Décisions
CA Paris, Pôle 5 - ch. 9, 19 septembre 2024, n° 23/19042
PARIS
Arrêt
Autre
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 9
ARRET DU 19 SEPTEMBRE 2024
(n° /2024, 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 23/19042 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIS5X
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 09 Novembre 2023 - Juge commissaire - Tribunal de commerce de PARIS - N° d'affaire 2023055463 - n° de greffe P202201568
APPELANTS
Monsieur [Z] [F]
Né le [Date naissance 3] 1955 à [Localité 10] (ITALIE)
De nationalité française
Demeurant [Adresse 6]
[Localité 9]
Madame [H] [F] Née [K]
Née le [Date naissance 4] 1961 à [Localité 11] (35)
De nationalité française
Demeurant [Adresse 6]
[Localité 9]
Représentés par Me Thierry SERRA de la SELARL SERRA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : E0280
Assistés de Me François FAUVET de la SARL FLG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0932
INTIMEES
S.E.L.A.F.A. MJA prise en la personne de Maître [P] [C], ès-qualités de Mandataire judiciaire Liquidateur de la société CASA DI [V]
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro D 440 672 509
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentée par Me Vincent GALLET du cabinet VINCENT GALLET, avocat au barreau de PARIS, toque : E1719
S.C.I. COREAL TRIANGLE anciennement dénommée [V] - TREMOILLE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 478 048 606
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocate au barreau de PARIS, toque : L0056
Assistée de Me Patricia AUBIJOUX du cabinet T&A Associé, avocate au barreau de VERSAILLES, toque : 175 substituant Me Laurent AZOULA, du cabinet T&A Associé, avocat au barreau de PARIS, toque R76
S.A.R.L. CASA DI [V] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro B 407 707 173
[Adresse 1]
[Localité 7]
Signifiée à personne mais n'ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 30 Mai 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Sophie MOLLAT, Présidente de chambre,
Mme Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère
Mme Caroline TABOUROT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRET :
Réputé contradictoire
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
signé par Sophie MOLLAT, présidente de chambre, et par Yvonne TRINCA, greffière présente lors de la mise à disposition.
Exposé des faits et de la procédure
La SCI [V] Tremoille a été créée par M. [V] [A] et sa mère le 11 mars 2004, tous deux associés au sein de cette structure, M. [V] [A] en assumant seul la gérance.
Cette société a pour activité l'acquisition des murs d'un local commercial exploité sous la forme de restaurant situé à [Adresse 1], la propriété, l'administration et l'exploitation de ce bien dont elle sera propriétaire et, généralement, toutes opérations civiles pouvant se rattacher directement ou indirectement à cet objet ou susceptible d'en favoriser le développement et ne modifiant pas le caractère civil de cette société.
La société Casa Di [V], qui est une SARL immatriculée au RCS de Paris en date du 13 juin 1996, exploitait un fonds de commerce de restaurant sis [Adresse 1].
Son gérant est M. [V] [A].
Au cours de l'année 2018, M. et Mme [F] sont devenus associés de la SARL Casa Di [V] à hauteur de 15% du capital de celle-ci.
Le solde du capital de cette SARL était détenu par les consorts [A] (M. [V] [A] pour 53,2% et M. [B] [A], son père, pour 32,8%).
Le capital de la société Casa Di [V], d'un montant de 7 622,45 euros, est divisé en 500 parts sociales réparties en dernier lieu entre :
M. [V] [A] : 266 parts ;
M. [B] [A] : 164 parts ;
M. [Z] [F] : 35 parts ;
Mme [H] [K] épouse [F] : 35 parts.
En leur qualité d'associés les époux [F] ont procédé à différents apports en compte courant au sein de la SARL Casa di [V].
Par un accord de cautionnement du 20 avril 2019, la SCI [V] Tremoille s'est portée caution solidaire du remboursement par la SARL Casa di [V] des apports consentis par les époux [F], à hauteur de 230 000 euros.
Plusieurs cessions des parts de la SCI [V] Tremoille sont intervenues et, à ce jour, les consorts [A] ne détiennent plus aucune participation au sein de cette SCI.
La SCI [V] Tremoille a depuis lors changé de dénomination et se nomme désormais « SCI Coreal Triangle ».
Les relations entre les époux [F] et le gérant M. [V] [A], au sein de la société Casa Di [V], se sont ensuite détériorées.
Par actes d'huissier du 25 août 2022, les époux [F] ont fait délivrer deux sommations à la SARL Casa di [V], dans lesquelles ils mettaient en demeure la SARL Casa di [V] d'avoir à rembourser leurs comptes courants d'associés, pour un montant de 14 071,93 euros pour Mme [F] et de 167 454,01 euros pour M. [F]. Aucun règlement n'est intervenu.
Par jugement du 30 août 2022, le tribunal de commerce de Paris a ouvert, sur déclaration de cessation des paiements, une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Casa Di [V] et désigné la SELAFA MJA, en la personne de Maître [P] [C], en qualité de liquidateur judiciaire.
Par deux courriers en date du 26 septembre 2022, les consorts [F], par l'intermédiaire de leur conseil, ont déclaré entre les mains de la SELAFA MJA, ès qualités, une créance de compte courant d'associé, pour un montant de 167 400 euros pour M. [Z] [F] et de 14 017,92 euros pour Mme [H] [F].
Par deux lettres de contestation de créance en date du 31 janvier 2023, la SELAFA MJA, ès qualités, a informé le conseil des époux [F] de la contestation des créances ainsi déclarées, au motif notamment, que les éléments justificatifs du compte courant d'associé n'ont pas été fournis.
Par courriers du 10 février 2023, le conseil des consorts [F] a répondu à ces lettres de contestation de créance.
Le juge-commissaire, par ordonnance du 7 septembre 2023, a admis les créances litigieuses à titre chirographaire.
Le 28 septembre 2023, la SCI [V] Tremoille, nouvellement dénommée Coreal Triangle, entendant s'opposer à la mise en 'uvre de l'engagement de caution invoqué par les consorts [F] et faisant l'objet d'une procédure pendante devant le tribunal judiciaire de Paris, a déposé au greffe du tribunal de commerce de Paris un recours contre l'état des créances déposé, par lequel elle sollicitait le rejet des créances des consorts [F].
Par ordonnance du 09 novembre 2023, le juge-commissaire du tribunal de commerce de Paris a :
Admis le recours qui est recevable, bien fondé ;
Rejeté les créances des consorts [F].
Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Paris en date du 28 novembre 2023, M. [Z] [F] et Mme [H] [F] ont interjeté appel de cette ordonnance.
*****
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 décembre 2023, M. [Z] [F] et Mme [H] [F] demandent à la cour, au visa des articles R. 624-8, L. 622-24 et suivants, L. 624-1 et suivants du code de commerce, 9, 12 et 582 du code de procédure civile et des pièces, de :
Recevant M. et Mme [F],
Réformant l'ordonnance du 9 novembre 2023 de M. le juge-commissaire à la liquidation judiciaire de
la SARL Casa Di [V], et statuant à nouveau,
Déclarer la SCI [V] Tremoille irrecevable en sa réclamation formée par elle le 28 septembre 2023.
Subsidiairement,
Débouter la SCI [V] Tremoille en ce que sa réclamation est mal fondée.
En toute hypothèse,
Dire que les créances resteront mentionnées à l'état du passif dans les termes déclarés, certifiés et déjà admis le 7 septembre 2023, soit :
Pour M. [F] 167 400 euros (cent soixante-sept mille quatre cents euros),
pour Mme [F] 14 017,92 euros (quatorze mille dix-sept euros et quatre-vingt- douze centimes) ;
Condamner la SCI [V] Tremoille à payer à chacun des concluants la somme de 4 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la SCI [V] Tremoille en tous les dépens dont le recouvrement sera poursuivi selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 05 mars 2024, la SCI Coreal Triangle anciennement dénommée [V]-Tremoille demande à la cour, au visa de l'article R. 624-8 du code de commerce, de :
Juger la demande de la SCI Coreal Triangle, anciennement dénommée [V]-Tremoille, recevable et bien fondée.
Y faisant droit,
Confirmer l'ordonnance rendue par le juge-commissaire près le tribunal de commerce de Paris le 09 novembre 2023 ;
Débouter M. et Mme [F] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.
En tout état de cause,
Condamner M. et Mme [F], in solidum, au paiement de la somme de 4 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens dont le recouvrement sera poursuivi par la SELARL 2H Avocats, en la personne de Me Audrey Schwab, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 janvier 2024, la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [P] [C], ès qualités de liquidateur de la SARL Casa Di [V], demande à la cour, au visa de l'article R. 624-8 du code de commerce, de :
Donner acte à la SELAFA MJA, en la personne de Me [P] [C], ès qualités de liquidateur de la société Casa Di [V], de ce qu'au bénéfice des observations qui précèdent, elle s'en rapporte à justice sur le mérite de l'appel ;
Condamner toute partie succombante aux dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 23 mai 2024.
*****
MOTIFS DE LA DECISION
La recevabilité de la réclamation effectuée par la SCI Coreal Triangle anciennement dénommée [V] Tremoille
M. [Z] [F] et Mme [H] [F] soutiennent que la réclamation à l'état des créances est irrecevable.
Ils exposent que le recours de la SCI [V] Tremoille était écrit dans les termes suivants :« Par la présente, ma cliente la SCI [V] Tremoille forme un recours contre cet état des créances et joint à cette déclaration une requête exposant sa qualité et ses griefs ».
Ils soutiennent qu'elle est irrecevable à former recours contre l'état des créances pris dans son ensemble et que pour être recevable le recours aurait dû être dirigé contre les 2 ordonnances du7 septembre 2023 et que la Sci aurait dû effectuer une demande de rétractation ou de réformation contre les ordonnances du 7 septembre 2023.
La SCI Coreal Triangle anciennement dénommée [V]-Tremoille répond qu'il est de jurisprudence constante que la caution du débiteur peut former une réclamation contre les décisions du juge commissaire portées à l'état des créances, sur le fondement de l'article R.624-8 du code de commerce, à condition qu'elle y ait un intérêt, ce qui n'est pas contesté.
Elle explique que, par acte en date du 20 avril 2019, elle se portait caution solidaire du bon remboursement par la SARL Casa di [V] des apports consentis par les époux [F] à hauteur de 230 000 euros, ce qui démontre l'existence de son intérêt.
Elle ajoute qu'elle a bien pris soin de diligenter son recours en visant expressément les numéro RG des deux ordonnances admettant les créances des consorts [F], lesquelles figurent bien en tête de sa requête sous leurs numéros de RG respectifs, à savoir n° 2023047374 et 2023047375.
Elle précise que la lecture du « Par Ces Motifs » de la requête annexé à la lettre adressée exposée au greffe est également claire.
Elle considère que sont donc expressément et clairement visées les deux créances admises dont elle sollicitait le rejet de l'état des créances, sa demande n'étant pas de voir rejeter tout l'état des créances mais bien les seules créances des consorts [F].
Elle indique que la demande dont a été saisi le juge commissaire est en conséquence on ne peut plus claire et est identifiée dans son objet et les numéros de procédure des créances admises.
Elle précise que d'ailleurs, les consorts [F] l'ont également bien identifiées puisqu'ils ont bien compris que c'était leurs créances en compte courant qui avaient été contestées et ont fait valoir leurs moyens de défense pour que ces créances soient admises.
Elle indique qu'il n'existe pas de texte sanctionnant un quelconque formalisme relatif au recours du tiers.
Elle conclut que c'est donc à juste titre que le juge-commissaire a dit son recours recevable et que la cour ne pourra que débouter les consorts [F] du chef de l'irrecevabilité.
La SELAFA MJA, prise en la personne de Me [P] [C], ès qualités de liquidateur de la SARL Casa Di [V], observe que si la lettre d'envoi de la contestation au greffe porte en titre « RECOURS CONTRE L'ETAT DES CREANCES DEPOSEES », elle n'en mentionne pas moins les numéros d'affaires 202304774 et 2023047375 qui correspondent précisément aux deux ordonnances d'admission des créances de M. et Mme [F] et que la requête jointe à cette lettre d'envoi au greffe vise les mêmes numéros d'affaires.
Sur ce,
Selon l'article R. 624-8 du code de commerce :
« Les décisions prononcées par le juge-commissaire sont portées par le greffier sur la liste des créances mentionnée au premier alinéa de l'article R. 624-2. Cette liste ainsi complétée et les relevés des créances résultant du contrat de travail constituent l'état des créances.
Cet état est déposé au greffe du tribunal, où toute personne peut en prendre connaissance.
Le greffier fait publier au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales une insertion indiquant ce dépôt et le délai pour présenter une réclamation.
Tout intéressé peut présenter une réclamation devant le juge-commissaire dans le délai d'un mois à compter de la publication. Les personnes mentionnées au second alinéa de l'article L. 624-3-1 ne peuvent se voir opposer l'état des créances en l'absence de signification de la décision d'admission prévue à l'article L. 624-2. A leur égard, le délai d'un mois prévu pour présenter une réclamation court à compter cette signification. »
Ce recours ne porte pas sur l'état des créances lui-même, mais seulement sur les décisions qu'il contient et il résulte de l'article R 624-10, al 1 que la réclamation à l'état des créances doit prendre la forme d'une requête remise ou adressée au greffe du tribunal de commerce.
En l'espèce, il résulte des termes de la réclamation formée par la SCI Coreal Triangle que le recours contre l'état des créances porte précisément sur les créances de M. et Mme [F] admises au passif par ordonnances du 7 septembre 2023.
Il s'ensuit que ce recours a été formé en application des textes susmentionnés et c'est à juste titre que le juge commissaire a considéré qu'il était recevable.
Le bien-fondé de la réclamation de la SCI
M. [Z] [F] et Mme [H] [F] reprochent au juge commissaire d'avoir rejeté leurs créances au simple motif qu'il n'existe pas de justificatifs concernant la comptabilité de la société CASA DI [V] .
Ils font valoir que la circonstance que la comptabilité n'existe pas, ou plutôt que telle qu'elle existe, elle n'ait pas été remise au liquidateur par le gérant, n'est pas à mettre à leur charge et que ce manquement n'est pas de leur responsabilité d'associés ne possédant que 15% du capital.
Ils soulignent que ces comptes de l'exercice 2019 sont les derniers clôturés et qu'à l'assemblée du 30/09/20, ils avaient refusé de les approuver, en raison notamment de la fausseté des quelques comptes qu'ils connaissaient.
Ils indiquent qu'ils n'ont pas eu de réponse à leurs questions figurant au procès verbal, ni reçu le grand livre qu'ils réclamaient, et que les comptes furent néanmoins arrêtés à la majorité.
Ils soutiennent que la décision attaquée doit être réformée car elle contrevient aux règles de la preuve et soutiennent apporter la preuve de leurs créances en versant aux débats la certification d'un expert-comptable et commissaire aux comptes et les comptes sociaux 2019, qui sont les derniers publiés.
Ils soulignent que leurs créances sur la SARL figurent dans ces comptes sociaux 2019, (page « PASSIF » et, pour son détail, page « DETAIL DU PASSIF »), pour M. [F], 175 595 euros et pour Mme [F], 9 997 euros ; soit au total la somme de 185 592 euros, montant qui est légèrement supérieur à celui de 181 417,92 euros dont l'admission était réclamée par eux et qui avait été prononcée dans la première ordonnance du 7 septembre 2023.
La SCI Coreal Triangle anciennement dénommée [V]-Tremoille explique que les 29 juin et 28 juillet 2022, l'intégralité du capital social de la SCI [V] Tremoille, autrefois gérée par M. [V] [A] dont il était associé majoritaire, a été acquise par les SAS Club 10 Tremoille et SAS The Coal Club, ces deux sociétés étant présidées par M. [N] [O].
Elle explique que dans le cadre de cette acquisition, M. [V] [A], détenteur des parts de la SCI acquise, a occulté l'engagement de caution souscrit par la SCI auprès des associés de la société liquidée, en affirmant qu'aucun engagement de caution n'avait été souscrit par la SCI [V] Tremoille.
Elle explique que la cession des parts de la SCI est intervenue et que ce n'est qu'à l'occasion de voies d'exécution diligentées contre la SCI d'une part, puis d'une assignation en date du 14 octobre 2022 d'autre part, que le repreneur des parts de la SCI a appris l'existence de cet engagement en vertu duquel les associés de la SARL Casa Di [V] la poursuivaient et recherchaient sa garantie du remboursement de leur compte courant évalué à la somme de 167 000 euros et 14 017,92 euros, alors qu'une telle créance à l'égard de la SCI est pour le moins incertaine.
Elle indique que certes les consorts [F] ont bien effectué des dépenses en 2019 correspondant au tableau produit aux débats, mais qu'il est impossible de savoir où ces sommes sont allées.
Elle fait valoir que, comme le soulignent ces derniers dans leurs conclusions, la comptabilité de la SARL Casa Di [V] n'a pas été remise au liquidateur, pas plus que les relevés bancaires.
Elle soutient que les consorts [F] sont défaillants à démontrer l'existence de leur créance en compte courant au jour de la demande de remboursement soit en 2022.
Elle indique que certes les consorts [F], tout comme elle, ont été les victimes de M. [A], mais que les consorts [F] étaient associés au sein de la SARL Casa Di [V] et avaient la possibilité d'agir face à l'incurie de M. [A] pour solliciter que les assemblées générales et les comptes dont la tenue annuelle est une obligation légale soient établies.
