CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 19 septembre 2024, n° 21/21475
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
MMG (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Renard
Conseillers :
Mme Soudry, Mme Prigent
Avocats :
Me Ohayon, Me Halimi
EXPOSÉ DU LITIGE
La société MMG a une activité de commerce de gros et de prestations de services aux entreprises et particuliers.
L. 28 février 2019, M. [N] a fait l'acquisition d'un pavillon d'habitation [Adresse 2] à [Localité 4].
Le 29 mars 2019, M. [N] a commandé à la société MMG cinq fenêtres PVC dont quatre avec volet roulant monobloc pour un montant total de 3.085,13 euros TTC.
Le même jour, il a payé une somme de 1.661,17 euros à titre d'acompte.
La société MMG a établi une facture n°MMGF00141 le 5 avril 2019 faisant apparaître un solde dû de 1.423,96 euros.
Par courriel du 15 mai 2019, la société MMG a avisé M. [N] que sa commande de fenêtres PVC était disponible et qu'il pouvait venir la récupérer.
Le 17 mai 2019, M. [N] a payé le solde de la facture d'un montant de 1.423,96 euros.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 23 mai 2019, M. [N], se plaignant d'une non-conformité de la marchandise à sa commande compte tenu de l'emplacement à l'intérieur, et non à l'extérieur, des coffrets contenant les volets roulants, a sollicité auprès de la société MMG la modification des coffrets de fenêtres à la charge de cette dernière ou le remboursement de ses paiements.
Par acte du 17 décembre 2019, M. [N] a assigné la société MMG devant le tribunal judiciaire de Bobigny en résolution de la vente et en indemnisation des préjudices qu'il estimait avoir subis.
Par jugement du 28 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Bobigny a :
- Déclaré irrecevables les conclusions produites après l'ordonnance de clôture ,
- Débouté M. [N] de ses demandes en résolution de la vente et en dommages et intérêts ,
- Débouté la société MMG de sa demande de dommages et intérêts,
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné M. [N] aux dépens,
- Dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire ;
- Rejeté le surplus de toutes autres demandes.
Par déclaration du 7 décembre 2021, M. [N] a interjeté appel du jugement en ce qu'il a :
- Débouté M. [N] de ses demandes en résolution de la vente et en dommages et intérêts ,
- Condamné M. [N] aux dépens ,
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par ses dernières conclusions, notifiées par RPVA le 14 mars 2024, M. [N] demande à la cour, au visa des dispositions des articles L211-1 et suivants du code de la consommation, L. 217-5 du code de la consommation, 1603, 1224 et suivants,1229, 1231-1, 1240 du code civil, de :
Recevoir M. [N] en son appel et y faisant droit,
Réformer le jugement dont appel,
Et statuant à nouveau,
A titre principal,
Prononcer la résolution de la vente
En conséquence,
Condamner la société MMG au paiement des sommes suivantes :
- 3.085,12 euros au titre de remboursement de la totalité de la commande.
- 4.270 euros au titre du préjudice financier correspondant aux loyers de juin à décembre 2019, à parfaire jusqu'au remboursement intégral du prix des fenêtres par la société MMG,
A titre subsidiaire,
Prononcer la résiliation de la vente,
En conséquence,
Condamner la société MMG au paiement des sommes suivantes :
- 3.085,12 euros au titre de remboursement de la totalité de la commande.
- 4.270 euros au titre du préjudice financier correspondant aux loyers de juin à décembre 2019, à parfaire jusqu'au remboursement intégral du prix des fenêtres par la société MMG,
A titre infiniment subsidiaire,
Vu la perte de chance consécutive au manquement au devoir de conseil,
Condamner la société MMG au paiement de la somme de 7.355,12 euros à titre de dommages et intérêts résultant notamment de la commande réglée et du préjudice financier subi,
En tout état de cause,
Condamner la société MMG au paiement des sommes suivantes :
- 10.000 euros au titre du préjudice moral,
- 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Débouter la société MMG de toutes demandes, fins et conclusions comme irrecevables et mal-fondées,
Condamner la société MMG aux dépens dont distraction au profit de Me Ohayon.
Par ses dernières conclusions, notifiées par RPVA le 19 mars 2024, la société MMG demande à la cour, au visa des dispositions des articles 1240, 1603 du code civil, de :
- Déclarer la société MMG recevable et bien fondée en son appel incident du chef des dommages et intérêts pour procédure abusive,
- Infirmer le jugement de ce chef,
- Condamner M. [N] à payer la somme de 1.500 euros de dommages et intérêts à la société MMG pour procédure abusive,
- Confirmer en toutes ses autres dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny du 28 octobre 2021,
- Déclarer irrecevables les nouvelles demandes de M. [N] sur le fondement des articles 910-4 et 564 du code de procédure civile lesquelles sont les suivantes :
« A titre subsidiaire,
* Prononcer la résiliation de la vente
en conséquence,
* Condamner la société MMG au paiement des sommes suivantes :
- 3.085,12 euros au titre de remboursement de la totalité de la commande ;
- 4.270 euros au titre du préjudice financier correspondant aux loyers de juin à décembre
2019, à parfaire jusqu'au remboursement intégral du prix des fenêtres par la société MMG,
A titre infiniment subsidiaire,
Vu la perte de chance consécutive aux manquements au devoir de conseil,
* Condamner la société MMG au paiement de la somme de7.355,12 euros à titre de dommages et intérêts résultant notamment de la commande réglée et du préjudice financier subi. »
- Débouter M. [N] de toutes ses demandes.
- Condamner M. [N] aux dépens et à payer la somme de 3.000 euros à la société MMG au titre des frais irrépétibles.
La cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 mars 2024.
MOTIFS
Sur la demande de résolution
A l'appui de sa demande de résolution, M. [N] invoque un défaut de conformité de la marchandise par rapport à sa commande. Il affirme que les fenêtres qui lui ont été présentées à la livraison au magasin de la société MMG le 17 mai 2019 ne correspondaient pas à sa commande dès lors que le coffre des volets roulants était situé à l'intérieur alors que le coffre des volets qui lui avaient été présentés en magasin lors de la commande se trouvait à l'extérieur. Il explique qu'il s'est rendu compte de ce défaut de conformité après avoir payé le solde dû au titre de la facture mais alors qu'il se trouvait encore dans le magasin. Il soutient avoir refusé de repartir avec la marchandise et l'avoir laissée sur place. Il affirme qu'il rapporte la preuve du type de marchandise commandée par deux attestations ainsi que par un constat d'huissier qui démontrerait qu'au regard des caractéristiques des ouvrants de son habitation, le coffre des volets roulants ne pouvait être placé qu'à l'extérieur. Il reproche au vendeur de ne pas avoir spécifié dans la facture le type de coffrage commandé alors même qu'il s'agissait d'une caractéristique essentielle du bien vendu et qu'il devait s'enquérir de la volonté de l'acheteur sur ce point.
La société MMG réplique avoir délivré des fenêtres conformes à la commande. Elle fait valoir qu'il appartient à celui qui se prévaut d'un défaut de conformité d'en rapporter la preuve. Elle affirme qu'elle n'avait pas à se rendre chez son client pour vérifier que le matériel commandé était adapté. Elle soutient que M. [N] ne démontre pas avoir commandé des fenêtres avec un coffret à l'extérieur ni qu'il l'avait avisée du caractère déterminant de cette caractéristique. Elle ajoute que M. [N] a payé la facture et l'a ainsi validée. Elle se prévaut encore du fait que M. [N] a signé le bon de livraison le 17 mai 2019. Elle considère que l'acheteur a ainsi manifesté sa volonté de réceptionner la marchandise sans émettre de réserves.
En application de l'article 1604 du code civil, la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur.
La délivrance de la chose vendue s'entend de la délivrance d'une chose conforme aux caractéristiques convenues.
La réception sans réserve de la chose vendue couvre ses défauts apparents de non-conformité.
Selon l'article 1615 du code civil, l'obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel.
Le fabricant ou le vendeur professionnel spécialisé, devant avoir la maîtrise de la chose, sont ainsi tenus de donner à l'acquéreur toutes les précisions indispensables ou utiles pour l'usage de la chose vendue.
L'obligation de conseil à laquelle est tenu le vendeur lui impose ainsi de se renseigner sur les besoins de l'acheteur et de l'informer de l'adéquation du matériel proposé à l'utilisation qui en est prévue.
S'il appartient à M. [N] de rapporter la preuve du défaut de conformité à sa commande des marchandises qui lui ont été livrées, il incombe à la société MMG, en sa qualité de vendeur professionnel, de prouver qu'elle s'est acquittée de l'obligation de conseil lui imposant de se renseigner sur les besoins de l'acheteur.
En l'espèce, la société MMG ne dément pas avoir livré à M. [N] des fenêtres dont les coffrets étaient situés à l'intérieur. Or M. [N] établit par le procès-verbal de constat qu'il a fait dresser le 25 juin 2020 que les ouvrants sur lesquels devaient être posées les fenêtres ne pouvaient pas recevoir des coffrets de volets roulants à l'intérieur.
Il est par ailleurs constant que la vente litigieuse n'a pas été précédée d'un devis et que le seul document qui retrace l'accord des parties ainsi que les caractéristiques des biens vendus est la facture du 5 avril 2019. Cette facture mentionne bien l'adresse à laquelle les fenêtres devaient être posées. Pourtant cette facture ne précise pas si les volets roulants monoblocs fournis avec les fenêtres commandées, objets de la commande, sont situés à l'intérieur ou à l'extérieur. Or il est évident que cet élément est une caractéristique essentielle des biens vendus puisqu'il conditionne la possibilité de les poser sur les ouvrants auxquels ils sont destinés. Ainsi il appartient à la société MMG, en qualité de vendeur professionnel vis-à-vis d'un client consommateur, de rapporter la preuve qu'elle s'est acquittée de son obligation de conseil en se renseignant sur le point de savoir si le monobloc devait être situé à l'intérieur ou à l'extérieur. Le fait que cette mention ne figure pas sur la facture ainsi que le fait qu'un litige oppose les parties sur ce point établissent que la société MMG n'a pas respecté cette obligation. Son manquement à l'obligation de délivrance est donc caractérisé.
Les parties s'opposent par ailleurs sur le point de savoir si les marchandises ont été ou non réceptionnées.
La réception est un acte juridique unilatéral qui est l'expression d'une volonté et se distingue de la livraison qui est un simple fait.
La prise de possession accompagnée du paiement du prix permet de faire présumer la réception.
Ainsi la réception suppose une volonté de recevoir la marchandise et se distingue de la livraison ou de la prise de possession du bien.
Ainsi le seul fait que M. [N] ait signé un bon de livraison ou encore ait payé le solde de la marchandise le 17 mai 2019, s'ils peuvent faire présumer une réception tacite, ne suffisent pas à l'établir s'ils sont contredits par d'autres éléments de preuve.
Or M. [N] verse aux débats le témoignage circonstancié de M. [V], qui l'a accompagné le 17 mai 2019 au magasin de la société MMG pour l'aider à transporter les fenêtres, et qui indique que M. [N] a, dès le 17 mai 2019, dénoncé la non-conformité des fenêtres à la commande et a laissé les fenêtres dans le magasin, ce qui manifeste son refus de les réceptionner. En outre, il est produit aux débats une lettre recommandée datée du 23 mai 2019, soit quelques jours plus tard, aux termes de laquelle M. [N] dénonce la non-conformité des fenêtres livrées par rapport à sa commande en ce qu'elles comprenaient des coffrets à l'intérieur et non à l'extérieur.
En conséquence, aucune réception n'est intervenue et contrairement à ce qu'affirme la société MMG, le défaut de conformité n'est pas couvert. La responsabilité contractuelle de la société MMG pour manquement à son obligation de délivrance sera donc retenue.
En vertu de l'article 1610 du code civil, si le vendeur manque à faire la délivrance dans le temps convenu entre les parties, l'acquéreur peut, à son choix, demander la résolution de la vente, ou sa mise en possession, si le retard ne vient que du fait du vendeur.
Il convient dès lors de faire droit à la demande de M. [N] tendant à la résolution de la vente et à sa demande de restitution du prix à concurrence d'une somme de 3.085,12 euros TTC. Le jugement entrepris sera infirmé.
Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la société MMG en irrecevabilité des demandes subsidiaires de M. [N].
M. [N] revendique également le paiement d'une somme de 4.270 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice financier qu'il a subi. Il expose avoir été dans l'impossibilité d'habiter la maison qu'il venait d'acquérir en raison de l'impossibilité de poser les fenêtres achetées et avoir été ainsi contraint de payer les loyers de son ancien logement entre les mois de juin et décembre 2019. Toutefois il n'est pas démontré que la maison située [Adresse 2] à [Localité 4] était inhabitable ni qu'elle était dépourvue de fenêtres. Les photographies figurant au procès-verbal de constat montrent l'existence des fenêtres d'origine en bois, en double vitrage et équipées de volets extérieurs en bois. En l'absence de lien de causalité entre le préjudice financier allégué et le défaut de conformité retenu, la demande de dommages et intérêts sera rejetée.
M. [N] sollicite une somme de 10.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi. Il ressort des pièces versées aux débats que M. [N] a été contraint, pour faire valoir ses droits, de faire appel à une association de consommateurs, d'adresser différents courriers recommandés, de solliciter le témoignage de proches et d'intenter une action en justice. Au vu de ces éléments, l'existence du préjudice moral de M. [N], constitué par les tracas et diligences causés par le présent litige, est établi et ce préjudice sera réparé par l'allocation d'une somme de 1.000 euros de dommages et intérêts.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
Au vu de ce qui précède, aucune procédure abusive ne peut être reprochée à M. [N]. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de ce chef.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La société MMG succombe à l'instance d'appel. Les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront infirmées. La société MMG sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile. La société MMG sera condamnée à payer à M. [N] une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Sa demande de ce chef sera rejetée.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la société MMG de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Statuant à nouveau,
Prononce la résolution de la vente intervenue le 29 mars 2019 entre M. [N] et la société MMG objet de la facture n°MMGF00141 du 5 avril 2019 ;
Condamne la société MMG à restituer à M. [N] le prix d'un montant de 3.085,13 euros TTC ;
Rejette la demande de M. [N] en paiement d'une somme de 4.270 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice financier ;
Condamne la société MMG à payer à M. [N] une somme de 1.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
Condamne la société MMG à payer à M. [N] une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette la demande de la société MMG au titre de ses frais irrépétibles ;
Condamne la société MMG aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile.