Décisions
CA Versailles, ch. civ. 1-5, 19 septembre 2024, n° 24/01545
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 57A
Chambre civile 1-5
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 19 SEPTEMBRE 2024
N° RG 24/01545 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WMYQ
AFFAIRE :
SAS [C] ET [I] INDUSTRIE BRETAGNE
...
C/
[F] [J]
...
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 08 Février 2024 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NANTERRE
N° RG : 22/03789
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 19.09.2024
à :
Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU, avocat au barreau de VERSAILLES (620)
Me Mélina PEDROLETTI, avocat au barreau de VERSAILLES (626)
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SAS [C] ET [I] INDUSTRIE BRETAGNE
anciennement dénommée 'SOCIETE NAVALE ET INDUSTRIE LORIENTAISE', prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 7]
SAS [C] ET [I] GROUPE
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 7]
SAS SEFIAM
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentant : Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - N° du dossier 005806
Postulant: [L] [G]
APPELANTES
****************
Monsieur [F] [J]
né le 08 Novembre 1991 à [Localité 8] (78)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 5]
S.A.S. LANCIER
Anciennement dénommée AKORIS AVOCATS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
N° SIRET : 839 15 1 7 92
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 - N° du dossier 26414
Plaidant : Me William MAK, du barreau de Paris (G0755)
INTIMES
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Juillet 2024, Monsieur Thomas VASSEUR, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Monsieur Thomas VASSEUR, Président,
Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère,
Madame Marina IGELMAN, Conseillère,
qui en ont délibéré,
Greffière lors des débats : Mme Elisabeth TODINI
EXPOSE DU LITIGE
Avant de devenir avocat en 2017, Me [J] travaillait au sein de la société CFIDEV, devenue Akoris Croissance et Finance. Cette société, spécialisée notamment dans le conseil en acquisition d'entreprises, se voyait confier des missions par des sociétés appartenant au groupe de sociétés fondé par Mme [C] et M. [I], comprenant notamment la société Sefiam et la société Navale et Industrie Lorientaise.
Au mois d'avril 2018, Me [J] a fondé la société Akoris Avocats et indique avoir travaillé, sans pour autant faire souscrire de conventions d'honoraires, pour les sociétés du groupe [C] et [I] jusqu'au mois de septembre 2018.
La société Akoris Avocats a émis quatre factures à l'ordre de la société [C] [I] et Industrie, pour un montant total de 53.798,62 euros TTC, une facture à l'ordre de la société Navale et Industrie Lorientaise pour un montant total de 24.000 euros TTC et deux factures à l'ordre de la société SEFIAM pour un montant total de 6.360 euros TTC.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 13 décembre 2018, la société Akoris Avocats a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris d'une demande en fixation de ses honoraires à l'encontre de la société [C] [I] et Industrie, de la société Navale et Industrie Lorientaise et de la société SEFIAM.
Par décision du 22 mai 2019, le délégataire du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris a :
débouté la société Akoris Avocats de ses demandes de fixation d'honoraires à l'encontre des sociétés [C] et [I] Industrie, Navale et Industrie Lorientaise et Sefiam, en l'absence de toute indication et preuves des diligences ayant pu être accomplies par la société Akoris Avocats au profit de ces trois sociétés, à compter de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés jusqu'à son dessaisissement ;
rejeté toutes autres demandes plus amples ou complémentaires ;
dit que les frais de signification de la décision, s'il y a lieu, seront à la charge de la société Akoris Avocats.
La société Akoris Avocats a formé un recours contre cette décision.
Par ordonnance (RG 19/00365) du 17 février 2022, la cour d'appel de Paris a :
déclaré recevable le recours formé par la société Akoris Avocats à l'encontre de la décision du bâtonnier de [Localité 10] du 22 mai 2019 ;
ordonné le sursis à statuer sur l'ensemble des demandes présentées par les parties, jusqu'à ce que la juridiction de droit commun compétente ait définitivement statué sur l'existence du mandat revendiqué par la société Akoris Avocats et par Me [J], à l'égard des sociétés [C] et [I] Industrie, Sefiam et Navale et Industrie Lorientaise ;
invité les parties à saisir la juridiction compétente pour trancher cette question préalable ;
renvoyé le dossier à l'audience du 16 juin 2022 ;
réservé les dépens.
Par acte du 19 avril 2022, la société Akoris Avocats et M. [J] ont fait assigner les sociétés [C] et [I] Industrie, Navale et Industrie Lorientaise et SEFIAM devant le tribunal judiciaire de Nanterre afin qu'il soit jugé que ces dernières leur ont confié la mission de les assister, de les représenter et de les conseiller.
Les sociétés Sefiam et [C] et [I] Industrie Bretagne ont chacune soulevé l'incompétence du tribunal judiciaire de Nanterre au profit respectivement de ceux de Mende et de Lorient.
Par ordonnance (RG 22/03789) rendue le 8 février 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nanterre a :
rejeté les exceptions d'incompétence soulevées par la société [C] et [I] Industrie Bretagne, anciennement dénommée société Navale et Industrie Lorientaise et la société Sefiam ;
rejeté les fins de non-recevoir soulevées par les sociétés [C] [I] et Industrie, [C] et [I] Industrie Bretagne, anciennement dénommée société Navale et Industrie Lorientaise et Sefiam ;
condamné in solidum les sociétés [C] [I] et Industrie, [C] et [I] Industrie Bretagne, anciennement dénommée société Navale et Industrie Lorientaise et Sefiam à payer à Me [J] et de la société Akoris Avocats la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
réservé les dépens ;
renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 13 juin 2024 pour les conclusions au fond des sociétés [C] [I] et Industrie, [C] et [I] Industrie Bretagne, anciennement dénommée société Navale et Industrie Lorientaise et SEFIAM.
