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Décisions

CA Montpellier, 4e ch. civ., 19 septembre 2024, n° 22/02799

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soubeyran

Conseillers :

M. Bruey, Mme Franco

Avocats :

Me Ginouves, Me Batal-Grosclaude, Me Julie, Me Seillier, Me Rayer

TJ Béziers, du 21 avr. 2022, n° 21/01354

21 avril 2022

FAITS ET PROCÉDURE

M. [Z] [Y] a acquis auprès de M. [D] [G], une pelleteuse Caterpillar n°212F BT pour la somme de 11 000 € payée au moyen de deux règlements :

Le premier en date du 6 janvier 2021 pour la somme de 3 000 €,

Le second en date du 15 janvier 2021 pour la somme de 8 000 €.

La pelleteuse a pris feu devant le domicile de M. [G], dans la nuit du 19 au 20 janvier 2021.

Les 11 février 2021 et 17 mars 2021, M. [Y] a vainement mis en demeure M. [G] de procéder au remboursement du prix de vente.

C'est dans ce contexte que par acte du 3 juin 2021, M. [Y] a fait assigner M. [G] aux fins notamment d'obtenir la résolution du contrat de vente aux torts exclusifs de ce dernier en raison d'un manquement à son obligation de délivrance conforme.

Par jugement en date du 21 avril 2022, le tribunal judiciaire de Béziers a :

Prononcé la résolution du contrat de vente aux torts exclusifs de M. [G] ;

Condamné M. [G] à restituer à M [Y] le prix de vente de la pelleteuse, soit 11 000 € ;

Dit que M. [G] pourra reprendre possession de la pelleteuse dans l'état dans lequel elle se trouvait le 20 janvier 2021 ;

Condamné M. [G] à payer à M. [Y] la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts ;

Condamné M. [G] à payer à M. [Y] la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civil ;

Condamné M. [G] aux entiers dépens.

Le 24 mai 2022, M. [G] a relevé appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS

Par uniques conclusions remises par voie électronique le 25 juillet 2022, M. [G] demande en substance à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, de :

Constater qu'il a parfaitement respecté son obligation de délivrance et qu'aucun manquement ne peut lui être reproché ;

Déclarer parfaite la vente de la pelle hydraulique de marque Caterpillar 212 B FT, intervenue le 15 janvier 2021 entre M.[G] et M. [Y] ;

Condamner M. [Y] à lui payer la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par uniques conclusions remises par voie électronique le 12 septembre 2022, M. [Y] demande en substance à la cour de :

Confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat de vente aux torts exclusifs de M. [G], l'a condamné à lui restituer le prix de vente de la pelleteuse, soit 11 000 €, dit que M. [G] pourra reprendre possession de la pelleteuse dans l'état dans lequel elle se trouvait le 20 janvier 2021 et l'a condamné à payer à M. [Y] la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts ;

Condamner M. [G] à régler à M. [Y] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Vu l'ordonnance de clôture du 23 mai 2024.

Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

M. [G] fait grief au premier juge d'avoir accueilli l'action en résolution de la vente sur le fondement de l'article 1640 du code civil alors que la vente était effective dès le 15 janvier 2021 et que par application de l'article 1196 du code civil, le transfert de la propriété et des risques s'est opéré à cette date, ajoutant qu'il appartenait à l'acquéreur de souscrire une police d'assurance couvrant notamment les risques vol et incendie.

Il excipe en outre d'un échange de messages électroniques avec l'acquéreur dont il ressort que le transporteur requis par celui-ci devait procéder à l'enlèvement de la pelle mécanique le 19 janvier 2021 à 9h mais n'est arrivé sur les lieux de l'enlèvement que le lendemain, de ce dont il ne peut être déclaré responsable.

M. [Y] conclut, quant à lui, à la confirmation du jugement pour manquement à l'obligation de délivrance conforme arguant de ce que le certificat de vente produit par l'appelant ne lui est pas opposable puisqu'il ne l'a pas signé.

Il soutient également qu'il appartient à M. [G] de rapporter la preuve de ce que le transporteur lui a indiqué venir prendre en charge la pelleteuse le 19 janvier 2021 à 9h.

En vertu de l'article 1196 du code civil, « Dans les contrats ayant pour objet l'aliénation de la propriété ou la cession d'un autre droit, le transfert s'opère lors de la conclusion du contrat.

Ce transfert peut être différé par la volonté des parties, la nature des choses ou par l'effet de la loi.

Le transfert de propriété emporte transfert des risques de la chose. Toutefois, le débiteur de l'obligation de délivrer en retrouve la charge à compter de sa mise en demeure, conformément à l'article 1344-2 et sous réserve des règles prévues à l'article 1351-1.»

L'article 1604 du code civil indique que « la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur ».

S'il est constant que les parties se sont accordées sur la chose vendue et son prix lors du dernier règlement intervenu le 15 janvier 2021, cette date ne peut être retenue comme date du transfert de la propriété de la pelleteuse dès lors, d'une part, que nul ne pouvant s'établir une preuve à lui-même, le certificat de vente invoqué par M. [G] et signé par lui seul aux termes duquel « la vente est effective au versement de la totalité de la somme » ne peut être retenu comme preuve de la volonté des parties, et au regard, d'autre part, des termes de leurs échanges électroniques produits aux débats en pièce n° 4 par M. [G] et dont l'authenticité n'est pas contestée par M. [Y].

Il ressort en effet de ces échanges la chronologie suivante :

- le 6 janvier 2021, M. [Y] écrit à son co-contractant : «Bonjour pouvez-vous m'envoyer l'adresse exacte où se trouve la pelle à pneus pour que j'y transmettre au transporteur et dites-moi quel jour êtes-vous disponible la semaine du 18 janvier comme ça j'appelle pour lui dire. Merci » ; M. [G] lui indiquant en réponse l'adresse d'un camping.

- le 8 janvier, M. [Y] écrit à M. [G] : « Ok le transport se fera le 18 ou 19 janvier j'ai donné votre numéro au transporteur ».

- le 16 janvier, M. [G] informe M. [Y] qu'il a reçu le virement du solde du prix de vente et M. [Y] lui répond « Nickel comme ça ils peuvent la charger mardi matin. Bonne journée ».

Ces échanges établissent un accord exprès des parties sur la date d'enlèvement de la pelle mécanique le mardi 19 janvier au matin par le transporteur mandaté par l'acquéreur.

C'est en conséquence à cette date que les parties ont entendu conformément à l'alinéa 2 de l'article 1196 du code civil transférer la propriété de l'engin litigieux et, avec elle, les risques de la chose par application de l'alinéa 3 du dit texte, le fait, non imputable au vendeur, que le transporteur ne se soit pas présenté comme prévu le 19 janvier à 9 heures étant indifférent.

Or, la destruction par incendie de la pelleteuse est survenue sans contestation des parties sur ce point dans la nuit du 19 au 20 janvier soit postérieurement au transfert de la propriété et des risques, de sorte que le vendeur ne peut être tenu pour responsable du défaut de délivrance de l'engin et que M. [Y] ne pourra qu'être débouté de ses demandes.

Le jugement déféré sera en conséquence infirmé en toutes ses dispositions.

La cour n'étant pas valablement saisie au regard des dispositions de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile de la demande indemnitaire reconventionnelle formulée par M.[G] dans le seul corps de ses écritures sans être reprise dans le dispositif de ses prétentions, n'y répondra pas.

Partie succombante, M. [Y] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel par application de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déboute M. [Y] de l'ensemble de ses demandes.

Y ajoutant,

Condamne M. [Y] aux dépens de première instance et d'appel.

Condamne M. [Y] à payer à M. [G] la somme de 2000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.