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Décisions

CA Paris, Pôle 4 - ch. 8, 18 septembre 2024, n° 22/16115

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/16115

18 septembre 2024

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 8

ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2024

(n° 2024/ 204 , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/16115 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGMYI

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 25 août 2022 -Juge de la mise en état de PARIS 17 RG n° 21/00787

APPELANTE

Madame [V], [O], [K] [Z], prise tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de [E] [S] [Z], son père décédé le

[Date décès 2] 2023

née le [Date naissance 4] 1979 à [Localité 16] (50)

[Adresse 8]

[Localité 11]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, ayant pour avocat plaidant, Me Thierry DUMOULIN, avocat au barreau de LYON : toque 261

INTIMÉS

S.A.S UFIFRANCE PATRIMOINE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 776 042 210

[Adresse 12]

[Localité 13]

S.A.S UFIFRANCE GESTION, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 776 038 614

[Adresse 12]

[Localité 13]

Toutes deux représentées par Me Cyrille BLAISE, AARPI EVOLUTIO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1027

S.A. ABEILLE VIE (anciennement dénommée AVIVA VIE)

immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 732 020 805

[Adresse 12]

[Localité 13]

Représentée par Me Jean-Pierre LAIRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B1101

INTERVENANTS FORCÉS :

Madame [V], [Y], [A], [O] [M] veuve de Monsieur [E], [S] [Z] prise tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de son époux, décédé le [Date décès 2] 2023

née le [Date naissance 5] 1979 à [Localité 14] (50)

[Adresse 10]

[Localité 9]

Madame [V], [Y], [A], [O] [M] veuve de Monsieur [E], [S] [Z] prise en sa qualité de représentante légale de [H] [Z], né le [Date naissance 1] 2017 à [Localité 9] (38), demeurant [Adresse 10], [Localité 9], pris en sa qualité d'ayant droit de son père décédé, Monsieur [E] [S] [Z]

Madame [V], [Y], [A], [O] [M] veuve de Monsieur [E], [S] [Z] prise en sa qualité de représentante légale de [G] [Z], née le [Date naissance 7] 2018 à [Localité 9] (38), demeurant [Adresse 10] [Localité 9], prise en sa qualité d'ayant droit de son père décédé, Monsieur [E] [S][Z]

Représentée par Me Monique PARET, avocat au barreau de PARIS, toque : R103 ayant pour avocat plaidant, Me Catherine TERESKO, SELARL ASCALONE AVOCATS, Barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 mai 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre

Madame FAIVRE, Présidente de chambre

Monsieur SENEL, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame FAIVRE, Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Madame POUPET

Greffier lors de la mise à disposition : Madame CHANUT

ARRÊT : Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Madame CHANUT , greffière, présente lors de la mise à disposition.

****

EXPOSÉ DU LITIGE

[E] [Z] et [J] [C] se sont mariés le [Date mariage 3] 1963 sous le régime de la communauté légale.

Une enfant est issue de cette union, Mme [V] [Z]( Mme [Z]).

Les époux [Z] ont changé de régime matrimonial et adopté, le 19 septembre 1980, le régime de la séparation de biens, homologué par jugement du 19 septembre 1980.

Par jugement du 12 avril 2000, le tribunal de grande instance de Lyon a prononcé la séparation de corps des époux.

Aux termes d'un acte de partage régularisé le 30 décembre 1999, complété par un acte du 3 novembre 2000, les époux ont initié une procédure de liquidation et de partage de leur régime matrimonial.

Le 25 novembre 2013, [E] [Z] a fait délivrer assignation à son épouse devant le tribunal de grande instance de Lyon afin de voir prononcer la conversion de la séparation de corps en divorce.

[J] [C] étant décédée le [Date décès 6] 2016, l'instance en conversion n'a pu aboutir.

Par testament du 14 janvier 2014, elle a institué sa fille Mme [Z] héritière, en qualité de légataire universelle de la totalité de ses biens.

De son vivant, [J] [C] a souscrit trois contrats d'assurance-vie par l'intermédiaire d'UFIFRANCE PATRIMOINE auprès de la société Norwich Union aux droits et obligations de laquelle a succédé la société AVIVA VIE désormais dénommée ABEILLE VIE.

Au décès de [J] [C], ABEILLE VIE a versé le capital de deux des assurance-vie à M. [E] [Z] et celui du troisième à Mme [Z].

M. [E] [Z] s'est marié avec Mme [M] quelques mois après le décès de [J] [C].

PROCÉDURE

Contestant le versement des capitaux des assurances à son père, Mme [Z] a fait citer par assignation du 7 mars 2018, devant le tribunal de grande instance de Paris, UFIFRANCE PATRIMOINE, UFIFRANCE GESTION (les sociétés UFIFRANCE) et ABEILLE VIE aux fins de les voir condamner à exécuter les contrats d'assurance-vie à son profit.

Par assignation du 7 septembre 2018, ABEILLE VIE a appelé en intervention forcée M. [E] [Z].

Les deux instances ont été jointes le 12 décembre 2018.

Après avoir fixé le calendrier de procédure et en l'absence de conclusions de Mme [Z], le juge de la mise en état a rendu le 6 février 2019, une ordonnance de radiation.

Le 15 janvier 2021, Mme [Z] a notifié des conclusions de rétablissement de l'affaire au rôle.

Sur incident soulevé par la société ABEILLE VIE, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a par ordonnance du 25 août 2022 :

- Déclaré l'instance éteinte pour cause de péremption ;

- Condamné [V] [Z] aux dépens, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- Condamné [V] [Z] à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 000 euros à chacune des parties suivantes :

* la société AVIVA VIE,

* la société UFIFRANCE PATRIMOINE et la société UFIFRANCE GESTION,

* [V] [M]-[Z], mandatée par son époux, [E] [Z].

Par déclaration électronique du 14 septembre 2022, enregistrée au greffe le 29 septembre 2022, Mme [V] [Z] a interjeté appel des dispositions de l'ordonnance lui faisant grief.

[E] [Z] étant décédé le [Date décès 2] 2023, l'instance a été interrompue le 31 janvier 2023 et reprise le 6 décembre 2023 par conclusions de Mme [Z] ayant appelé en intervention forcée, Mme [M] à titre personnel et es qualité d'épouse de [E] [Z] à son décès, à titre personnel et es qualité d'ayant-droit de son époux et es qualité de représentante légale des deux enfants mineurs, ayant-droits de [E] [Z] .

Par conclusions récapitulatives n° 1 notifiées par voie électronique le 3 mai 2024, Mme [V] [Z] demande à la cour :

« Vu les articles 101 et 370 du code de procédure civile

DECLARER recevables et bien fondées les interventions forcées régularisées à l'encontre des ayants-droits de Monsieur [E] [Z], décédé,

INFIRMER l'ordonnance rendue le 25 août 2022 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'elle a :

- Déclaré l'instance éteinte pour cause de péremption ;

- Condamné [V] [Z] aux dépens, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- Condamné [V] [Z] à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 000 € à chacune des parties suivantes :

. la société Aviva Vie,

. la société Ufifrance Patrimoine et la société Ufifrance Gestion,

. [V] [M]-[Z], mandatée par son époux, [E] [Z].

STATUANT A NOUVEAU :

DECLARER irrecevables pour défaut d'intérêt à agir et sur le fondement de l'estoppel, Madame [V] [D] [A] [O] [M] veuve [Z], les sociétés ABEILLE VIE (anciennement dénommée AVIVA VIE), UFIFRANCE PATRIMOINE et UFIFRANCE GESTION en leur exception de péremption et de l'ensemble de leurs demandes.

