CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 19 septembre 2024, n° 18/28129
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Yanor (SARL)
Défendeur :
Paris Hoche (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mollat
Conseillers :
Mme Pelier-Tetreau, Mme Rohart
Avocats :
Me Schwab, Me Teboul Astruc, Me Podeur, Me Renucci
Exposé des faits et de la procédure
La SARL Paris Hoche a été créé en 2000 et avait une activité de marchand de biens.
Elle n'a plus d'activité aujourd'hui, et n'emploie aucun salarié.
Par jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 7 juin 2017, la société Paris Hoche a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire. La SCP BTSG², en la personne de Me [X] [G], a été désignée en qualité de mandataire judiciaire.
Cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 21 décembre 2017, la SCP BTSG², en la personne de Me [X] [G], a été désignée en qualité de mandataire judiciaire.
Par courrier en date du 1er août 2017, la société Yanor a sollicité l'admission de sa créance au passif de la société Paris Hoche pour un montant de 415 000 euros, à titre privilégié, qui a été contestée par le liquidateur judiciaire. Par courrier du 12 septembre 2017, la société Yanor a réduit le montant de sa créance à 265.000 euros, laquelle a été à nouveau contestée par le liquidateur judiciaire.
Par ordonnance du 05 décembre 2018, le juge-commissaire du tribunal de commerce de Paris a rejeté la créance en totalité et dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.
La société Yanor a interjeté appel de cette ordonnance et par arrêt du 16 janvier 2020, la cour d'appel de Paris a sursis à statuer sur l'admission de la créance et invité la société Yanor à saisir le juge du fond au motif qu' «il existe une contestation sérieuse sur la validité et l'opposabilité du contrat de cession de créance du 22 mars 2017 ».
Par jugement en date du 19 mai 2021, le tribunal de commerce de Paris a estimé que la société Yanor justifiait de l'existence d'une créance d'origine dont était titulaire de la société Ciplet, ainsi que de la cession par cette dernière à son profit.
Le tribunal de commerce de Paris a admis et fixé la créance de la société Yanor à la somme de 265 000 euros et ce, à titre privilégié.
La SCP BTSG², ès qualités de liquidateur de la société Paris Hoche, a interjeté appel de ce jugement.
Par arrêt en date du 8 septembre 2022, la cour d'appel de Paris a infirmé le jugement du tribunal de commerce de Paris et a débouté la société Yanor de sa demande de fixation de sa créance au passif de la société Paris Hoche.
Par un arrêt en date du 7 février 2024, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la société Yanor à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 8 septembre 2022.
Les parties ont saisi la présente cour suite à sa décision de sursis à statuer et à l'arrêt du 7 février 2024 de la Cour de cassation.
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Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 mai 2024, la société Yanor demande à la cour, au visa des articles L. 624-2 et suivants du code de commerce, 1321 et suivants nouveaux du code civil, 2423 du code civil et R. 533-4 du code des procédures civiles d'exécution, de la jurisprudence applicable à l'espèce et des pièces versées aux débats, de :
Recevoir la société Yanor en ses demandes, fins et conclusions.
Y faisant droit et déboutant l'intimée de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires,
Infirmer l'ordonnance du juge commissaire, en date du 5 décembre 2018, dans toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
Juger que le mandataire judiciaire de la société Paris Hoche s'est contredit au détriment de la société Yanor.
En conséquence,
Rejeter les contestations développées par le mandataire judiciaire dans le cadre de la procédure en admission de la créance de la société Yanor.
Juger que la société Yanor produit des justificatifs suffisants de sa créance et de son caractère privilégié.
En conséquence,
Admettre la créance de la société Yanor au passif de la société Paris Hoche, pour un montant de 265 000,00 euros et à titre privilégié.
Condamner tout succombant au paiement d'une somme de 2 000,00 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont le recouvrement sera poursuivi par la SELARL 2H Avocats, en la personne de Maître Audrey Schwab, en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 07 mai 2024, la SCP BTSG² prise en la personne de Me [X] [G], ès qualités de liquidateur de la SARL Paris Hoche, demande à la cour, de :
Confirmer l'ordonnance dont appel, en ce qu'elle a intégralement rejeté la créance déclarée par la société Yanor ;
Débouter la société Yanor de sa demande d'admission de sa créance au passif ;
Débouter la société Yanor de l'intégralité de ses prétentions ;
Condamner la société Yanor à payer à la SCP BTSG², ès qualités, la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la société Yanor aux entier dépens.
La SARL Paris Hoche, intimée, n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 23 mai 2024.
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MOTIFS DE LA DECISION
La société Yanor soutient que malgré l'arrêt du 8 septembre 2022, le juge commissaire, et à sa suite la cour d'appel, sont seuls compétents pour admettre ou rejeter la créance.
Elle fait valoir que le liquidateur judiciaire s'est contredit à plusieurs reprises, d'abord en donnant son accord sur l'admission de la créance à hauteur de 265.000 euros, puis en la contestant en sa totalité.
Elle explique que la créance résulte d'un acte régulier de cession de créance, qui est opposable aux tiers.Elle en conclut que ni l'existence de la créance, ni l'existence d'une cession de créance, ni son opposabilité, ni son montant ne souffrent de contestation.
Le liquidateur judiciaire répond que l'arrêt définitif de la cour d'appel du 8 septembre 2022 est définitif et qu'il a autorité de chose jugée.
Il ajoute que la société Yanor ne démontre pas que la créance litigieuse lui ait été valablement cédée.
SUR CE,
Il résulte de l'article L. 624-2 du code de commerce que le juge-commissaire, saisi d'une contestation de créance, peut soit l'admettre, soit la rejeter, soit constater qu'une instance est en cours ou que la contestation ne relève pas de sa compétence. Par ailleurs, lorsqu'il constate l'existence d'une contestation sérieuse, il doit renvoyer le litige devant le juge du fond afin que le juge tranche la contestation et surseoir à statuer sur l'admission de la créance.
En l'espèce, suite à la décision du 16 janvier 2020 retenant l'existence d'une contestation sérieuse et prononçant un sursis à statuer, par arrêt du 8 septembre 2022, la présente cour a considéré que les pièces versées au débat étaient insuffisantes à démontrer l'existence et le montant de la créance alléguée par la société Yanor et a ainsi tranché la contestation.
Cette décision définitive s'impose au juge commissaire, et à sa suite à la cour d'appel, qui demeure compétente pour statuer sur la créance, mais qui est tenue par la décision statuant sur la contestation.
Ainsi, constatant qu'il résulte de l'arrêt du 8 septembre 2022 que la société Yanor ne rapportait pas la preuve de l'existence de la créance alléguée, il convient de la rejeter.
En conséquence, l'ordonnance sera confirmée.
La société Yanor sera condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme l'ordonnance,
Déboute la société Yanor de ses demandes,
La condamne aux dépens ainsi qu'à payer à la SCP BTSG² prise en la personne de Me [X] [G], ès qualités de liquidateur de la SARL Paris Hoche, une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.