CA Pau, 1re ch., 21 novembre 2023, n° 22/00973
PAU
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme FAURE
Conseiller :
Mme FRAMOND
Avocats :
SELARL PITICO CHRISTOPHE, Me CHARBONNIER
EXPOSE DU LITIGE :
Monsieur [F] [U] et Madame [I] [G] épouse [U] sont propriétaires d'une maison d'habitation sise [Adresse 7].
A l'occasion de travaux d'agrandissement de cette maison, les époux [U] ont confié la fourniture et la pose de trois garde-corps à Monsieur [P] [V], entrepreneur individuel à responsabilité limitée, qui exploite sous l'enseigne D CRÉATION 64, une activité artisanale de chaudronnerie, métallurgie et soudure à [Localité 6] (64), suivant devis accepté et signé en date du 18 mars 2018 pour un montant de 8 911,52 euros HT, soit 9 802,67 euros TTC ; les travaux consistaient plus précisément en la pose d'un garde-corps pour la terrasse du rez-de-chaussée sur le jardin en contrebas et de deux garde-corps pour deux portes fenêtres pour les chambres du 1er étage.
La terrasse devant être carrelée, le devis établi par Monsieur [P] [V] proposait en option la 'fourniture et la pose de 19 platines de réservation carrelage pour garde-corps pose à la française' pour 969,00 euros HT de plus, option qui n'a pas été choisie par les époux [U].
Conformément au devis, les époux [U] ont versé un premier acompte d'un montant de 1 750,00 euros le 28 avril 2018.
Dans le courant du mois de juillet 2018, Monsieur [P] [V] a procédé à la pose du garde-corps situé au niveau de la terrasse du rez-de-chaussée.
Estimant que les travaux réalisés par Monsieur [P] [V] étaient défectueux, les époux [U] ont fait intervenir le cabinet A3A CONSEILS TRAVAUX DECO, en la personne de Monsieur [Z] [S], expert en bâtiment, qui, à la suite d'une réunion non contradictoire à l'égard de Monsieur [P] [V], a établi un rapport en date du 12 octobre 2018 concluant que la pose du garde-corps réalisée par Monsieur [P] [V] n'était pas satisfaisante et que le garde-corps était instable et présentait un caractère dangereux.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 28 septembre 2018, les époux [U] ont mis en demeure Monsieur [P] [V] de reprendre son ouvrage.
Le 23 octobre 2018 Monsieur [P] [V] a démonté le garde-corps en vue de procéder à une repose conforme aux règles de l'art ; à cette occasion, les époux [U] lui ont versé un acompte supplémentaire de 1250,00 euros, portant ainsi à 3 000,00 euros le montant total de l'acompte perçu ce dernier.
Par la suite, Monsieur [P] [V] n'a jamais reposé le garde-corps et n'a pas non plus procédé à la pose des deux autres garde-corps destinées aux chambres du 1er étage et ce malgré une lettre de mise en demeure de terminer les travaux adressée par les époux [U] à l'artisan le 21 mars 2019.
A la suite de ce courrier Monsieur [P] [V] a saisi son assurance protection juridique qui a désigné un expert en la personne de Monsieur [D] [L] lequel a convoqué les époux [U] à une réunion d'expertise 'pour vérification du garde-corps, voir s'il y a des malfaçons ou un non respect des règles de l'art en matière de sécurité'; les époux [U] ont fait savoir à cet expert que l'expertise n'était pas possible, le garde-corps litigieux ayant été déposé et ne se trouvant plus sur les lieux.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 02 mai 2019, le conseil des époux [U] a, à son tour, mis en demeure Monsieur [P] [V] de réaliser immédiatement et dans le parfait respect de la convention intervenue et des règles de l'art, les travaux de pose du garde-corps de la terrasse située au-dessus du garage et des garde-corps des fenêtres des deux chambres de l'étage, lui précisant qu'à défaut, il solliciterait devant le tribunal compétent, notamment la résolution à ses torts exclusifs de la convention et la restitution des acomptes versés et ce par application des dispositions de l'article 1231-1 du code civil.