DECLARER que l'instance opposant Madame [V] [Z] et Madame [V] [D] [A] [O] [M] veuve [Z], Monsieur [H] [Z] et Madame [G] [Z], représentés par leur mère, en sa qualité d'administratrice légale, Madame [V] [D] [A] [O] [M], en leur qualité d'ayants-droits de Monsieur [E] [S] [Z], décédé, les sociétés ABEILLE VIE (anciennement dénommée AVIVA VIE), UFIFRANCE PATRIMOINE et UFIFRANCE GESTION, n'est pas périmée et se poursuit, notamment en raison de l'incapacité juridique de Monsieur [E] [Z] survenue le 5 mars 2019, de la force majeure, et de l'épisode du Covid 19 qui ont interrompu le délai de péremption, lequel a recommencé à courir pour 2 ans à compter du 24 juin 2020 ;

DEBOUTER Madame [V] [D] [A] [O] [M] veuve [Z], Monsieur [H] [Z] et Madame [G] [Z], représentés par leur mère, en sa qualité d'administratrice légale, Madame [V] [D] [A] [O] [M], en leur qualité d'ayants droits de Monsieur [E] [S] [Z], décédé, les sociétés ABEILLE VIE (anciennement dénommée AVIVA VIE), UFIFRANCE PATRIMOINE et UFIFRANCE GESTION de leur exception de péremption et de l'ensemble de leurs demandes ;

- FAIRE SOMMATION à Madame [V] [M] de communiquer le certificat médicalcirconstancié du Dr [N] pour la mise en 'uvre du mandat de protection future,

- CONDAMNER Madame [V] [D] [A] [O] [M] veuve [Z], Monsieur [H] [Z], et Madame [G] [Z], représentés par leur mère, en sa qualité d'administratrice légale, Madame [V] [D] [A] [O] [M], en leur qualité d'ayants droits de Monsieur [E] [S] [Z], décédé :

à payer à Madame [V] [Z] 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

A produire sous astreinte de 500,00 € par jour de retard le certificat médical qui a permis à Madame [V] [D] [A] [O] [M] veuve [Z] de mettre en 'uvre le mandat de protection future ;

CONDAMNER ABEILLE VIE (anciennement dénommée AVIVA VIE), UFIFRANCE PATRIMOINE et UFIFRANCE GESTION à payer chacune d'elle à Madame [V] [Z] 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER ABEILLE VIE (anciennement dénommée AVIVA VIE), UFIFRANCE GESTION, UFIFRANCE PATRIMOINE, et Madame [V] [D] [A] [O] [M] veuve [Z] aux entiers dépens de l'instance ».

Par conclusions notifiées par voie électronique le 19 avril 2024, les intimées Mme [V] [M] prise tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de [E] [Z], Mme [V] [M] prise en sa qualité de représentante légale de [H] [Z], Mme [V] [M] prise en sa qualité de représentante légale de [G] [Z], demandent à la cour :

« Vu les articles 414-1, 415, 425, 428, 431, 477, 481 alinéa 2 et 1159 alinéa 2 du code civil, Vu les articles 100 et suivants, 112 et suivants, 131-1, 131-2, 370, 385, 386, 392, 559, 564, 789, 954, 960 et 961 du code de procédure civile ,

Vu les pièces versées aux débats,

CONFIRMER l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de PARIS le 25 août 2022 ayant déclaré l'instance initiée par Madame [V] [Z] éteinte pour cause de péremption et l'ayant condamnée aux dépens de l'instance ainsi qu'à payer, notamment à Madame [V] [M]-[Z] mandatée par son époux, [E] [Z], une somme de 1000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Y AJOUTANT,

CONDAMNER Madame [V] [Z] à payer à Madame [V] [M]-[Z] prise tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de son époux décédé [E] [Z], et de représentante légale de leurs deux enfants mineurs,

[G] et [H] [Z], une somme de 8 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral causé par l'appel abusif qu'elle a formé,

CONDAMNER la même à payer à Madame [V] [M]-[Z] prise tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de son époux décédé [E] [Z], et de représentante légale de leurs deux enfants mineurs, [G] et [H] [Z], une somme de 8 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER la même aux entiers dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Monique PARET, avocat, sur son affirmation de droit et conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

REJETER toute autre demande plus ample ou contraire, en ce compris le désistement de l'exception de péremption de Madame [V] [Z] ».

Par conclusions notifiées par voie électronique le 4 mai 2024, l'intimée ABELLE VIE demande à la cour :

« Vu l'article 789 du code de procédure civile,

Vu les articles 385, 386 et 392 du code de procédure civile,

Confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance prononcée le 25 août 2022 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a :

déclaré l'instance éteinte pour cause de péremption,

Condamné Madame [V] [Z] aux dépens, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamné Madame [V] [Z] à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 1 000 euros à chacune des parties suivantes :

la société Aviva Vie,

la société Ufifrance Patrimoine et la société Ufifrance Gestion, [V] [M]-[Z], mandatée par son époux, [E] [Z],

En conséquence ;

Juger Madame [V] [Z] mal-fondée en son appel,

L'en débouter,

La débouter de toutes ses fins, demandes et conclusions à l'encontre de la société Abeille Vie, anciennement dénommée Aviva Vie,

Condamner en cause d'appel Madame [V] [Z] au paiement à la société Abeille Vie de la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner Madame [V] [Z] aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ».

Par conclusions notifiées par voie électronique le 8 mai 2024, les intimées SAS UFIFRANCE PATRIMOINE et SAS UFIFRANCE GESTION, demandent à la cour :

« Vu les articles 369, 370 et 386 du code de procédure civile,

Vu l'article 477 du code civil,

Vu la jurisprudence citée,

DEBOUTER Madame [V] [Z] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

CONFIRMER l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a déclaré acquise la péremption et a condamné Madame [V] [Z] à payer à chacune des sociétés UFIFRANCEPATRIMOINE et UFIFRANCE GESTION la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant

CONDAMNER Madame [V] [Z] à payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile à chacune des sociétés UFIFRANCE PATRIMOINE et UFIFRANCE GESTION ;

CONDAMNER Madame [V] [Z] aux entiers dépens ».

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 27 mai 2024.

Il convient de se reporter aux dernières conclusions pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

Il convient de rappeler que parallèlement à l'instance parisienne, le 27 décembre 2017, une instance en liquidation du régime matrimonial et en partage de succession a été introduite devant le tribunal de grande instance de Lyon par M. [E] [Z] à l'égard de Mme [V] [Z], avec demande de paiement d'une soulte et que Mme [Z] a engagé une instance en paiement des capitaux des contrats d'assurance-vie devant le tribunal judiciaire de Lyon, à la suite de l'incident de péremption soulevé par ABEILLE VIE.

Le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lyon a prononcé le 5 mai 2022, la disjonction de la procédure en paiement des capitaux décès introduite par Madame [V] [Z], de celle en paiement d'une soulte introduite à son encontre par son père, et a renvoyé l'action en paiement des capitaux décès devant le tribunal judiciaire de Paris. Par ordonnance du 21 juin 2018, le juge de la mise en état de Lyon a ordonné une médiation.

***

Le 19 novembre 2015, M. [E] [Z] a donné, devant notaire, mandat de protection future à sa nouvelle épouse Mme [V] [M]-[Z] et ce mandat a été activé le 5 mars 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I Sur le désistement de l'exception de péremption

Au préalable, Mme [Z] fait valoir qu'en qualité d'héritière de [E] [Z], elle se désiste de l'exception de péremption dont celui-ci avait saisi le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris.

En réplique, la société ABEILLE VIE conclut qu'elle maintient cette exception qu'elle avait soulevée par voie d'incident devant le juge de la mise en état et fait valoir que la péremption étant indivisible, celle-ci éteint l'instance demandée par une partie, à l'égard de toutes les autres.

Mme [M] à titre personnel et es qualité conclut au débouté de la demande de Mme [Z], tout en faisant valoir que Mme [Z] était en opposition d'intérêt avec son père et qu'elle n'a pas qualité à agir en qualité d'héritière de [E] [Z], compte tenu régime matrimonial adopté par Mme [M] à titre personnel et ès qualités et [E] [Z] (communauté universelle avec clause d'attribution au dernier vivant).

Les sociétés UFIFRANCE concluent au débouté de la demande de Mme [Z].

Sur ce,

Vu l'article 387 du code de procédure civile,

Il est constant que par nature, la péremption est indivisible et que l'extinction de l'instance qui en résulte s'applique à toutes les parties.

Par conséquent, dès lors que l'une des parties demande en appel, la confirmation de la décision ayant constaté l'extinction de l'instance, le désistement de l'une des autres parties est sans effet sur l'exception de péremption, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité de sa demande.

II Sur la péremption d'instance

1) Sur les moyens de recevabilité

A l'appui de son appel, Mme [Z] fait valoir en premier lieu, que les intimées sont irrecevables à demander que soit constatée la péremption faute d'intérêt à agir sur le fondement de l'estoppel. En second lieu, elle soulève plusieurs moyens pour expliquer que la péremption n'est pas fondée :

- l'état d'incapacité de [E] [Z] constatée à compter du 5 mars 2019 a entraîné l'interruption de l'instance en application de l'article 370 du code de procédure civile ;

- le délai de péremption n' a commencé à courir qu'à compter de la notification de l'ordonnance de radiation ;

- c'est en raison d'une médiation ordonnée dans l'instance ouverte devant le tribunal judiciaire de Lyon, que Mme [Z] n'a pas conclu devant le tribunal judiciaire de Paris.

Chacune des intimées a répliqué sur ces moyens en concluant à leur rejet.

Sur ce,

Sur l'intérêt à agir des intimées

Vu les articles 32 et 122 du code de procédure civile,

Mme [Z] estime que les intimées qui ont soit, soulevé l'exception de litispendance devant le tribunal judiciaire de Lyon, soit, ont conclu au fond sur l'affaire analogue devant le tribunal judiciaire de Lyon, se contredisent à son détriment et sont donc irrecevables à soutenir l'exception de péremption de l'instance devant le tribunal judiciaire de Paris.

Il n'est pas contesté qu'à la suite de l'incident de péremption soulevé par la société ABEILLE VIE devant le tribunal judiciaire de Paris, Mme [Z] a ouvert devant le tribunal judiciaire de Lyon une instance en condamnation de la société ABEILLE VIE et des sociétés UFIFRANCE d'avoir à lui payer les capitaux décès au titre des contrats d'assurance-vie souscrits par sa mère, que cette demande est identique à celle qui fait l'objet de l'instance devant le tribunal judiciaire de Paris, que les sociétés UFIFRANCE et Mme [M] à titre personnel et es qualité ont soulevé la litispendance et que la société ABEILLE VIE et les sociétés UFIFRANCE ont conclu au fond devant le tribunal judiciaire de Lyon.

Ainsi que le juge de la mise en état le fait observer à juste titre, il ne saurait être déduit des moyens développés par les parties défenderesses devant le tribunal judiciaire de Lyon, la renonciation de celles-ci à leur droit de soulever l'exception de péremption dans l'instance ouverte devant le tribunal judiciaire de Paris. Il sera ajouté, qu'en effet, chacune des deux instances a sa propre chronologie et que la mise en oeuvre des actes de procédure est fonction de la temporalité de l'instance dans laquelle elles sont accomplies, qu'il s'en déduit que les actes de procédures effectués par les défenderesses dans l'instance lyonnaise, ne peuvent exprimer une renonciation à l'accomplissement d'un acte de procédure, comme l'exception de péremption, dans une autre instance.

Ainsi, il ne peut être considéré que les intimées qui ont soulevé la litispendance ou ont conclu au fond dans la procédure lyonnaise, se sont contredites en soutenant l'exception de péremption dans la procédure parisienne.

Il ne peut non plus être considéré qu'en ayant soulevé la litispendance ou en ayant conclu au fond dans la procédure lyonnaise, elles aient manifesté leur volonté sans équivoque de renoncer à l'exception de péremption dans la procédure parisienne.

Il en résulte que la société ABEILLE VIE, les sociétés UFIFRANCE et Mme [M] à titre personnel et es qualité qui ont intérêt à agir au soutien de l'exception de péremption, sont recevables.

L' ordonnance déférée sera confirmée sur ce point.

2) Sur le point de départ du délai de péremption

Vu les articles 381 et 383 du code de procédure civile,

Il est constant que la radiation prévue par l'article 381 précité sanctionne le défaut de diligence des parties dans l'accomplissement des actes de procédure dans une instance.

Il s'en déduit que le point de départ du délai de péremption est la date du dernier acte de procédure accompli par les parties et non la date de la décision de radiation qui est une mesure prise par le juge. A cet égard, la radiation de l'article 381 ne se confond pas avec la radiation de l'article 524 du code de procédure civile qui sanctionne le défaut d'exécution d'une décision frappée d'appel et dont la notification de radiation marque le point de départ du délai de péremption. (Cass, 2ème civ, 23 mai 2024, n° 22-15.537 F-B)

En l'espèce, par des motifs circonstanciés et pertinents que la cour adopte, le juge de la mise en état a démontré que la dernière diligence interruptive accomplie par les parties, en l'occurrence [E] [Z], dans l'instance au fond est constituée par la notification de ses conclusions le 7 novembre 2018.

Il en résulte qu'à la date du 15 janvier 2021, lorsque Mme [Z] a notifié ses premières conclusions récapitulatives valant aussi rétablissement de l'affaire, la péremption était acquise.

L' ordonnance déférée sera confirmée sur ce point.

3) Sur les causes d'interruption du délai de péremption

a) Sur le mandat de protection future

Mme [Z] fait valoir qu'à compter du 5 mars 2019, date de mise en oeuvre du mandat de protection future, la capacité juridique de [E] [Z] était affectée et qu'il n'était plus valablement représenté par l'avocat qu'il avait constitué, que cette irrégularité de fond est de nature à interrompre l'instance.

Mais il ressort de l'article 1159 alinéa 2 du code civil, que «'la représentation conventionnelle laisse au représenté l'exercice de ses droits'».

Il en résulte qu'à la date d'activation du mandat de protection future, [E] [Z] qui avait toujours l'exercice de ses droits, était toujours valablement représenté en justice par l'avocat qu'il avait constitué.

La demande de production du certificat médical établi pour activer le mandat de protection future est dès lors sans objet et sera rejetée.

Le moyen d'interruption de la péremption soulevé par Mme [Z] de ces chefs, est rejeté.

L' ordonnance déférée sera confirmé au titre du mandat de protection future.

b) Sur le virus de covid 19

Mme [Z] fait valoir que le délai de péremption s'est trouvé interrompu du fait de l'épidémie de covid 19 à compter du 8 mars 2020, s'agissant d'un événement de force majeure, jusqu'au 24 juin 2020, selon l' ordonnance du 25 mars 2020.

Aux termes de l'article 1er de l' ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, «'les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020'».

Selon l'article 2, «'tout acte ['] prescrit par la loi ou le règlement à peine de ['] péremption, ['] qui aurait dû être effectué pendant la période mentionnée à l'article 1er, sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir dans la limite de deux mois ».

Mais en l'espèce, le délai de péremption n'expirait pas entre le 12 mars 2020 et le

23 juin 2020 mais le 7 novembre 2020.

Dès lors, Mme [Z] n'est pas fondée à invoquer les dispositions susvisées.

Pas davantage, Mme [Z] n'est fondée à prétendre que le covid 19 devait interrompre le délai de péremption en tant que force majeure dès lors que le législateur a prévu des dispositions d'allongement des délais de procédure en raison de la survenance du covid 19.

Le moyen d'interruption lié au covid 19 est donc rejeté.

c) Sur la médiation

Mme [Z] fait valoir qu'il existe un lien de dépendance direct et nécessaire entre l'instance pendant devant le tribunal judiciaire de Paris et l'instance pendante devant le tribunal judiciaire de Lyon (RG n° 18/ 493) dans laquelle une médiation a été ordonnée.

Mais ainsi que le font valoir en réplique les intimées et comme le juge de la mise en état l'a, à juste titre, constaté, l'instance devant le tribunal judiciaire de Lyon dans laquelle une médiation a été ordonnée, porte sur la demande formée par [E] [Z] en paiement de la soulte au titre de la liquidation du régime matrimonial avec sa première épouse et ne concerne pas la société ABEILLE VIE et les sociétés UFIFRANCE attraites dans la procédure initiée par Mme [Z] en paiement du capital des assurance-vie de sa mère.

Le courrier du notaire de [Localité 15] (12 mars 2020) adressé au conseil de Mme [Z] ne suffit pas à justifier un lien de dépendance direct et nécessaire entre ces deux instances, dès lors qu'il n'émet qu'une hypothèse de réflexion globale qui n'a pas conduit Mme [Z] à manifester expressément auprès du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris, sa volonté que la mesure de médiation sur la soulte soit étendue à sa demande en paiement du capital des assurance-vie.

Dès lors que l'instance en liquidation du régime matrimonial et l'instance en paiement des capitaux d'assurance-vie n'avaient pas le même objet et n'opposaient pas les mêmes parties, [E] [Z] n'étant qu'appelé en intervention forcée par l'assureur dans l'instance parisienne, il ne peut en être déduit un lien de dépendance direct et nécessaire entre les deux instances.

Il en résulte qu'en l'absence de lien de dépendance direct et nécessaire entre l'instance lyonnaise n° RG n° 18/ 493 et l'instance parisienne, la péremption n'a pas été interrompue par la médiation ordonnée par le tribunal judiciaire de Lyon.

L' ordonnance déférée sera confirmée sur ce point.

En définitive, il y a lieu de constater que tous les moyens soulevés par Mme [Z] sont rejetés.

En conséquence, il y a lieu de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a déclaré l'instance éteinte pour cause de péremption.

III Sur l'appel abusif

L'exercice d'une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à indemnisation qu'en cas de faute susceptible d'engager la responsabilité civile de son auteur.

Ni les circonstances du litige, ni les éléments de la procédure, ne permettent de caractériser à l'encontre de Mme [Z] une faute de nature à faire dégénérer en abus, le droit de se défendre en justice.

Il ne sera ainsi pas fait droit aux demandes de dommages-intérêts formées à ce titre par Mme [M] à titre personnel et ès qualités.

IV Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Compte tenu de l'issue du litige, les dispositions du jugement relatives au paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles et aux dépens sont confirmées.

Partie perdante en appel, Mme [Z] sera condamnée aux dépens d'appel et à payer une indemnité qui sera, en équité, en application de l'article 700 du code de procédure civile, fixée à la somme de 1 000 euros à chacune des parties suivantes :

- Mme [M] à titre personnel et ès qualités,

- la société ABEILLE VIE

- les deux sociétés UFIFRANCE ensemble.

Mme [Z] sera déboutée de sa demande formée de ce chef.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, en dernier ressort, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Dit que le désistement de Mme [Z] en qualité d'héritière de [E] [Z] est sans effet sur l'exception de péremption d'instance ;

Confirme l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris

(RG 21/787) en l'ensemble de ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

Rejette le moyen d'interruption du chef du covid 19 ;

Rejette la demande de production du certificat médical pour la mise en oeuvre du mandat de protection future ;

Rejette les demandes de dommages-intérêts formées par Mme [M] à titre personnel et ès qualités au titre de l'appel abusif ;

Condamne Mme [Z] aux dépens d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [Z] à payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à chacune des parties suivantes :

- Mme [M] à titre personnel et ès qualités,

- la société ABEILLE VIE,

- les sociétés UFIFRANCE PATRIMOINE et UFIFRANCE GESTION ;

Déboute Mme [Z] de sa demande formée de ce chef.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE