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Décisions

CA Nîmes, 1re ch., 19 septembre 2024, n° 23/01764

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Domofinance (SA)

Défendeur :

Francenergy (SARL), Étude Balincourt (SELARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Defarge

Conseiller :

Mme Duprat

Avocats :

Me Reinhard, Me Boulaire, Me Benezech

TJ Nîmes, du 28 mars 2023, n° 22/01140

28 mars 2023

EXPOSÉ DES FAITS DE LA PROCÉDURE ET DES MOYENS DES PARTIES

Après démarchage à domicile Mme [P] [C] épouse [H] a par acte sous seing privé en date du 25 avril 2018 commandé à la société Francenergy la fourniture et la pose de 16 onduleurs et d'une batterie de stockage au prix de 26 700 euros financé par un prêt souscrit auprès de la société Domofinance au taux de 3,87% par an sur une durée de 96 mois.

Par jugement du 09 novembre 2020 du tribunal de commerce de Montpellier la société Francenergy a été placée en liquidation judiciaire et la Selarl Etude Balincourt désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Par actes en date du 1er juillet 2022, Mme [H] a fait assigner la société Domofinance et la Selarl Etude Balincourt en qualité de mandataire liquidateur de la société Francenergy devant le tribunal judiciaire de Nîmes qui, par jugement du 28 mars 2023 :

- a déclaré sa demande recevable,

- a prononcé la nullité du contrat de vente du 25 avril 2018,

- a prononcé la nullité du contrat de prêt affecté la liant à la société Domofinance,

- a dit que cette société a commis une faute dans la délivrance des fonds la privant de son droit à restitution du capital emprunté,

- a rejeté en conséquence sa demande tendant à obtenir le remboursement du capital emprunté,

- a dit qu'elle devra rembourser à Mme [P] [H] les mensualités payées,

- a rejeté la demande de Mme [P] [H] aux fins de voir condamner la société Domofinance à lui payer la somme de 9 129 euros au titre des intérêts conventionnels et frais payés en exécution du prêt souscrit,

- a rejeté sa demande aux fins de voir condamner cette société à lui payer la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral,

- a condamné la société Domofinance à lui payer la somme de 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et au paiement des dépens,

- a rejeté l'intégralité des autres demandes, et plus amples ou contraires de Mme [P] [H] et de la société Domofinance,

- a rappelé l'exécution provisoire de droit de sa décision.

Par déclaration du 23 mai 2023, la société Domofinance a interjeté appel de cette décision dans des conditions de forme et de délai non contestées.

Par conclusions récapitulatives régulièrement déposées le 20 octobre 2023, la société Domofinance demande à la cour :

- d'infirmer le jugement en ce qu'il :

- a prononcé la nullité du contrat de vente du 25 avril 2018,

- a prononcé la nullité du contrat de prêt affecté,

- a dit qu'elle a commis une faute dans la délivrance des fonds la privant de son droit à restitution du capital emprunté,

- a rejeté en conséquence sa demande tendant à obtenir le remboursement du capital emprunté,

- a dit qu'elle devra rembourser à Mme [P] [H] les mensualités payées,

- l'a condamnée à lui payer la somme de 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des dépens,

- a rejeté l'intégralité de ses autres demandes plus amples ou contraires,

Statuant à nouveau

- de débouter Mme [H] de ses demandes d'annulation du contrat principal et d'annulation subséquente du contrat de crédit,

Par conséquent

- de la débouter de l'intégralité de ses demandes,

Subsidiairement, en cas d'annulation des contrats

- de débouter Mme [H] de ses demandes visant à la voir privée de son droit à restitution du capital prêté dès lors qu'elle n'a commis aucune faute, et que l'intimée ne justifie pas de l'existence d'un préjudice et d'un lien de causalité à son égard,

Par conséquent

- de condamner Mme [H] à lui porter et payer la somme de 26 700 euros correspondant au montant du capital prêté, outre intérêts au taux légal, sous déduction des échéances réglées,

- de la débouter de toute autre demande, fin ou prétention,

- de confirmer la décision entreprise pour le surplus,

En tout état de cause

- de condamner Mme [H] à lui porter et payer une indemnité de 2 400 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

Au terme de ses conclusions récapitulatives régulièrement notifiées le 2 mai 2024, Mme [P] [C] épouse [H] demande à la cour :

- de confirmer le jugement en ce qu'il :

- a déclaré sa demande recevable,

- a prononcé la nullité du contrat de vente du 25 avril 2018,

- a prononcé la nullité du contrat de prêt affecté la liant à la société Domofinance,

- a dit que cette société a commis une faute dans la délivrance des fonds la privant de son droit à restitution du capital emprunté,

- a rejeté en conséquence sa demande tendant à obtenir le remboursement du capital emprunté

- a dit qu'elle devra lui rembourser les mensualités payées

- l'a condamnée à lui payer la somme de 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des dépens,

- a rejeté l'intégralité de ses autres demandes, et plus amples ou contraires,

- a rappelé l'exécution provisoire de droit

- d'infirmer le jugement susvisé pour le surplus, et notamment en ce qu'il :

- a rejeté sa demande aux fins de voir condamner la société Domofinance à lui payer la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral,

- a rejeté l'intégralité de ses autres demandes, et plus amples ou contraires,

Et statuant de nouveau, au besoin y ajoutant

- de débouter la société Domofinance de l'intégralité de ses prétentions, fins et conclusions contraires,

- de la condamner à lui verser l'intégralité des sommes suivantes :

- 5 000 euros au titre du préjudice moral,

- 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de la condamner à supporter les dépens de l'instance.

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fait expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.

La clôture de la présente instance a été prononcée le 06 mars 2024 avec effet différé au 10 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le dol

Aux termes de l'article 1137 du code civil, le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.

L'intimée soutient qu'elle a été trompée par la société Francenergy sur les gains susceptibles d'être tirés de l'installation photovoltaïque.

Or, comme relevé par le premier juge, l'installateur ne s'est pas engagé contractuellement à un gain financier résultant de la revente d'électricité alors même que l'installation a correctement fonctionné. L'intimée ne produit aucun document commercial ou publicitaire faisant état de projections relatives à la rentabilité des matériels vendus

Le jugement de première instance sera confirmé de ce chef.

Sur le non respect du formalisme

Aux termes de l'article L. 221-5 du code de la consommation, préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;

2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat ;

3° Le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste ;

4° L'information sur l'obligation du consommateur de payer des frais lorsque celui-ci exerce son droit de rétractation d'un contrat de prestation de services, de distribution d'eau, de fourniture de gaz ou d'électricité et d'abonnement à un réseau de chauffage urbain dont il a demandé expressément l'exécution avant la fin du délai de rétractation ; ces frais sont calculés selon les modalités fixées à l'article L. 221-25 ;

5° Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l'article L. 221-28, l'information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation ;

6° Les informations relatives aux coordonnées du professionnel, le cas échéant aux coûts de l'utilisation de la technique de communication à distance, à l'existence de codes de bonne conduite, le cas échéant aux cautions et garanties, aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d'Etat.

Dans le cas d'une vente aux enchères publiques telle que définie par le premier alinéa de l'article L.321-3 du code de commerce, les informations relatives à l'identité et aux coordonnées postales, téléphoniques et électroniques du professionnel prévues au 4° de I'article L. 111-1 peuvent être remplacées par celles du mandataire.

Aux termes de l'article L. 111-1 du code de la consommation dans sa version ici applicable, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;

2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 ;

3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;

4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte ;

5° S'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en 'uvre des garanties et aux autres conditions contractuelles ;

6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.

La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d'Etat.

Les dispositions du présent article s'appliquent également aux contrats portant sur la fourniture d'eau, de gaz ou d'électricité, lorsqu'ils ne sont pas conditionnés dans un volume délimité ou en quantité déterminée, ainsi que de chauffage urbain et de contenu numérique non fourni sur un support matériel. Ces contrats font également référence à la nécessité d'une consommation sobre et respectueuse de la préservation de l'environnement.

En l'espèce, le bon de commande du 25 avril 2018 ne comporte mention des caractéristiques essentielles ni des 16 onduleurs (marque, voltage), ni de la batterie de stockage (marque, capacité, durée de vie), ni du système de domotique nécessaire pour surveiller la production et la consommation d'énergie en temps réel.

Par ailleurs, dans le cadre 'Nom du technicien conseil et coordonnées téléphoniques' ne figure que le prénom [B] sans aucune signature.

La connaissance des conditions générales de vente et la réception du matériel ne suffisent pas à caractériser que Mme [H] a pris acte des irrégularités affectant ce bon de commande et qu'elle y a renoncé en connaissance de cause alors que l'article L. 211-5 du code de la consommation n'est reproduit ni à ce bon ni dans les conditions générales de vente.

Il en résulte que le contrat ne respecte pas les prévisions de l'article L. 211-5 du code de la consommation.

Le jugement de première instance sera en conséquence confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de vente conclu entre la société Francenergy et Mme [H] pour ne pas avoir respecté le formalisme imposé par le code de la consommation.

Sur les conséquences de l'annulation du contrat

Aux termes de l'article L. 312-55 du code de la consommation en cas de contestation sur l'exécution du contrat principal, le tribunal peut, jusqu'à la solution du litige, suspendre l'exécution du contrat de crédit. Celui-ci est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.

Les dispositions du premier alinéa ne sont applicables que si le prêteur est intervenu à l'instance ou s'il a été mis en cause par le vendeur ou l'emprunteur.

Le contrat de prêt accessoire à la convention principale doit en conséquence également être annulé de sorte que le jugement sera encore confirmé sur ce point.

L'annulation des contrats implique la remise des parties dans la situation antérieure.

Commet une faute le prêteur qui verse les fonds sans procéder aux vérifications préalables qui lui auraient permis de relever que le contrat principal était affecté d'une cause de nullité ; en revanche, l'emprunteur, qui n'établit pas avoir subi de préjudice consécutif à la faute de la banque, demeure tenu de rembourser le capital emprunté.

La société Domofinance a remis les fonds après présentation d'une attestation de fin de travaux établie entre la société Francenergy et Mme [H] le 14 mai 2018 ainsi libellée :

'Je soussignée [H] [P] après avoir procédé à la visite des travaux exécutés déclare que l'installation ( livraison et pose) est terminée ce jour et correspond au bon de commande n° 2477 daté du 25 avril 2018. En conséquence de quoi : - je prononce la réception des travaux sans réserve avec effet à la date du 14 mai 2018, - je demande à Domofinance d'adresser à l'entreprise, le délai légal de rétractation étant expiré, un règlement de 26 700 euros correspondant au financement de cette opération. Je certifie complets, exacts, sincères et véritables les renseignements ci-dessus. En cas de déclaration mensongère, moi client en supporterais seul les conséquences".

Contrairement à ce que soutient l'intimée cette fiche de réception de travaux est suffisamment précise.

Elle permet d'identifier sans ambiguïté l'opération financée et d'attester de la livraison et de la pose des onduleurs et de la batterie par la société venderesse.

L'intimée soutient encore que par suite des manquements de la société Domofinance elle s'est trouvée en possession d'une installation dont la rentabilité était déficiente par suite de ses défectuosités techniques, ainsi que le conclut le rapport d'expertise sur investissement en date du 18 septembre 2020 établi de manière non contradictoire par M. [E] [U].

L'examen du bon de commande, seul document à valeur contractuelle, révèle que la rentabilité de l'installation n'était pas entrée dans le champ contractuel.

L'intimée à laquelle la chose vendue a été effectivement livrée et mise en service ne démontre en conséquence aucune perte de chance de ne pas contracter, de se rétracter ou de saisir le médiateur à la consommation.

Toutefois la Cour de cassation juge désormais que lorsque la restitution du prix à laquelle le vendeur est tenu par suite de l'annulation du contrat de vente ou de prestation de service, est devenue impossible du fait de son insolvabilité, ici caractérisée par le placement en liquidation judiciaire de la société Francenergy, le consommateur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal. (CIV1 10 juillet 2024 n°23.16-303)

En libérant le capital emprunté sans vérifier la régularité du contrat principal, la banque a manqué à ses obligations, et l'emprunteuse subit un préjudice consistant à ne pas pouvoir obtenir, auprès d'un vendeur placé en liquidation judiciaire, la restitution du prix de vente du matériel.

La faute du prêteur et son lien de causalité avec le préjudice allégué étant ainsi caractérisée, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que cette société a commis une faute dans la délivrance des fonds la privant de son droit à restitution du capital emprunté, rejeté en conséquence sa demande tendant à obtenir le remboursement du capital emprunté, et dit qu'elle devra rembourser à Mme [P] [H] les mensualités payées.

Le jugement de première instance sera également confirmé en ce qu'il a débouté Mme [P] [C] épouse [H] de sa demande en paiement des intérêts et frais dès lors qu'elle ne produit aucun décompte et qu'elle a profité de l'installation jusqu'à ce jour, ainsi que sa demande de dommages et intérêts faute de préjudice distinct.

Sur les demandes accessoires

Il n'est pas inéquitable que chaque partie conserve la part de ses frais irrépétibles.

Par ailleurs, la société Domofinance qui succombe en partie sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement rendu le 28 mars 2023 par le tribunal judiciaire de Nîmes en toutes ses dispositions

Y ajoutant

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne la société Domofinance aux dépens d'appel

Dit n'y avoir lieu ici à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.