Par déclaration reçue au greffe le 4 mars 2024, la société [C] et [I] Industrie Bretagne, anciennement dénommée société Navale et Industrie Lorientaise, la société [C] et [I] Groupe et la société Sefiam ont interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de dispositif et sollicité, conformément à l'article 84 du code de procédure civile, l'autorisation d'assigner la société Akoris Avocats et Me [J] à jour fixe, ce qui leur a été accordé par une ordonnance du 21 mars 2024.
Lors de l'audience du 3 juillet 2024, la société [C] et [I] Industrie Bretagne, anciennement dénommée société Navale et Industrie Lorientaise, la société [C] et [I] Groupe et la société Sefiam, développant les termes de leurs conclusions n° 2 remises le 2 juillet 2024, auxquelles il est renvoyé s'agissant des moyens qui y sont développés, demandent à la cour d'appel, au visa des articles 4, 31, 42, 83, 85, 122 et suivants, 700 et 917 du code de procédure civile, de :
'- déclarer les requérantes recevables et bien fondées en leurs appels des 04 mars 2024 à 19 h 29 et 19 h 44 et du 11 mars 2024,
- en ordonner la jonction,
y faisant droit,
- vu l'article 961 du CPC, déclarer les conclusions signifiées par les intimés le 12 mai 2024 irrecevable en raison de l'adresse inexacte y mentionnée,
- infirmer en toutes ses dispositions ladite ordonnance de mise en état rendue le 08 février 2024 par la 7ème chambre du tribunal judiciaire de Nanterre,
et statuant à nouveau,
- déclarer le tribunal judiciaire de Nanterre, au regard des demandes formées à l'encontre de SEFIAM incompétent au profit du tribunal judiciaire de Mende,
- déclarer le tribunal judiciaire de Nanterre, au regard des demandes formées à l'encontre de la société [C] et [I] Industrie Bretagne, anciennement dénommée société Navale et Industrie Lorientaise, incompétent au profit du tribunal judiciaire de Lorient,
- subsidiairement et en tout état de cause, déclarer les demandeurs irrecevables en leurs prétentions pour défaut de qualité sinon d'intérêt à agir,
- débouter tant M. [F] [J] que la SASU Lancier, anciennement dénommée [J] Avocat et précédemment Akoris Avocats, de tous moyens ou prétentions plus amples ou contraires au présent dispositif,
- condamner chacun des demandeurs à payer à chaque requérante une première somme de 820 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et une seconde somme de 1.500 euros en cause d'appel à chacune des requérantes,'
Les trois appelantes soulèvent en premier lieu l'irrecevabilité des conclusions adverses, en exposant que les assignations à fin d'appel à jour fixe ont été signifiées suivant procès-verbal de recherches infructueuses à une adresse qui est pourtant reprise par les intimés dans leurs écritures, lesquelles sont dès lors irrecevables car ne correspondant pas à l'adresse effective de ces derniers.
S'agissant des exceptions d'incompétence, elles indiquent en premier lieu que la société [C] et [I] Industrie Bretagne, anciennement dénommée société Navale et Industrie Lorientaise, a bien soulevé en première instance l'exception d'incompétence au profit du tribunal judiciaire de Lorient, cette exception d'incompétence figurant bien dans la partie des motifs des conclusions, le fait qu'elle n'ait pas été reprise dans le dispositif des conclusions ne procédant que d'une simple erreur matérielle. Ainsi, selon elles, aucune irrecevabilité ne saurait être retenue à ce titre.
Elles indiquent que le fait pour elles d'être membres d'un même groupe de sociétés ne saurait avoir pour conséquence de supprimer la personnalité morale de chacune d'elles et que le risque allégué de contrariété de décision n'existe pas dès lors qu'il ne peut nullement se déduire du fait que l'une d'elles aurait confié une mission spécifique à un prestataire, qu'une autre des sociétés du groupe aurait confié une mission distincte au même prestataire. Elles en déduisent qu'il n'y aurait dès lors aucune contrariété à juger que l'une des sociétés a confié une mission à l'un des intimés, tout en jugeant qu'une autre des sociétés du groupe ne les a pas mandatés. Les appelantes considèrent ainsi que le juge de la mise en état a méconnu les dispositions de l'article 42 du code de procédure civile.
S'agissant de la question de l'intérêt à agir, les appelantes considèrent que Me [J] en est dépourvu, dès lors qu'il demande la condamnation de la société [C] et [I] Industrie Bretagne, sans produire la moindre facture ni la moindre lettre de mission la concernant.
Enfin, les appelantes soulèvent l'irrecevabilité des demandes formées par Me [J] et la société Akoris Avocats en exposant que ces derniers n'indiquent ni lequel des deux a été mandaté ni au titre de quelle prestation.
Dans leurs dernières conclusions n° 2, également déposées le 2 juillet 2024, auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. [J] et la société Lancier (anciennement la société Akoris Avocats), demandent à la cour, au visa des articles 15, 101, 562 et 915-2 du code de procédure civile, de :
'à titre liminaire,
- prononcer l'irrecevabilité des conclusions récapitulatives d'appelants des sociétés du groupe TGI, nommément la société [C] et [I] Industrie, la société Navale et Industrie Lorientaise et la société Sefiam, communiquées le 2 juillet 2024 ;
Sur le fond,
- confirmer l'ordonnance du 8 février 2024 du juge de la mise en état de Nanterre en toutes ses dispositions ;
en tant que de besoin,
- débouter les sociétés du groupe TGI, nommément la société [C] et [I] Industrie, la société Navale et Industrie Lorientaise et la société SEFIAM de l'ensemble de leurs moyens, fins et prétentions dans le cadre du présent incident ;
en toute hypothèse
- condamner in solidum les sociétés du groupe TGI, nommément la société [C] et [I] Industrie, la société Navale et Industrie Lorientaise et la société SEFIAM à payer au cabinet Akoris Avocats et à Me [F] [J], la somme de 7.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner in solidum les sociétés du groupe TGI, nommément la société [C] et [I] Industrie, la société Navale et Industrie Lorientaise et la société SEFIAM aux entiers dépens, en ce compris la totalité des frais et honoraires d'huissier en cas d'exécution forcée de la décision à intervenir.
- dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans la décision à intervenir, dans l'hypothèse où l'exécution devrait être forcée par l'intermédiaire d'un huissier, les sommes retenues en application des articles A 444-10 à A 444-33 nouveaux du code de commerce (ex décret du 10 mai 2007 n°2007-774, portant modification du décret du 12 décembre 1996 n° 96/1080, tarif des huissiers), devront être entièrement supportées par les débiteurs, en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens'
Les intimés indiquent que compte-tenu du flot continu de dossiers confiés et de la relation de confiance et d'amitié qui avait été établie entre les mandataires sociaux du groupe TGI, d'une part, et Me [J], d'autre part, aucune convention d'honoraires n'avait été rédigée entre les parties. Au mois de septembre 2018, Me [J] indique avoir reçu le courrier du nouvel avocat des appelantes, ce qui a mis fin d'une manière qu'il considère comme étant brutale et vexatoire, à la relation qui existait jusqu'alors entre les parties.
D'un point de vue procédural, la société Lancier (nouveau nom de la société Akoris Avocats) et Me [J] demandent le rejet des conclusions de leurs adversaires communiquées le mardi 2 juillet 2024 après 19 heures, soit la veille de l'audience à 9 h 30, en exposant que ces conclusions répondent à des écritures adverses qui ont été communiquées le 13 mai 2024.
Les intimés soulèvent en outre l'irrecevabilité de l'exception d'incompétence en faveur du tribunal judiciaire de Lorient, sur le fondement des articles 15 et 915-2 du code de procédure civile, dès lors que l'assignation pour plaider à jour fixe se limitait à demander le renvoi devant le tribunal judiciaire de Mende.
La société Lancier et Me [J] exposent que l'adresse qui figure sur leurs conclusions correspond bien à leurs adresses effectives ainsi qu'à celle qui est indiquée sur le KBis de la société Lancier au 1er juillet 2024, de sorte que l'irrecevabilité des conclusions soutenues par les appelants, au visa de l'article 961 du code de procédure civile, est mal fondée.
Les intimés exposent qu'il convient, pour une bonne administration de la justice, d'instruire et de juger ensemble les demandes visant les sociétés [C] et [I] Industrie Bretagne, Sefiam et [C] et [I] Groupe, compte-tenu de ce que cette dernière est la holding des deux premières ; en application de l'article 101 du code de procédure civile, il convient d'éviter de diviser le litige, ce qui pourrait conduire à amener à des décisions contraires pour des situations pourtant similaires.
Les intimés sollicitent en outre la confirmation de l'ordonnance en ce qu'elle a indiqué que l'intérêt à agir n'était pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action. Ils indiquent que le dispositif de l'acte introductif d'instance vise bien les bénéficiaires de la condamnation et ils font valoir enfin qu'il ne saurait être tiré une irrecevabilité de l'absence de prétention alors que l'instance introduite devant le tribunal judiciaire de Nanterre ne vise qu'à démontrer l'existence du contrat de mandat, afin qu'il puisse être ensuite statué sur le recours formé devant le délégataire du premier président de la cour d'appel de Paris.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande, formée par les intimés, de rejet des conclusions n° 2 des appelantes :
L'article 15 du code de procédure civile dispose que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.
Au cas d'espèce, il convient de rappeler la chronologie suivante : l'assignation pour plaider à jour fixe a été délivrée, suivant procès-verbal de recherches infructueuses, le 29 mars 2024, tant en ce qui concerne la société Lancier qu'en ce qui concerne Me [J].
Me [J] et la société Lancier ont conclu pour leur part le 12 mai 2024.
Les appelants ont conclu à deux reprises le 2 juillet 2024, à la veille de l'audience, par deux jeux de conclusions différents entre lesquels sont venues s'intercaler les conclusions des intimés.
La différence entre l'assignation pour plaider à jour fixe et les premières conclusions en réplique du 2 juillet 2024 tient en l'ajout d'une fin de non-recevoir des conclusions de la société Lancier et de Me [J], en raison de leur adresse supposément erronée.
Pour peu diligents qu'ont été les appelantes, en attendant la veille de l'audience et plus d'un mois et demi après les conclusions, il n'en demeure pas moins que les intimés ont été mis en mesure de répondre sur la fin de non-recevoir nouvelle.
Quant au second jeu de conclusions communiqué également par les appelantes le 2 juillet 2024, il ne fait qu'ajouter une réponse à la fin de non-recevoir (fondée sur le caractère prétendument nouveau de l'exception d'incompétence en ce qu'elle est formée au profit du tribunal judiciaire de Lorient) qui n'a elle-même été soulevée par la société Lancier et Me [J] que dans leur second jeu de conclusions, du 2 juillet 2024, et non pas dans le premier jeu de conclusions du 12 mai.
La société Lancier et Me [J] sont dès lors mal fondés à soulever la tardiveté des conclusions de leurs adversaires communiquées à la veille de l'audience alors qu'eux-mêmes ont attendu cette même date pour soulever une nouvelle fin de non-recevoir.
Aussi convient-il de rejeter la demande tendant à écarter les conclusions des appelantes communiquées le 2 juillet 2024, soulevée par les intimés.
Sur la demande de rejet des conclusions des intimés :
En application des articles 960 et 961 du code de procédure civile, les conclusions doivent indiquer, s'agissant d'une personne physique, son domicile, et s'agissant d'une personne morale, son siège social. En l'espèce, si les appelantes ont effectivement fait délivrer l'assignation pour plaider à jour fixe tant à la société Lancier qu'à Me [J], au n° [Adresse 2] à [Localité 10], suivant procès-verbal de recherches infructueuses, il demeure que la société Lancier, dont Me [J] est le président, produit son extrait K bis à jour du 1er juillet 2024, dont il ressort que cette adresse est bien toujours la sienne. Aussi convient-il d'écarter cette demande de rejet, que les appelants n'ont au demeurant soulevée qu'à la veille de l'audience, étant observé que toutes les parties ont été en mesure de comparaître.
Sur la recevabilité de l'exception d'incompétence en faveur du tribunal judiciaire de Lorient :
L'ordonnance faisant l'objet du présent appel statue sur les exceptions d'incompétence soulevées tant en faveur du tribunal judiciaire de Mende qu'en faveur de celui de Lorient.
La déclaration d'appel porte notamment sur ces deux exceptions d'incompétence.
L'assignation délivrée pour plaider à jour fixe ne vise effectivement dans son dispositif que l'exception d'incompétence en faveur du tribunal judiciaire de Mende, les appelants se bornant à demander que le tribunal judiciaire de Nanterre, au regard des demandes formées à l'encontre de la société Sefiam, se déclare incompétent au profit du tribunal judiciaire de Mende ; aucun chef de dispositif ne porte sur un renvoi en faveur du tribunal judiciaire de Lorient.
Pour autant, il convient de retenir qu'il ne s'agit là que d'une erreur matérielle, dès lors que la partie de l'assignation relative à la discussion des moyens ne réduit pas le champ de la demande à la seule exception d'incompétence en faveur du tribunal judiciaire de Mende.
Aussi convient-il de rejeter cette fin de non-recevoir soulevée par la société Lancier et Me [J].
Sur les exceptions d'incompétence :
L'article 42 du code de procédure civile dispose, en ses deux premiers alinéas, que la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur et que, s'il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit, à son choix, la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux.
En l'espèce, il est constant que l'action engagée par Me [J] et la société Lancier comporte trois défendeurs, à savoir, pour prendre leur dénomination actuelle, les sociétés [C] et [I] Groupe, [C] et [I] Industrie Bretagne et Sefiam.
Au vu des indications des dernières conclusions des appelantes, non seulement la société [C] et [I] Groupe mais également la société [C] et [I] Industrie Bretagne ont toutes deux leur siège au même endroit, à savoir le n° [Adresse 1] à [Localité 9] ; seule la société Sefiam a son siège dans le département de la Lozère.
Dès lors, rien ne justifie le renvoi de l'affaire devant le tribunal judiciaire de Lorient alors que la société [C] et [I] Industrie Industrie Bretagne, qui correspond au nouveau nom de la société Navale et Industrie Lorientaise, a elle-même, selon ses propres indications, son siège social dans le département des Hauts-de-Seine. Dans l'assignation pour plaider à jour fixe qu'elle a fait délivrer le 29 mars 2024 dans le cadre de la présente procédure, la société [C] et [I] Industrie Bretagne indiquait une autre adresse, mais toujours à [Localité 9] (en l'occurrence le n° [Adresse 3]).
En outre, en application de l'article 42 du code de procédure civile, il est loisible à la société Lancier et à Me [J] d'engager leur action devant la juridiction du lieu où demeure l'un des défendeurs et, en l'occurrence deux des trois défendeurs.
Aussi convient-il de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté les exceptions d'incompétence.
Sur la demande, présentée comme étant subsidiaire, tendant à déclarer la société Lancier et Me [J] irrecevables en leurs prétentions pour défaut de qualité, sinon d'intérêt à agir :
L'ordonnance du délégataire du premier président de la cour d'appel de Paris a ordonné le sursis à statuer sur l'ensemble des demandes des parties jusqu'à ce que la juridiction de droit commun compétente ait définitivement statué sur l'existence du mandat revendiqué par la société Lancier et Me [J] à l'égard de chacune des trois sociétés, appelantes dans la présente procédure.
Dès lors, c'est à juste titre que le juge de première instance a retenu que Me [J] et la société Lancier justifiaient bien d'une qualité à agir, dès lors que l'instance a précisément pour but de caractériser l'existence d'un mandat qui leur aurait été confié par les appelantes. Ainsi, il n'importe pas, à ce stade de la procédure, que Me [J] ne produise aucune lettre de mission ni aucune facture qu'il aurait adressée à la société [C] et [I] Industrie Bretagne ; de même, il ne peut être retenu une irrecevabilité tenant à ce qu'il ne serait pas possible de déterminer qui de Me [J] ou de la société Lancier serait créancier d'éventuels honoraires, alors que la réponse sur ce point dépendra notamment de l'existence ou non d'un mandat pour chacune de ces parties, question qui a vocation à être tranchée par l'action engagée devant le tribunal judiciaire de Nanterre.
Aussi convient-il de rejeter les deux fins de non-recevoir soulevées par les appelantes et de confirmer ainsi l'ordonnance entreprise dans son intégralité.
Sur les mesures accessoires :
Parties succombantes à la présente instance, les sociétés [C] et [I] Groupe, [C] et [I] Industrie Bretagne et Sefiam seront condamnées aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
Rejette la fin de non-recevoir des conclusions des appelantes communiquées le 2 juillet 2024, soulevée par les intimés ;
Rejette la fin de non-recevoir des conclusions des intimés soulevée par les appelantes ;
Rejette la fin de non-recevoir soulevée par les intimés visant la demande de renvoi au tribunal judiciaire de Lorient ;
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Condamne les sociétés [C] et [I] Groupe, [C] et [I] Industrie Bretagne et Sefiam aux dépens ;
Rejette les demandes formées par chacune des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monsieur Thomas VASSEUR, Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière Le Président
DE
VERSAILLES
Code nac : 57A
Chambre civile 1-5
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 19 SEPTEMBRE 2024
N° RG 24/01545 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WMYQ
AFFAIRE :
SAS [C] ET [I] INDUSTRIE BRETAGNE
...