Elle précise qu'ils en avaient l'opportunité légale qu'elle n'avait pas.
Elle indique que, dans la société Casa Di [V], rien n'a été fait pendant trois ans, en dépit d'une gestion qui était très clairement problématique et que, aujourd'hui, personne ne contestera que les documents sociaux soient manquants or, seuls ces derniers auraient permis d'établir la réalité et le montant exact des comptes courants à ce jour.
Elle indique que, certes, il y eu des comptes établis en 2019, faisant état de comptes courants mais les consorts [F] en ont contesté eux même le contenu et l'exactitude en refusant de les approuver.
Elle indique qu'il n'y aucun grand livre, ni relevés bancaires, absolument rien qui aujourd'hui démontre la réception de fonds sur les comptes de la SCI pour le montant déclaré par les consorts [F].
Elle précise que par ailleurs, entre 2019 et 2022, des remboursements ont très bien pu intervenir.
La SCI Coreal Triangle anciennement dénommée [V]-Tremoille soutient que la créance des consorts [F] n'est certaine ni dans son montant ni dans son principe, car depuis 2019 il est possible qu'elle ait été remboursée.
Selon elle, seul l'établissement des comptes, à l'ouverture de la procédure, et la production des grands livres à une date proche permettrait de savoir ce qu'il est advenu de cette créance.
Elle fait valoir qu'au moment de la vente des parts de la SCI, il n'existait plus aucun engagement de caution, ce qui peut démontrer aussi que ces sommes avaient été remboursées au profit des consorts [F].
La SCI Coreal Triangle anciennement dénommée [V]-Tremoille conclut que c'est à juste titre que le jue commissaire a rejeté les créances en compte courant des consorts [F] et que la cour ne pourra que rejeter les demandes de ces derniers confirmant ainsi la décision déférée.
La SELAFA MJA, prise en la personne de Me [P] [C], ès qualités de liquidateur de la SARL Casa Di [V], explique que si dans un premier temps, elle avait contesté les créances de compte courant déclarées par les consorts [F] au passif de la société Casa Di [V], lors de l'audience de contestation desdites créances, le conseil des consorts [F] au vu de la production d'une attestation établie par M. [W] [T], expert-comptable, elle ne s'est pas opposée à l'admission des créances.
Elle fait valoir que pour autant, la SCI [V] Tremoille n'était pas présente à l'audience de contestation de créances et a développé dans le cadre de sa réclamation une argumentation sur laquelle il n'a, par hypothèse, pas été statué par le juge-commissaire.
Elle observe :
Que la comptabilité de la société Casa Di [V] est inexistante, le gérant ayant été défaillant dans le cadre des opérations de liquidation judiciaire, de sorte qu'il est difficile d'avoir la certitude que les dépenses effectuées par M. et Mme [F] ont une réciprocité dans la comptabilité de la société Casa Di [V] ; et
Que M. et Mme [F] étaient associés de la société Casa Di [V] et qu'en cette qualité, il leur était loisible d'exercer les prérogatives prévues par la loi, en vue de l'établissement de la comptabilité et de la tenue des assemblées générales .
Elle indique s'en rapporter à justice sur le mérite de l'appel.
Sur ce,
Selon l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
En l'espèce, il résulte de la comptabilité de 2019 établie par la société Casa Di [V] et approuvée par l'assemblée générale, que M. [F] et Mme [F] née [K] étaient tous deux créanciers de la société Casa Di [V] , M. [F] pour 175.595 euros et Mme [F] pour 9.957 euros.
L'existence de ces comptes courants est relatée par le procès-verbal de l'assemblée générale du 30 septembre 2020, lors de laquelle M. [F] demandait de connaître la situation de son compte courant et la communication des comptes de la société et M. [A] lui promettait de lui remettre lesdits documents.
L'existence de ce compte courant résulte également de l'acte de « Garantie/Caution » du 20 avril 2019 par lequel il est exposé que M. et Mme [F] avaient apporté en compte courant 205.000 euros à la Sarl Casa Di [V] et qu'ils apportaient une somme complémentaire de 25.000 euros et qu'en contrepartie de ce nouvel apport, la SCI [V] Tremoille, M. [A], Mme [A] ont déclaré « garantir en qualité de caution solidaire, le remboursement du compte courant de M. et Mme [F] à hauteur de 230.000 euros ».
Il résulte de l'ensemble de ces documents que M. et Mme [F] démontrent qu'ils étaient créanciers d'un compte courant au sein de la société [V] Tremoille en juin 2019 d'un montant de 230.000 euros et qu'à ce jour les consorts [F] ont déclaré une créance pour pour M. [F] 167 400 euros et pour Mme [F] 14 017,92 euros.
L' appelante qui prétend que la Sarl Casa Di [V] serait libérée de son obligation n'en rapporte pas la preuve et l'absence de comptabilité de la Sarl Casa Di [V], non imputable aux consorts [F], postérieurement à l'exercice 2019 ne constitue pas une telle preuve.
Il s'ensuit que l'ordonnance sera infirmée, et que la Sci Coreal Triangle sera déboutée de sa réclamation à l'état des créances de la Sarl Casa Di [V].