Aucune solution amiable n'ayant pu être trouvée entre les parties, par exploit du 26 septembre 2019, les époux [U] ont fait assigner Monsieur [P] [V] entrepreneur individuel exerçant sous l'enseigne D CRÉATION 64, devant le tribunal d'instance de Pau devenu tribunal judiciaire depuis le 1er janvier 2020, sur le fondement des articles 1103, 1104, 1217, 1231-1 et 1343-2 du code civil, aux fins de :
- constater l'inexécution de ses obligations contractuelles par Monsieur [P] [V] exerçant sous l'enseigne D CRÉATION 64,
- prononcer la résolution judiciaire du contrat conclu entre Monsieur [P] [V] exerçant sous l'enseigne D CRÉATION 64 d'une part et Monsieur [F] [U] et Madame [I] [G] épouse [U] d'autre part,
- condamner Monsieur [P] [V] exerçant sous l'enseigne D CRÉATION 64 à rembourser à Monsieur [F] [U] et Madame [I] [G] épouse [U] la somme de 2 955,00 euros (soit 1 750,00 euros + 1 205,00 euros(sic)) versée à titre d'acomptes, outre intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2018, date de la première mise en demeure recommandée avec demande d'avis de réception, jusqu'à parfait paiement, en précisant que les intérêts échus dus au moins pour une année entière porteront intérêts,
- condamner Monsieur [P] [V] exerçant sous l'enseigne D CRÉATION 64 à payer à Monsieur [F] [U] et Madame [I] [G] épouse [U] la somme de 2 500,00 euros à titre de légitimes dommages et intérêts en réparation du préjudice complémentaire causé par sa résistance abusive,
- débouter Monsieur [P] [V] exerçant sous l'enseigne D CRÉATION 64 de toutes demandes, fins et conclusions en ce qu'elles seraient contraires aux présentes,
- condamner Monsieur [P] [V] exerçant sous l'enseigne D CRÉATION 64 à payer à Monsieur [F] [U] et Madame [I] [G] épouse [U] la somme de 3 500,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
Par jugement contradictoire en date du 06 août 2020, la chambre des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Pau a ordonné une expertise et commis pour y procéder Monsieur [O] [Y], expert près la cour d'appel de Pau, avec la mission de, notamment :
- décrire dans leur état actuel les travaux réalisés par Monsieur [V] exerçant sous l'enseigne D CRÉATION 64 en exécution du devis du 18 mars 2018 et se transporter dans les locaux de Monsieur [V] afin d'examiner les garde-corps fabriqués par ce dernier ;
- dire si les ouvrages réalisés sont conformes au devis ainsi qu'aux règles de l'art ;
- décrire les défauts de finition, désordres, vices, malfaçons, non conformités ; en déterminer la cause et en envisager les conséquences; dire s'ils rendent les ouvrages impropres à leur destination ;
- préconiser et spécifier les travaux nécessaires pour assurer la conformité des ouvrages, leur pose au domicile des époux [U] permettant la sécurité de l'habitation et chiffrer le coût de la pose des garde-corps ;
- établir les comptes entre les parties en ce qui concerne les désordres et inexécutions allégués par Monsieur et Madame [U] et les sommes pouvant être dues par ces derniers ;
- d'une manière générale, fournir au tribunal tous renseignements et procéder à toutes investigations permettant de l'éclairer sur le litige opposant les parties.
Monsieur [O] [Y] a clôturé son rapport le 11 mars 2021.
Devant le tribunal, les époux [U] ont formé les demandes suivantes :
- constater l'inexécution de ses obligations contractuelles par Monsieur [P] [V] exerçant sous l'enseigne D CRÉATION 64 ;
- prononcer la résolution judiciaire du contrat conclu entre Monsieur [P] [V] exerçant sous l'enseigne D CRÉATION 64 d'une part et Monsieur [F] [U] et Madame [I] [G] épouse [U] d'autre part ;
- condamner Monsieur [P] [V] exerçant sous l'enseigne D CRÉATION 64 à rembourser à Monsieur [F] [U] et Madame [I] [G] épouse [U] la somme de 3 000,00 euros (soit 1 750,00 euros + 1 250,00 euros) versée à titre d'acomptes, outre intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2018, date de la première mise en demeure recommandée avec demande d'avis de réception, jusqu'à parfait paiement, en précisant que les intérêts échus dus au moins pour une année entière porteront intérêts ;
- condamner Monsieur [P] [V] exerçant sous l'enseigne D CRÉATION 64 à payer à Monsieur [F] [U] et Madame [I] [G] épouse [U] la somme de 2 500,00 euros à titre de légitimes dommages et intérêts en réparation du préjudice complémentaire causé par sa résistance abusive ;
- débouter Monsieur [P] [V] exerçant sous l'enseigne D CRÉATION 64 de toutes demandes, fins et conclusions en ce qu'elles seraient contraires aux présentes ;
- condamner Monsieur [P] [V] exerçant sous l'enseigne D CRÉATION 64 à payer à Monsieur [F] [U] et Madame [I] [G] épouse [U] la somme de 3 500,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
En réponse, Monsieur [P] [V] demandait au tribunal de :
- débouter les époux [U] de l'ensemble de leurs demandes ;
- prendre acte de son accord pour assurer la pose du garde-corps sur la terrasse des époux [U] dans des conditions de fixation conformes aux règles de l'art ;
- ordonner aux époux [U] de le laisser intervenir sur le chantier le temps nécessaire à la pose du garde-corps ;
- condamner les époux [U] à lui régler le prix des travaux sur la base du devis accepté par les parties, soit 9 802,67 euros après déduction des acomptes de 1 750,00 euros et 1 250,00 euros, dans les 8 jours de la fin des travaux du garde-corps ;
- condamner les époux [U] à lui verser la somme de 2 000,00 euros à titre de dommages et intérêts ;
- les condamner à lui régler la somme de 2 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par jugement contradictoire en date du 10 février 2022, la chambre des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Pau a :
- prononcé la résolution judiciaire du contrat de vente liant Monsieur [F] [U] et Madame [I] [U] et Monsieur [P] [V],
- condamné Monsieur [P] [V] à leur rembourser 3 000,00 euros au titre de l'acompte versé, outre les intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2018, date de la 1er mise en demeure recommandée avec accusé de réception, jusqu'à parfait paiement, en précisant que les intérêts échus au moins pour une année entière porteront intérêts,
- débouté Monsieur [F] [U] et Madame [I] [U] de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- condamné Monsieur [P] [V] à payer 1 000,00 euros à Monsieur [F] [U] et Madame [I] [U] en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Monsieur [P] [V] aux dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
Pour statuer ainsi, après avoir considéré au vu des conclusions du rapport d'expertise judiciaire, que l'installation du garde-corps ensuite déposé par Monsieur [P] [V], était affectée de désordres, le premier juge a constaté que le devis accepté et signé par les époux [U] le 18 mars 2018, prévoyait la fourniture et la pose de trois garde-corps à leur domicile et qu'il était constant que deux des garde-corps n'avaient été ni conçus, ni posés et que le garde-corps fabriqué n'avait pas été fixé dans les règles de l'art notamment parce que les fixations n'avaient pas été justifiées par le calcul ; il a également souligné que Monsieur [P] [V] aurait dû mettre en place des protections temporaires nécessaires tout au long de la durée du chantier et qu'il n'aurait pas dû proposer d'option au sujet des platines.
Le tribunal, considérant que Monsieur [P] [V] n'avait pas respecté son obligation de résultat, à savoir la fourniture et le pose correcte des garde-corps, ni son obligation d'information et de conseil quant au choix de la fixation, a ainsi prononcé la résolution judiciaire du contrat litigieux au torts de Monsieur [P] [V].
