Décisions
CA Rouen, ch. civ. et com., 19 septembre 2024, n° 23/02517
ROUEN
Arrêt
Autre
N° RG 23/02517 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JNM6
COUR D'APPEL DE ROUEN
CH. CIVILE ET COMMERCIALE
ARRET DU 19 SEPTEMBRE 2024
DÉCISION DÉFÉRÉE :
2020F00100
Tribunal de commerce d'Evreux du 15 juin 2023
APPELANTE :
S.N.C. [L], la société [L] ET FILS représentée par son liquidateur, la SCP MANDATEAM représentée par Maître [U] [O]
Liquidateur SCP MANDATEAM Me [O] - [Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Aurélie BLONDE de la SELARL THOMAS-COURCEL BLONDE, avocat au barreau d'EURE et assistée par Me Philippe THOMAS-COURCEL de la SCP CABINET THOMAS-COURCEL BLONDE, avocat au barreau de PARIS, plaidant.
INTIMEE :
S.A.R.L. CERECOLE représentée par son liquidateur amiable Monsieur [A] [L]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Céline BART de la SELARL SELARL EMMANUELLE BOURDON- CÉLINE BART AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de ROUEN et assistée par Me Sébastien VIALAR de la SELARL MOISAND BOUTIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, plaidant.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 29 mai 2024 sans opposition des avocats devant M. URBANO, conseiller, rapporteur.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme FOUCHER-GROS, présidente
M. URBANO, conseiller
Mme MENARD-GOGIBU, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme RIFFAULT, greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 29 mai 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 19 septembre 2024.
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 19 septembre 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par M.URBANO, conseiller, pour la présidente empêchée et par Mme RIFFAULT, greffière.
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
La SNC [L] et Fils, constituée en 1966 par M. [C] [L] avec son fils M. [A] [L], a pour objet l'exploitation de tous organismes stockeurs et l'acquisition et l'exploitation de tous fonds de commerce, de négoce de grains, pailles, fourrages, engrais et tous produits du sol. Son capital social est intégralement détenu par des personnes physiques membres de la famille [L] (20% par M. [A] [L] et 80% par une indivision successorale composée de MM [A] [L], [P] [L], [W] [L], [R] [L], Mme [V] [T] née [L], Mme [X] [Y] née [L], et par une indivision [M] composée de M. [D] [M], Mme [Z] [J] Née [M] et M. [B] [M]).
La société Cerecole est une société d'exploitation agricole qui était animée par M. [A] [L]. Elle est aujourd'hui en liquidation amiable.
La SNC [L] a été dissoute de plein droit depuis le 27 juin 2016 en raison de l'arrivée de son terme.
Par ordonnance du 13 octobre 2016, Me [N] a été désignée en qualité de liquidateur amiable de la SNC [L] & Fils.
Par décision judiciaire du 31 octobre 2019, la SCP [O] & Zolotarenko aujourd'hui dénommée la SCP Mandateam représentée par Me [U] [O] a été désignée en qualité de liquidateur de la SNC [L].
Par acte d'huissier du 28 novembre 2018, il a été signifié à la SCP [O] & Zolotarenko un acte de cession de créance daté du 22 octobre 2019 selon lequel la SARL Cerecole a déclaré détenir une créance en compte courant sur la SNC [L] d'un montant de 93 209,38 euros, créance qu'elle a cédée à MM. [A] (à hauteur de 74 567,50 euros) et [K] [L] (à hauteur de 18 641,88 euros).
La SNC [L] a contesté l'opposabilité de cette cession de créance ainsi que la prétendue créance elle-même.
Par lettre du 7 mai 2020, l'avocat des MM. [A] et [K] [L] et de la SARL Cerecole a acquiescé à l'inopposabilité de la cession de créance sans toutefois se prononcer sur la créance elle-même.
Par acte d'huissier du 30 septembre 2020, la SNC [L] & Fils a fait assigner la SARL Cerecole afin qu'il soit jugé que cette dernière ne détenait aucune créance à son égard.
Par acte d'huissier du 26 février 2021, la SARL Cerecole a fait assigner la SNC [L] & Fils en paiement de la somme de 93 209,38 euros.
