CA Versailles, ch. civ. 1-2, 3 septembre 2024, n° 23/06814
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Directclim (SARL)
Défendeur :
Z (Époux), Domofinance (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Javelas
Conseillers :
M. Pinoy, Mme Gaillotte
Avocats :
Me Godiveau, Me Bensimon, Me Gattone, Me Genique, Me Karm, Me Mendes Gil
EXPOSE DU LITIGE
Suivant contrat de crédit affecté du 6 novembre 2017 conclu avec la société Domofinance, M. [U] [Z] et Mme [E] [Z] ont souscrit un prêt d'un montant de 24 800 euros au taux nominal contractuel de 2,75 % l'an, et au taux annuel effectif global de 2,79 %, et remboursable en 120 mensualités.
Ce prêt avait pour objet le financement d'un PAC thermodynamique chauffage, eau chaude et isolation auprès de la société Directclim, selon bon de commande du 27 novembre 2017.
Par actes de commissaire de justice des 25 juin 2020 et 1er juillet 2020, signifiés à personne morale pour les sociétés Directclim et Domofinance, M. et Mme [Z] ont fait assigner la société Directclim et la société Domofinance à comparaître devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Chartres aux fins de nullité du contrat de vente et du contrat de crédit et, subsidiairement, aux fins de résolution desdits contrats.
Par jugement contradictoire du 23 août 2022, le juge des contentieux et de la protection du tribunal judiciaire de Chartres a :
- prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 27 novembre 2017 entre la société Directclim et M. [Z],
- prononcé la nullité du contrat de crédit affecté conclu le 6 novembre 2017 entre la société Domofinance, d'une part, et M. et Mme [Z], d'autre part,
- condamné la société Directclim à payer à M. et Mme [Z] la somme de vingt- quatre mille huit cents euros (24 800 euros), outre intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2020, date de l'assignation, à charge pour ces derniers de mettre les matériels à disposition de la société Directclim qui procédera à leur démontage et à leur enlèvement à ses frais,
- condamné M. et Mme [Z] à payer à la société Domofinance la somme de vingt-quatre mille huit cents euros (24 800 euros), de laquelle seront déduits les remboursements effectués par eux au titre du contrat de crédit affecté,
- condamné la société Directclim à garantir la société Domofinance du remboursement, par M. et Mme [Z], de la somme de vingt-quatre mille huit cents euros (24 800 euros),
- débouté M. et Mme [Z] de leur demande de dommages intérêts formée contre la société Directclim,
- condamné la société Directclim à payer à M. et Mme [Z] la somme de mille cinq cents euros (1 500 euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Directclim aux entiers dépens,
- rappelé que le présent jugement est exécutoire à titre provisoire,
- débouté les parties de toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraires au présent dispositif.
Par déclaration déposée au greffe le 4 octobre 2022, la société Directclim a relevé appel de ce jugement.
Par ordonnance d'incident du 1er septembre 2023, le conseiller de la mise en état a :
- ordonné la radiation de l'affaire pour défaut d'exécution du jugement dont appel,
- ordonné sa suppression du rang des affaires en cours,
- dit que l'affaire ne serait rétablie que sur justification de l'accomplissement des diligences dont le défaut a entraîné la radiation, à moins que la péremption ne fût acquise,
- dit que la présente ordonnance serait notifiée par lettre simple aux parties ainsi qu'à leurs représentants.
Les époux [Z] ayant pu recouvrer, dans le cadre d'une saisie-attribution, les sommes mises à la charge de la société Directclim par le premier juge, l'affaire a été à nouveau inscrite au rôle le 5 octobre 2023.
Au terme de ses dernières conclusions signifiées le 26 février 2024, la société Directclim, appelante, demande à la cour de :
- la recevoir en ses demandes, écritures et la déclarer bien fondée,
- infirmer le jugement entrepris :
* en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de vente qu'elle a conclu le 27 novembre 2017 avec M. [Z],
* en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. et Mme [Z] les sommes de :
- 24.800 euros outre les intérêts aux taux légal à compter du 1er juillet 2020, date de l'assignation, à charge pour ses derniers de mettre les matériels à sa disposition qui procédera à leur démontage et désinstallation à ses frais,
- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* en ce qu'il l'a condamnée à garantir la société Domofinance du remboursement par M. et Mme [Z] de la somme de 24 800 euros,
* en ce qu'il l'a condamnée aux entiers dépens.
