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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-3, 19 septembre 2024, n° 21/06778

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Époux (U)

Défendeur :

Square's Group (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perret

Conseillers :

Mme Girault, M. Maumont

Avocats :

Me Zerhat, Me Debray, Me Warter

TJ Nanterre, 6e ch., du 27 août 2021, n°…

27 août 2021

FAITS ET PROCEDURE

Par acte sous seing privé du 20 novembre 2017, M. [B] [U] et Mme [L] [I] épouse [U] ont con'é à la SAS Square's Group, exerçant sous l'enseigne Square's (ci-après " la société Square's ") un mandat exclusif de vente portant sur leur bien immobilier sis [Adresse 1] à [Localité 4] (92), au prix net vendeur de 850.000 euros.

Les 10 et 12 décembre 2017, M. [K] [A] et Mme [F] [Z] épouse [A] ont visité ledit bien immobilier par l'entremise de la société Square's.

Le 15 décembre 2017, par le même intermédiaire qui leur avait fait signer le mandat exclusif, M. [W] [H], M. et Mme [U] ont conclu un mandat de vente simple, sans exclusivité, auprès de la société Aptitudes Immobilier, appartenant au même groupe que la société Square's.

A une date non précisée, M. et Mme [U] ont également consenti un mandat de vente non exclusif au profit de la société Davan exploitant sous l'enseigne Building Partners.

Le 19 décembre 2017, les époux [A] ont proposé aux époux [U] une offre au prix de 815.000 euros, frais d'agence inclus, par l'entremise de la société Davan.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 10 janvier 2018, dont l'avis de réception n'est pas communiqué, puis par lettre recommandée avec avis de réception du 18 janvier 2018, reçue le 24 janvier suivant, la société Square's a vainement mis en demeure les époux [U] d'avoir à lui régler la somme de " 43.250 euros " au titre de la clause pénale figurant au mandat, estimant que ces derniers avaient vendu leur bien aux époux [A] sans son concours, en violation des dispositions contractuelles.

Le 26 janvier 2018, les époux [U] ont signé devant notaire la promesse de vente de leur bien immobilier au profit des époux [A].

Contestant le refus des époux [U] de s'acquitter du montant de la clause pénale, par acte d'huissier délivré le 14 février 2018, la société Square's les a fait assigner en paiement devant le tribunal de Nanterre.

Par jugement du 27 août 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

- condamné solidairement M. [V] [U] et Mme [L] [I] épouse [U] à payer à la société Square's Group la somme de 42 500 euros,

- condamné in solidum M. [V] [U] et Mme [L] [I] épouse [U] à payer à la société Square's Group la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- prononcé l'exécution provisoire de la présente décision,

- condamné in solidum M. [V] [U] et Mme [L] [I] épouse [U] aux dépens dont distraction au profit de Me Maud-Elodie Egloff, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par acte du 15 novembre 2021, M. et Mme [U] ont interjeté appel du jugement et, par leurs dernières écritures du 22 juin 2022 prient la cour de :

- réformer le jugement entrepris,

- statuant à nouveau,

- dire que le mandat du 20 novembre 2017 consenti à la société Square's Group est nul et de nul effet,

- débouter la société Square's Group de l'intégralité de ses demandes,

- condamner la société Square's Group à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A cet effet, les appelants font valoir que :

- le mandat sur la base duquel la société Square's fonde son action ne comporte pas des mentions nécessaires à sa validité, qu'il s'agisse des coordonnées du médiateur compétent en cas de litige, ou du lieu de délivrance de la carte professionnelle ainsi que le nom et l'adresse du garant ;

- étant donné que le mandat a été conclu hors établissement, ils disposaient d'un droit de rétractation auquel ils ne pouvaient renoncer par contrat ; la clause de renonciation est donc nulle et entraine la nullité du mandat, à plus forte raison dès lors que le mandat ne comporte pas toutes les mentions relatives au droit de rétractation prescrites par la loi et que cette situation les a empêchés de prendre connaissance de leur droit et de se délier d'un mandat exclusif dont ils ne voulaient plus ;

