Décisions
CA Rennes, 4e ch., 19 septembre 2024, n° 24/01742
RENNES
Arrêt
Autre
4ème Chambre
ARRÊT N° 197
N° RG 24/01742
N°Portalis DBVL-V-B7I-UUE5
(Réf 1ère instance : 2023F00212)
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 04 Juillet 2024
devant Madame Nathalie MALARDEL et Monsieur Philippe BELLOIR, magistrats tenant seuls l'audience en la formation rapporteur, sans opposition des représentants des parties et qui ont rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 19 Septembre 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
S.A.S. SERTCO
immatriculée au RCS de Rennes sous le n 316.431.717,
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Hélène DUFAYOT DE LA MAISONNEUVE de la SELARL ANTARIUS AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Ludovic GAUVIN de la SELARL ANTARIUS AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau D'ANGERS
INTIMÉE :
EIFFAGE CONSTRUCTION BRETAGNE SAS
Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Xavier TERCQ, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
FAITS ET PROCÉDURE
Le Centre Hospitalier Universitaire de [Localité 4] a confié à la société Eiffage Construction Bretagne (ECB) la construction d'un institut de cancérologie et d'imagerie à [Localité 4] composé de six bâtiments en R+4 avec sous-sol.
Par une convention du 30 septembre 2019, la société ECB a confié à la société Sertco une étude en vue de la réalisation des plans d'exécution du gros 'uvre moyennant la somme de 444 000 euros TTC.
Par ordonnance de référé du 2 mars 2023, le président du tribunal de commerce de Rennes a condamné la société ECB à payer à la société Sertco une provision de 112 900 euros au titre des honoraires échus, avec intérêts légaux à compter du 24 juillet 2022, date de la mise en demeure, et pris acte que la société ECB se réservait le droit de solliciter la condamnation au titre des préjudices subis concernant les manquements contractuels de la société Sertco.
Par acte d'huissier du 14 juin 2023, la société ECB a fait assigner la société Sertco devant le tribunal de commerce de Rennes en réparation de ses préjudices sollicitant notamment le paiement des sommes de 522 240 euros HT du fait du défaut d'optimisation des matériaux (béton et acier) et 145 022 euros HT du fait du retard dans la transmission des plans et des erreurs ou incohérences des plans.
Par un jugement en date du 14 mars 2024, le tribunal de commerce de Rennes :
- s'est déclaré incompétent pour les demandes portant sur les réparations des préjudices subis,
- renvoyé les parties à mieux se pourvoir devant la juridiction arbitrale ;
- sursis à statuer sur la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée dans l'attente de la décision arbitrale ;
- débouté la société Sertco de sa demande de paiement au titre du solde du marché ;
- dit qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société ECB aux entiers dépens ;
- liquidé les frais de greffe à la somme de 69,50 euros tels que prévus aux articles 695 et 701 du code de procédure civile.
La société Sertco a interjeté appel de cette décision le 25 mars 2024.
Elle a également interjeté appel de ce jugement par déclaration du 26 mars 2024. Les procédures ont été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 11 avril 2024.
Par ordonnance du même jour, la présidente de la quatrième chambre de la cour d'appel a autorisé la société Sertco à assigner la société ECB à jour fixe.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions en date du 21 juin 2024, au visa des articles 16, 74, 76, 1448 du code de procédure civile, 1231-1 et 1231-3 du code civil, la société Sertco demande à la cour de :
- ordonner la jonction des appels enrôlés sur le n° de RG 24/17042 et 24/01792 (erreur matérielle 24/01795),
- juger que l'appel de la société Sertco est recevable,
- juger que l'effet dévolutif est fonction de la déclaration d'appel et des conclusions notifiées,
- débouter la société ECB de sa demande de rejet de l'appel de la société Sertco du chef de sa demande relative au solde de son marché et de sa demande du chef de rejet du sursis à statuer sur la demande de procédure abusive,
- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :
Après s'être déclaré incompétent pour les demandes portant sur les réparations des préjudices subis,
- renvoyé les parties à mieux se pourvoir devant la juridiction arbitrale ;
- sursis à statuer sur la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée dans l'attente de la décision arbitrale ;
- débouté la société Sertco de sa demande de paiement au titre du solde du marché ;
- dit qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau,
- juger que le tribunal de commerce ne pouvait pas soulever d'office son incompétence, qui plus est sans réouverture des débats ;
- juger que les parties sont irrecevables à soulever une exception d'incompétence au profit de la juridiction arbitrale pour la première fois en cause d'appel ;
- juger que le tribunal de commerce de Rennes est compétent pour juger de l'entier du litige ;
- juger n'y avoir lieu à surseoir à statuer ;
En conséquence,
- renvoyer les parties devant le tribunal de commerce de Rennes ;
À défaut,
Evoquant comme juridiction d'appel du tribunal de commerce de Rennes,
- débouter la société ECB de l'intégralité de ses demandes ;
- la condamner à payer à la société Sertco une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et injustifiée ;
En toute hypothèse, statuant à nouveau,
- condamner la société ECB à payer à la société Sertco la somme de 22 580 euros pour solde de son marché outre les intérêts légaux ;
- condamner la société ECB à payer à la société Sertco une indemnité de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société ECB aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions en date du 20 juin 2024, au visa des articles 85, 699,700 et 1448 du code de procédure civile, la société Eiffage Construction Bretagne demande à la cour de :
In limine litis : concernant la demande de la société Sertco sur le solde de son marché et sur la prétendue procédure abusive :
- déclarer irrecevable la demande de la société Sertco tendant à voir infirmer l'ordonnance du président du tribunal de commerce concernant le solde du marché de la société Sertco, la dévolution ne pouvant porter que sur la compétence,
- constater que ni la déclaration d'appel, ni les conclusions d'appel de la société Sertco ne font état d'une demande de réformation de l'ordonnance du président du tribunal concernant une prétendue procédure abusive, en conséquence, confirmer l'ordonnance du président du tribunal judiciaire sur ce point.
À titre subsidiaire,
- confirmer l'ordonnance du président du tribunal de commerce en ce qu'il a débouté la société Sertco de sa demande de paiement au titre du solde de marché, ainsi que de sa demande de prétendu préjudice, abusive.
À titre principal :
Annuler le jugement du tribunal de commerce de rennes du 14 mars 2024 en ce qu'il s'est déclaré incompétent au profit de la juridiction arbitrale, ainsi qu'en ce qu'il a :
- renvoyé les parties à mieux se pouvoir devant la juridiction arbitrale,
- rejeté les demandes de la société Eiffage Construction Bretagne notamment au titre des frais irrépétibles et des dépens,
- condamné la société Eiffage Construction Bretagne aux dépens,
En conséquence,
- déclarer le tribunal de commerce de Rennes compétent pour répondre aux demandes de la société Eiffage Construction Bretagne portant sur les réparations des préjudices subis.
À titre subsidiaire :
- infirmer le jugement du tribunal de commerce de rennes du 14 mars 2024 en ce qu'il s'est déclaré incompétent au profit de la juridiction arbitrale, ainsi qu'en ce qu'il a :
- renvoyé les parties à mieux se pouvoir devant la juridiction arbitrale,
- rejeté les demandes de la société Eiffage Construction Bretagne notamment au titre des frais irrépétibles et des dépens,
- condamné la société Eiffage Construction Bretagne aux dépens,
En conséquence,
- déclarer le tribunal de commerce de Rennes compétent pour répondre aux demandes de la société ECB portant sur les réparations des préjudices subis,
En tout état de cause :
- débouter la société Sertco de toutes ses demandes,
- condamner la société Sertco à régler à la société ECB la somme de 3.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
MOTIFS
À titre liminaire, la cour rappelle qu'en application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. Elle n'examinera donc les demandes de « juger» figurant au dispositif des conclusions des parties qu'autant qu'elles constituent des prétentions et non des moyens.
Sur la demande de jonction des procédures
Aux termes de l'article 367 du code de procédure civile « le juge peut, à la demande des parties ou d'office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble.
Il peut également ordonner la disjonction d'une instance en plusieurs. »
L'article 368 du même code dispose que « les décisions de jonction ou disjonction d'instances sont des mesures d'administration judiciaire. »
Compte tenu des difficultés procédurales propres à chacune des procédures, il ne convient pas pour une bonne administration de la justice de joindre les dossiers 17/01742 et 17/01795.
La société Sertco sera déboutée de cette demande.
Sur la recevabilité de la demande au fond de la société Sertco
Aux termes des articles 83 et 84 du code de procédure civile « Lorsque le juge s'est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l'objet d'un appel dans les conditions prévues par le présent paragraphe.
La décision ne peut pareillement être attaquée du chef de la compétence que par voie d'appel lorsque le juge se prononce sur la compétence et ordonne une mesure d'instruction ou une mesure provisoire. »
« Le délai d'appel est de quinze jours à compter de la notification du jugement. Le greffe procède à cette notification adressée aux parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Il notifie également le jugement à leur avocat, dans le cas d'une procédure avec représentation obligatoire.
En cas d'appel, l'appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d'appel, saisir, dans le délai d'appel, le premier président en vue, selon le cas, d'être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d'une fixation prioritaire de l'affaire. »
Selon l'article 90 du code de procédure civile « Lorsque le juge s'est déclaré compétent et a statué sur le fond du litige dans un même jugement rendu en premier ressort, celui-ci peut être frappé d'appel dans l'ensemble de ses dispositions.
Lorsque la cour infirme du chef de la compétence, elle statue néanmoins sur le fond du litige si la cour est juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estime compétente.
Si elle n'est pas juridiction d'appel, la cour, en infirmant du chef de la compétence la décision attaquée, renvoie l'affaire devant la cour qui est juridiction d'appel relativement à la juridiction qui eût été compétente en première instance. Cette décision s'impose aux parties et à la cour de renvoi. »
En application du dernier de ces textes, la société Sertco ne pouvait saisir la cour que par un appel ordinaire si elle voulait voir examiner son recours sur le fond en sus de la compétence sauf à justifier de l'existence d'un péril conformément aux dispositions de l'article 917 du code de procédure civile, ce qu'elle ne fait pas.
La cour ne statuera donc que sur la compétence, sa demande d'infirmation du rejet de sa demande en paiement du solde de son marché étant irrecevable ainsi que le soutient la société ECB.
La demande incidente d'annulation du jugement par la société ECB l'est également pour le même motif.
Sur la compétence du tribunal de commerce
L'article 16 du code de procédure civile dispose que « le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.
Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. »
Selon l'article 1448 du même code « Lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable.
La juridiction de l'Etat ne peut relever d'office son incompétence.
Toute stipulation contraire au présent article est réputée non écrite.
Le tribunal de commerce s'est déclaré incompétent au profit de la juridiction arbitrale sans qu'aucune des parties n'ait soulevé d'exception d'incompétence et sans les avoir invitées à s'expliquer sur cette exception.
Ainsi que le relèvent à juste titre les parties, la décision du tribunal doit être infirmée, les premiers juges n'ayant pas respecté le contradictoire prévu à l'article 16 précité. Le tribunal ne pouvait davantage relever d'office son incompétence au profit d'une juridiction arbitrale en application de l'article 1448 du code de procédure civile.
Le jugement sera infirmé en sa disposition déclarant le tribunal incompétent pour les demandes portant sur les réparations des préjudices subis. Par voie de conséquence, le sursis à statuer prononcé par le tribunal devient sans objet.
Il n'y a pas lieu à évoquer l'affaire.
Sur les autres demandes
Le jugement est confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile. La condamnation aux dépens de première instance de la société ECB est confirmée.
Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Sertco qui succombe pour partie sera condamnée aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour
Déclare irrecevable la demande de la société Sertco tendant à voir statuer sur le fond et la demande d'annulation du jugement de la société ECB,,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la société ECB aux dépens de première instance,
Infirme le jugement entrepris en ce que le tribunal de commerce s'est déclaré incompétent au profit de la juridiction arbitrale,
Statuant à nouveau
Déclare le tribunal de commerce de Rennes compétent pour statuer sur la demande de dommages et intérêts de la société Eiffage Construction Bretagne,
Constate que le sursis à statuer est devenu sans objet,
Y ajoutant
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Sertco aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, P/ Le Président régulièrement empêché,
N. Malardel
ARRÊT N° 197
N° RG 24/01742
N°Portalis DBVL-V-B7I-UUE5
(Réf 1ère instance : 2023F00212)
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 04 Juillet 2024
devant Madame Nathalie MALARDEL et Monsieur Philippe BELLOIR, magistrats tenant seuls l'audience en la formation rapporteur, sans opposition des représentants des parties et qui ont rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 19 Septembre 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
S.A.S. SERTCO
immatriculée au RCS de Rennes sous le n 316.431.717,
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Hélène DUFAYOT DE LA MAISONNEUVE de la SELARL ANTARIUS AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Ludovic GAUVIN de la SELARL ANTARIUS AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau D'ANGERS
INTIMÉE :
EIFFAGE CONSTRUCTION BRETAGNE SAS
Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Xavier TERCQ, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
FAITS ET PROCÉDURE
Le Centre Hospitalier Universitaire de [Localité 4] a confié à la société Eiffage Construction Bretagne (ECB) la construction d'un institut de cancérologie et d'imagerie à [Localité 4] composé de six bâtiments en R+4 avec sous-sol.
Par une convention du 30 septembre 2019, la société ECB a confié à la société Sertco une étude en vue de la réalisation des plans d'exécution du gros 'uvre moyennant la somme de 444 000 euros TTC.
Par ordonnance de référé du 2 mars 2023, le président du tribunal de commerce de Rennes a condamné la société ECB à payer à la société Sertco une provision de 112 900 euros au titre des honoraires échus, avec intérêts légaux à compter du 24 juillet 2022, date de la mise en demeure, et pris acte que la société ECB se réservait le droit de solliciter la condamnation au titre des préjudices subis concernant les manquements contractuels de la société Sertco.
Par acte d'huissier du 14 juin 2023, la société ECB a fait assigner la société Sertco devant le tribunal de commerce de Rennes en réparation de ses préjudices sollicitant notamment le paiement des sommes de 522 240 euros HT du fait du défaut d'optimisation des matériaux (béton et acier) et 145 022 euros HT du fait du retard dans la transmission des plans et des erreurs ou incohérences des plans.
Par un jugement en date du 14 mars 2024, le tribunal de commerce de Rennes :
- s'est déclaré incompétent pour les demandes portant sur les réparations des préjudices subis,
- renvoyé les parties à mieux se pourvoir devant la juridiction arbitrale ;
- sursis à statuer sur la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée dans l'attente de la décision arbitrale ;
- débouté la société Sertco de sa demande de paiement au titre du solde du marché ;
- dit qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société ECB aux entiers dépens ;
- liquidé les frais de greffe à la somme de 69,50 euros tels que prévus aux articles 695 et 701 du code de procédure civile.
La société Sertco a interjeté appel de cette décision le 25 mars 2024.
Elle a également interjeté appel de ce jugement par déclaration du 26 mars 2024. Les procédures ont été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 11 avril 2024.
Par ordonnance du même jour, la présidente de la quatrième chambre de la cour d'appel a autorisé la société Sertco à assigner la société ECB à jour fixe.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions en date du 21 juin 2024, au visa des articles 16, 74, 76, 1448 du code de procédure civile, 1231-1 et 1231-3 du code civil, la société Sertco demande à la cour de :
- ordonner la jonction des appels enrôlés sur le n° de RG 24/17042 et 24/01792 (erreur matérielle 24/01795),
- juger que l'appel de la société Sertco est recevable,
- juger que l'effet dévolutif est fonction de la déclaration d'appel et des conclusions notifiées,
- débouter la société ECB de sa demande de rejet de l'appel de la société Sertco du chef de sa demande relative au solde de son marché et de sa demande du chef de rejet du sursis à statuer sur la demande de procédure abusive,
- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :
Après s'être déclaré incompétent pour les demandes portant sur les réparations des préjudices subis,
- renvoyé les parties à mieux se pourvoir devant la juridiction arbitrale ;
- sursis à statuer sur la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée dans l'attente de la décision arbitrale ;
- débouté la société Sertco de sa demande de paiement au titre du solde du marché ;
- dit qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau,
- juger que le tribunal de commerce ne pouvait pas soulever d'office son incompétence, qui plus est sans réouverture des débats ;
- juger que les parties sont irrecevables à soulever une exception d'incompétence au profit de la juridiction arbitrale pour la première fois en cause d'appel ;
- juger que le tribunal de commerce de Rennes est compétent pour juger de l'entier du litige ;
- juger n'y avoir lieu à surseoir à statuer ;
En conséquence,
- renvoyer les parties devant le tribunal de commerce de Rennes ;
À défaut,
Evoquant comme juridiction d'appel du tribunal de commerce de Rennes,
- débouter la société ECB de l'intégralité de ses demandes ;
- la condamner à payer à la société Sertco une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et injustifiée ;
En toute hypothèse, statuant à nouveau,
- condamner la société ECB à payer à la société Sertco la somme de 22 580 euros pour solde de son marché outre les intérêts légaux ;
- condamner la société ECB à payer à la société Sertco une indemnité de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société ECB aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions en date du 20 juin 2024, au visa des articles 85, 699,700 et 1448 du code de procédure civile, la société Eiffage Construction Bretagne demande à la cour de :
In limine litis : concernant la demande de la société Sertco sur le solde de son marché et sur la prétendue procédure abusive :
- déclarer irrecevable la demande de la société Sertco tendant à voir infirmer l'ordonnance du président du tribunal de commerce concernant le solde du marché de la société Sertco, la dévolution ne pouvant porter que sur la compétence,
- constater que ni la déclaration d'appel, ni les conclusions d'appel de la société Sertco ne font état d'une demande de réformation de l'ordonnance du président du tribunal concernant une prétendue procédure abusive, en conséquence, confirmer l'ordonnance du président du tribunal judiciaire sur ce point.
À titre subsidiaire,
- confirmer l'ordonnance du président du tribunal de commerce en ce qu'il a débouté la société Sertco de sa demande de paiement au titre du solde de marché, ainsi que de sa demande de prétendu préjudice, abusive.
À titre principal :
Annuler le jugement du tribunal de commerce de rennes du 14 mars 2024 en ce qu'il s'est déclaré incompétent au profit de la juridiction arbitrale, ainsi qu'en ce qu'il a :
- renvoyé les parties à mieux se pouvoir devant la juridiction arbitrale,
- rejeté les demandes de la société Eiffage Construction Bretagne notamment au titre des frais irrépétibles et des dépens,
- condamné la société Eiffage Construction Bretagne aux dépens,
En conséquence,
- déclarer le tribunal de commerce de Rennes compétent pour répondre aux demandes de la société Eiffage Construction Bretagne portant sur les réparations des préjudices subis.
À titre subsidiaire :
- infirmer le jugement du tribunal de commerce de rennes du 14 mars 2024 en ce qu'il s'est déclaré incompétent au profit de la juridiction arbitrale, ainsi qu'en ce qu'il a :
- renvoyé les parties à mieux se pouvoir devant la juridiction arbitrale,
- rejeté les demandes de la société Eiffage Construction Bretagne notamment au titre des frais irrépétibles et des dépens,
- condamné la société Eiffage Construction Bretagne aux dépens,
En conséquence,
- déclarer le tribunal de commerce de Rennes compétent pour répondre aux demandes de la société ECB portant sur les réparations des préjudices subis,
En tout état de cause :
- débouter la société Sertco de toutes ses demandes,
- condamner la société Sertco à régler à la société ECB la somme de 3.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
MOTIFS
À titre liminaire, la cour rappelle qu'en application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. Elle n'examinera donc les demandes de « juger» figurant au dispositif des conclusions des parties qu'autant qu'elles constituent des prétentions et non des moyens.
Sur la demande de jonction des procédures
Aux termes de l'article 367 du code de procédure civile « le juge peut, à la demande des parties ou d'office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble.
Il peut également ordonner la disjonction d'une instance en plusieurs. »
L'article 368 du même code dispose que « les décisions de jonction ou disjonction d'instances sont des mesures d'administration judiciaire. »
Compte tenu des difficultés procédurales propres à chacune des procédures, il ne convient pas pour une bonne administration de la justice de joindre les dossiers 17/01742 et 17/01795.
La société Sertco sera déboutée de cette demande.
Sur la recevabilité de la demande au fond de la société Sertco
Aux termes des articles 83 et 84 du code de procédure civile « Lorsque le juge s'est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l'objet d'un appel dans les conditions prévues par le présent paragraphe.
La décision ne peut pareillement être attaquée du chef de la compétence que par voie d'appel lorsque le juge se prononce sur la compétence et ordonne une mesure d'instruction ou une mesure provisoire. »
« Le délai d'appel est de quinze jours à compter de la notification du jugement. Le greffe procède à cette notification adressée aux parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Il notifie également le jugement à leur avocat, dans le cas d'une procédure avec représentation obligatoire.
En cas d'appel, l'appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d'appel, saisir, dans le délai d'appel, le premier président en vue, selon le cas, d'être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d'une fixation prioritaire de l'affaire. »
Selon l'article 90 du code de procédure civile « Lorsque le juge s'est déclaré compétent et a statué sur le fond du litige dans un même jugement rendu en premier ressort, celui-ci peut être frappé d'appel dans l'ensemble de ses dispositions.
Lorsque la cour infirme du chef de la compétence, elle statue néanmoins sur le fond du litige si la cour est juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estime compétente.
Si elle n'est pas juridiction d'appel, la cour, en infirmant du chef de la compétence la décision attaquée, renvoie l'affaire devant la cour qui est juridiction d'appel relativement à la juridiction qui eût été compétente en première instance. Cette décision s'impose aux parties et à la cour de renvoi. »
En application du dernier de ces textes, la société Sertco ne pouvait saisir la cour que par un appel ordinaire si elle voulait voir examiner son recours sur le fond en sus de la compétence sauf à justifier de l'existence d'un péril conformément aux dispositions de l'article 917 du code de procédure civile, ce qu'elle ne fait pas.
La cour ne statuera donc que sur la compétence, sa demande d'infirmation du rejet de sa demande en paiement du solde de son marché étant irrecevable ainsi que le soutient la société ECB.
La demande incidente d'annulation du jugement par la société ECB l'est également pour le même motif.
Sur la compétence du tribunal de commerce
L'article 16 du code de procédure civile dispose que « le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.
Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. »
Selon l'article 1448 du même code « Lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable.
La juridiction de l'Etat ne peut relever d'office son incompétence.
Toute stipulation contraire au présent article est réputée non écrite.
Le tribunal de commerce s'est déclaré incompétent au profit de la juridiction arbitrale sans qu'aucune des parties n'ait soulevé d'exception d'incompétence et sans les avoir invitées à s'expliquer sur cette exception.
Ainsi que le relèvent à juste titre les parties, la décision du tribunal doit être infirmée, les premiers juges n'ayant pas respecté le contradictoire prévu à l'article 16 précité. Le tribunal ne pouvait davantage relever d'office son incompétence au profit d'une juridiction arbitrale en application de l'article 1448 du code de procédure civile.
Le jugement sera infirmé en sa disposition déclarant le tribunal incompétent pour les demandes portant sur les réparations des préjudices subis. Par voie de conséquence, le sursis à statuer prononcé par le tribunal devient sans objet.
Il n'y a pas lieu à évoquer l'affaire.
Sur les autres demandes
Le jugement est confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile. La condamnation aux dépens de première instance de la société ECB est confirmée.
Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Sertco qui succombe pour partie sera condamnée aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour
Déclare irrecevable la demande de la société Sertco tendant à voir statuer sur le fond et la demande d'annulation du jugement de la société ECB,,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la société ECB aux dépens de première instance,
Infirme le jugement entrepris en ce que le tribunal de commerce s'est déclaré incompétent au profit de la juridiction arbitrale,
Statuant à nouveau
Déclare le tribunal de commerce de Rennes compétent pour statuer sur la demande de dommages et intérêts de la société Eiffage Construction Bretagne,
Constate que le sursis à statuer est devenu sans objet,
Y ajoutant
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Sertco aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, P/ Le Président régulièrement empêché,
N. Malardel