- confirmer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau,
- débouter purement et simplement M. et Mme [Z] et la société Domofinance de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
- prendre acte de sa proposition d'intervenir pour l'installation d'une nouvelle pompe à chaleur air/eau de 18 kW haute température de 70° monophasé de marque Daikin dernière génération avec un ballon thermodynamique de 200 litres de marque Atlantic,
- prendre acte de sa proposition, toujours dans le but de satisfaire ses clients, d'offrir une maintenance, prise en charge sur les cinq prochaines années,
- débouter la société Domofinance de sa demande d'appel en garantie.
Subsidiairement,
- condamner solidairement M. et Mme [Z], ainsi que la société Domofinance au paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au terme de ses dernières conclusions signifiées le 23 janvier 2024, la société Domofinance, intimée, demande à la cour de :
A titre principal,
- infirmer le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Chartres le 23 août 2022 :
* en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 27 novembre 2017 entre la société Directclim et M. [Z],
* en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de crédit affecté qu'elle a conclu
le 6 novembre 2017 avec M. [Z],
* en ce qu'il a condamné la société Directclim à payer à M. et Mme [Z] la somme de 24 800 euros outre intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2020, date de l'assignation, à charge pour ces derniers de mettre les matériels à sa disposition qui procédera à leur démontage et à leur enlèvement à ses frais,
* en ce qu'il a condamné M. et Mme [Z] à lui payer la somme de 24 800 euros, de laquelle seront déduits les remboursements effectués par eux au titre du contrat de crédit affecté,
* en ce qu'il a condamné la société Directclim à la garantir du remboursement par M. et Mme [Z] de la somme de 24 800 euros,
* en ce qu'il a condamné la société Directclim à payer à payer à M. et Mme [Z] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
* en ce qu'il a condamné la société Directclim aux entiers dépens.
Subsidiairement, si la cour devait confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de vente et la nullité du contrat de crédit affecté, le confirmer :
* en ce qu'il a condamné la société Directclim à payer à M. et Mme [Z] le somme de 24 800 euros outre intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2020, date de l'assignation, à charge pour ces derniers de mettre les matériels à disposition de la société Directclim ;
* en ce qu'il a condamné M. et Mme [Z] à lui payer la somme de 24 800 euros,
* en ce qu'il a condamné la société Directclim à la garantir du remboursement par M. et Mme [Z] de la somme de 24 800 euros,
Statuant à nouveau sur les chefs critiqués,
A titre principal,
- déclarer irrecevable la demande de M. et Mme [Z] en nullité du contrat conclu avec la société Directclim,
- déclarer, par voie de conséquence, irrecevable la demande de M. et Mme [Z] en nullité du contrat de crédit conclu avec elle,
- dire et juger à tout le moins que les demandes de nullité ne sont pas fondées,
- débouter M. et Mme [Z] de leur demande en nullité du contrat conclu avec la société Directclim, ainsi que de leur demande en nullité du contrat de crédit conclu avec elle-même et de leur demande en restitution des mensualités réglées,
A titre principal,
- déclarer irrecevable la demande de M. et Mme [Z] en résolution du contrat conclu avec la société Directclim,
- déclarer, par voie de conséquence, irrecevable la demande de M. et Mme [Z] en résolution du contrat de crédit conclu avec elle-même,
- dire et juger à tout le moins que les demandes de résolution ne sont pas fondées,
- débouter M. et Mme [Z] de leur demande en résolution du contrat conclu avec la société Directclim, ainsi que de leur demande en résolution du contrat de crédit conclu avec elle-même et de leur demande en restitution des mensualités réglées,
- constater que M. et Mme [Z] sont défaillants dans le remboursement du crédit,
- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de crédit du fait des impayés avec effet au 5 novembre 2022,
- condamner solidairement M. et Mme [Z] à lui payer la somme de 15 177,84 euros avec les intérêts au taux contractuel de 2,75% l'an à compter du 5 novembre 2022 sur la somme de 14 053,56 euros et au taux légal pour le surplus en remboursement du crédit.
Subsidiairement, les condamner à lui régler solidairement :
* les mensualités échues impayées au jour où la cour statue et leur enjoindre de reprendre
* le remboursement des mensualités à peine de déchéance du terme,
Subsidiairement, en cas de nullité/résolution du contrat de crédit,
- condamner, in solidum M. et Mme [Z] à lui régler la somme de 24 800 euros en restitution du capital prêté au titre du contrat de crédit,
- dire et juger, en tout état de cause, en cas de nullité/résolution des contrats, que la société Directclim est garante de la restitution du capital prêté, ce qui n'exonère toutefois pas l'emprunteur de son obligation lorsqu'il n'en a pas été déchargé,
- condamner, en conséquence, la société Directclim à garantir la restitution de l'entier capital prêté, et donc à lui payer la somme de 24 800 euros au titre de la créance en garantie de la restitution du capital prêté
Subsidiairement, si la cour ne devait pas faire droit à la demande de garantie de restitution du capital prêté ou n'y faire droit que partiellement,
- condamner la société Directclim à lui payer la somme de 24 800 euros ou le solde sur le fondement de la responsabilité,
- ordonner le cas échéant la compensation des créances réciproques à due concurrence,
- débouter M. et Mme [Z] de toutes autres demandes, fins et conclusions,
En tout état de cause,
- condamner in solidum M. et Mme [Z], et à défaut la société Directclim, à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum M. et Mme [Z], et à défaut la société Directclim, aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de la SCP Mery Renda Karm Génique.
Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 10 janvier 2024, M. et Mme [Z], intimés, demandent à la cour de :
- déclarer la société Directclim irrecevable et en tout cas mal fondée en son appel,
- confirmer le jugement entrepris :
* en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 27 novembre 2017 avec la société Directclim,
* en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de crédit affecté qu'ils ont conclu le 6 novembre 2017 avec la société Domofinance,
* en ce qu'il a condamné la société Directclim à leur payer la somme de 24 800 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2020, date de l'assignation, à charge pour ces derniers de mettre les matériels à la disposition de la société Directclim qui procédera à leur démontage et à leur enlèvement à ses frais,
* en ce qu'il les a condamnés à payer à Domofinance la somme de 24 800 euros, de laquelle seront déduits les remboursements effectués,
* en ce qu'il a condamné la société Directclim à garantir la société Domofinance de leur remboursement de la somme de 24 800 euros,
* en ce qu'il a condamné la société Directclim à leur payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile...
- infirmer le jugement entrepris pour le surplus,
Statuant à nouveau,
- condamner la société Directclim à leur payer :
* la somme de 7 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et trouble
de jouissance,
* la somme de 10 000 euros à titre d'indemnité pour frais non compris dans les dépens,
- ordonner à la société Directclim de leur restituer la chaudière qui équipait leur maison et qui a été enlevée lors de l'installation, sous une astreinte de 200 euros par jour de retard, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
- débouter la société Directclim et la société Domofinance de leurs diverses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société Directclim en tous dépens qui comprendront le coût des procès-verbaux de constat dressés les 28 juin 2019 et 27 novembre 2023.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 29 février 2024.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I) Sur la nullité de contrats de vente et de crédit affecté et les conséquences qu'elle emporte
Moyens des parties
La société Directclim forme appel du chef du jugement déféré ayant annulé les contrats de vente et de crédits affecté au motif que le bon de commande, d'une part, ne comporte qu'un descriptif sommaire de l'installation et ne précise pas les caractéristiques précises des matériels de cette installation technique complexe, et d'autre part, que les informations relatives à l'exercice du droit de rétractation sont incomplètes au regard des exigences du droit de la consommation et figurent au verso du bon de commande litigieux, qui n'est pas signé par les emprunteurs, en termes illisibles et incompréhensibles.
A hauteur de cour, la société Directclim soutient que :
- le bon de commande n'est aucunement lacunaire, comme l'a retenu à tort le tribunal, et contient l'ensemble des informations exigées par le code de la consommation : les caractéristiques des biens offerts sont précisées,
- une documentation technique a été fournie aux époux [Z] et la jurisprudence n'exige pas l'ensemble des détails qu'ils réclament,
- aucun dol n'est prouvé par les époux [Z], et le mode de fonctionnement de la pompe à chaleur permet aux époux [Z] de faire des économies de fuel tout en incluant automatiquement une hausse de leur facture d'électricité,
- elle est disposée pour fournir une nouvelle pompe à chaleur air-eau et à prendre en charge la maintenance de cette nouvelle installation pendant une durée de cinq ans,
- si la cour venait à considérer que le bon de commande litigieux est entaché d'une nullité relative, elle devrait considérer que les époux [Z] ont eu connaissance du vice, en raison de la reproduction au verso du bon de commande des articles du code de la consommation relatifs à la réglementation en matière de démarchage à domicile, et ont confirmé leur volonté de voir le contrat s'exécuter et de couvrir les nullités entachant le bon de commande, en réceptionnant sans réserve l'installation, en autorisant le déblocage des fonds auprès de la société Domofinance, en faisant part de leur entière satisfaction, en bénéficiant d'une installation fonctionnelle et adaptée à leurs besoins.
La société Domofinance, qui a financé l'opération, forme appel incident des chefs du jugement déféré ayant annulé les contrats de vente et de crédit affecté et condamné la société Directclim à payer aux époux [Z] une somme de 24 800 euros.
A hauteur de cour, elle fait valoir que :
- la demande d'annulation des contrats est irrecevable, en raison du fait que les époux [Z] sont de mauvaise foi en essayant de remettre en cause les contrats de vente et de crédit affecté tout en sachant qu'ils conserveront le bien acquis, en raison de l'impossibilité pour la venderesse de récupérer le bien acquis,
- le bon de commande n'est entaché d'aucune irrégularité, ni en ce qui concerne la désignation du matériel vendu, le couple [Z] et le tribunal allant au-delà des exigences de l'article L.111-1 du code de la consommation, qui ne prescrit que l'indication des caractéristiques essentielles du bien vendu, et le bon de commande désignant précisément les matériels acquis, ni en ce qui concerne le droit de rétractation, le bon de commande précisant les conditions dans lesquelles le droit de rétractation peut s'exercer et comportant un formulaire de rétractation rappelant le texte applicable, le délai de rétractation, ainsi que les modalités de rétractation.
La société Domofinance précise, en outre, que les irrégularités qui pourraient entacher le bon de commande ne sont pas de nature à entraîner sa nullité en l'absence de preuve par les acquéreurs qu'il en est résulté un préjudice pour eux.
Elle fait valoir, à titre subsidiaire, que :
- les irrégularités entachant le bon de commande ont été couvertes par l'exécution volontaire du contrat durant trois années par les acquéreurs,
- les manoeuvres dolosives dont les époux [Z] font état ne sont nullement démontrées, aucun document contractuel ne faisant état de garanties d'autofinancement ou d'octroi d'aides financières, pas davantage que l'erreur qui aurait pu être commise lors de la conclusion du contrat et résultant d'une réticence dolosive du vendeur, les acquéreurs se contentant de produire un procès-verbal de commissaire de justice, qui n'a pas la valeur probante d'une expertise réalisée contradictoirement par un professionnel seul à même d'apprécier les capacités effectives de l'installation,
- aucun manquement contractuel grave ne vient justifier la demande de résolution du contrat de vente, un dysfonctionnement insuffisamment grave ne pouvant être sanctionné que par l'octroi de dommages et intérêts,
- les époux [Z] ayant cessé de régler les échéances du crédit, en raison de l'exécution provisoire du jugement dont appel, elle est bien fondée à solliciter la résolution judiciaire du contrat de contrat à effet au 5 novembre 2022, du fait des mensualités impayées depuis cette date et la condamnation solidaire des époux [Z] à lui payer la somme de 15 177, 84 euros, avec intérêts au taux contractuel ou, à tout le moins, leur condamnation à régler les échéances échues impayées jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir, assortie d'une injonction d'avoir à reprendre le remboursement du crédit sous peine de déchéance du terme,
- si la cour devait confirmer la résolution des contrats, elle confirmerait le jugement en ce qu'il a condamné in solidum les époux [Z] à lui restituer le capital prêté, soit la somme de 24 800 euros au titre du contrat de crédit, et en ce qu'il a condamné la société Directclim à garantir la restitution du capital prêté aux acquéreurs, sur le fondement de l'article L.312-56 du code de la consommation ou subsidiairement de la responsabilité civile du fait de la faute commise par la société Directclim ayant conduit à l'annulation du contrat de crédit.
Les époux [Z], concluant à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a annulé les contrats de vente et de crédit affecté, font valoir que :
- ils ont immédiatement fait valoir auprès de la société Directclim, qui n'a jamais donné suite à leurs réclamations réitérées, que leur installation n'était pas adaptée à leur immeuble,
- le 28 juin 2019, un commissaire de justice a constaté que la pompe à chaleur installée à leur domicile était totalement inadaptée à leur habitation et ils ont dû renoncer à l'utilisation du ballon thermodynamique qui générait une importante surconsommation d'électricité, et la pompe à chaleur étant incapable de chauffer leur maison, ils ont dû se résoudre à se chauffer à nouveau au bois,
- le contrat de vente encourt la nullité pour dol, la société Directclim s'étant livrée à de multiples manoeuvres et mensonges ayant pour objet de donner un caractère officiel à des documents commerciaux et de leur laisser croire qu'elle agissait pour le compte du gouvernement, et en leur donnant à croire qu'en acquérant cette pompe à chaleur ils contribueraient à la transition énergétique,
- le contrat encourt également la nullité pour non respect des dispositions de l'article L.111-1 du code de la consommation, dès lors qu'il ne précise pas la caractéristique essentielle de la pompe à chaleur, à savoir sa puissance, qui a été notablement sous dimensionnée par rapport à la surface de leur habitation,
- ils n'ont jamais entendu régulariser les irrégularités entachant le bon de commande, parce qu'ils ignoraient la puissance réelle de l'installation,
- à titre subsidiaire, le contrat devra être résolu, faute pour la société Directclim d'avoir exécuté son obligation, comme le démontre le procès-verbal de commissaire de justice dressé le 27 novembre 2023,
- l'annulation du contrat de vente emporte celle du contrat de crédit affecté,
- l'annulation du contrat emporte également l'obligation pour eux de restituer au prêteur le capital emprunté sous déduction des échéances déjà remboursées.
Réponse de la cour
Le seul fait de remettre en cause un contrat de vente ne suffit pas à caractériser la mauvaise foi alléguée des époux [Z], qui agissent en raison du caractère qu'ils jugent non fonctionnel de l'installation qui leur a été vendue par la société Directclim.
Il n'est, au reste, pas établi que la venderesse, qui est in bonis serait dans l'impossibilité de reprendre la pompe à chaleur installée au domicile des époux [Z], d'autant moins qu'elle propose d'en installer une nouvelle plus puissante.
Aucune violation des dispositions de l'article 1103 du code civil n'étant, en l'espèce, établie, la fin de non-recevoir ne pourra donc être accueillie et la demande d'annulation des contrats de vente et de crédit affecté jugée recevable.
Le contrat de vente conclu le 27 novembre 2017 entre M. [U] [Z] et la société Directclim, après démarchage à domicile, est soumis aux dispositions des articles L. 221-8 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, et le contrat de crédit conclu entre M. et Mme [Z] et la société Domofinance suivant offre acceptée le 27 novembre 2017 est un contrat de crédit affecté soumis aux dispositions des articles L.312-44 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction applicable à compter du 1er juillet 2016.
En application de l'article L. 221-5 du code précité, préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2.
L'article L. 221-9 dispose que le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties.
Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5.
Selon l'article L. 111-1, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;
2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 ;
3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;
4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte ;
5° S'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence de toute restriction d'installation de logiciel, à l'existence et aux modalités de mise en oeuvre des garanties et aux autres conditions contractuelles ;
6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.
Aux termes de l'article L. 111-2, le professionnel doit également mettre à la disposition du consommateur, ou lui communiquer, de manière lisible et compréhensible, les informations complémentaires relatives à ses coordonnées, à son activité de prestation de services et aux autres conditions contractuelles, qui sont précisées dans l'article R. 111-2.
Au cas d'espèce, le bon de commande du 5 mars 2018 portait sur :
- un PAC aérothermie air- eau de marque Daikin, référence Althermaht, avec programmateur de chauffage,
- un groupe extérieur Inverter,
- un module hydraulique,
- un chauffe-eau thermodynamique de 250 litres de marque Chaffoteaux modèle Aquanext,
- un forfait isolation thermique de marque Knauf pour 50 mètres carrés de combles perdus,
le tout comprenant la livraison, la pose, l'installation, la mise en service et les fournitures moyennant un prix toutes taxes comprises de 24 800 euros, intégralement financé par un prêt accordé par la société Domofinance.
La date limite de livraison était fixée au 29 décembre 2017.
Il résulte de ce qui précède que le bon de commande ne comporte pas l'ensemble des caractéristiques essentielles des biens offerts à la vente, en ce qu'il ne précise pas la puissance de la pompe à chaleur de marque Daikin. En effet, la puissance de la pompe à chaleur est une caractéristique essentielle du matériel vendu, ce renseignement permettant à l'acquéreur de vérifier l'adaptation de la pompe à chaleur à la surface et au volume de l'habitation à chauffer ou à rafraîchir, et partant la performance énergétique de l'installation.
Pour ce motif, le contrat de vente encourt l'annulation, sans même qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés à cette fin par les époux [Z].
C'est en vain que les sociétés Directclim et Domofinance prétendent que les nullités entachant le bon de commande ont été couvertes par l'exécution volontaire du contrat par les époux [Z].
En effet, il est de règle que la nullité qui découle de l'irrégularité formelle du contrat au regard des dispositions régissant la vente hors établissement et dont la finalité est la protection du consommateur, est une nullité relative.
L'article 1182 du code civil, énonce que la confirmation est l'acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce. Cet acte mentionne l'objet de l'obligation et le vice affectant le contrat.
La confirmation ne peut intervenir qu'après la conclusion du contrat.
L'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation. En cas de violence, la confirmation ne peut intervenir qu'après que la violence a cessé.
La confirmation emporte renonciation aux moyens et exceptions qui pouvaient être opposés, sans préjudice néanmoins des droits des tiers.
Il s'en déduit que la confirmation d'un acte nul impose, d'une part, la connaissance du vice l'ayant affecté et, d'autre part, l'intention de le réparer.
En l'espèce, la preuve de la connaissance des irrégularités n'est pas établie, le verso du bon de commande ne comportant pas le rappel des dispositions de l'article L. 111-1 du code de la consommation, contrairement à ce que soutient la société Directclim.
Ce rappel eût été, en tout état de cause, insuffisant, la reproduction, dans les conditions générales figurant au verso du bon de commande, dont l'acquéreur avait déclaré avoir pris connaissance, des dispositions du code de la consommation étant insuffisante à révéler à l'acquéreur les vices affectant ce bon (Cass.1re Civ., 24 janvier 2024, pourvoi n° 21-20.691).
Le seul fait que les époux [Z] aient laissé le contrat s'exécuter en acceptant la livraison, en signant l'attestation de réception des travaux, ne peut s'analyser en une confirmation tacite de l'obligation entachée de nullité, alors que ces faits ne démontrent pas qu'ils ont eu connaissance des irrégularités affectant le bon de commande en litige et l'intention de les réparer.
Par suite, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a annulé le contrat de vente, sans qu'il soit nécessaire d'examiner la demande de nullité à raison du prétendu dol commis par la société venderesse.
L'annulation du contrat de vente entraîne, ipso facto, celle du contrat de crédit affecté.
En effet, aux termes de l'article L. 312-55 du code de la consommation, le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit, lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
L'annulation du prêt affecté a pour conséquence de remettre les parties dans leur situation antérieure, de sorte qu'elle doit, sauf faute du prêteur, entraîner la restitution des prestations reçues de part et d'autre.
Par suite, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Directclim à restituer aux époux [Z] la somme de 24 800 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2020, date de l'assignation devant le premier juge et les époux [Z] à mettre à disposition de la société Directclim les équipements vendus, à charge pour la société Directclim de procéder à leur démontage et à leur enlèvement à ses frais.
Le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a condamné les époux [Z] à restituer à la société Domofinance la somme de 24 800 euros, sous déduction des sommes déjà remboursées à la banque en application du contrat de crédit affecté.
Ajoutant au jugement entrepris, la société Directclim sera condamnée à restituer aux époux [Z] leur ancienne chaudière à fuel, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte, la société Directclim ne s'opposant pas dans ses écritures à cette demande, sur laquelle le premier juge a omis de statuer.
II) Sur l'appel en garantie de la société Domofinance
Moyens des parties
La société Directclim conclut à l'infirmation du jugement déféré l'ayant condamnée à garantir la société Domofinance, en faisant valoir qu'elle n'a commis aucune faute dans l'opération de vente aux époux [Z], dès lors que le bon de commande répond aux exigences du code de la consommation, le matériel acquis a été livré et installé dans les délais annoncés, et le matériel est parfaitement fonctionnel et profite aux époux [Z].
La société Domofinance conclut, dans l'hypothèse d'une annulation des contrats de vente et de crédit affecté, à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a fait droit à son appel en garantie sur le fondement de l'article L. 312-56 du code de la consommation.
Réponse de la cour
En application de l'article L. 311-33 devenu L.312-56 du code de la consommation, si l'annulation du contrat principal survient du fait du vendeur, celui-ci peut, à la demande du prêteur, être condamné à garantir l'emprunteur du remboursement du prêt, sans préjudice de dommages et intérêts vis-à-vis du prêteur et de l'emprunteur.
En l'espèce, le contrat principal ayant été annulé pour non respect par le vendeur des dispositions du code de la consommation, il convient de faire application de l'article susvisé et, partant, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Directclim à garantir la société Domofinance du remboursement par les époux [Z] de la somme de 24 800 euros.
III) Sur la demande de dommages et intérêts des époux [Z]
Moyens des parties
Les époux [Z] forment appel incident de la disposition du jugement les ayant déboutés de leur demande de dommages et intérêts.
A hauteur de cour, ils exposent que la carence contractuelle de la société venderesse leur a causé un important préjudice matériel et moral, parce qu'ils ont été privés de chauffage et d'eau sanitaire pendant de nombreux mois et ont été contraints de subir plusieurs années de procédure.
Les époux [Z] évaluent leur préjudice à la somme de 7 000 euros.
La société Domofinance réplique que le jugement déféré mérite confirmation en ce qu'il a débouté les époux [Z] de leur demande de dommages et intérêts, parce que les préjudices invoqués ne sont point justifiés.
Réponse de la cour
Les époux [Z] produisent un premier procès-verbal de constat de commissaire de justice établi le 28 juin 2019 en présence de M. [J], exerçant sous l'enseigne DK plomberie et intervenant en qualité de ' station technique agréée' dont il ressort que, compte tenu de la surface - 220 m²- et du volume à chauffer - 520 mètres cubes - et au vu des estimations de puissance nécessaire de la pompe à chaleur réalisées par la société Directclim elle-même - 19 320 W. - la pompe à chaleur installée, d'une puissance de 16 000 W., est déjà sous dimensionnée par rapport au diagnostic établi par l'installateur lui-même, le plombier chauffagiste, M. [J] précisant que, compte tenu de la déperdition de chaleur, la puissance de l'installation aurait dû être portée à 25000 W pour qu'elle puisse résister au seuil de température prévue (de +7 à -7).
Le technicien a, en outre, relevé des anomalies affectant le mode de branchement du stockeur d'énergie et la protection électrique de l'installation, ainsi que l'absence de pot à boue, de disconnecteur et de vase d'expansion.
Les constatations de ce premier procès-verbal sont corroborées par un deuxième constat établi le 27 novembre 2023, en présence de la société Directclim représentée par un sous-traitant, et d'un prestataire, M. [F], appelé par M. [Z], qui confirme que l'ensemble de l'installation est dyfonctionnel, le technicien, M. [F], expliquant, en substance, que compte tenu de la surface à chauffer et du nombre de radiateurs, la pompe à chaleur, deux fois moins puissante que la chaudière à fuel installée précédemment, ne peut chauffer normalement, et qu'étant constamment au maximum de sa capacité, il en résulte des surconsommations d'électricité et un rendement insuffisant, d'autant plus que le ballon thermodynamique, lorsqu'il est en chauffe, capte une partie non négligeable de la puissance disponible, si bien que les 16 KW déjà insuffisants, ne plus que très partiellement disponibles pour la pompe à chaleur.
La société Directclim est du reste, et quoi qu'elle en dise, consciente de l'installation des époux [Z] ne remplit pas son office, puisqu'elle demande à la cour de lui donner acte de ce qu'elle est disposée à installer une nouvelle pompe à chaleur d'une puissance supérieure au domicile des époux [Z].
Le sous-dimensionnement de leur installation cause aux époux [Z] un préjudice de jouissance important, dès lors que la pompe à chaleur étant incapable de chauffer correctement leur habitation, ils ont été contraints de se chauffer avec un insert à bois, comme l'a constaté le commissaire de justice dans son procès-verbal du 27 novembre 2023, le commissaire instrumentaire ayant relevé qu'il 'faisait plus que frais, voire froid dans la maison' et que ' le couple se chauffe uniquement avec un insert dans la cheminée du salon'.
Par suite, le préjudice de jouissance des époux [Z] sera intégralement réparé par la condamnation de la société Directclim à leur payer, à titre de dommages et intérêts, une indemnité de 7 000 euros.
IV) Sur les demandes accessoires
La société Directclim, partie succombante, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel, les dispositions du jugement contesté relatives aux dépens de première instance et aux frais irrépétibles non compris dans ces mêmes dépens, étant, par ailleurs, confirmées.
Les dépens ne comprennent que les seuls débours relatifs à des actes ou procédures judiciaires, si bien que n'entre pas dans les dépens le coût d'un constat, alors qu'il n'est pas établi que son auteur avait été désigné par une décision judiciaire (Cass. 3e civ., 17 mars 2004, n° 00-22.522).
C'est pourquoi les dépens au paiement desquels la société Directclim est condamnée ne peuvent comprendre le coût des procès-verbaux de constat des 28 juin 2019 et 27 novembre 2023, comme le sollicitent les époux [Z].
PAR CES MOTIFS
La cour statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions à l'exception de celle ayant débouté M. [U] [Z] et Mme [E] [Z] de leur demande de dommages et intérêts ;
Statuant à nouveau du seul chef infirmé :
Condamne la société Directclim à payer à M. [U] [Z] et Mme [E] [Z] une indemnité de 7 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Complétant le jugement déféré :
Condamne la société Directclim à restituer à M. [U] [Z] et Mme [E] [Z] leur ancienne chaudière à fuel ;
Dit n'y avoir lieu à assortir cette condamnation d'une astreinte ;
Ajoutant au jugement déféré :
Déboute la société Directclim de la totalité de ses demandes ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Directclim à payer à M. [U] [Z] et Mme [E] [Z] une indemnité de 6 000 euros et à la société Domofinance une indemnité de 4 000 euros ;
Condamne la société Directclim aux dépens de la procédure d'appel, qui ne comprendront pas le coût des procès-verbaux de constat des 28 juin 2019 et 27 novembre 2023, et qui pourront être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par la société d'avocats Mery, Renda, Karm, Genique, qui en a fait la demande.
prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Mme Céline KOC, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.