C/
[F] [J]
...
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 08 Février 2024 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NANTERRE
N° RG : 22/03789
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 19.09.2024
à :
Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU, avocat au barreau de VERSAILLES (620)
Me Mélina PEDROLETTI, avocat au barreau de VERSAILLES (626)
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SAS [C] ET [I] INDUSTRIE BRETAGNE
anciennement dénommée 'SOCIETE NAVALE ET INDUSTRIE LORIENTAISE', prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 7]
SAS [C] ET [I] GROUPE
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 7]
SAS SEFIAM
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentant : Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - N° du dossier 005806
Postulant: [L] [G]
APPELANTES
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Monsieur [F] [J]
né le 08 Novembre 1991 à [Localité 8] (78)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 5]
S.A.S. LANCIER
Anciennement dénommée AKORIS AVOCATS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
N° SIRET : 839 15 1 7 92
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 - N° du dossier 26414
Plaidant : Me William MAK, du barreau de Paris (G0755)
INTIMES
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Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Juillet 2024, Monsieur Thomas VASSEUR, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Monsieur Thomas VASSEUR, Président,
Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère,
Madame Marina IGELMAN, Conseillère,
qui en ont délibéré,
Greffière lors des débats : Mme Elisabeth TODINI
EXPOSE DU LITIGE
Avant de devenir avocat en 2017, Me [J] travaillait au sein de la société CFIDEV, devenue Akoris Croissance et Finance. Cette société, spécialisée notamment dans le conseil en acquisition d'entreprises, se voyait confier des missions par des sociétés appartenant au groupe de sociétés fondé par Mme [C] et M. [I], comprenant notamment la société Sefiam et la société Navale et Industrie Lorientaise.
Au mois d'avril 2018, Me [J] a fondé la société Akoris Avocats et indique avoir travaillé, sans pour autant faire souscrire de conventions d'honoraires, pour les sociétés du groupe [C] et [I] jusqu'au mois de septembre 2018.
La société Akoris Avocats a émis quatre factures à l'ordre de la société [C] [I] et Industrie, pour un montant total de 53.798,62 euros TTC, une facture à l'ordre de la société Navale et Industrie Lorientaise pour un montant total de 24.000 euros TTC et deux factures à l'ordre de la société SEFIAM pour un montant total de 6.360 euros TTC.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 13 décembre 2018, la société Akoris Avocats a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris d'une demande en fixation de ses honoraires à l'encontre de la société [C] [I] et Industrie, de la société Navale et Industrie Lorientaise et de la société SEFIAM.
Par décision du 22 mai 2019, le délégataire du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris a :
débouté la société Akoris Avocats de ses demandes de fixation d'honoraires à l'encontre des sociétés [C] et [I] Industrie, Navale et Industrie Lorientaise et Sefiam, en l'absence de toute indication et preuves des diligences ayant pu être accomplies par la société Akoris Avocats au profit de ces trois sociétés, à compter de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés jusqu'à son dessaisissement ;
rejeté toutes autres demandes plus amples ou complémentaires ;
dit que les frais de signification de la décision, s'il y a lieu, seront à la charge de la société Akoris Avocats.
La société Akoris Avocats a formé un recours contre cette décision.
Par ordonnance (RG 19/00365) du 17 février 2022, la cour d'appel de Paris a :
déclaré recevable le recours formé par la société Akoris Avocats à l'encontre de la décision du bâtonnier de [Localité 10] du 22 mai 2019 ;
ordonné le sursis à statuer sur l'ensemble des demandes présentées par les parties, jusqu'à ce que la juridiction de droit commun compétente ait définitivement statué sur l'existence du mandat revendiqué par la société Akoris Avocats et par Me [J], à l'égard des sociétés [C] et [I] Industrie, Sefiam et Navale et Industrie Lorientaise ;
invité les parties à saisir la juridiction compétente pour trancher cette question préalable ;
renvoyé le dossier à l'audience du 16 juin 2022 ;
réservé les dépens.
Par acte du 19 avril 2022, la société Akoris Avocats et M. [J] ont fait assigner les sociétés [C] et [I] Industrie, Navale et Industrie Lorientaise et SEFIAM devant le tribunal judiciaire de Nanterre afin qu'il soit jugé que ces dernières leur ont confié la mission de les assister, de les représenter et de les conseiller.
Les sociétés Sefiam et [C] et [I] Industrie Bretagne ont chacune soulevé l'incompétence du tribunal judiciaire de Nanterre au profit respectivement de ceux de Mende et de Lorient.
Par ordonnance (RG 22/03789) rendue le 8 février 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nanterre a :
rejeté les exceptions d'incompétence soulevées par la société [C] et [I] Industrie Bretagne, anciennement dénommée société Navale et Industrie Lorientaise et la société Sefiam ;
rejeté les fins de non-recevoir soulevées par les sociétés [C] [I] et Industrie, [C] et [I] Industrie Bretagne, anciennement dénommée société Navale et Industrie Lorientaise et Sefiam ;
condamné in solidum les sociétés [C] [I] et Industrie, [C] et [I] Industrie Bretagne, anciennement dénommée société Navale et Industrie Lorientaise et Sefiam à payer à Me [J] et de la société Akoris Avocats la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
réservé les dépens ;
renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 13 juin 2024 pour les conclusions au fond des sociétés [C] [I] et Industrie, [C] et [I] Industrie Bretagne, anciennement dénommée société Navale et Industrie Lorientaise et SEFIAM.
Par déclaration reçue au greffe le 4 mars 2024, la société [C] et [I] Industrie Bretagne, anciennement dénommée société Navale et Industrie Lorientaise, la société [C] et [I] Groupe et la société Sefiam ont interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de dispositif et sollicité, conformément à l'article 84 du code de procédure civile, l'autorisation d'assigner la société Akoris Avocats et Me [J] à jour fixe, ce qui leur a été accordé par une ordonnance du 21 mars 2024.
Lors de l'audience du 3 juillet 2024, la société [C] et [I] Industrie Bretagne, anciennement dénommée société Navale et Industrie Lorientaise, la société [C] et [I] Groupe et la société Sefiam, développant les termes de leurs conclusions n° 2 remises le 2 juillet 2024, auxquelles il est renvoyé s'agissant des moyens qui y sont développés, demandent à la cour d'appel, au visa des articles 4, 31, 42, 83, 85, 122 et suivants, 700 et 917 du code de procédure civile, de :
'- déclarer les requérantes recevables et bien fondées en leurs appels des 04 mars 2024 à 19 h 29 et 19 h 44 et du 11 mars 2024,
- en ordonner la jonction,
y faisant droit,
- vu l'article 961 du CPC, déclarer les conclusions signifiées par les intimés le 12 mai 2024 irrecevable en raison de l'adresse inexacte y mentionnée,
- infirmer en toutes ses dispositions ladite ordonnance de mise en état rendue le 08 février 2024 par la 7ème chambre du tribunal judiciaire de Nanterre,
et statuant à nouveau,
- déclarer le tribunal judiciaire de Nanterre, au regard des demandes formées à l'encontre de SEFIAM incompétent au profit du tribunal judiciaire de Mende,
- déclarer le tribunal judiciaire de Nanterre, au regard des demandes formées à l'encontre de la société [C] et [I] Industrie Bretagne, anciennement dénommée société Navale et Industrie Lorientaise, incompétent au profit du tribunal judiciaire de Lorient,
- subsidiairement et en tout état de cause, déclarer les demandeurs irrecevables en leurs prétentions pour défaut de qualité sinon d'intérêt à agir,
- débouter tant M. [F] [J] que la SASU Lancier, anciennement dénommée [J] Avocat et précédemment Akoris Avocats, de tous moyens ou prétentions plus amples ou contraires au présent dispositif,
- condamner chacun des demandeurs à payer à chaque requérante une première somme de 820 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et une seconde somme de 1.500 euros en cause d'appel à chacune des requérantes,'
Les trois appelantes soulèvent en premier lieu l'irrecevabilité des conclusions adverses, en exposant que les assignations à fin d'appel à jour fixe ont été signifiées suivant procès-verbal de recherches infructueuses à une adresse qui est pourtant reprise par les intimés dans leurs écritures, lesquelles sont dès lors irrecevables car ne correspondant pas à l'adresse effective de ces derniers.
S'agissant des exceptions d'incompétence, elles indiquent en premier lieu que la société [C] et [I] Industrie Bretagne, anciennement dénommée société Navale et Industrie Lorientaise, a bien soulevé en première instance l'exception d'incompétence au profit du tribunal judiciaire de Lorient, cette exception d'incompétence figurant bien dans la partie des motifs des conclusions, le fait qu'elle n'ait pas été reprise dans le dispositif des conclusions ne procédant que d'une simple erreur matérielle. Ainsi, selon elles, aucune irrecevabilité ne saurait être retenue à ce titre.
Elles indiquent que le fait pour elles d'être membres d'un même groupe de sociétés ne saurait avoir pour conséquence de supprimer la personnalité morale de chacune d'elles et que le risque allégué de contrariété de décision n'existe pas dès lors qu'il ne peut nullement se déduire du fait que l'une d'elles aurait confié une mission spécifique à un prestataire, qu'une autre des sociétés du groupe aurait confié une mission distincte au même prestataire. Elles en déduisent qu'il n'y aurait dès lors aucune contrariété à juger que l'une des sociétés a confié une mission à l'un des intimés, tout en jugeant qu'une autre des sociétés du groupe ne les a pas mandatés. Les appelantes considèrent ainsi que le juge de la mise en état a méconnu les dispositions de l'article 42 du code de procédure civile.
S'agissant de la question de l'intérêt à agir, les appelantes considèrent que Me [J] en est dépourvu, dès lors qu'il demande la condamnation de la société [C] et [I] Industrie Bretagne, sans produire la moindre facture ni la moindre lettre de mission la concernant.
Enfin, les appelantes soulèvent l'irrecevabilité des demandes formées par Me [J] et la société Akoris Avocats en exposant que ces derniers n'indiquent ni lequel des deux a été mandaté ni au titre de quelle prestation.
Dans leurs dernières conclusions n° 2, également déposées le 2 juillet 2024, auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. [J] et la société Lancier (anciennement la société Akoris Avocats), demandent à la cour, au visa des articles 15, 101, 562 et 915-2 du code de procédure civile, de :
'à titre liminaire,
- prononcer l'irrecevabilité des conclusions récapitulatives d'appelants des sociétés du groupe TGI, nommément la société [C] et [I] Industrie, la société Navale et Industrie Lorientaise et la société Sefiam, communiquées le 2 juillet 2024 ;
Sur le fond,
- confirmer l'ordonnance du 8 février 2024 du juge de la mise en état de Nanterre en toutes ses dispositions ;
en tant que de besoin,
- débouter les sociétés du groupe TGI, nommément la société [C] et [I] Industrie, la société Navale et Industrie Lorientaise et la société SEFIAM de l'ensemble de leurs moyens, fins et prétentions dans le cadre du présent incident ;
en toute hypothèse
- condamner in solidum les sociétés du groupe TGI, nommément la société [C] et [I] Industrie, la société Navale et Industrie Lorientaise et la société SEFIAM à payer au cabinet Akoris Avocats et à Me [F] [J], la somme de 7.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner in solidum les sociétés du groupe TGI, nommément la société [C] et [I] Industrie, la société Navale et Industrie Lorientaise et la société SEFIAM aux entiers dépens, en ce compris la totalité des frais et honoraires d'huissier en cas d'exécution forcée de la décision à intervenir.
- dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans la décision à intervenir, dans l'hypothèse où l'exécution devrait être forcée par l'intermédiaire d'un huissier, les sommes retenues en application des articles A 444-10 à A 444-33 nouveaux du code de commerce (ex décret du 10 mai 2007 n°2007-774, portant modification du décret du 12 décembre 1996 n° 96/1080, tarif des huissiers), devront être entièrement supportées par les débiteurs, en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens'
Les intimés indiquent que compte-tenu du flot continu de dossiers confiés et de la relation de confiance et d'amitié qui avait été établie entre les mandataires sociaux du groupe TGI, d'une part, et Me [J], d'autre part, aucune convention d'honoraires n'avait été rédigée entre les parties. Au mois de septembre 2018, Me [J] indique avoir reçu le courrier du nouvel avocat des appelantes, ce qui a mis fin d'une manière qu'il considère comme étant brutale et vexatoire, à la relation qui existait jusqu'alors entre les parties.
D'un point de vue procédural, la société Lancier (nouveau nom de la société Akoris Avocats) et Me [J] demandent le rejet des conclusions de leurs adversaires communiquées le mardi 2 juillet 2024 après 19 heures, soit la veille de l'audience à 9 h 30, en exposant que ces conclusions répondent à des écritures adverses qui ont été communiquées le 13 mai 2024.
Les intimés soulèvent en outre l'irrecevabilité de l'exception d'incompétence en faveur du tribunal judiciaire de Lorient, sur le fondement des articles 15 et 915-2 du code de procédure civile, dès lors que l'assignation pour plaider à jour fixe se limitait à demander le renvoi devant le tribunal judiciaire de Mende.
La société Lancier et Me [J] exposent que l'adresse qui figure sur leurs conclusions correspond bien à leurs adresses effectives ainsi qu'à celle qui est indiquée sur le KBis de la société Lancier au 1er juillet 2024, de sorte que l'irrecevabilité des conclusions soutenues par les appelants, au visa de l'article 961 du code de procédure civile, est mal fondée.
Les intimés exposent qu'il convient, pour une bonne administration de la justice, d'instruire et de juger ensemble les demandes visant les sociétés [C] et [I] Industrie Bretagne, Sefiam et [C] et [I] Groupe, compte-tenu de ce que cette dernière est la holding des deux premières ; en application de l'article 101 du code de procédure civile, il convient d'éviter de diviser le litige, ce qui pourrait conduire à amener à des décisions contraires pour des situations pourtant similaires.
Les intimés sollicitent en outre la confirmation de l'ordonnance en ce qu'elle a indiqué que l'intérêt à agir n'était pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action. Ils indiquent que le dispositif de l'acte introductif d'instance vise bien les bénéficiaires de la condamnation et ils font valoir enfin qu'il ne saurait être tiré une irrecevabilité de l'absence de prétention alors que l'instance introduite devant le tribunal judiciaire de Nanterre ne vise qu'à démontrer l'existence du contrat de mandat, afin qu'il puisse être ensuite statué sur le recours formé devant le délégataire du premier président de la cour d'appel de Paris.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande, formée par les intimés, de rejet des conclusions n° 2 des appelantes :
L'article 15 du code de procédure civile dispose que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.
Au cas d'espèce, il convient de rappeler la chronologie suivante : l'assignation pour plaider à jour fixe a été délivrée, suivant procès-verbal de recherches infructueuses, le 29 mars 2024, tant en ce qui concerne la société Lancier qu'en ce qui concerne Me [J].
Me [J] et la société Lancier ont conclu pour leur part le 12 mai 2024.
Les appelants ont conclu à deux reprises le 2 juillet 2024, à la veille de l'audience, par deux jeux de conclusions différents entre lesquels sont venues s'intercaler les conclusions des intimés.
La différence entre l'assignation pour plaider à jour fixe et les premières conclusions en réplique du 2 juillet 2024 tient en l'ajout d'une fin de non-recevoir des conclusions de la société Lancier et de Me [J], en raison de leur adresse supposément erronée.
Pour peu diligents qu'ont été les appelantes, en attendant la veille de l'audience et plus d'un mois et demi après les conclusions, il n'en demeure pas moins que les intimés ont été mis en mesure de répondre sur la fin de non-recevoir nouvelle.
Quant au second jeu de conclusions communiqué également par les appelantes le 2 juillet 2024, il ne fait qu'ajouter une réponse à la fin de non-recevoir (fondée sur le caractère prétendument nouveau de l'exception d'incompétence en ce qu'elle est formée au profit du tribunal judiciaire de Lorient) qui n'a elle-même été soulevée par la société Lancier et Me [J] que dans leur second jeu de conclusions, du 2 juillet 2024, et non pas dans le premier jeu de conclusions du 12 mai.
La société Lancier et Me [J] sont dès lors mal fondés à soulever la tardiveté des conclusions de leurs adversaires communiquées à la veille de l'audience alors qu'eux-mêmes ont attendu cette même date pour soulever une nouvelle fin de non-recevoir.
Aussi convient-il de rejeter la demande tendant à écarter les conclusions des appelantes communiquées le 2 juillet 2024, soulevée par les intimés.
Sur la demande de rejet des conclusions des intimés :
En application des articles 960 et 961 du code de procédure civile, les conclusions doivent indiquer, s'agissant d'une personne physique, son domicile, et s'agissant d'une personne morale, son siège social. En l'espèce, si les appelantes ont effectivement fait délivrer l'assignation pour plaider à jour fixe tant à la société Lancier qu'à Me [J], au n° [Adresse 2] à [Localité 10], suivant procès-verbal de recherches infructueuses, il demeure que la société Lancier, dont Me [J] est le président, produit son extrait K bis à jour du 1er juillet 2024, dont il ressort que cette adresse est bien toujours la sienne. Aussi convient-il d'écarter cette demande de rejet, que les appelants n'ont au demeurant soulevée qu'à la veille de l'audience, étant observé que toutes les parties ont été en mesure de comparaître.
Sur la recevabilité de l'exception d'incompétence en faveur du tribunal judiciaire de Lorient :
L'ordonnance faisant l'objet du présent appel statue sur les exceptions d'incompétence soulevées tant en faveur du tribunal judiciaire de Mende qu'en faveur de celui de Lorient.
La déclaration d'appel porte notamment sur ces deux exceptions d'incompétence.
L'assignation délivrée pour plaider à jour fixe ne vise effectivement dans son dispositif que l'exception d'incompétence en faveur du tribunal judiciaire de Mende, les appelants se bornant à demander que le tribunal judiciaire de Nanterre, au regard des demandes formées à l'encontre de la société Sefiam, se déclare incompétent au profit du tribunal judiciaire de Mende ; aucun chef de dispositif ne porte sur un renvoi en faveur du tribunal judiciaire de Lorient.
Pour autant, il convient de retenir qu'il ne s'agit là que d'une erreur matérielle, dès lors que la partie de l'assignation relative à la discussion des moyens ne réduit pas le champ de la demande à la seule exception d'incompétence en faveur du tribunal judiciaire de Mende.
Aussi convient-il de rejeter cette fin de non-recevoir soulevée par la société Lancier et Me [J].
Sur les exceptions d'incompétence :
L'article 42 du code de procédure civile dispose, en ses deux premiers alinéas, que la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur et que, s'il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit, à son choix, la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux.
En l'espèce, il est constant que l'action engagée par Me [J] et la société Lancier comporte trois défendeurs, à savoir, pour prendre leur dénomination actuelle, les sociétés [C] et [I] Groupe, [C] et [I] Industrie Bretagne et Sefiam.
Au vu des indications des dernières conclusions des appelantes, non seulement la société [C] et [I] Groupe mais également la société [C] et [I] Industrie Bretagne ont toutes deux leur siège au même endroit, à savoir le n° [Adresse 1] à [Localité 9] ; seule la société Sefiam a son siège dans le département de la Lozère.
Dès lors, rien ne justifie le renvoi de l'affaire devant le tribunal judiciaire de Lorient alors que la société [C] et [I] Industrie Industrie Bretagne, qui correspond au nouveau nom de la société Navale et Industrie Lorientaise, a elle-même, selon ses propres indications, son siège social dans le département des Hauts-de-Seine. Dans l'assignation pour plaider à jour fixe qu'elle a fait délivrer le 29 mars 2024 dans le cadre de la présente procédure, la société [C] et [I] Industrie Bretagne indiquait une autre adresse, mais toujours à [Localité 9] (en l'occurrence le n° [Adresse 3]).
En outre, en application de l'article 42 du code de procédure civile, il est loisible à la société Lancier et à Me [J] d'engager leur action devant la juridiction du lieu où demeure l'un des défendeurs et, en l'occurrence deux des trois défendeurs.
Aussi convient-il de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté les exceptions d'incompétence.
Sur la demande, présentée comme étant subsidiaire, tendant à déclarer la société Lancier et Me [J] irrecevables en leurs prétentions pour défaut de qualité, sinon d'intérêt à agir :
L'ordonnance du délégataire du premier président de la cour d'appel de Paris a ordonné le sursis à statuer sur l'ensemble des demandes des parties jusqu'à ce que la juridiction de droit commun compétente ait définitivement statué sur l'existence du mandat revendiqué par la société Lancier et Me [J] à l'égard de chacune des trois sociétés, appelantes dans la présente procédure.
Dès lors, c'est à juste titre que le juge de première instance a retenu que Me [J] et la société Lancier justifiaient bien d'une qualité à agir, dès lors que l'instance a précisément pour but de caractériser l'existence d'un mandat qui leur aurait été confié par les appelantes. Ainsi, il n'importe pas, à ce stade de la procédure, que Me [J] ne produise aucune lettre de mission ni aucune facture qu'il aurait adressée à la société [C] et [I] Industrie Bretagne ; de même, il ne peut être retenu une irrecevabilité tenant à ce qu'il ne serait pas possible de déterminer qui de Me [J] ou de la société Lancier serait créancier d'éventuels honoraires, alors que la réponse sur ce point dépendra notamment de l'existence ou non d'un mandat pour chacune de ces parties, question qui a vocation à être tranchée par l'action engagée devant le tribunal judiciaire de Nanterre.
Aussi convient-il de rejeter les deux fins de non-recevoir soulevées par les appelantes et de confirmer ainsi l'ordonnance entreprise dans son intégralité.
Sur les mesures accessoires :
Parties succombantes à la présente instance, les sociétés [C] et [I] Groupe, [C] et [I] Industrie Bretagne et Sefiam seront condamnées aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
Rejette la fin de non-recevoir des conclusions des appelantes communiquées le 2 juillet 2024, soulevée par les intimés ;
Rejette la fin de non-recevoir des conclusions des intimés soulevée par les appelantes ;
Rejette la fin de non-recevoir soulevée par les intimés visant la demande de renvoi au tribunal judiciaire de Lorient ;
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Condamne les sociétés [C] et [I] Groupe, [C] et [I] Industrie Bretagne et Sefiam aux dépens ;
Rejette les demandes formées par chacune des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monsieur Thomas VASSEUR, Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière Le Président