google maps en 2008 et 2014, il apparaît également qu'a été crée, dans le prolongement du bâtiment, un portique permettant l'accès à l'espace atelier, et qu'a été supprimé un Algeco, dont la société Etablissements Pierre Moreau indique qu'il était utilisé pour l'accueil des clients de voitures d'occasion.
Des aménagements intérieurs ont aussi été opérés. Ils ont consisté à supprimer des cloisons de bureaux des commerciaux.
Mme [M] conclut, page 45 de son rapport, que l'effet de ces travaux sur l'activité considérée semble admissible : la réfection de la façade et l'augmentation de la surface de vente, notamment du hall d'exposition, permettant d'augmenter le nombre de véhicule présentés. Elle tempère toutefois cette conclusion, qui n'a pas d'ailleurs de caractère certain, en relevant que les données nationales constatent une stagnation dans le nombre de vente des véhicules neufs entre 2005 et 2006.
En conséquence, à défaut de toute autre pièce probante la cour retiendra que la preuve d'une incidence sur la commercialité du local loué de ces modifications n'est pas établie par la société Etablissements Moreau.
* sur la modification notable des facteurs locaux de commercialité
Ils sont définis par l'article R 145- 6 du code de commerce qui les énumère ainsi :
Les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée, et des modifications que ces éléments subissent de manière durable ou provisoire.
Sur ce point, Mme [M], expert judiciaire admet une évolution favorable entre 2006 et 2016 de certains facteurs de commercialité.
Ainsi elle constate une augmentation de la population de la métropole, pour les 18-65 ans de + 8 %, contre +1 % au niveau national.
L'expert constate ensuite une baisse du taux de vacance de la zone d'activité, mais ajoute que, si la zone [Localité 6]'Est semble s'inscrire dans une dynamique positive (elle relève en particulier la création d'un restaurant d'entreprise), elle n'a pas connu de départ ou d'arrivée d'entreprises de grande envergure.
Mme [M] constate encore l'absence de modifications en terme de desserte et indique que d'autres facteurs de commercialité enregistrent un net ralentissement comme le nombre de passage quotidien de véhicules devant le local qui est de -29 %.
L'évolution positive de la démographie doit s'apprécier en tenant compte des observations de l'expert quant au volume global des ventes aux particuliers qui ne représente qu'une part moindre des ventes mais également au regard de la diminution du trafic observée sur la Route de [Localité 8], impactant le nombre de clients potentiels.
Au vu de ces éléments, et à l'instar de l'analyse faite par le premier juge, la cour estime que n'est pas rapportée l'existence d'une modification notable des facteurs de commercialité ayant eu une incidence sur le commerce de la société Stellantis & You.
La cour approuve le rejet de la demande de déplafonnement.
- sur la détermination de la valeur locative des lieux loués
En l'absence de motif de déplafonnement et de contestation sur le calcul opéré par l'expert judiciaire du loyer plafonné, la cour confirme le jugement qui fixe le montant du loyer du bail renouvelé au 1er janvier 2017, à la somme de 101 059,90 euros hors taxes et hors charges.
- sur la demande remboursement du trop versé au titre des loyers
La société Stellantis & You sollicite la condamnation de la société Etablissements Pierre Moreau à lui rembourser le trop perçu des loyers qui lui ont été indûment versés du 1er janvier 2017 au 30 juin 2021 soit la somme de 35 820,45 euros.
La Cour de cassation juge qu'en application de l'article R. 145-23 du code de commerce, la compétence du juge des loyers qui lui permet, après avoir fixé le prix du bail révisé ou renouvelé, d'arrêter le compte que les parties sont obligées de faire est exclusive du prononcé d'une condamnation et qu'ainsi le prononcé d'une condamnation excède ses pouvoirs.(Cf 3e Civ., 11 mai 2022, pourvoi n° 20-21.651).
La bailleresse ne discute pas le versement des loyers invoqués. Il sera constaté l'existence d'une obligation pesant sur la société Etablissement Pierre Moreau de payer à la preneuse la somme de 35 820,45 euros, mais la cour confirmera le rejet de la demande de condamnation.
- sur les autres demandes
Le pourvoi en cassation n'ayant pas d'effet suspensif, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande présentée par la société Etablissements Moreau aux fins d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision.
Il sera fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit de l'intimée et à l'encontre de l'appelante qui succombe en son appel. La société Etablissements Pierre Moreau est condamnée à payer à la société Stellantis & You SAS une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens d'appel, avec distraction au profit de Me Christophe Bailly, avocat.
Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens sont toutefois confirmées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe :
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Constate l'existence d'une obligation pesant sur la société Etablissement Pierre Moreau de payer à la la société Stellantis & You SAS la somme de 35 820,45 euros ;
Condamne la société Etablissement Pierre Moreau à payer à la société Stellantis & You SAS une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Etablissement Pierre Moreau aux dépens d'appel, avec distraction au profit de Me Christophe Bailly, avocat.