Par jugement du 15 juin 2023, le tribunal de commerce d'Evreux a :
- ordonné la jonction des instances enrôlées sous les numéros 2020F00l00 et 2021F00041
Vus les articles 1221, 1341, 1343-2 et 1344 du code civil,
- condamné la SNC [L] à payer à la SARL Cerecole la somme de quatre-vingt-treize mille deux cent neuf euros et trente-huit centimes (93 209,38 euros), montant en principal, augmenté des intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2021,
- ordonné la capitalisation des intérêts sur cette somme,
- condamné la SNC [L] à payer à la SARL Cerecole la somme de trois mille cinq cents euros (3 500 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la SNC [L] en ses demandes, fins et conclusions,
- condamné la SNC [L] aux entiers dépens, dont frais de greffe de la présente décision liquidés à la somme de 73,22 euros.
La société [L] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 19 juillet 2023.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 mai 2024.
EXPOSE DES PRETENTIONS
Vu les conclusions du 27 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour exposé desprétentions et moyens de la société [L] qui demande à la cour de :
- juger la SNC [L] recevable et bien fondée en son appel,
En conséquence, y faisant droit,
- annuler le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Evreux le 15 juin 2023,
Subsidiairement,
- infirmer la décision dont appel en ce qu'elle a :
- condamné la SNC [L] à payer à la SARL Cerecole la somme de quatre-vingt-treize mille deux cent neuf euros et trente-huit centimes (93 209,38 euros), montant en principal, augmenté des intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2021,
- ordonné la capitalisation des intérêts sur cette somme,
- condamné la SNC [L] à payer à la SARL Cerecole la somme de trois mille cinq cent euros (3 500 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la SNC [L] en ses demandes, fins et conclusions
- condamné la SNC [L] aux entiers dépens, dont frais de greffe liquidés à la somme de 73,22 euros
Statuant à nouveau,
- constater qu'il n'existe pas de convention de compte courant entre les sociétés Cerecole et la société SNC [L] et Fils,
En conséquence,
- juger que la SARL Cerecole ne détient aucune créance sur la SNC [L] et Fils,
- débouter la société Cerecole de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- juger irrecevable la société Cerecole en ses demandes pécuniaires en raison de la prescription.
- condamner la société Cerecole à payer à la société [L] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Cerecole aux dépens de l'instance, tant de première instance que d'appel.
Vu les conclusions du 19 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la société Cerecole qui demande à la cour de :
- débouter la SNC [L] de son appel,
- confirmer le jugement du tribunal de commerce d'Evreux du 15 juin 2023 en toutes ses dispositions,
- condamner la SNC [L] et Fils au paiement de la somme de 5 000 euros à la société Cerecole au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la nullité du jugement :
Exposé des moyens :
La SNC [L] & Fils soutient que :
- le jugement entrepris n'est pas motivé ;
- les premiers juges ont omis de répondre à un moyen soulevé par la SNC [L] & Fils selon lequel l'inscription d'une somme dans les comptes ne vaut pas appréciation de son bien-fondé.
La SARL Cerecole soutient que :
- le jugement a été motivé notamment en pages 7 et 8 ;
- le moyen prétendument omis a été examiné.
Réponse de la cour :
L'article 455 du code de procédure civile dispose que le jugement doit être motivé.
Les premiers juges ont motivé leur décision de la huitième page à la dixième page en estimant que :
- les comptes de la SNC [L] comportaient l'inscription d'une dette à l'égard de la SARL Cerecole depuis des années ;
- un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 22 novembre 1982 fait état de la volonté des parties de faire figurer dans un compte unique les créances et dettes nées de leurs relations commerciales et de l'existence d'opérations réciproques par la fusion de ces opérations et l'exigibilité du solde à la clôture, le tout caractérisant l'existence d'un compte courant ;
- des écritures avaient été enregistrées entre le 31 décembre 2015 et le 31 décembre 2018 ayant porté le solde débiteur de ce compte à la somme de 93 209,38 euros alors qu'il était auparavant à 93 235,38 euros ;
- aucune disposition n'interdisait que deux sociétés commerciales établissent un compte courant entre elles quand bien même l'une ne soit pas associée de l'autre ;
- les comptes, qui n'étaient pas des simples projets, ont été arrêtés et approuvés chaque année y compris par les liquidateurs amiables et la comptabilité de la SNC [L], certifiée par des commissaires aux comptes, était régulièrement tenue ;
- l'existence de la créance en compte courant de la SARL Cerecole était démontrée.