Les frais et dépens
La SCI Coreal Triangle, anciennement dénommée SCI [V] Tremoille, sera condamnée en tous les dépens et à payer à M.et Mme [F], ensemble, une somme de 2 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs,
Confirme l'ordonnance uniquement en ce qu'elle a déclaré recevable la contestation à l'état des créances
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Déboute la SCI Coreal Triangle de sa contestation,
Dit que les créances resteront mentionnées à l'état du passif dans les termes déjà admis le 7 septembre 2023, soit :
Pour M. [F] 167 400 euros (cent soixante-sept mille quatre cents euros),
pour Mme [F] 14 017,92 euros (quatorze mille dix-sept euros et quatre-vingt- douze centimes) ,
Condamne la SCI Coreal Triangle, anciennement dénommée SCI [V] Tremoille, aux dépens ainsi qu'à payer à M.et Mme [F], ensemble, une somme de 2 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRESIDENTE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 9
ARRET DU 19 SEPTEMBRE 2024
(n° /2024, 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 23/19042 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIS5X
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 09 Novembre 2023 - Juge commissaire - Tribunal de commerce de PARIS - N° d'affaire 2023055463 - n° de greffe P202201568
APPELANTS
Monsieur [Z] [F]
Né le [Date naissance 3] 1955 à [Localité 10] (ITALIE)
De nationalité française
Demeurant [Adresse 6]
[Localité 9]
Madame [H] [F] Née [K]
Née le [Date naissance 4] 1961 à [Localité 11] (35)
De nationalité française
Demeurant [Adresse 6]
[Localité 9]
Représentés par Me Thierry SERRA de la SELARL SERRA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : E0280
Assistés de Me François FAUVET de la SARL FLG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0932
INTIMEES
S.E.L.A.F.A. MJA prise en la personne de Maître [P] [C], ès-qualités de Mandataire judiciaire Liquidateur de la société CASA DI [V]
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro D 440 672 509
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentée par Me Vincent GALLET du cabinet VINCENT GALLET, avocat au barreau de PARIS, toque : E1719
S.C.I. COREAL TRIANGLE anciennement dénommée [V] - TREMOILLE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 478 048 606
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocate au barreau de PARIS, toque : L0056
Assistée de Me Patricia AUBIJOUX du cabinet T&A Associé, avocate au barreau de VERSAILLES, toque : 175 substituant Me Laurent AZOULA, du cabinet T&A Associé, avocat au barreau de PARIS, toque R76
S.A.R.L. CASA DI [V] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro B 407 707 173
[Adresse 1]
[Localité 7]
Signifiée à personne mais n'ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 30 Mai 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Sophie MOLLAT, Présidente de chambre,
Mme Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère
Mme Caroline TABOUROT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRET :
Réputé contradictoire
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
signé par Sophie MOLLAT, présidente de chambre, et par Yvonne TRINCA, greffière présente lors de la mise à disposition.
Exposé des faits et de la procédure
La SCI [V] Tremoille a été créée par M. [V] [A] et sa mère le 11 mars 2004, tous deux associés au sein de cette structure, M. [V] [A] en assumant seul la gérance.
Cette société a pour activité l'acquisition des murs d'un local commercial exploité sous la forme de restaurant situé à [Adresse 1], la propriété, l'administration et l'exploitation de ce bien dont elle sera propriétaire et, généralement, toutes opérations civiles pouvant se rattacher directement ou indirectement à cet objet ou susceptible d'en favoriser le développement et ne modifiant pas le caractère civil de cette société.
La société Casa Di [V], qui est une SARL immatriculée au RCS de Paris en date du 13 juin 1996, exploitait un fonds de commerce de restaurant sis [Adresse 1].
Son gérant est M. [V] [A].
Au cours de l'année 2018, M. et Mme [F] sont devenus associés de la SARL Casa Di [V] à hauteur de 15% du capital de celle-ci.
Le solde du capital de cette SARL était détenu par les consorts [A] (M. [V] [A] pour 53,2% et M. [B] [A], son père, pour 32,8%).
Le capital de la société Casa Di [V], d'un montant de 7 622,45 euros, est divisé en 500 parts sociales réparties en dernier lieu entre :
M. [V] [A] : 266 parts ;
M. [B] [A] : 164 parts ;
M. [Z] [F] : 35 parts ;
Mme [H] [K] épouse [F] : 35 parts.
En leur qualité d'associés les époux [F] ont procédé à différents apports en compte courant au sein de la SARL Casa di [V].
Par un accord de cautionnement du 20 avril 2019, la SCI [V] Tremoille s'est portée caution solidaire du remboursement par la SARL Casa di [V] des apports consentis par les époux [F], à hauteur de 230 000 euros.
Plusieurs cessions des parts de la SCI [V] Tremoille sont intervenues et, à ce jour, les consorts [A] ne détiennent plus aucune participation au sein de cette SCI.
La SCI [V] Tremoille a depuis lors changé de dénomination et se nomme désormais « SCI Coreal Triangle ».
Les relations entre les époux [F] et le gérant M. [V] [A], au sein de la société Casa Di [V], se sont ensuite détériorées.
Par actes d'huissier du 25 août 2022, les époux [F] ont fait délivrer deux sommations à la SARL Casa di [V], dans lesquelles ils mettaient en demeure la SARL Casa di [V] d'avoir à rembourser leurs comptes courants d'associés, pour un montant de 14 071,93 euros pour Mme [F] et de 167 454,01 euros pour M. [F]. Aucun règlement n'est intervenu.
Par jugement du 30 août 2022, le tribunal de commerce de Paris a ouvert, sur déclaration de cessation des paiements, une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Casa Di [V] et désigné la SELAFA MJA, en la personne de Maître [P] [C], en qualité de liquidateur judiciaire.
Par deux courriers en date du 26 septembre 2022, les consorts [F], par l'intermédiaire de leur conseil, ont déclaré entre les mains de la SELAFA MJA, ès qualités, une créance de compte courant d'associé, pour un montant de 167 400 euros pour M. [Z] [F] et de 14 017,92 euros pour Mme [H] [F].
Par deux lettres de contestation de créance en date du 31 janvier 2023, la SELAFA MJA, ès qualités, a informé le conseil des époux [F] de la contestation des créances ainsi déclarées, au motif notamment, que les éléments justificatifs du compte courant d'associé n'ont pas été fournis.
Par courriers du 10 février 2023, le conseil des consorts [F] a répondu à ces lettres de contestation de créance.
Le juge-commissaire, par ordonnance du 7 septembre 2023, a admis les créances litigieuses à titre chirographaire.
Le 28 septembre 2023, la SCI [V] Tremoille, nouvellement dénommée Coreal Triangle, entendant s'opposer à la mise en 'uvre de l'engagement de caution invoqué par les consorts [F] et faisant l'objet d'une procédure pendante devant le tribunal judiciaire de Paris, a déposé au greffe du tribunal de commerce de Paris un recours contre l'état des créances déposé, par lequel elle sollicitait le rejet des créances des consorts [F].
Par ordonnance du 09 novembre 2023, le juge-commissaire du tribunal de commerce de Paris a :
Admis le recours qui est recevable, bien fondé ;
Rejeté les créances des consorts [F].
Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Paris en date du 28 novembre 2023, M. [Z] [F] et Mme [H] [F] ont interjeté appel de cette ordonnance.
*****
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 décembre 2023, M. [Z] [F] et Mme [H] [F] demandent à la cour, au visa des articles R. 624-8, L. 622-24 et suivants, L. 624-1 et suivants du code de commerce, 9, 12 et 582 du code de procédure civile et des pièces, de :
Recevant M. et Mme [F],
Réformant l'ordonnance du 9 novembre 2023 de M. le juge-commissaire à la liquidation judiciaire de
la SARL Casa Di [V], et statuant à nouveau,
Déclarer la SCI [V] Tremoille irrecevable en sa réclamation formée par elle le 28 septembre 2023.
Subsidiairement,
Débouter la SCI [V] Tremoille en ce que sa réclamation est mal fondée.
En toute hypothèse,
Dire que les créances resteront mentionnées à l'état du passif dans les termes déclarés, certifiés et déjà admis le 7 septembre 2023, soit :
Pour M. [F] 167 400 euros (cent soixante-sept mille quatre cents euros),
pour Mme [F] 14 017,92 euros (quatorze mille dix-sept euros et quatre-vingt- douze centimes) ;
Condamner la SCI [V] Tremoille à payer à chacun des concluants la somme de 4 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la SCI [V] Tremoille en tous les dépens dont le recouvrement sera poursuivi selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 05 mars 2024, la SCI Coreal Triangle anciennement dénommée [V]-Tremoille demande à la cour, au visa de l'article R. 624-8 du code de commerce, de :
Juger la demande de la SCI Coreal Triangle, anciennement dénommée [V]-Tremoille, recevable et bien fondée.
Y faisant droit,
Confirmer l'ordonnance rendue par le juge-commissaire près le tribunal de commerce de Paris le 09 novembre 2023 ;
Débouter M. et Mme [F] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.
En tout état de cause,
Condamner M. et Mme [F], in solidum, au paiement de la somme de 4 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens dont le recouvrement sera poursuivi par la SELARL 2H Avocats, en la personne de Me Audrey Schwab, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 janvier 2024, la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [P] [C], ès qualités de liquidateur de la SARL Casa Di [V], demande à la cour, au visa de l'article R. 624-8 du code de commerce, de :
Donner acte à la SELAFA MJA, en la personne de Me [P] [C], ès qualités de liquidateur de la société Casa Di [V], de ce qu'au bénéfice des observations qui précèdent, elle s'en rapporte à justice sur le mérite de l'appel ;
Condamner toute partie succombante aux dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 23 mai 2024.
*****
MOTIFS DE LA DECISION
La recevabilité de la réclamation effectuée par la SCI Coreal Triangle anciennement dénommée [V] Tremoille
M. [Z] [F] et Mme [H] [F] soutiennent que la réclamation à l'état des créances est irrecevable.
Ils exposent que le recours de la SCI [V] Tremoille était écrit dans les termes suivants :« Par la présente, ma cliente la SCI [V] Tremoille forme un recours contre cet état des créances et joint à cette déclaration une requête exposant sa qualité et ses griefs ».
Ils soutiennent qu'elle est irrecevable à former recours contre l'état des créances pris dans son ensemble et que pour être recevable le recours aurait dû être dirigé contre les 2 ordonnances du7 septembre 2023 et que la Sci aurait dû effectuer une demande de rétractation ou de réformation contre les ordonnances du 7 septembre 2023.
La SCI Coreal Triangle anciennement dénommée [V]-Tremoille répond qu'il est de jurisprudence constante que la caution du débiteur peut former une réclamation contre les décisions du juge commissaire portées à l'état des créances, sur le fondement de l'article R.624-8 du code de commerce, à condition qu'elle y ait un intérêt, ce qui n'est pas contesté.
Elle explique que, par acte en date du 20 avril 2019, elle se portait caution solidaire du bon remboursement par la SARL Casa di [V] des apports consentis par les époux [F] à hauteur de 230 000 euros, ce qui démontre l'existence de son intérêt.
Elle ajoute qu'elle a bien pris soin de diligenter son recours en visant expressément les numéro RG des deux ordonnances admettant les créances des consorts [F], lesquelles figurent bien en tête de sa requête sous leurs numéros de RG respectifs, à savoir n° 2023047374 et 2023047375.
Elle précise que la lecture du « Par Ces Motifs » de la requête annexé à la lettre adressée exposée au greffe est également claire.
Elle considère que sont donc expressément et clairement visées les deux créances admises dont elle sollicitait le rejet de l'état des créances, sa demande n'étant pas de voir rejeter tout l'état des créances mais bien les seules créances des consorts [F].
Elle indique que la demande dont a été saisi le juge commissaire est en conséquence on ne peut plus claire et est identifiée dans son objet et les numéros de procédure des créances admises.
Elle précise que d'ailleurs, les consorts [F] l'ont également bien identifiées puisqu'ils ont bien compris que c'était leurs créances en compte courant qui avaient été contestées et ont fait valoir leurs moyens de défense pour que ces créances soient admises.
Elle indique qu'il n'existe pas de texte sanctionnant un quelconque formalisme relatif au recours du tiers.
Elle conclut que c'est donc à juste titre que le juge-commissaire a dit son recours recevable et que la cour ne pourra que débouter les consorts [F] du chef de l'irrecevabilité.
La SELAFA MJA, prise en la personne de Me [P] [C], ès qualités de liquidateur de la SARL Casa Di [V], observe que si la lettre d'envoi de la contestation au greffe porte en titre « RECOURS CONTRE L'ETAT DES CREANCES DEPOSEES », elle n'en mentionne pas moins les numéros d'affaires 202304774 et 2023047375 qui correspondent précisément aux deux ordonnances d'admission des créances de M. et Mme [F] et que la requête jointe à cette lettre d'envoi au greffe vise les mêmes numéros d'affaires.
Sur ce,
Selon l'article R. 624-8 du code de commerce :
« Les décisions prononcées par le juge-commissaire sont portées par le greffier sur la liste des créances mentionnée au premier alinéa de l'article R. 624-2. Cette liste ainsi complétée et les relevés des créances résultant du contrat de travail constituent l'état des créances.
Cet état est déposé au greffe du tribunal, où toute personne peut en prendre connaissance.
Le greffier fait publier au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales une insertion indiquant ce dépôt et le délai pour présenter une réclamation.
Tout intéressé peut présenter une réclamation devant le juge-commissaire dans le délai d'un mois à compter de la publication. Les personnes mentionnées au second alinéa de l'article L. 624-3-1 ne peuvent se voir opposer l'état des créances en l'absence de signification de la décision d'admission prévue à l'article L. 624-2. A leur égard, le délai d'un mois prévu pour présenter une réclamation court à compter cette signification. »
Ce recours ne porte pas sur l'état des créances lui-même, mais seulement sur les décisions qu'il contient et il résulte de l'article R 624-10, al 1 que la réclamation à l'état des créances doit prendre la forme d'une requête remise ou adressée au greffe du tribunal de commerce.
En l'espèce, il résulte des termes de la réclamation formée par la SCI Coreal Triangle que le recours contre l'état des créances porte précisément sur les créances de M. et Mme [F] admises au passif par ordonnances du 7 septembre 2023.
Il s'ensuit que ce recours a été formé en application des textes susmentionnés et c'est à juste titre que le juge commissaire a considéré qu'il était recevable.
Le bien-fondé de la réclamation de la SCI
M. [Z] [F] et Mme [H] [F] reprochent au juge commissaire d'avoir rejeté leurs créances au simple motif qu'il n'existe pas de justificatifs concernant la comptabilité de la société CASA DI [V] .
Ils font valoir que la circonstance que la comptabilité n'existe pas, ou plutôt que telle qu'elle existe, elle n'ait pas été remise au liquidateur par le gérant, n'est pas à mettre à leur charge et que ce manquement n'est pas de leur responsabilité d'associés ne possédant que 15% du capital.
Ils soulignent que ces comptes de l'exercice 2019 sont les derniers clôturés et qu'à l'assemblée du 30/09/20, ils avaient refusé de les approuver, en raison notamment de la fausseté des quelques comptes qu'ils connaissaient.
Ils indiquent qu'ils n'ont pas eu de réponse à leurs questions figurant au procès verbal, ni reçu le grand livre qu'ils réclamaient, et que les comptes furent néanmoins arrêtés à la majorité.
Ils soutiennent que la décision attaquée doit être réformée car elle contrevient aux règles de la preuve et soutiennent apporter la preuve de leurs créances en versant aux débats la certification d'un expert-comptable et commissaire aux comptes et les comptes sociaux 2019, qui sont les derniers publiés.
Ils soulignent que leurs créances sur la SARL figurent dans ces comptes sociaux 2019, (page « PASSIF » et, pour son détail, page « DETAIL DU PASSIF »), pour M. [F], 175 595 euros et pour Mme [F], 9 997 euros ; soit au total la somme de 185 592 euros, montant qui est légèrement supérieur à celui de 181 417,92 euros dont l'admission était réclamée par eux et qui avait été prononcée dans la première ordonnance du 7 septembre 2023.
La SCI Coreal Triangle anciennement dénommée [V]-Tremoille explique que les 29 juin et 28 juillet 2022, l'intégralité du capital social de la SCI [V] Tremoille, autrefois gérée par M. [V] [A] dont il était associé majoritaire, a été acquise par les SAS Club 10 Tremoille et SAS The Coal Club, ces deux sociétés étant présidées par M. [N] [O].
Elle explique que dans le cadre de cette acquisition, M. [V] [A], détenteur des parts de la SCI acquise, a occulté l'engagement de caution souscrit par la SCI auprès des associés de la société liquidée, en affirmant qu'aucun engagement de caution n'avait été souscrit par la SCI [V] Tremoille.
Elle explique que la cession des parts de la SCI est intervenue et que ce n'est qu'à l'occasion de voies d'exécution diligentées contre la SCI d'une part, puis d'une assignation en date du 14 octobre 2022 d'autre part, que le repreneur des parts de la SCI a appris l'existence de cet engagement en vertu duquel les associés de la SARL Casa Di [V] la poursuivaient et recherchaient sa garantie du remboursement de leur compte courant évalué à la somme de 167 000 euros et 14 017,92 euros, alors qu'une telle créance à l'égard de la SCI est pour le moins incertaine.
Elle indique que certes les consorts [F] ont bien effectué des dépenses en 2019 correspondant au tableau produit aux débats, mais qu'il est impossible de savoir où ces sommes sont allées.
Elle fait valoir que, comme le soulignent ces derniers dans leurs conclusions, la comptabilité de la SARL Casa Di [V] n'a pas été remise au liquidateur, pas plus que les relevés bancaires.
Elle soutient que les consorts [F] sont défaillants à démontrer l'existence de leur créance en compte courant au jour de la demande de remboursement soit en 2022.
Elle indique que certes les consorts [F], tout comme elle, ont été les victimes de M. [A], mais que les consorts [F] étaient associés au sein de la SARL Casa Di [V] et avaient la possibilité d'agir face à l'incurie de M. [A] pour solliciter que les assemblées générales et les comptes dont la tenue annuelle est une obligation légale soient établies.
Elle précise qu'ils en avaient l'opportunité légale qu'elle n'avait pas.
