CA Bastia, ch. civ. sect. 2, 18 septembre 2024, n° 23/00547
BASTIA
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
E Fureste II (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gilland
Vice-président :
M. Brunet
Conseiller :
M. Desgens
Avocats :
Me Finalteri, Me Costa
EXPOSÉ DES FAITS
Selon décision du 27 juillet 2023, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bastia a :
«- annulé le commandement de payer délivré le 23 novembre 2022 par la SCI E FURESTE II à Madame [J] [Z] ;
- dit irrecevable la demande de dommages et intérêts présentée par Madame [J] [Z] ;
- Condamné la SCI E FURESTE II à payer à Madame [J] [Z] la somme de 3.000,00 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- Condamné la SCI E FURESTE II aux dépens ;
- Dit n'y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire ».
Par déclaration reçue le 4 août 2023, la S.C.I. E fureste II a interjeté appel du jugement précité dans les termes suivants : «appel expressément limité aux chefs du jugement critiqués suivants : la SCI FURESTE II sollicite la réformation, l'annulation ou l'infirmation du jugement rendu par le juge de l'exécution près le tribunal judiciaire de Bastia le 27 juillet 2023 en ce qu'il a annulé le commandement de payer délivré le 23 novembre 2022 par la SCI E Fureste II à Mme [J] [Z] ; condamné la SCI E
FURESTE II à payer à Madame [J] [Z] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; condamné la SCI E FURESTE II aux dépens ; Dit n'y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire ».
Par conclusions transmises le 23 avril 2024, la S.C.I. E fureste II a demandé à la cour de :
«- JUGER la SCI FURESTE II parfaitement recevable et bien fondée en son appel ;
- INFIRMER le jugement rendu par le Juge de l'Exécution du Tribunal Judiciaire de BASTIA en ce qu'il a : ANNULE le commandement de payer délivré le 23 novembre 2022 par la SCI E FURESTE II à Madame [J] [Z] ; CONDAMNE la SCI E FURESTE II à payer à Madame [J] [Z] la somme de 3.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE la SCI E FURESTE II aux dépens ; DIT n'y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire.
STATUANT A NOUVEAU,
- JUGER le commandement de payer visant la clause résolutoire signifié à Madame [J] [Z] le 23 novembre 2022 à la diligence de la SCI FURESTE II parfaitement valide et régulier, pour les raisons décrites aux motifs, avec toutes conséquences de droit ;
- JUGER n'y avoir lieu à mainlevée dudit commandement ;
- CONDAMNER Madame [J] [Z] à payer à la SCI FURESTE II la somme de 3.000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, correspondant aux frais irrépétibles de première instance ;
- CONDAMNER Madame [J] [Z] à payer à la SCI FURESTE II la somme de 3.000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, correspondant aux frais irrépétibles d'appel ;
- LA CONDAMNER aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais exposés par la SCI FURESTE II pour la signification du commandement en date du 23 novembre 2022».
Par conclusions transmises le 24 avril 2024, Mme [J] [Z] a demandé à la cour de :
«- Débouter la SCI FURESTE 2 de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Et en conséquence :
- Confirmer la décision du 27 Juillet 2023 en ce qu'elle a : Annulé le commandement de payer en date du 23 Novembre 2022, Condamné la SCIFURESTE 2 à verser à Madame [Z] [J] la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens ; Dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire,
Y ajoutant,
- CONDAMNER la SCI FURESTE 2 à verser à Madame [Z] [J] la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- CONDAMNER la SCI FURESTE 2 aux entiers dépens de première instance et d'appel».
Par ordonnance du 24 avril 2024 la présente procédure a été clôturée et fixée à plaider au 23 mai 2024.
Le 23 mai 2024, la présente procédure a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 18 septembre 2024.
La cour, pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, fait, en application de l'article 455 du code de procédure civile, expressément référence à la décision entreprise ainsi qu'aux dernières conclusions notifiées par les parties.
SUR CE
A titre liminaire, la cour relève n'y avoir lieu à statuer sur la recevabilité de l'appel dès lors que celle-ci n'est pas discutée.
Pour statuer comme il l'a fait, le premier juge rappelle que, par jugement du 10 septembre 2021, le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Bastia a fixé le loyer commercial à compter du 1er janvier 2016 à la somme mensuelle de 1 056,37 euros, soit 12 676,44 euros annuels, hors taxes et charges, et dit que les arriérés et intérêts au taux légal sont dus sur la différence entre le nouveau bail renouvelé et le loyer provisionnel à compter du 1er décembre 2016 et pour chacun des termes échus ; que par suite la S.C.I. E fureste II a fait délivrer le 23 novembre 2022 à Mme [Z] un commandement de payer visant la clause résolutoire pour un montant de créance de 13 823,92 euros.
Dans ce cadre, le premier juge relève que la clause du bail initial du 12 juin 1989 trouve toujours à s'appliquer ; que Mme [Z] est créancière de la S.C.I. E fureste II de la somme de 980,04 euros au titre des loyers à la date du commandement de payer ; que si Mme [Z] est débitrice de charges locatives à hauteur de 3 363,43 euros sur les années 2017 à 2021, dans la mesure où, la bailleresse n'a jamais réclamé le paiement des sommes annuellement dues sur la base de décomptes de charges qui n'ont pas été produits, la clause résolutoire a été mise en 'uvre de mauvaise foi par celle-ci.
Au soutien de son appel, l'appelante indique qu'elle a donné bail commercial à Mme [Z] le 12 juin 1989 un local situé à [Adresse 4] (Haute-Corse) ; que la créance réclamée à Mme [Z] au titre des charges est certaine et exigible ; que la clause résolutoire peut être mise en 'uvre par le bailleur dès l'apparition des premiers impayés de loyers ou de charges sans condition de bonne ou de mauvaise foi ; que s'agissant des sommes dues au titre de la revalorisation des loyers, la clause d'indexation figurant au bail est confuse de sorte qu'il y a lieu d'appliquer par défaut une indexation annuelle en application de l'indice trimestriel des loyers commerciaux (ILC) ; que Mme [Z] est débitrice à ce titre de la somme de 138,60 euros ; que le commandement de payer litigieux est valide et régulier.
En réponse, l'intimée relève que la bailleresse n'a jamais, avant l'introduction de l'instance, communiqué les justificatifs relatifs aux charges réclamées ; que le contrat de bail ne prévoit pas que la locataire doive participer aux charges afférentes au gardien ou à la taxe foncière ; que pour obtenir la condamnation à un arriéré de charges, la bailleresse doit justifier de la régularisation annuelle des charges, ce qu'elle n'a pas fait avant l'envoi du commandement de payer ; que le commandement de payer litigieux doit donc être annulé ; que s'agissant de la question de l'indexation des loyers, le jugement du
10 septembre 2021 n'a pas modifié les termes du contrat de bail initial ; que ce dernier prévoit une indexation triennale ; que le montant du loyer actuellement payé tient compte de l'indexation triennale précitée et qu'à la suite du commandement de payer elle est en réalité créancière d'un trop versé de 980,04 euros ; que la bailleresse est de mauvaise foi.
Aux termes de l'article L 111-2 du code des procédures civiles d'exécution, le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution.
Aux termes de l'article L 145-40-2 du code de commerce, tout contrat de location comporte un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l'indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire. Cet inventaire donne lieu à un état récapitulatif annuel adressé par le bailleur au locataire dans un délai fixé par voie réglementaire. En cours de bail, le bailleur informe le locataire des charges, impôts, taxes et redevances nouveaux.
Aux termes de l'article L 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Il n'est pas discuté que le jugement du 10 septembre 2021 a modifié le montant du loyer commercial redevable par Mme [Z] à compter du 1er janvier 2016 mais que les autres dispositions du bail initial du 12 juin 1989 n'ont pas été modifiées, étant relevé qu'aucun avenant à ce contrat de bail n'est produit aux débats.
Dans ce cadre, la cour rappelle qu'elle est saisie de l'appel d'une demande en annulation d'un commandement de payer ; que le commandement de payer visant la clause résolutoire doit, pour être valable, informer clairement le locataire et être suffisamment précis pour permettre au preneur de vérifier le bien-fondé et les dates d'échéance des sommes réclamées.
En l'espèce, la cour relève que le commandement de payer du 23 novembre 2022 visant la clause résolutoire (pièce n°3) se limite à indiquer «à ce jour la locataire susnommée est redevable envers la requérante d'une créance ayant pour origine le non-paiement de la revalorisation de son loyer ainsi que les charges dues pour la période 2017 à 2021. Qu'à ce titre, il est dû par la requérante la somme totale de 13.823,92 euros suivant décompte établi le 3 juin 2022 par Maître Christian FINALTERI, avocat de la requérante dont copie est également jointe au présent acte» ; que néanmoins la copie du décompte n'est pas jointe à l'acte de sorte que les sommes réclamées ne sont pas précisément déterminées ; qu'au surplus il n'est pas discuté d'une part que le contrat de bail stipule, s'agissant des «charges, prestations et taxes» que «chaque preneur supportera un montant identique des charges, prestations et taxes ci-dessus énumérées. Ces remboursements seront faits au bailleur en même temps que chacun des termes de loyer au moyen d'acomptes provisionnels, le compte étant soldé une fois l'an» et que, d'autre part, aucune régularisation annuelle des charges n'a été diligentée par la S.C.I. E fureste II de sorte qu'à la date du commandement de payer, Mme [Z] n'avait obtenu communication d'aucun justificatif précis lui permettant d'apprécier la nature et le montant exacts des charges réclamées ; que le commandement de payer est tout aussi imprécis s'agissant de la question des sommes prétendument dues au titre de la revalorisation du loyer ; que le courrier adressé le 3 juin 2022 au conseil de Mme [Z], s'il propose un décompte des charges globales de la S.C.I. E fureste II entre 2017 et 2021, est insuffisant à régulariser
le commandement de payer litigieux, outre qu'il ne comporte aucun justificatif annexé ni ne précise de manière explicite les modalités exactes de calcul permettant d'évaluer précisément le montant des charges éventuellement dues par Mme [Z] ; que sans nécessité d'examiner les autres moyens des parties, la S.C.I. E fureste II ne justifie pas, à la date de signification du commandement de payer, d'une créance certaine, liquide et exigible de sorte qu'il y a lieu d'annuler le commandement de payer délivré le 23 novembre 2022 ; que la décision dont appel sera confirmée dans son intégralité ; que la S.C.I. E fureste II sera déboutée de l'intégralité de ses demandes.
La S.C.I. E fureste II, partie perdante, sera condamnée aux dépens de l'appel ainsi qu'à payer à Mme [Z] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement dont appel dans l'ensemble de ses dispositions,
Y ajoutant,
DÉBOUTE la S.C.I. E fureste II de l'intégralité de ses demandes,
CONDAMNE la S.C.I. E fureste II au paiement des entiers dépens,
CONDAMNE la S.C.I. E fureste II à payer à Mme [J] [Z] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.