- le mandat simple souscrit le 15 décembre 2017 indiquait expressément en clause particulière qu'il annulait et remplaçait le précédent en date du 20 novembre 2017 qui ne peut donc plus recevoir application ;

- ils ont eu affaire à M. [W] [H] qui ne dispose pas d'une carte professionnelle au nom de la société Square's, et aucun pouvoir n'est versé aux débats ; or, l'article 9 du décret du 20 juillet 1972, qui n'est pas applicable aux seuls agents commerciaux, exige une attestation pour justifier de la qualité et de l'étendue des pouvoirs de l'agent ;

- même si par extraordinaire la cour venait à considérer que le mandat n'est pas nul, la société Square's ne pourrait recevoir sa commission dès lors qu'aucune opération de vente relative à l'immeuble n'est intervenue par son entremise et elle ne pourrait non plus y prétendre, pour les mêmes raisons, sous couvert de l'application d'une clause pénale ;

- la clause pénale n'est pas mentionnée en caractères très apparents et n'est pas clairement rédigée, puisqu'il est impossible de déterminer quelle obligation elle vise à sanctionner ; elle ne peut donc recevoir application ;

- de plus, ils n'ont commis aucune faute puisqu'ils ont accepté l'offre des époux [A] avant de recevoir le rapport d'activité de la société Square's et qu'ils n'avaient pas été informés jusqu'alors de l'identité des personnes ayant visité leur bien, étant précisé que le rapport d'activité qui leur a été communiqué portait le numéro du second mandat conclu avec la société Aptitudes immobilier, non celui du mandat conclu avec la société Square's ;

- la demande formulée à titre subsidiaire par la société Square's, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, doit être rejetée en ce qu'elle est strictement identique à celle formulée sur le fondement de la clause pénale.

Par ses dernières conclusions du 20 avril 2022 la société Square's Group prie la cour de :

- confirmer le jugement,

- débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes,

- condamner solidairement M. [V] [U] et Mme [L] [I] épouse [U] à payer à la société Square's Group la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, elle fait valoir que :

- M. et Mme [U] s'étaient engagés, aux termes du mandat, à verser une indemnité compensatrice forfaitaire égale à la rémunération convenue en cas de négociation directe ou indirecte de la vente de leur bien à une personne présentée par elle ;

- il n'y a pas de nullité sans texte ; or, aucun texte ne sanctionne par la nullité du mandat le défaut de mention du lieu de délivrance de la carte professionnelle, étant précisé que l'absence d'une telle mention ne fait pas grief au mandant puisque depuis le 1er juillet 2015 il est possible d'avoir accès à toute information légale concernant l'agent immobilier au moyen du seul nom de la société ou de son numéro Siren ;

- l'omission de la mention prévue par le code de la consommation relative aux coordonnées du médiateur n'est pas non plus sanctionnée par la nullité du mandat ;

- outre que la nullité d'une clause de renonciation au droit de rétractation n'emporte pas la nullité du mandat dans son ensemble, et que celle-ci ne fait pas grief aux époux [U], il ressort des dispositions du code de la consommation qu'un renoncement exprès au droit de rétractation est autorisé à la demande du consommateur, ce qui a été le cas en l'espèce ;

- en application du principe de l'effet relatif des contrats, le mandat signé en second avec la société Aptitudes Immobilier ne peut avoir eu pour effet d'annuler le mandat souscrit en premier lieu avec la société Square's ;

- M. [H] n'est pas intervenu en vertu d'un mandat d'agent commercial, de sorte que l'article 9 du décret du 20 juillet 1972 ne saurait s'appliquer ; de plus, l'article ne sanctionne pas l'absence de l'attestation d'habilitation par la nullité du mandat ;

- non seulement la clause pénale figure en caractères gras et très apparents sur le mandat, mais en outre elle est parfaitement claire quant aux manquements qu'elle vise à sanctionner ;

- il résulte de la loi (article 6 de la loi Hoguet) et de la jurisprudence que l'application d'une clause pénale prévue au mandat ne saurait être conditionnée à la régularisation de la vente par l'entremise du mandataire ; la simple violation de ses obligations par le mandant suffit à en justifier la mise en 'uvre ;

- les époux [U] ont commis une faute en préférant traiter par l'entremise de la société Davan pour faire l'économie du montant des honoraires, et en redirigeant vers cette dernière les acquéreurs que la société Square's leur avait présentés.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Pour faire obstacle à l'action en paiement de la société Square's, qui repose sur la clause pénale du mandat exclusif de vente souscrit le 20 novembre 2017 par M. et Mme [U], ces derniers développent différents moyens de nullité qu'il convient d'examiner en premier lieu.

1. Sur l'exception de nullité du mandat

En dehors des domaines dans lesquels, pour être prononcée, la nullité doit être prévue par un texte, il est admis que le silence de la loi quant à la sanction associée à la violation d'une règle entourant la formation d'un contrat, ne fait pas obstacle au prononcé de la nullité toutes les fois où il apparait que l'intérêt que tend à sauvegarder cette règle revêt une importance majeure.

- Sur l'absence de certaines mentions devant figurer sur le mandat

Aux termes de l'article 92 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972, fixant les conditions d'application de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, dite loi Hoguet, l'agent immobilier est tenu de " faire figurer sur tous documents, contrats et correspondance à usage professionnel " notamment " le numéro et le lieu de délivrance de la carte professionnelle " et, " le cas échéant, le nom et l'adresse du garant ".

En l'espèce, s'il est exact que le mandat litigieux ne mentionne pas le lieu de délivrance de la carte professionnelle dont la société Square's est titulaire, figure en revanche sur celui-ci le cachet de l'agence immobilière ainsi qu'un numéro de carte professionnelle, soit des informations utiles et suffisantes concernant l'identité du mandataire, étant précisé, comme le relève à juste titre l'intimée, que depuis la création par décret n° 2015-703 du 19 juin 2015 du Fichier des professionnels de l'immobilier, ces seules informations permettent à toute personne intéressée de vérifier la qualité et l'étendue des pouvoirs du mandataire, ainsi que ses garanties financières.

L'absence de mentions précisant le lieu de délivrance de la carte professionnelle, le nom et l'adresse du garant n'ont donc pas pu préjudicier aux intérêts de M. et Mme [U] qui avaient accès à ces informations légales (pièce n° 10 Square's : extrait du fichier des professionnels de l'immobilier).

Par ailleurs, s'il est prévu, depuis le 1er juillet 2016, que " tout professionnel communique au consommateur, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat, les coordonnées du ou des médiateurs compétents dont il relève " (art. L. 616-1 du code de la consommation) et que " le professionnel communique au consommateur les coordonnées du ou des médiateurs de la consommation dont il relève, en inscrivant ces informations de manière visible et lisible sur son site internet, sur ses conditions générales de vente ou de service, sur ses bons de commande ou, en l'absence de tels supports, par tout autre moyen approprié " (article R. 616-1 du code de la consommation), cette exigence n'était pas prévue à peine de nullité du contrat à la date de signature du mandat exclusif de vente.

Or, la modification par l'ordonnance n° 2021-1734 du 22 décembre 2021 de l'article L. 221-5 du code de la consommation, qui établit la liste des informations devant figurer sur le contrat conclu hors établissement, à peine de nullité, en application des articles L. 221-9 et L. 242-1 du même code, et parmi lesquelles figure, à compter de cette date, " la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI ", dénote qu'antérieurement à la réforme, l'obligation professionnelle prévue par l'article L. 616-1 du même code n'était pas perçue par le législateur comme un formalisme protecteur du consommateur, susceptible de justifier l'annulation du contrat de mandat, et la perte du droit à rémunération du mandataire, en l'absence de clause de médiation.

Des exigences de sécurité juridique imposent donc, en l'espèce, de ne pas faire supporter par le professionnel rédacteur du mandat litigieux, signé le 20 novembre 2017, les conséquences d'un manquement qui n'a été sanctionné par la nullité du contrat qu'à partir de l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 22 décembre 2021.

C'est donc à juste titre que le premier juge a écarté les moyens de nullité pris de l'absence des mentions du lieu de délivrance de la carte professionnelle, du nom et de l'adresse du garant comme des coordonnées du médiateur.

- Sur la renonciation au droit de rétraction et ses conséquences

L'article L. 221-18 prévoit pour les contrats conclus entre un consommateur et un professionnel, hors établissement et portant sur un service, que le consommateur bénéficie d'un délai de rétractation de quatorze jours à compter de la conclusion du contrat pour se rétracter.

Si l'article L. 221-25 du code de la consommation offre la faculté au consommateur qui souhaiterait que l'exécution de la prestation de service commence avant la fin du délai de rétractation de renoncer à son droit de rétractation, il est prévu que celle-ci prenne la forme d'une " demande expresse ", recueillie " sur papier ou sur support durable pour les contrats conclus hors établissement ".

Eu égard à l'article L. 242-3 du même code, aux termes duquel " est nulle toute clause par laquelle le consommateur abandonne son droit de rétractation défini à l'article L. 221-18 ", il s'en déduit qu'une clause du contrat, fût-elle manuscrite et introduite au titre des " conditions particulières " du contrat, est nulle dès-lors qu'il n'est pas établi qu'elle émane du consommateur ou qu'elle résulte d'une demande expresse de sa part, recueillie sur tout autre support que le mandat.

En l'espèce, le mandat litigieux comporte sous la mention préimprimée " IV - conditions particulières " la mention manuscrite suivante : " renonce au délai de rétractation afin que le mandat soit valide dès à présent ". Or, cette seule mention ne fait pas la preuve d'un action positive de M. et Mme [U] pouvant s'analyser comme une demande expresse recueillie dans les conditions prévues par la loi.

C'est donc à raison que le tribunal a déclaré nulle une telle clause.

Cependant, l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, dispose : " Lorsque la cause n'affecte qu'une ou plusieurs clauses du contrat, elle n'emporte nullité de l'acte tout entier que si cette ou ces clauses ont constitué un élément déterminant de l'engagement des parties ou de l'une d'elles.

Le contrat est maintenu lorsque la loi répute la clause non écrite, ou lorsque les fins de la règle méconnue exigent son maintien. "

En l'espèce, alors que dans ses écritures, la société Square's soutient que la renonciation s'explique par la volonté de M. et Mme [U] de vendre au plus vite leur bien, étant donné qu'ils venaient de se porter acquéreurs d'un autre bien (pièce n°8 Square's, offre d'achat du 16 novembre 2017), ces derniers font valoir au contraire, dans leurs écritures, qu'ils " n'avaient nullement conditionné l'acquisition de leur nouvel appartement à la vente du bien objet du présent litige, ni ne craignaient que leur acquisition soit retardée du fait de la purge du droit de rétractation lié à la vente de leur propre appartement "

.

M. et Mme [U] ne démontrent donc pas que la renonciation à leur droit de rétractation était pour eux une condition impulsive et déterminante de leur engagement justifiant d'annuler le contrat dans son ensemble.

Dans ces circonstances, le mandat est réputé s'être maintenu expurgé de la clause illicite, donnant ainsi plein effet aux conditions générales, en particulier l'" article XIV - faculté de rétractation du mandant " dont M. et Mme [U] étaient en réalité en droit de se prévaloir.

Si les appelants expliquent que, de fait, c'est l'existence de la clause illicite qui les a empêchés d'exercer leur droit de rétractation, reprochant ainsi à la société Square's un défaut d'information, il doit être relevé que l'article L. 221-20 du code de la consommation prévoit expressément que " lorsque les informations relatives au droit de rétractation n'ont pas été fournies au consommateur dans les conditions prévues au 2° de l'article L. 221-5, le délai de rétractation est prolongé de douze mois à compter de l'expiration du délai de rétractation initial, déterminé conformément à l'article L. 221-18. ".

Outre que la sanction prévue n'est donc pas la nullité du contrat, mais la prorogation du délai de rétractation, il est relevé à juste titre par l'intimée que M. et Mme [U] n'ont jamais souhaité se rétracter, même au-delà du délai de 14 jours prévu par la loi et rappelé par les conditions générales, de sorte que la clause litigieuse ne leur a causé, de fait, aucun grief.

Le tribunal doit donc être approuvé en ce qu'il a écarté le moyen de nullité pris de la clause de renonciation au droit de rétractation.

- Sur l'annulation prétendue du mandat exclusif par l'effet de la signature du mandat simple de vente

L'article 1178, alinéa 1er du code civil, énonce : " Un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d'un commun accord. "

En l'espèce, le mandat simple du 15 décembre 2017 a été souscrit auprès de la société Aptitudes immobilier. Bien que cette société appartienne au même groupe que la société Square's et même si la conclusion de ce mandat s'est faite par le même intermédiaire, M. [W] [H], la mention suivant laquelle " ce mandat annule et remplace le mandat n° 50 677 du 20 novembre 2017 " ne peut recevoir application, puisque la nullité ici consentie, outre qu'elle ne repose pas sur le constat d'un manquement aux conditions de validité du mandat précédemment conclu, se rapporte à un contrat passé entre des parties différentes, en ce que le mandataire diffère.

Ce moyen de nullité opposé en cause d'appel doit donc être écarté.

- Sur le défaut d'attestation d'habilitation de M. [W] [H]

L'article 1er de la loi Hoguet énonce que les dispositions de cette loi s'appliquent aux personnes physiques ou morales qui, d'une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours, même à titre accessoire, aux opérations portant sur les biens d'autrui et relatives, notamment, à la vente d'immeubles bâtis.

L'article 6 de la même loi précise le formalisme entourant les conventions qui, à l'instar du mandat exclusif de vente, sont conclues avec le concours de ces personnes.

S'il est précisé par l'article 3 de la même loi que l'activité décrite par l'article 1er ne peut être exercée que par les personnes physiques ou morales titulaires d'une carte professionnelle, l'article 4 prévoit que tout titulaire de la carte professionnelle peut habiliter une autre personne pour négocier, s'entremettre ou s'engager pour son compte. Dans ce cas, il est prévu que cette personne " justifie d'une compétence professionnelle, de sa qualité et de l'étendue de ses pouvoirs dans les conditions fixées par décret en conseil d'Etat ".

L'article 9 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 énonce ainsi : " Toute personne physique habilitée par un titulaire de la carte professionnelle à négocier, s'entremettre ou s'engager pour le compte de ce dernier, justifie de la qualité et de l'étendue de ses pouvoirs par la production d'une attestation conforme à un modèle déterminé par arrêté du ministre chargé de l'économie.

L'attestation est visée par le président de la chambre de commerce et d'industrie territoriale ou de la chambre départementale d'Ile-de-France compétente en application du I de l'article 5, puis délivrée par le titulaire de la carte professionnelle. Les dispositions du II de l'article 3 sont applicables pour le visa du président de la chambre de commerce et d'industrie. ".

Son dernier alinéa précise que : " Les nom et qualité du titulaire de l'attestation doivent être mentionnés dans les conventions visées à l'article 6 de la loi du 2 janvier 1970 susvisée lorsqu'il intervient dans leur conclusion, ainsi que sur les reçus de versements ou remises lorsqu'il en délivre ".

En application de ces dispositions d'ordre public, la Cour de cassation a ainsi pu considérer qu'à défaut de mention, dans le mandat, du nom et de la qualité de la personne habilitée par un titulaire de la carte professionnelle à négocier, s'entremettre ou s'engager pour le compte de ce dernier, cette convention était nulle (Civ. 1ère, 12 nov. 2020, n° 19-14.025).

Pour voir écarter le moyen de nullité selon lequel la société Square's ne justifie pas que M. [H], agissant pour le compte de celle-ci, bénéficiait de l'attestation d'habilitation visée par les articles précités, l'intimée se borne à évoquer le " prétendu défaut de carte professionnelle de M. [W] [H] " et à reprendre in extenso les motifs du tribunal selon lesquels l'article 9 précité n'avait pas vocation à s'appliquer en ce qu'il ressortait du mandat que M. [W] [H] n'était pas intervenu en qualité d'agent commercial et qu'à supposer qu'il ait agi en cette qualité, l'absence d'attestation d'habilitation ne devait pas être sanctionnée par la nullité du mandat.

La cour constate, à la suite du tribunal, que le nom de M. [W] [H] figure dans l'encadré " cachet de l'agence " et que la case " agent commercial " n'est pas cochée, mais observe que M. [W] [H] a agi en qualité de représentant de la société Square's, son nom étant précédé de la mention préimprimée " représentée par ".

Il en résulte que M. [W] [H] est intervenu dans la signature du mandat " pour le compte " de la société Square's titulaire de la carte professionnelle, au sens de l'article 9 du décret de 1972, et ce, sans qu'il soit par ailleurs justifié qu'il était lui-même titulaire d'une carte professionnelle. La loi ne distinguant pas et ne réservant pas l'exigence d'une attestation d'habilitation aux seuls agents commerciaux, il était attendu de l'agence qu'elle justifie de l'attestation délivrée à M. [W] [H] l'habilitant à agir pour son compte. En effet, bien que l'intimée ne précise pas dans ses conclusions en quelle qualité M. [W] [H] est intervenu, il doit être rappelé que l'attestation délivrée par l'agent immobilier titulaire de la carte professionnelle a pour objet de justifier auprès de la clientèle de la qualité et de l'étendue des pouvoirs et s'applique à celui-ci indifféremment de son statut de salarié ou de non-salarié indépendant de l'agent.

Alors que la charge de la preuve des pouvoirs de son collaborateur pèse sur la société Square's, celle-ci verse comme seule pièce utile à hauteur d'appel, un extrait du fichier des professionnels de l'immobilier, édité le 13 août 2018, visant la carte professionnelle de la société Square's en cours de validité à la date de signature du mandat, qui ne mentionne ni le nom de M. [W] [H] ni l'existence d'une attestation d'habilitation délivrée à ce dernier antérieurement à la conclusion du mandat. Seuls figurent les noms des représentants légaux de la société, en l'occurrence Mmes [C] et [R] [H] manifestement membres de la même famille.

Dans ces circonstances, et alors que les dispositions légales et réglementaires précitées visent à organiser l'accès à la profession d'agent immobilier, à assurer la compétence et la moralité des agents immobiliers et à protéger le mandant qui doit pouvoir s'assurer que la personne à qui il confie le mandat est bien habilitée par l'agent immobilier, titulaire de l'attestation légale et donc des pouvoirs nécessaires, la violation des dispositions précitées doit conduire à l'annulation du mandat exclusif de vente, en l'absence d'attestation d'habilitation et d'indication dans le mandat de la qualité de personne habilitée de M. [W] [H].

Le jugement déféré sera infirmé pour ces motifs.

2. Sur l'action en paiement

Aux termes de l'article 1178, alinéa 2, le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé.

Compte tenu de la nullité du mandat prononcée pour les motifs ci-dessus exposés, il ne peut être fait droit à la demande de la société Square's de voir appliquer la clause pénale du contrat,

de même que ne pourrait être accueillie, si elle avait été réitérée à hauteur d'appel, une quelconque demande subsidiaire fondée sur la responsabilité contractuelle.

3. Sur les autres demandes

La société Square's succombant, elle sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, en application de l'article 699 du code civil.

L'équité commande de faire droit à la demande de M. et Mme [U], au titre de leurs frais irrépétibles, et de condamner en conséquence la société Square's à leur régler la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Prononce la nullité du mandat exclusif de vente du 20 novembre 2017 consenti à la société Square's Group,

Déboute en conséquence la société Square's Group de ses demandes,

Condamne la société Square's Group aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la société Square's Groupe à régler à M. [V] [U] et Mme [L] [I] épouse [U], ensemble, la somme unique de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Florence PERRET, Président et par Madame FOULON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.