Elle indique que, dans la société Casa Di [V], rien n'a été fait pendant trois ans, en dépit d'une gestion qui était très clairement problématique et que, aujourd'hui, personne ne contestera que les documents sociaux soient manquants or, seuls ces derniers auraient permis d'établir la réalité et le montant exact des comptes courants à ce jour.
Elle indique que, certes, il y eu des comptes établis en 2019, faisant état de comptes courants mais les consorts [F] en ont contesté eux même le contenu et l'exactitude en refusant de les approuver.
Elle indique qu'il n'y aucun grand livre, ni relevés bancaires, absolument rien qui aujourd'hui démontre la réception de fonds sur les comptes de la SCI pour le montant déclaré par les consorts [F].
Elle précise que par ailleurs, entre 2019 et 2022, des remboursements ont très bien pu intervenir.
La SCI Coreal Triangle anciennement dénommée [V]-Tremoille soutient que la créance des consorts [F] n'est certaine ni dans son montant ni dans son principe, car depuis 2019 il est possible qu'elle ait été remboursée.
Selon elle, seul l'établissement des comptes, à l'ouverture de la procédure, et la production des grands livres à une date proche permettrait de savoir ce qu'il est advenu de cette créance.
Elle fait valoir qu'au moment de la vente des parts de la SCI, il n'existait plus aucun engagement de caution, ce qui peut démontrer aussi que ces sommes avaient été remboursées au profit des consorts [F].
La SCI Coreal Triangle anciennement dénommée [V]-Tremoille conclut que c'est à juste titre que le jue commissaire a rejeté les créances en compte courant des consorts [F] et que la cour ne pourra que rejeter les demandes de ces derniers confirmant ainsi la décision déférée.
La SELAFA MJA, prise en la personne de Me [P] [C], ès qualités de liquidateur de la SARL Casa Di [V], explique que si dans un premier temps, elle avait contesté les créances de compte courant déclarées par les consorts [F] au passif de la société Casa Di [V], lors de l'audience de contestation desdites créances, le conseil des consorts [F] au vu de la production d'une attestation établie par M. [W] [T], expert-comptable, elle ne s'est pas opposée à l'admission des créances.
Elle fait valoir que pour autant, la SCI [V] Tremoille n'était pas présente à l'audience de contestation de créances et a développé dans le cadre de sa réclamation une argumentation sur laquelle il n'a, par hypothèse, pas été statué par le juge-commissaire.
Elle observe :
Que la comptabilité de la société Casa Di [V] est inexistante, le gérant ayant été défaillant dans le cadre des opérations de liquidation judiciaire, de sorte qu'il est difficile d'avoir la certitude que les dépenses effectuées par M. et Mme [F] ont une réciprocité dans la comptabilité de la société Casa Di [V] ; et
Que M. et Mme [F] étaient associés de la société Casa Di [V] et qu'en cette qualité, il leur était loisible d'exercer les prérogatives prévues par la loi, en vue de l'établissement de la comptabilité et de la tenue des assemblées générales .
Elle indique s'en rapporter à justice sur le mérite de l'appel.
Sur ce,
Selon l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
En l'espèce, il résulte de la comptabilité de 2019 établie par la société Casa Di [V] et approuvée par l'assemblée générale, que M. [F] et Mme [F] née [K] étaient tous deux créanciers de la société Casa Di [V] , M. [F] pour 175.595 euros et Mme [F] pour 9.957 euros.
L'existence de ces comptes courants est relatée par le procès-verbal de l'assemblée générale du 30 septembre 2020, lors de laquelle M. [F] demandait de connaître la situation de son compte courant et la communication des comptes de la société et M. [A] lui promettait de lui remettre lesdits documents.
L'existence de ce compte courant résulte également de l'acte de « Garantie/Caution » du 20 avril 2019 par lequel il est exposé que M. et Mme [F] avaient apporté en compte courant 205.000 euros à la Sarl Casa Di [V] et qu'ils apportaient une somme complémentaire de 25.000 euros et qu'en contrepartie de ce nouvel apport, la SCI [V] Tremoille, M. [A], Mme [A] ont déclaré « garantir en qualité de caution solidaire, le remboursement du compte courant de M. et Mme [F] à hauteur de 230.000 euros ».
Il résulte de l'ensemble de ces documents que M. et Mme [F] démontrent qu'ils étaient créanciers d'un compte courant au sein de la société [V] Tremoille en juin 2019 d'un montant de 230.000 euros et qu'à ce jour les consorts [F] ont déclaré une créance pour pour M. [F] 167 400 euros et pour Mme [F] 14 017,92 euros.
L' appelante qui prétend que la Sarl Casa Di [V] serait libérée de son obligation n'en rapporte pas la preuve et l'absence de comptabilité de la Sarl Casa Di [V], non imputable aux consorts [F], postérieurement à l'exercice 2019 ne constitue pas une telle preuve.
Il s'ensuit que l'ordonnance sera infirmée, et que la Sci Coreal Triangle sera déboutée de sa réclamation à l'état des créances de la Sarl Casa Di [V].
Les frais et dépens
La SCI Coreal Triangle, anciennement dénommée SCI [V] Tremoille, sera condamnée en tous les dépens et à payer à M.et Mme [F], ensemble, une somme de 2 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs,
Confirme l'ordonnance uniquement en ce qu'elle a déclaré recevable la contestation à l'état des créances
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Déboute la SCI Coreal Triangle de sa contestation,
Dit que les créances resteront mentionnées à l'état du passif dans les termes déjà admis le 7 septembre 2023, soit :
Pour M. [F] 167 400 euros (cent soixante-sept mille quatre cents euros),
pour Mme [F] 14 017,92 euros (quatorze mille dix-sept euros et quatre-vingt- douze centimes) ,
Condamne la SCI Coreal Triangle, anciennement dénommée SCI [V] Tremoille, aux dépens ainsi qu'à payer à M.et Mme [F], ensemble, une somme de 2 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRESIDENTE