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Décisions

CA Montpellier, 3e ch. civ., 19 septembre 2024, n° 20/00724

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 20/00724

19 septembre 2024

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 19 SEPTEMBRE 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/00724 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OQE4

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 04 DECEMBRE 2019

TRIBUNAL D'INSTANCE DE BEZIERS

N° RG 19/000763

APPELANTE :

Madame [Y] [X]

née le 02 Novembre 1972 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Patricia PIJOT de la SCP PIJOT POMPIER MERCEY, avocat au barreau de BEZIERS, avocat postulant, substitué par Me Lisa MONSARRAT, avocat au barreau de BEZIERS, avocat plaidant

INTIME :

Monsieur [Z] [B]

né le 04 Décembre 1955 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Emily APOLLIS de la SELARL SAFRAN AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et par Me Bernadette LLADOS-HERAIL, avocat au barreau de BEZIERS, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 03 Avril 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 avril 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Gilles SAINATI, président de chambre

M. Thierry CARLIER, Conseiller

Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Hélène ALBESA

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, fixée au 20 juin 2024 et prorogée au 19 septembre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Hélène ALBESA, greffier.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte du 3 août 2017, instrumenté par Maître [M], notaire à [Localité 3], Madame [J] [L], Madame [F] [B], Monsieur [Z] [B], Monsieur [H] [B] et Madame [T] [B] ont conclu un compromis de vente avec Madame [Y] [X], portant sur un bien immobilier sis à [Adresse 6] cadastré section PV n° [Cadastre 1] et formant le lot n°11 de l'état descriptif de division, moyennant un prix de 160 000 euros.

La réitération de la promesse synallagmatique de vente par acte authentique devait intervenir au plus tard le 2 novembre 2017 auprès de Maître [R] [E], notaire à [Localité 5], chargé de la rédaction de l'acte de vente.

Le compromis de vente était conclu sous condition suspensive prévoyant que : « Les présentes sont conclues sous les conditions suspensives de droit commun suivantes : (') Que l'état hypothécaire ne révèle pas de saisies ou d'inscriptions dont la charge augmentée du coût des radiations serait supérieure au prix et pour lesquelles il n'a pas été obtenu de mainlevée ou dispense de purge des hypothèques ».

Au cours du mois de septembre 2017, le notaire rédacteur du compromis de vente s'est aperçu, au regard de l'état hypothécaire du bien, de l'inscription de deux hypothèques judiciaires provisoires prises sur la part indivise de Monsieur [Z] [B], l'une datée du 29 mai 2017 pour un montant de 71 327 euros et l'autre datée du 3 juillet 2017 pour un montant de 38 556 euros.

Par jugement rendu le 19 décembre 2017, le Juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Béziers a débouté Monsieur [Z] [B] de sa demande de mainlevée desdites inscriptions hypothécaires.

Par courrier du 19 janvier 2018, le notaire de Madame [X] informait celui des vendeurs que celle-ci souhaitait renoncer à la vente, et demandait en conséquence le remboursement du dépôt de garantie de 5 000 euros.

Par acte d'huissier du 26 avril 2019, Madame [Y] [X] a fait assigner Monsieur [Z] [B] devant le Tribunal d'instance de Béziers aux fins de le voir condamner, sur le fondement des articles 1103, 1104 et 1582 du code civil, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à lui payer :

- 3 900 euros au titre de son préjudice financier ;

- 1 000 euros au titre de son préjudice moral ;

- 1 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.

Par jugement du 4 décembre 2019, le tribunal d'instance de Béziers a notamment :

- Débouté Mme [X] de l'intégralité de ses demandes ;

- Condamné Mme [X] à verser à M. [B] une somme indivise de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné Mme [X] aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration d'appel, enregistrée au greffe le 6 février 2020, Madame [X] a interjeté appel de ce jugement.

Par ses dernières conclusions, enregistrées par le greffe le 23 avril 2020, Madame [X] demande à la cour d'appel, au visa des article 1103, 1104 et 1582 du code civil d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et de condamner M. [B] à lui payer les sommes de :

- 3 900 euros au titre de son préjudice financier ;

- 1 000 euros au titre de son préjudice moral ;

- 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.

Par ses dernières conclusions, enregistrées au greffe le 15 juillet 2020, M. [B] demande à la cour d'appel, au visa des articles

1103 et 1104 du code civil de confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions et de condamner Mme [X] aux entiers dépens et à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction est intervenue le 3 avril 2024.

MOTIFS

Sur la faute

Le tribunal a jugé que Madame [X] ne démontrait pas que l'absence d'inscription ait été une condition déterminante de son consentement et qu'elle n'apportait aucun élément de nature à caractériser la mauvaise foi de monsieur [Z] [B], qui n'est pas un professionnel de l'immobilier, et n'a commis qu'une erreur ne pouvant pas être qualifiée de faute. Selon le premier juge, Madame [X] ne démontre pas que la rétention d'information ait été fautive et dolosive de la part de Monsieur [Z] [B], étant précisé que ce dernier n'était pas tenu de délivrer l'immeuble vendu libre de toute inscription le jour de la vente et que Madame [X] ne pouvait ignorer que la vente pourrait ne jamais intervenir en cas de découverte d'inscriptions hypothécaires.

L'appelante soutient pour sa part que Monsieur [Z] [B] a commis des fautes engageant sa responsabilité. Elle souligne que Monsieur [Z] [B] avait connaissance de l'existence des hypothèques avant la signature du compromis mais n'en a averti personne. Selon elle, Monsieur [Z] [B] avait connaissance de ce que le montant du prix de vente ne permettait pas de désintéresser ses créanciers, ce qui rendait la mainlevée de l'hypothèque très aléatoire et rendait la réitération de la vente quasiment impossible. Elle affirme que si elle avait été informée des risques induits par ces inscriptions d'hypothèques, par leur montant bien supérieur à la part revenant à Monsieur [Z] [B] sur la vente du bien, elle n'aurait pas signé le compromis. Elle ajoute que Monsieur [Z] [B] n'a pas effectué les diligences nécessaires auprès du juge de l'exécution en ne transmettant pas les éléments suffisants pour offrir à ses créanciers des garanties suffisantes, et qu'il a ainsi mis en péril la vente en cours. Elle soutient qu'elle ne pouvait pour sa part procéder à une purge amiable en application de l'article 2475 du code civil, laquelle suppose l'accord entre le débiteur et ses créanciers, et souligne que cette purge amiable avait d'ailleurs été initiée par le notaire du débiteur et n'avait pas pu aboutir, les créanciers s'y étant opposés. Elle ajoute enfin que la purge judiciaire n'était pas plus envisageable pour n'être ouverte que lorsqu'un créancier s'oppose à la mainlevée de l'hypothèque alors que la vente du bien permettra de le désintéresser, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

L'intimé fait valoir pour sa part qu'aucune faute ne peut lui être imputée dans la mesure où :

- il n'a pas eu l'intention de dissimuler une quelconque information et lorsque l'information de l'existence d'hypothèques a été transmise à l'appelante, cette dernière a accepté de proroger la réitération de l'acte authentique,

- il a effectué les démarches nécessaires pour obtenir la mainlevée des hypothèques en saisissant le juge de l'exécution.

Madame [Y] [X] reproche à Monsieur [Z] [B] une mauvaise foi dans les relations contractuelles constitutive d'une faute au sens des articles 103 et 1104 du code civil.

Dans ces conditions, la question de savoir si l'absence d'inscription hypothécaire a été ou non une condition déterminante du consentement de Madame [Y] [X], celle de la commission éventuelle d'un dol de la part de Monsieur [Z] [B] et celles de la possibilité ou non pour Madame [Y] [X] d'initier des démarches permettant une purge amiable ou judiciaire des hypothèques sont inopérantes au cas d'espèce, seule important la question de la faute éventuelle de Monsieur [Z] [B].

Il résulte des éléments chronologiques du dossier que les inscriptions hypothécaires dont s'agit avaient été notifiées à Monsieur [Z] [B] avant la signature du compromis de vente liant les consorts [B] à Madame [Y] [X].

S'il apparaît que Monsieur [Z] [B] n'a signalé à quiconque ces inscriptions lors de la signature du compromis de vente, pour autant cette omission n'est pas en elle-même constitutive d'une mauvaise foi, eu égard notamment au fait que Monsieur [Z] [B] n'est pas un professionnel de l'immobilier.

Par la suite, lorsque fin septembre 2017 le notaire rédacteur de l'acte a révélé l'existence des inscriptions d'hypothèques, Monsieur [Z] [B] a entrepris de saisir le juge de l'exécution d'une demande de mainlevée desdites inscriptions, et ce dans un délai raisonnable, puisque l'assignation devant le juge de l'exécution a été délivrée dès le 13 octobre 2017.

Si le juge de l'exécution, aux termes d'une décision devenue définitive, a rejeté la demande de Monsieur [Z] [B] aux motifs que les éléments produits par ce dernier (compromis de vente et attestation notariale) n'offraient pas à ces créanciers des garanties suffisantes, il ne peut être reproché à Monsieur [Z] [B] ni la teneur de la décision rendue ni de ne pas en avoir interjeté appel, dès lors notamment que le montant des hypothèques excédaient très largement le montant susceptible de revenir à Monsieur [Z] [B] à l'issue de la vente.

Enfin, l'existence d'une inscription hypothécaire est un risque à prendre en considération par un acquéreur, et ne peut en elle-même asseoir une faute de la part du vendeur.

Dans ces conditions, le jugement sera confirmé, par substitution de motifs.

Sur les demandes accessoires

Eu égard à l'issue du litige, le jugement sera confirmé.

En cause d'appel, Madame [Y] [X], qui succombe, sera condamnée aux dépens et à payer à Monsieur [Z] [B] la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, par arrêt contradictoire,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 décembre 2019 par le tribunal d'instance de Béziers,

Y ajoutant,

Condamne Madame [Y] [X] à payer à Monsieur [Z] [B] la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne madame [Y] [X] aux dépens d'appel.

le greffier le président