Le premier juge a par ailleurs rejeté la demande des époux [U] tendant au paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive, considérant que Monsieur [P] [V] avait fait preuve de bonne volonté en étudiant avec son fournisseur un choix de fixations de platines pour achever les travaux.
Par déclaration du 07 avril 2022, Monsieur [P] [V] a relevé appel de cette décision, critiquant la décision entreprise en toutes ses dispositions, à l'exception de celle ayant débouté les époux [U] de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Aux termes de ses conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 20 juin 2022, Monsieur [P] [V] demande à la cour, sur le fondement des articles 1124 à1128 du code civil, 1240 du code civil et 696 et 700 du code de procédure civile de :
- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Pau (JCP) du 10 février 2022 en ce qu'il a :
* prononcé la résolution judiciaire du contrat de vente liant Monsieur [F] [U] et Madame [I] [U] et Monsieur [P] [V] ;
* condamné Monsieur [P] [V] à leur rembourser 3 000,00 euros au titre de l'acompte versé, outre les intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2018, date de la 1er mise en demeure recommandée avec accusé de réception, jusqu'à parfait paiement, en précisant que les intérêts échus au moins pour une année entière porteront intérêts ;
* condamné Monsieur [P] [V] à payer 1 000,00 euros à Monsieur [F] [U] et Madame [I] [U] en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
* condamné Monsieur [P] [V] aux dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire ;
- prendre acte de son accord pour assurer la pose du garde-corps sur la terrasse des époux [U] dans des conditions de fixation conformes aux règles de l'art ;
- ordonner aux époux [U] de le laisser intervenir sur le chantier le temps nécessaire à la pose du garde-corps ;
- condamner les époux [U] à lui régler le prix des travaux sur la base du devis accepté par les parties, soit 9 802,67 euros après déduction des acomptes de 1 750,00 euros et 1 250,00 euros, dans les 8 jours de la fin des travaux du garde-corps ;
- condamner les époux [U] à lui verser la somme de 2 000,00 euros à titre de dommages et intérêts ;
- les condamner à lui régler la somme de 2 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- les condamner aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise.
Aux termes de leurs conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 20 juillet 2022, Monsieur [F] [U] et Madame [I] [G] épouse [U] demandent à la cour, sur le fondement des articles 1103, 1104, 1217, 1224, 1231-1 et 1343-2 du code civil, de :
- déclarer infondé l'appel principal formé par Monsieur [P] [V] exerçant sous l'enseigne D CRÉATION 64 à l'encontre du jugement du tribunal judiciaire de Pau du 10 février 2022,
- déclarer recevable et bien fondé l'appel incident limité formé par Monsieur [F] [U] et Madame [I] [G] épouse [U] à l'encontre de ce même jugement,
En conséquence :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* prononcé la résolution judiciaire du contrat de vente liant Monsieur [F] [U] et Madame [I] [U] et Monsieur [P] [V],
* condamné Monsieur [P] [V] à leur rembourser 3 000,00 euros au titre de l'acompte versé, outre les intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2018, date de la 1er mise en demeure recommandée avec accusé de réception, jusqu'à parfait paiement, en précisant que les intérêts échus dus au moins pour une année entière porteront intérêts,
* condamné Monsieur [P] [V] à payer 1 000,00 euros à Monsieur [F] [U] et Madame [I] [U] en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
* condamné Monsieur [P] [V] aux dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire ;
- réformer le jugement entrepris pour le surplus,
- condamner Monsieur [P] [V] exerçant sous l'enseigne D CREATION 64 à payer à Monsieur [F] [U] et Madame [I] [G] épouse [U], la somme de 2 500,00 euros à titre de légitimes dommages et intérêts en réparation du préjudice complémentaire causé par sa résistance abusive ;
Dans tous les cas :
- débouter purement et simplement Monsieur [P] [V] exerçant sous l'enseigne D CREATION 64 de toutes ses demandes, fins et conclusions en ce qu'elles seraient contraires aux présentes ;
- condamner Monsieur [P] [V] exerçant sous l'enseigne D CREATION 64 à payer à Monsieur [F] [U] et Madame [I] [G] épouse [U] la somme de 7 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner Monsieur [P] [V] exerçant sous l'enseigne D CREATION 64 aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
L'ordonnance de clôture a été fixée au 16 août 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1°) Sur le rapport d'expertise judiciaire
L'expert judiciaire explique qu'il n'a pas vu le garde-corps en place puisqu'il avait été démonté pour modification par Monsieur [P] [V] le 23 octobre 2018 et qu'il n'avait pas été reposé au moment de l'expertise mais il indique avoir pu l'examiner fixé au sol dans l'atelier de Monsieur [P] [V] et le décrit comme étant en inox brossé en profils carré avec deux sous lisses et un soubassement en verre feuilleté 44,2, posé à la française et disposant d'un portillon, précisant qu'il était destiné à entourer une extension du salon créée en avant de la maison d'habitation au Sud, au rez-de-chaussée sur cour et qu'il mesurait 6,80 m (5 panneaux) + 12,14 m (8 panneaux) + 6,80 m (4 panneaux et un portillon).
L'expert judiciaire a rappelé que Monsieur [P] [V] avait procédé à la pose du garde-corps de la terrasse alors que cette dernière n'avait pas encore été carrelée.
Si l'expert n'a pas pu voir le garde-corps en place, il a pris connaissance du rapport établi par A3A CONSEILS TRAVAUX DECO dont il ressort que coexistaient certaines fixations avec la platine fixée directement sur la dalle béton et d'autres avec la platine décollée de la dalle béton d'environ 2,5 à 3 cm, avec un calage réalisé en chutes de profils acier, chutes de bois et qu'était présenté en même temps un capotage pour cacher les platines en attente de la décision par les époux [U], de réaliser un carrelage.
Après avoir rappelé qu'un garde-corps est un ouvrage ayant pour rôle de protéger contre les risques de chute fortuite dans le vide des personnes stationnant ou circulant à proximité de ce dernier, mais non de leur interdire le passage ou l'escalade forcée ou volontaire, soumis comme tel à une réglementation stricte, l'expert indique qu'il appartient notamment à l'entreprise de justifier par le calcul, la résistance mécanique des fixations dans le béton lorsqu'elle est faite à l'aide de chevilles.
L'expert judiciaire a conclu à une non conformité aux règles de l'art des ouvrages réalisés par Monsieur [P] [V] parce que leurs fixations n'étaient pas justifiées par le calcul.
L'expert judiciaire souligne par ailleurs que Monsieur [P] [V] aurait dû mettre en place des protections temporaires nécessaires tout au long de la durée du chantier
2°) Sur la demande de résolution judiciaire du contrat
Les époux [U] sollicitent la résolution judiciaire du contrat de louage d'ouvrage qu'ils ont conclu avec Monsieur [P] [V]
Selon l'article 1104 du code civil, 'les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public.'
L'alinéa 1 de l'article 1106 du code civil dispose : "Le contrat est synallagmatique lorsque les contractants s'obligent réciproquement les uns envers les autres."
L'article 1217 du code civil prévoit : "La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ; poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ; obtenir une réduction du prix ; provoquer la résolution du contrat ; demander réparation des conséquences de l'inexécution. Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter."
Aux termes de l'article 1224 du code civil, 'La résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.'
Selon l'article 1226 du code civil, "le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.
La mise en demeure mentionne expressément qu'à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.
Lorsque l'inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.
Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l'inexécution."
Aux termes de l'article 1227 du même code, 'La résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice.'
Selon l'article 1228 du code civil, "Le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts."
L'article 1229 du même code dispose : 'La résolution met fin au contrat.
La résolution prend effet, selon les cas, soit dans les conditions prévues par la clause résolutoire, soit à la date de la réception par le débiteur de la notification faite par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l'assignation en justice.
Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l'exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l'intégralité de ce qu'elles se sont procuré l'une à l'autre. Lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie ; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.
Les restitutions ont lieu dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.'
S'agissant de la réparation du préjudice résultant de l'inexécution du contrat, il sera rappelé qu'il résulte de l'article 1231 du code civil que "A moins que l'inexécution soit définitive, les dommages et intérêts ne sont dus que si le débiteur a été préalablement été mis en demeure de s'exécuter dans un délai raisonnable".
L'article 1231-1 du code civil prévoit :"Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure."
Il sera rappelé que les entrepreneurs sont tenus à une obligation de résultat dans le cadre de leurs rapports avec le maître de l'ouvrage se définissant comme l'obligation de livrer des travaux conformes à la destination convenue, exécutés en respectant les règles de l'art et les normes en vigueur au jour de leur intervention. Ils ne peuvent s'exonérer de leur responsabilité qu'en établissant l'existence d'une cause étrangère ou d'un cas de force majeure.
Il est constant, aux termes mêmes de la loi, que tant l'exception d'inexécution que la résolution judiciaire d'un contrat est subordonnée à la démonstration d'une inexécution contractuelle suffisamment grave caractérisée soit par un manquement portant sur une obligation essentielle du contrat, soit par le préjudice substantiel subi par le créancier soit encore par la mauvaise foi du débiteur ou par sa conduite déloyale, précision faite que l'appréciation de la gravité des manquements contractuels concernés, est laissée à l'appréciation souveraine des juges.
En l'espèce, il résulte des éléments du dossier que :
- suivant devis accepté en date du 18 mars 2018, Monsieur [P] [V] s'est engagé à procéder à la fabrication et à la pose de trois garde-corps dans le cadre des travaux d'agrandissement de la maison d'habitation des époux [U] ;
- seul le garde-corps de la terrasse a été fabriqué et posé par Monsieur [P] [V], mais le garde-corps réalisé n'est pas conforme aux règles de l'art, Monsieur [P] [V] n'ayant pas justifié la résistance mécanique des fixations dans le béton ;
- après avoir été démonté par Monsieur [P] [V], le garde-corps de la terrasse n'a jamais été reposé ;
- deux des garde-corps commandés n'ont jamais été fabriqués et a fortiori posés, ce qui a été confirmé par l'expert judiciaire qui a indiqué dans son rapport ne pas avoir constaté l'existence de ces garde-corps dans l'atelier de Monsieur [P] [V] où l'expert judiciaire s'est rendu et Monsieur [P] [V] ne rapporte pas la preuve qu'il ait jamais fabriqué ces garde-corps ;
- Monsieur [P] [V] a été vainement mis en demeure à deux reprises, de reposer dans les règles de l'art le garde-corps démonté et de procéder à la pose des deux garde-corps des chambres du 1er étage.
C'est vainement que Monsieur [P] [V] soutient que les difficultés rencontrées proviennent du choix fait par les époux [U] de ne pas faire procéder à la pose de 19 platines de réservation pour palier les différences de niveaux du sol brut de la terrasse, dans l'attente de la pose du carrelage, alors que cette possibilité n'apparaissait dans le devis que comme une option laissée au choix du maître de l'ouvrage et qu'en sa qualité de professionnel Monsieur [P] [V] avait une obligation de conseil à laquelle il a failli puisqu'il n'aurait pas dû proposer d'option au sujet des platines.
Il résulte de tout ce qui précède que Monsieur [P] [V] a été l'auteur d'inexécutions caractérisées d'une part, par les désordres ci-dessus décrits et par l'absence totale de réalisation des garde-corps du 2ème étage, et d'autre part, par un manquement caractérisé à son obligation de conseil quant au choix des fixations, ce qui manifeste une méconnaissance grave de l'obligation de résultat lui incombant.
Monsieur [P] [V] fait valoir qu'il a établi un nouveau devis en date du 22 mars 2019 d'un montant de 1 725,00 euros HT soit 1 897,50 euros TTC prévoyant la fourniture et la pose de platines et demande qu'il lui soit donné acte de son accord pour assurer la pose du garde-corps sur la terrasse des époux [U] dans des conditions de fixation conformes aux règles de l'art et d'ordonner aux époux [U] de le laisser intervenir sur le chantier le temps nécessaire à la pose du garde-corps, sollicitant par ailleurs le paiement du solde du marché.
Monsieur [P] [V] avait déjà formulé ces prétentions devant le tribunal mais la cour observe que, alors qu'il résulte des motifs du jugement entrepris que le premier juge a entendu les rejeter, il n'a pas été statué sur ces demandes de sorte qu'une omission de statuer affecte cette décision.
Il convient donc de rectifier cette omission de statuer conformément aux dispositions des articles 462 et 463 du code de procédure civile et de débouter Monsieur [P] [V] de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles par ajout au jugement entrepris ; en effet, outre le fait que le coût de la pose de platines dans ce second devis est presque deux fois plus élevé que celui de 960,00 euros HT proposé dans l'option du premier devis, le maître de l'ouvrage qui constate que l'entrepreneur réalise des travaux non conformes aux règles de l'art est légitime à refuser ensuite à l'entrepreneur la poursuite des travaux en raison de la perte de confiance générée.
Les manquements imputables à Monsieur [P] [V] qui ont eu pour conséquence l'absence totale d'installation de garde-corps sur la maison d'habitation des époux [U], sont donc de nature à conduire à la résolution judiciaire à ses torts exclusifs du contrat conclu avec les époux [U] et le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a condamné Monsieur [P] [V] à rembourser aux époux [U] la somme de 3 000,00 euros correspondant au montant total des acomptes versés (1 750,00 euros +1 250,00 euros) outre les intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2018 et ce jusqu'à parfait paiement, en précisant que les intérêts échus dus au moins depuis une année entière porteront intérêts, rappel étant fait qu'en application de l'article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts est de droit dès lors qu'elle est demandée en justice.
4°) Sur l'appel incident des époux [U] et leur demande de dommages et intérêts
Faute pour les époux [U] de démontrer l'existence d'un abus de droit de la part de Monsieur [P] [V] dans l'exercice de sa défense, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris qui les a déboutés de leur demande d'une somme de 2 500,00 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice complémentaire causé par la résistance abusive de Monsieur [P] [V].
5°) Sur les demandes annexes
Le jugement de première instance sera confirmé en ce qui concerne les condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Monsieur [P] [V] sera condamné à payer à Monsieur [F] [U] et Madame [I] [G] épouse [U] en cause d'appel, ensemble la somme globale de 3 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sera débouté de sa demande formulée à ce titre.
Monsieur [P] [V] sera condamné aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris,
Y ajoutant :
Déboute Monsieur [P] [V] de ses demandes tendant à :
- débouter les époux [U] de l'ensemble de leurs demandes ;
- prendre acte de son accord pour assurer la pose du garde-corps sur la terrasse des époux [U] dans des conditions de fixation conformes aux règles de l'art ;
- ordonner aux époux [U] de le laisser intervenir sur le chantier le temps nécessaire à la pose du garde-corps ;
- condamner les époux [U] à lui règler le prix des travaux sur la base du devis accepté par les parties, soit 9 802,67 euros après déduction des acomptes de 1 750,00 euros et 1 250,00 euros, dans les 8 jours de la fin des travaux du garde-corps ;
- condamner les époux [U] à lui verser la somme de 2 000,00 euros à titre de dommages et intérêts ;
- les condamner à lui règler la somme de 2 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
Condamne Monsieur [P] [V] à payer à Monsieur [F] [U] et Madame [I] [G] épouse [U] en cause d'appel, ensemble la somme globale de 3 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute Monsieur [P] [V] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en appel ;
Condamne Monsieur [P] [V] aux entiers dépens d'appel.