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Décisions

CA Montpellier, 4e ch. civ., 19 septembre 2024, n° 22/02551

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Morgan Prestige Auto (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soubeyran

Conseillers :

M. Bruey, Mme Franco

Avocats :

Me Bertrand, Me Fourrier

TJ [Localité 6], du 11 avr. 2022, n° 21/…

11 avril 2022

FAITS ET PROCÉDURE

1- Le 20 septembre 2019, selon accusé d'enregistrement d'une déclaration de cession, la SARL Cesari automobiles a vendu à la SASU Morgan prestige auto un véhicule de marque Suzuki Swift immatriculé CS 493 EJ.

2- Le 25 octobre 2019, la SASU Morgan prestige auto a vendu à Mme [Y] [H] ledit véhicule au prix de 4 200 €. Aux termes du contrat de vente est mentionnée une date de livraison au plus tard le 13 novembre 2019.

3- Le 13 novembre 2019, le certificat de cession a été signé.

Le certificat d'immatriculation du véhicule est au nom de Mme [W] [F] et fait apparaître trois ventes différentes, le 19 septembre 2019 par la SASU Morgan prestige auto, le 20 septembre 2019 par la SARL Cesari automobiles et le 13 novembre 2019 par la SASU Morgan prestige auto.

4- Entre fin décembre 2019 et mars 2020, par différents échanges de mails, puis par courriers recommandés avec accusés de réception des 2 septembre 2021 et 10 septembre 2021, Mme [H] a mis en demeure la SASU Morgan prestige auto de lui remettre le certificat d'immatriculation.

5- C'est dans ce contexte que par acte du 14 décembre 2021, Mme [H] a fait assigner la SASU Morgan prestige auto sur le fondement des articles 1217, 1218, 1603, 1611 et 1615 du code civil aux fins de prononcer la résolution judiciaire de la vente pour défaut de délivrance conforme eu égard à l'impossibilité de procéder à l'immatriculation du véhicule.

6- Par jugement réputé contradictoire, rendu sous le bénéfice de l'exécution provisoire, en date du 11 avril 2022, le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Montpellier a :

Constaté que la SASU Morgan prestige auto a manqué à son obligation de délivrance en exécution du contrat de vente du 13 novembre 2019 conclu avec Mme [H] ;

Prononcé la résolution judiciaire de ce contrat ;

Condamné la SASU Morgan prestige auto à restituer à Mme [H] la somme de 4 200 € au titre du prix perçu en exécution du contrat de vente ;

Condamné la SASU Morgan prestige auto à reprendre possession du véhicule Suzuki Swift immatriculé CS 493 EJ, à ses frais ;

Condamné la SASU Morgan prestige auto à payer la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance ;

Condamné la SASU Morgan prestige auto aux dépens ;

Condamné la SASU Morgan prestige auto à payer à Mme [H] la somme de 400 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

7- Le 12 mai 2022, la SASU Morgan prestige auto a relevé appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS

8- Par dernières conclusions remises par voie électronique le 20 mai 2024, la SASU Morgan prestige auto demande à la cour de repousser toutes conclusions contraires comme injustes et en tout cas mal fondées, dire l'appel tel qu'interjeté régulier en la forme et justifié au fond, y faisant droit infirmer et réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, et statuant à nouveau, de :

Rejeter toutes prétentions de Mme [H], et en particulier, la débouter de son appel incident ;

A titre reconventionnel, la condamner à une amende civile ainsi qu'à payer à la SASU Morgan prestige auto la somme de 2 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée en vertu de l'article 1240 du code civil, outre celle de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de Me Denis Bertrand, Avocat soussigné, en vertu de l'article 699 du code de procédure civile.

9- Par dernière conclusions remises par voie électronique le 15 mai 2024, Mme [H] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et de :

réformer cette même décision sur les quantums :

Condamner la SASU Morgan prestige auto au paiement de la somme de 5 000 €, en réparation du préjudice de jouissance subi par Mme [H] ;

Condamner la SASU à payer la somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant, condamner la SASU Morgan prestige auto à payer la somme de 2 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

10- Vu l'ordonnance du clôture du 21 mai 2024.

Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

11- Selon l'article 1604 du code civil, La délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur.

Selon l'article 1615 du même code, L'obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel.

12- il est de jurisprudence établie que le vendeur, tenu d'établir qu'il a rempli son obligation de délivrance, doit apporter la preuve de la délivrance des accessoires de la chose vendue.

13- Toutefois, selon l'article 9 du code de procédure civile, Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

14- le vendeur, non comparant en première instance, soutient en appel qu'il n'entrait pas dans les prévisions contractuelles qu'il accomplisse les formalités d'immatriculation du véhicule, lesquelles étaient à la charge de l'acheteuse à qui il avait remis l'ensemble des documents pour y parvenir.

15- Mme [H] ne conteste pas la remise de certains documents, se limitant à affirmer qu'il s'évince des pièces du dossier que cette obligation est légalement à la charge du vendeur et qu'en tout état de cause, ce n'est pas tant réaliser les formalités d'immatriculation du véhicule mais pouvoir accomplir les formalités d'immatriculation du véhicule qui sont l'objet de la présente instance.

16- le contrat constitue la loi des parties. Le contrat de vente du 13 novembre 2019 ne mentionne pas que les formalités d'immatriculation sont à la charge de la venderesse alors qu'une rubrique 'travaux à effectuer et/ou accessoires à fournir à la livraison' est restée vierge. Les échanges de courriels entre les parties confirment que ces formalités étaient à la charge de Mme [H] dès lors qu'elle n'y manifeste que les difficultés qu'elle rencontrait pour y parvenir.

17- la question reste alors de déterminer si le vendeur avait remis à Mme [H] l'ensemble des pièces nécessaires pour y parvenir. Lors de la saisine de première instance, Mme [H] rédigeait un bordereau de pièces mentionnant certificat d'immatriculation portant mention de la cession du 19 septembre 2019, du certificat de cession du véhicule à son profit, du contrat de vente du 25 octobre 2019, de l'accusé d'enregistrement de la déclaration de cession de véhicule du 20 septembre 2019 et le procès-verbal de contrôle technique du 25 octobre 2019.

18- ainsi, Mme [H] était en possession de l'ensemble de ces documents lors de la vente.

19- elle n'était pas en revanche en possession du certificat de situation administrative que le vendeur devait lui remettre, ce dont elle se plaignait dans les échanges de courriels. Toutefois, ce document étant simple à obtenir par soi même, il ne peut être source de manquement à l'obligation de délivrance de nature à entraîner la résolution du contrat.

20- il en va différemment de la déclaration d'achat (ce que Mme [H] qualifie improprement de déclaration de cession dans ses conclusions page 8), dont le garage affirme qu'elle a été remise, sans offre de preuve au soutien de ce qui reste une simple allégation. Vendeur professionnel, le garage était tenu de remettre un tel document à Mme [H] qui ne pouvait poursuivre l'immatriculation en son absence, la carte grise étant barrée à trois reprises. C'est ce que confirme Mme [C] dans son attestation du 22 décembre 2022 relatant les démarches opérées auprès d'une agence de carte grise agréée par l'Etat. La cour écartera la version contraire de la société [Localité 6] Rent en l'état de ses liens économiques avec le garage vendeur.

21- le vendeur n'ayant pas satisfait à son obligation de délivrance conforme, le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente et remis les parties en l'état où elles se trouvaient antérieurement.

22- s'agissant du préjudice de jouissance, le premier juge a condamné le garage à payer la somme de 1000€ au titre du préjudice de jouissance.

Or, le véhicule lors de la vente présentait un kilométrage de 120358. Le 31 janvier 2022, lors d'un contrôle technique, il présentait un kilométrage de 164919. Mme [H] n'a donc à aucun moment été privée de la jouissance de son véhicule, n'ayant jamais cru utile de préciser à quelle date elle avait pu enfin faire immatriculer son véhicule. Le jugement sera réformé en ce qu'il lui a alloué une indemnisation au titre du préjudice de jouissance.

23- s'agissant de la demande au titre des frais de gardiennage, elle n'est pas formulée dans le dispositif des conclusions qui seul saisit la cour de prétentions. Elle sera rejetée sans avoir à examiner la recevabilité d'une demande qui n'est pas formulée.

24- la confirmation du jugement sur la résolution de la vente exclut tout abus de procédure de la part de Mme [H], laquelle fait l'objet de propos particulièrement dénigrants dans les conclusions adverses, sans en tirer d'autres conséquences.

25- partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la SASU Garage Morgan Prestige supportera les dépens d'appel.

26- l'indemnité allouée en première instance en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sera portée à la somme de 1000€ et le jugement infirmé en ce sens.

PAR CES MOTIFS

statuant contradictoirement

Infirme le jugement en ce qu'il a condamné la SASU Morgan Prestige Auto à payer à Mme [Y] [H] la somme de 1000€ au titre de son préjudice de jouissance et celle de 400€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau de ces chefs

Déboute Mme [Y] [H] de sa demande indemnitaire au titre du préjudice de jouissance.

Condamne la SASU Morgan Prestige Auto à payer à Mme [Y] [H] la somme de 1000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance.

Confirme le jugement pour le surplus

Y ajoutant

dit que la cour n'est pas saisie de la demande de Mme [Y] [H] au titre de frais de gardiennage.

Déboute les parties de toutes autres demandes

Condamne la SASU Morgan Prestige Auto aux dépens d'appel.

Condamne la SASU Morgan Prestige Auto à payer à Mme [Y] [H] la somme de 2000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.