CA Rennes, 5e ch., 18 septembre 2024, n° 24/00470
RENNES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Allou (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Parent
Vice-président :
Mme Le Champion
Conseiller :
Mme Hauet
Les locataires ne payant pas régulièrement les loyers échus, la société Allou leur a fait délivrer le 19 mai 2023 un commandement d'avoir à payer la somme de 38 916,88 euros.
Faisant valoir que le commandement est demeuré infructueux et invoquant les dispositions de la clause résolutoire insérée dans le bail, la société Allou a fait assigner les locataires, par acte du 9 août 2023, devant le juge des référés pour notamment voir constater la résiliation dudit bail, voir ordonner l'expulsion et les voir condamner à lui payer, à titre provisionnel, sur le montant des loyers et charges impayés, la somme de 38 916,88 euros, voir fixer, à titre provisionnel, l'indemnité d'occupation mensuelle jusqu'au départ définitif des lieux à 1 100 euros.
Par ordonnance en date du 9 novembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nantes a :
- constaté la résiliation du bail du 29 août 2018 avec toutes conséquences de droit et notamment, ordonné l'expulsion de M. [C] [P] et de Mme [W] [P] et de tous occupants de leur chef et sans délai, ce, au besoin avec l'assistance de la force publique,
- condamné M. [C] [P] et de Mme [W] [P] par provision à régler à la société Allou la somme de 38 916,88 euros au titre des loyers dus au 19 juin 2023, outre le règlement, à compter de ce jour et jusqu'à la parfaite libération des lieux, d'une indemnité d'occupation de 1 100 euros par mois,
- rejeté les autres demandes,
- dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 23 janvier 2024, les époux [P] ont interjeté appel de cette décision et aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 20 février 2024, ils demandent à la cour de :
- infirmer l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Nantes, en ce qu'elle :
- a constaté la résiliation du bail du 29 août 2018 avec toutes conséquences de droit et notamment ordonné leur expulsion et celle et de tous occupants de leur chef et sans délai, ce, au besoin avec 1'assistance de la force publique,
- les a condamnés à régler à la société Allou la somme de 38 916,88 euros outre le règlement d'une indemnité de 1 100 euros par mois de jour de l'ordonnance jusqu'à la libération des lieux,
En conséquence, statuant autrement et y ajoutant,
A titre principal :
- déclarer nul le commandement de payer en date du 20 mai 2023,
En conséquence,
- débouter la société Allou de l'intégralité de ses demandes,
A titre subsidiaire :
- débouter la société Allou de sa demande de constatation de la mise en oeuvre de la clause résolutoire, dès lors qu'elle a fait preuve de mauvaise foi dans la délivrance du commandement de payer du 19 mai 2023,
En conséquence,
- débouter la société Allou de l'intégralité de ses demandes,
A titre infiniment subsidiaire :
- leur accorder un délai de paiement d'une durée de 24 mois,
En tout état de cause,
- dire qu'il n'y a pas lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, tant pour la première instance que pour l'appel,
- condamner la société Allou aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La société Allou n'a pas constitué avocat dans le délai prescrit. La déclaration d'appel ainsi que les conclusions d'appelant ont été signifiées à étude, le 23 février 2024.
L'ordonnance de clôture à bref délai est intervenue le 16 mai 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur la résiliation du contrat de bail
Les époux [P] soutiennent que le premier juge a constaté, à tort, la résiliation du bail du 29 août 2018 dans la mesure où aucune demande de résiliation n'était formulée devant lui et qu'il a opéré une confusion entre résiliation et résolution.
Les époux [P] ne produisent pas l'assignation du bailleur.
Il résulte de l'exposé des faits de l'ordonnance entreprise que le bailleur a fait assigner les époux [P] pour notamment : voir constater la résiliation dudit bail en faisant valoir que le commandement était demeuré infructueux et en invoquant les dispositions de la clause résolutoire insérée dans le bail de sorte qu'une demande de résiliation de bail a bien été formulée devant le premier juge.
Les époux [P] seront déboutés de leur demande tendant à voir infirmer la décision de ce chef.
- Sur la nullité du commandement de payer
Les époux [P] soulèvent la nullité du commandement de payer qui leur a été délivré le 19 mai 2023 au motif qu'il ne contient aucune précision sur les mois de loyers concernés ni d'explication sur les montants réclamés qui différent d'une année sur l'autre. Ils exposent que le loyer est fixé à 700 euros par mois soit 8 400 euros par an alors que le commandement vise des loyers impayés pour 9 000 euros pour l'année 2019. Ils disent ne pas savoir si les 600 euros supplémentaires sont dus au titre des charges, aux pénalités de retard ou s'il s'agit d'une erreur de calcul. Ils en déduisent qu'ils ne peuvent identifier les causes, leur bien-fondé et les dates d'échéances des sommes réclamées.
Aux termes des dispositions de l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différent.
Aux termes des dispositions de l'article L.145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Au sens des dispositions précitées, le juge des référés peut constater la résiliation de plein droit du bail au titre d'une clause résolutoire à l'acte à cet effet dès lors que le défaut de paiement de la somme réclamée dans le commandement visant la clause résolutoire est fautif, que le bailleur est, de toute évidence en situation d'invoquer de bonne foi la mise en jeu de cette clause et que la clause résolutoire est dénuée d'ambiguïté et ne nécessite pas d'interprétation.
Le contrat de bail conclu entre les parties comporte une clause résolutoire de plein droit un mois après la signification d'un commandement de payer les loyers demeurés sans effet.
La SCI Allou a délivré un commandement de payer visant la clause résolutoire le 19 mai 2023 pour un montant total de 38 916,88 euros au titre des loyers impayés de l'année 2019, 2020, 2021, 2022 et janvier et février 2023.
Il est constant qu'il n'appartient pas au juge de prononcer la nullité d'un commandement de payer, sachant qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du magistrat des référés de prononcer une telle nullité. Le juge des référés ne peut que déterminer si les éventuelles irrégularités invoquées à l'encontre du commandement, sont susceptibles de constituer un moyen de contestation sérieuse l'empêchant de constater la résolution du bail.
Par conséquent, les époux [P] seront déboutés de leur demande de voir prononcer la nullité du commandement de payer.
- Sur la délivrance du commandement de mauvaise foi
Les époux [P] soutiennent que le commandement a été délivré de mauvaise foi au motif que le bailleur n'était pas sans ignorer qu'ils n'occupaient plus le local depuis le 17 février 2021.
Ils exposent qu'ils ont signé le bail en leur nom propre et pas au nom de leur société, la SARL [P] Exotique, alors que le bail avait pour objet principal 'l'exploitation d'un local afin de commercialiser les produits vendus par M. et Mme [P]'. Ils indiquent que la société a été placée en liquidation judiciaire le 17 février 2021 et qu'ils ont donné, à partir de cette date, la clé au commissaire-priseur maître [K]. Ils disent en avoir informé le bailleur. Ils affirment que le bailleur ayant réclamé les clés, ils se sont retournés vers le commissaire-priseur pour récupérer les clés qui leur a répondu, par mail du 12 janvier 2022, qu'elle avait détruit les clés puisque personne ne les avait réclamées. Ils en déduisent la mauvaise foi du bailleur lors de la délivrance du commandement, celui-ci sachant qu'ils n'occupaient plus le local.
Il est constant que les causes du commandement n'ont pas été apurées dans le délai imparti. Le locataire ne peut remettre en cause l'acquisition de la clause résolutoire sauf à démontrer la mauvaise foi du bailleur lors de la délivrance du commandement de payer. Cette mauvaise foi s'apprécie lors de la délivrance de l'acte ou à une période contemporaine à celle-ci.
Les époux [P] invoquent le placement en liquidation judiciaire de leur société pour soutenir que le bailleur ne pouvait ignorer qu'ils avaient dû quitter le local. Or le bail a été conclu entre la SCI Allou, bailleur et M. et Mme [P], personnes physiques tous deux commerçants et pas au nom de leur société, [P] Exotique.
Par ailleurs, il résulte de l'extrait du site 'verif.com' et du jugement du tribunal de commerce de Nantes du 30 mars 2023 pour insuffisance d'actifs, produits par les appelants, que la société [P] Exotique a une adresse différente de celle du local donné à bail. En effet, la société [P] Exotique a une adresse au centre commercial [6] [Adresse 2] à [Localité 8] alors que le bail commercial litigieux porte sur une maison et un local commercial situé [Adresse 9] à [Localité 7]. Le placement en liquidation judiciaire de la société [P] Exotique est donc sans incidence sur le bail conclu par les époux [P] en leur nom et en leur qualité de commerçants.
En outre, le mail du mandataire judiciaire relatif à la destruction de clés évoqué par les appelants ne permet pas de savoir s'il s'agit des clés du local donné à bail par la SCI Allou en l'absence de la moindre référence au local ou au bail litigieux.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, les appelants échouent à démontrer la mauvaise foi du bailleur lors de la délivrance du commandement de payer.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a constaté la résiliation du bail du 29 août 2018, ordonné l'expulsion des époux [P] et de tous les occupants de leur chef sans délai avec au besoin l'assistance de la force publique et en ce qu'il a condamné, par provision, les époux [P] a régler à la SCI Allou la somme de 38 916,88 euros au titre des loyers dus au 29 août 2023, créance dont le montant n'est pas contesté par les appelants, et les a condamnés à régler, jusqu'à la parfaite libération des lieux, une indemnité d'occupation de 1 100 euros mois dont le montant n'est pas, non plus, contesté par les appelants.
- Sur les délais de paiement
Les époux [P] sollicitent des délais de paiement de 24 mois pour s'acquitter de leur dette locative.
Aux termes des dispositions de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
En l'espèce, le compte locatif du preneur est débiteur de 38 916,88 euros et il apparaît que le loyer n'a pas été réglé depuis 2019 pour un bail conclu le 29 août 2018. Les locataires n'ont versé aucune somme pour apurer leur dette locative de sorte qu'ils ne peuvent être considérés comme étant de bonne foi.
Il résulte des pièces justificatives qu'ils produisent, que le couple perçoit des prestations familiales à hauteur de 4 087 euros en août 2023 et qu'ils ont perçu des salaires d'un montant de 18 122 euros au vu de l'avis d'imposition établi en 2023. Ils sollicitent des délais de paiement mais ne présentent aucune proposition de règlement.
Dans ces conditions, les époux [P] seront déboutés de leur demande de délais de paiement.
Les époux [P] seront condamnés aux entiers dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et par arrêt par défaut par mise à disposition au greffe,
Confirme l'ordonnance en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute M. [C] [P] et Mme [W] [J] épouse [P] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
Condamne M. [C] [P] et Mme [W] [J] épouse [P] aux entiers dépens d'appel.