Il s'agit là d'une motivation au sens de l'article 455 du code de procédure civile.
Par ailleurs, le moyen soulevé par la SNC [L] selon lequel l'inscription en comptabilité ne vaut pas reconnaissance de dette et résulte de l'application exclusive du principe de prudence a été examiné par les premiers juges qui y ont répondu en considérant que les comptes, qui n'étaient pas des simples projets, avaient été arrêtés et approuvés chaque année y compris par les liquidateurs amiables et que la comptabilité de la SNC [L], certifiée par des commissaires aux comptes, était régulièrement tenue et faisait foi entre commerçants.
La SNC [L] sera déboutée de sa demande de nullité du jugement entrepris.
Sur l'infirmation du jugement :
Exposé des moyens :
La SNC [L] & Fils soutient que :
- aucune preuve de l'existence d'un compte courant entre les parties n'est rapportée par la SARL Cerecole sur qui pèse la charge de la preuve étant observé que la SARL Cerecole n'est pas associée de la SNC [L] ;
- l'inscription dans les comptes de la SNC [L] & Fils d'une somme en faveur de la SARL Cerecole, inscription opérée par prudence, ne constitue pas la preuve que cette somme résulterait du solde d'un compte courant ni qu'elle constituerait une reconnaissance de dette ;
- la certification des comptes de la SNC [L] & Fils par un commissaire aux comptes ne vaut pas preuve de l'existence d'un compte courant ;
- l'existence de conventions réglementées liant la SNC [L] & Fils à la SARL Cerecole ne vaut pas preuve de l'existence d'une convention de compte courant ;
- la SARL Cerecole ne démontre pas être créancière de la SNC [L] & Fils et sa comptabilité est insuffisante à prouver ce point faute de pièces justificatives ;
- dès lors que les parties ne sont pas liées par un compte courant, la prétendue créance alléguée par la SARL Cerecole est prescrite dès lors qu'elle apparaît dans les comptes de la SNC [L] & Fils depuis l'année 2008 et que la prescription a commencé à courir à compter de l'achèvement des prétendues prestations nécessairement antérieure à l'année 2008.
La SARL Cerecole soutient que :
- une convention de compte courant peut exister entre deux personnes qui ont des relations d'affaires ;
- l'intention des parties de constituer un compte courant est démontrée par l'inscription de la créance de la SARL Cerecole dans les comptes de la SNC [L] depuis des années et la volonté des parties de fusionner l'ensemble de leurs dettes réciproques dans un seul compte, seul le solde étant dû ;
- les comptes ont été certifiés par le commissaire aux comptes depuis des années ;
- ni l'existence, ni la nature de la créance inscrite dans les comptes de la SNC [L] n'ont jamais été contestées ;
- dès lors que la SNC [L] a initialement été demandeur à l'instance au cours de laquelle elle contestait être débitrice d'une quelconque somme à l'égard de la SNC [L], c'est bien à elle qu'il appartenait de démontrer l'absence de dette ;
- dès lors que la comptabilité de la SNC [L] a été régulièrement tenue, cette comptabilité est opposable à la SNC [L] et a valeur probante s'agissant de la dette qui y est inscrite ;
- seul le solde étant dû à compter de la clôture du compte, aucune prescription n'est acquise, la première demande en paiement n'ayant été faite que par acte d'huissier du 21 janvier 2021 et la SNC [L] n'ayant été dissoute que le 27 juin 2016 alors que l'assignation en paiement a été délivrée le 26 février 2021.
Réponse de la cour :
L'article 1315 dans sa version antérieure au 1er octobre 2016 disposait que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
L'article L110-3 du code de commerce dispose qu'à l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu'il n'en soit autrement disposé par la loi.
L'article L123-23 du code de commerce dispose que : « La comptabilité régulièrement tenue peut être admise en justice pour faire preuve entre commerçants pour faits de commerce.
Si elle a été irrégulièrement tenue, elle ne peut être invoquée par son auteur à son profit' »
Il appartient à la SARL Cerecole qui se déclare créancière de la SNC [L] de démontrer par tous moyens sa créance y compris en se fondant sur sa propre comptabilité ou sur celle de la SNC [L]. Par ailleurs, la SARL Cerecole alléguant être liée par une convention de compte courant avec la SNC [L], il lui appartient de démontrer également ce point.
Le compte courant est un contrat par lequel les parties décident de faire entrer en compte toutes leurs créances et dettes réciproques de manière à ce que celles-ci soient considérées comme ayant été payées du fait de leur fusion dans un solde qui seul peut être réclamé lorsqu'il deviendra exigible.
Dès lors que seul le solde est dû lorsqu'il devient exigible, la prescription extinctive de ce solde ne commence à courir que du jour de son exigibilité.
Inversement, entre commerçants liés par un contrat d'entreprise, le délai de prescription des créances qui ne sont pas entrées en compte courant commence à courir au jour de l'achèvement des travaux ou de l'exécution des prestations pour chacune des dettes considérées.
Il résulte des comptes de la SNC [L] versés aux débats par la SARL Cerecole que depuis le 31 décembre 2008, la SNC [L] a inscrit au passif de son bilan sous la rubrique « autres dettes » une somme de 93 235,38 euros au profit de la SARL Cerecole (anciennement Letico) et que cette inscription n'a connu une modification que dans les comptes annuels de la SNC [L] arrêtés au 31 décembre 2016, la somme ayant été diminuée de 26 euros et ramenée à 93 209,38 euros étant précisé que la SNC [L] a été dissoute de plein droit le 27 juin 2016 en raison de l'arrivée de son terme. Cette écriture se retrouve dans les comptes annuels de la SNC [L] arrêtés au 31 décembre 2019 et c'est cette somme que réclame la SARL Cerecole.
Selon les rapports établis par les commissaires aux comptes de la SNC [L] à compter de l'exercice 1998, la SNC [L] et la SARL Cerecole ont été liées par diverses conventions de location-gérance et de prestations de services.
Il n'existe aucun écrit, aucun témoignage, aucune attestation démontrant que la SARL Cerecole et la SNC [L] ont eu l'intention de créer un compte courant entre elles. Il n'existe pas plus de factures ou de documents justifiant qu'il a existé des remises réciproques de la SNC [L] ou de la SARL Cerecole sur le compte tenu dans les livres de la SNC [L] et aucun rapport du commissaire aux comptes de la SNC [L] n'a été produit par la SARL Cerecole s'agissant de l'exercice 2016 de sorte que la cour ne dispose d'aucune information sur la diminution de 26 euros de la somme inscrite dans les comptes de la SNC [L].
Par ailleurs, l'enregistrement comptable par une société commerciale d'une somme au profit d'une société tierce non associée ne vaut pas, par lui-même, reconnaissance de dette non équivoque dès lors que cet enregistrement peut procéder de l'application des principes comptables de prudence et d'exhaustivité et peut la conduire à comptabiliser toutes les factures que lui adresse un fournisseur connu de ses services, sans pour autant que cet enregistrement emporte renonciation de sa part à en contester le bien-fondé et engagement d'en payer le montant.
Les comptes de la SNC [L] étant versés aux débats ainsi que les rapports des commissaires aux comptes, il en résulte que la comptabilité de la SNC [L] a été régulièrement tenue au sens de l'article L123-23 du code de commerce et peut faire preuve contre elle. L'inscription ayant été maintenue sur plus de dix exercices, il est exclu que celle-ci ait été motivée par l'existence d'un simple risque alors que les rapports des commissaires aux comptes font bien état de prestations facturées par la SARL Cerecole durant toutes ces années. Cette inscription peut dès lors être considérée comme valant preuve de la créance de la SARL Cerecole, cependant rien ne permet de considérer que cette même inscription vaudrait en outre preuve de l'existence d'un compte courant faute d'autres éléments justifiant de l'accord des volontés des parties et de l'existence de remises réciproques.
Il s'ensuit que la SARL Cerecole ne démontre pas que le compte existant dans les livres de la SNC [L] est un compte courant.
La somme de 93 235,38 euros a été inscrite dans les comptes de la SNC [L] dès le 31 décembre 2008, ce qui démontre l'existence de dettes à l'égard de la SARL Cerecole antérieures à cette date. Par ailleurs, la diminution de 26 euros intervenue dans les comptes arrêtés au 31 décembre 2016 demeure inexpliquée et rien ne démontre qu'il s'agirait d'un paiement effectué par la SNC [L] valant reconnaissance de dettes et interruption de prescription pour au moins l'une d'entre elles conformément aux dispositions de l'article 2240 du code civil. Il s'ensuit que la prescription extinctive de cinq ans de l'article 2224 du code civil a commencé à courir à compter du 31 décembre 2008 au plus tard pour être acquise au 31 décembre 2013, date à laquelle aucun acte interruptif n'était intervenu et que la demande en paiement formée par la SARL Cerecole par acte d'huissier du 26 février 2021 est irrecevable.
Le jugement entrepris sera infirmé sauf en ce qu'il a ordonné la jonction des instances enrôlées sous les numéros 2020F00l00 et 2021F00041 et la demande en paiement formée par la SARL Cerecole contre la SNC [L] sera déclarée irrecevable comme prescrite.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire ;
Déboute la SNC [L] de sa demande d'annulation du jugement du tribunal de commerce d'Evreux du 15 juin 2023 ;
Infirme le jugement du tribunal de commerce d'Evreux du 15 juin 2023 sauf en ce qu'il a ordonné la jonction des instances enrôlées sous les numéros 2020F00l00 et 2021F00041 ;
Statuant à nouveau :
Déclare irrecevable comme étant prescrite la demande en paiement de la somme de 93 209,38 euros formée par la SARL Cerecole contre la SNC [L] ;
Y ajoutant :
Condamne la SARL Cerecole aux dépens de première instance et d'appel ;
Condamne la SARL Cerecole à payer à la SNC [L] la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière, Le conseiller pour la présidente empêchée,
COUR D'APPEL DE ROUEN
CH. CIVILE ET COMMERCIALE
ARRET DU 19 SEPTEMBRE 2024
DÉCISION DÉFÉRÉE :
2020F00100
Tribunal de commerce d'Evreux du 15 juin 2023
APPELANTE :
S.N.C. [L], la société [L] ET FILS représentée par son liquidateur, la SCP MANDATEAM représentée par Maître [U] [O]
Liquidateur SCP MANDATEAM Me [O] - [Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Aurélie BLONDE de la SELARL THOMAS-COURCEL BLONDE, avocat au barreau d'EURE et assistée par Me Philippe THOMAS-COURCEL de la SCP CABINET THOMAS-COURCEL BLONDE, avocat au barreau de PARIS, plaidant.
INTIMEE :
S.A.R.L. CERECOLE représentée par son liquidateur amiable Monsieur [A] [L]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Céline BART de la SELARL SELARL EMMANUELLE BOURDON- CÉLINE BART AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de ROUEN et assistée par Me Sébastien VIALAR de la SELARL MOISAND BOUTIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, plaidant.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 29 mai 2024 sans opposition des avocats devant M. URBANO, conseiller, rapporteur.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme FOUCHER-GROS, présidente
M. URBANO, conseiller
Mme MENARD-GOGIBU, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme RIFFAULT, greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 29 mai 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 19 septembre 2024.
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 19 septembre 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par M.URBANO, conseiller, pour la présidente empêchée et par Mme RIFFAULT, greffière.
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EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
La SNC [L] et Fils, constituée en 1966 par M. [C] [L] avec son fils M. [A] [L], a pour objet l'exploitation de tous organismes stockeurs et l'acquisition et l'exploitation de tous fonds de commerce, de négoce de grains, pailles, fourrages, engrais et tous produits du sol. Son capital social est intégralement détenu par des personnes physiques membres de la famille [L] (20% par M. [A] [L] et 80% par une indivision successorale composée de MM [A] [L], [P] [L], [W] [L], [R] [L], Mme [V] [T] née [L], Mme [X] [Y] née [L], et par une indivision [M] composée de M. [D] [M], Mme [Z] [J] Née [M] et M. [B] [M]).
La société Cerecole est une société d'exploitation agricole qui était animée par M. [A] [L]. Elle est aujourd'hui en liquidation amiable.
La SNC [L] a été dissoute de plein droit depuis le 27 juin 2016 en raison de l'arrivée de son terme.
Par ordonnance du 13 octobre 2016, Me [N] a été désignée en qualité de liquidateur amiable de la SNC [L] & Fils.
Par décision judiciaire du 31 octobre 2019, la SCP [O] & Zolotarenko aujourd'hui dénommée la SCP Mandateam représentée par Me [U] [O] a été désignée en qualité de liquidateur de la SNC [L].
Par acte d'huissier du 28 novembre 2018, il a été signifié à la SCP [O] & Zolotarenko un acte de cession de créance daté du 22 octobre 2019 selon lequel la SARL Cerecole a déclaré détenir une créance en compte courant sur la SNC [L] d'un montant de 93 209,38 euros, créance qu'elle a cédée à MM. [A] (à hauteur de 74 567,50 euros) et [K] [L] (à hauteur de 18 641,88 euros).
La SNC [L] a contesté l'opposabilité de cette cession de créance ainsi que la prétendue créance elle-même.
Par lettre du 7 mai 2020, l'avocat des MM. [A] et [K] [L] et de la SARL Cerecole a acquiescé à l'inopposabilité de la cession de créance sans toutefois se prononcer sur la créance elle-même.
Par acte d'huissier du 30 septembre 2020, la SNC [L] & Fils a fait assigner la SARL Cerecole afin qu'il soit jugé que cette dernière ne détenait aucune créance à son égard.
Par acte d'huissier du 26 février 2021, la SARL Cerecole a fait assigner la SNC [L] & Fils en paiement de la somme de 93 209,38 euros.
Par jugement du 15 juin 2023, le tribunal de commerce d'Evreux a :
- ordonné la jonction des instances enrôlées sous les numéros 2020F00l00 et 2021F00041
Vus les articles 1221, 1341, 1343-2 et 1344 du code civil,
- condamné la SNC [L] à payer à la SARL Cerecole la somme de quatre-vingt-treize mille deux cent neuf euros et trente-huit centimes (93 209,38 euros), montant en principal, augmenté des intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2021,
- ordonné la capitalisation des intérêts sur cette somme,
- condamné la SNC [L] à payer à la SARL Cerecole la somme de trois mille cinq cents euros (3 500 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la SNC [L] en ses demandes, fins et conclusions,
- condamné la SNC [L] aux entiers dépens, dont frais de greffe de la présente décision liquidés à la somme de 73,22 euros.
La société [L] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 19 juillet 2023.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 mai 2024.
EXPOSE DES PRETENTIONS
Vu les conclusions du 27 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour exposé desprétentions et moyens de la société [L] qui demande à la cour de :
- juger la SNC [L] recevable et bien fondée en son appel,
En conséquence, y faisant droit,
- annuler le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Evreux le 15 juin 2023,
Subsidiairement,
- infirmer la décision dont appel en ce qu'elle a :
- condamné la SNC [L] à payer à la SARL Cerecole la somme de quatre-vingt-treize mille deux cent neuf euros et trente-huit centimes (93 209,38 euros), montant en principal, augmenté des intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2021,
- ordonné la capitalisation des intérêts sur cette somme,
- condamné la SNC [L] à payer à la SARL Cerecole la somme de trois mille cinq cent euros (3 500 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la SNC [L] en ses demandes, fins et conclusions
- condamné la SNC [L] aux entiers dépens, dont frais de greffe liquidés à la somme de 73,22 euros
Statuant à nouveau,
- constater qu'il n'existe pas de convention de compte courant entre les sociétés Cerecole et la société SNC [L] et Fils,
En conséquence,
- juger que la SARL Cerecole ne détient aucune créance sur la SNC [L] et Fils,
- débouter la société Cerecole de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- juger irrecevable la société Cerecole en ses demandes pécuniaires en raison de la prescription.
- condamner la société Cerecole à payer à la société [L] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Cerecole aux dépens de l'instance, tant de première instance que d'appel.
Vu les conclusions du 19 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la société Cerecole qui demande à la cour de :
- débouter la SNC [L] de son appel,
- confirmer le jugement du tribunal de commerce d'Evreux du 15 juin 2023 en toutes ses dispositions,
- condamner la SNC [L] et Fils au paiement de la somme de 5 000 euros à la société Cerecole au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la nullité du jugement :
Exposé des moyens :
La SNC [L] & Fils soutient que :
- le jugement entrepris n'est pas motivé ;
- les premiers juges ont omis de répondre à un moyen soulevé par la SNC [L] & Fils selon lequel l'inscription d'une somme dans les comptes ne vaut pas appréciation de son bien-fondé.
La SARL Cerecole soutient que :
- le jugement a été motivé notamment en pages 7 et 8 ;
- le moyen prétendument omis a été examiné.
Réponse de la cour :
L'article 455 du code de procédure civile dispose que le jugement doit être motivé.
Les premiers juges ont motivé leur décision de la huitième page à la dixième page en estimant que :
- les comptes de la SNC [L] comportaient l'inscription d'une dette à l'égard de la SARL Cerecole depuis des années ;
- un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 22 novembre 1982 fait état de la volonté des parties de faire figurer dans un compte unique les créances et dettes nées de leurs relations commerciales et de l'existence d'opérations réciproques par la fusion de ces opérations et l'exigibilité du solde à la clôture, le tout caractérisant l'existence d'un compte courant ;
- des écritures avaient été enregistrées entre le 31 décembre 2015 et le 31 décembre 2018 ayant porté le solde débiteur de ce compte à la somme de 93 209,38 euros alors qu'il était auparavant à 93 235,38 euros ;
- aucune disposition n'interdisait que deux sociétés commerciales établissent un compte courant entre elles quand bien même l'une ne soit pas associée de l'autre ;
- les comptes, qui n'étaient pas des simples projets, ont été arrêtés et approuvés chaque année y compris par les liquidateurs amiables et la comptabilité de la SNC [L], certifiée par des commissaires aux comptes, était régulièrement tenue ;
- l'existence de la créance en compte courant de la SARL Cerecole était démontrée.
Il s'agit là d'une motivation au sens de l'article 455 du code de procédure civile.
Par ailleurs, le moyen soulevé par la SNC [L] selon lequel l'inscription en comptabilité ne vaut pas reconnaissance de dette et résulte de l'application exclusive du principe de prudence a été examiné par les premiers juges qui y ont répondu en considérant que les comptes, qui n'étaient pas des simples projets, avaient été arrêtés et approuvés chaque année y compris par les liquidateurs amiables et que la comptabilité de la SNC [L], certifiée par des commissaires aux comptes, était régulièrement tenue et faisait foi entre commerçants.
La SNC [L] sera déboutée de sa demande de nullité du jugement entrepris.
Sur l'infirmation du jugement :
Exposé des moyens :
La SNC [L] & Fils soutient que :
- aucune preuve de l'existence d'un compte courant entre les parties n'est rapportée par la SARL Cerecole sur qui pèse la charge de la preuve étant observé que la SARL Cerecole n'est pas associée de la SNC [L] ;
- l'inscription dans les comptes de la SNC [L] & Fils d'une somme en faveur de la SARL Cerecole, inscription opérée par prudence, ne constitue pas la preuve que cette somme résulterait du solde d'un compte courant ni qu'elle constituerait une reconnaissance de dette ;
- la certification des comptes de la SNC [L] & Fils par un commissaire aux comptes ne vaut pas preuve de l'existence d'un compte courant ;
- l'existence de conventions réglementées liant la SNC [L] & Fils à la SARL Cerecole ne vaut pas preuve de l'existence d'une convention de compte courant ;
- la SARL Cerecole ne démontre pas être créancière de la SNC [L] & Fils et sa comptabilité est insuffisante à prouver ce point faute de pièces justificatives ;
- dès lors que les parties ne sont pas liées par un compte courant, la prétendue créance alléguée par la SARL Cerecole est prescrite dès lors qu'elle apparaît dans les comptes de la SNC [L] & Fils depuis l'année 2008 et que la prescription a commencé à courir à compter de l'achèvement des prétendues prestations nécessairement antérieure à l'année 2008.
La SARL Cerecole soutient que :
- une convention de compte courant peut exister entre deux personnes qui ont des relations d'affaires ;
- l'intention des parties de constituer un compte courant est démontrée par l'inscription de la créance de la SARL Cerecole dans les comptes de la SNC [L] depuis des années et la volonté des parties de fusionner l'ensemble de leurs dettes réciproques dans un seul compte, seul le solde étant dû ;
- les comptes ont été certifiés par le commissaire aux comptes depuis des années ;
- ni l'existence, ni la nature de la créance inscrite dans les comptes de la SNC [L] n'ont jamais été contestées ;
- dès lors que la SNC [L] a initialement été demandeur à l'instance au cours de laquelle elle contestait être débitrice d'une quelconque somme à l'égard de la SNC [L], c'est bien à elle qu'il appartenait de démontrer l'absence de dette ;
- dès lors que la comptabilité de la SNC [L] a été régulièrement tenue, cette comptabilité est opposable à la SNC [L] et a valeur probante s'agissant de la dette qui y est inscrite ;
- seul le solde étant dû à compter de la clôture du compte, aucune prescription n'est acquise, la première demande en paiement n'ayant été faite que par acte d'huissier du 21 janvier 2021 et la SNC [L] n'ayant été dissoute que le 27 juin 2016 alors que l'assignation en paiement a été délivrée le 26 février 2021.
Réponse de la cour :
L'article 1315 dans sa version antérieure au 1er octobre 2016 disposait que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
L'article L110-3 du code de commerce dispose qu'à l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu'il n'en soit autrement disposé par la loi.
L'article L123-23 du code de commerce dispose que : « La comptabilité régulièrement tenue peut être admise en justice pour faire preuve entre commerçants pour faits de commerce.
Si elle a été irrégulièrement tenue, elle ne peut être invoquée par son auteur à son profit' »
Il appartient à la SARL Cerecole qui se déclare créancière de la SNC [L] de démontrer par tous moyens sa créance y compris en se fondant sur sa propre comptabilité ou sur celle de la SNC [L]. Par ailleurs, la SARL Cerecole alléguant être liée par une convention de compte courant avec la SNC [L], il lui appartient de démontrer également ce point.
Le compte courant est un contrat par lequel les parties décident de faire entrer en compte toutes leurs créances et dettes réciproques de manière à ce que celles-ci soient considérées comme ayant été payées du fait de leur fusion dans un solde qui seul peut être réclamé lorsqu'il deviendra exigible.
Dès lors que seul le solde est dû lorsqu'il devient exigible, la prescription extinctive de ce solde ne commence à courir que du jour de son exigibilité.
Inversement, entre commerçants liés par un contrat d'entreprise, le délai de prescription des créances qui ne sont pas entrées en compte courant commence à courir au jour de l'achèvement des travaux ou de l'exécution des prestations pour chacune des dettes considérées.
Il résulte des comptes de la SNC [L] versés aux débats par la SARL Cerecole que depuis le 31 décembre 2008, la SNC [L] a inscrit au passif de son bilan sous la rubrique « autres dettes » une somme de 93 235,38 euros au profit de la SARL Cerecole (anciennement Letico) et que cette inscription n'a connu une modification que dans les comptes annuels de la SNC [L] arrêtés au 31 décembre 2016, la somme ayant été diminuée de 26 euros et ramenée à 93 209,38 euros étant précisé que la SNC [L] a été dissoute de plein droit le 27 juin 2016 en raison de l'arrivée de son terme. Cette écriture se retrouve dans les comptes annuels de la SNC [L] arrêtés au 31 décembre 2019 et c'est cette somme que réclame la SARL Cerecole.
Selon les rapports établis par les commissaires aux comptes de la SNC [L] à compter de l'exercice 1998, la SNC [L] et la SARL Cerecole ont été liées par diverses conventions de location-gérance et de prestations de services.
Il n'existe aucun écrit, aucun témoignage, aucune attestation démontrant que la SARL Cerecole et la SNC [L] ont eu l'intention de créer un compte courant entre elles. Il n'existe pas plus de factures ou de documents justifiant qu'il a existé des remises réciproques de la SNC [L] ou de la SARL Cerecole sur le compte tenu dans les livres de la SNC [L] et aucun rapport du commissaire aux comptes de la SNC [L] n'a été produit par la SARL Cerecole s'agissant de l'exercice 2016 de sorte que la cour ne dispose d'aucune information sur la diminution de 26 euros de la somme inscrite dans les comptes de la SNC [L].
Par ailleurs, l'enregistrement comptable par une société commerciale d'une somme au profit d'une société tierce non associée ne vaut pas, par lui-même, reconnaissance de dette non équivoque dès lors que cet enregistrement peut procéder de l'application des principes comptables de prudence et d'exhaustivité et peut la conduire à comptabiliser toutes les factures que lui adresse un fournisseur connu de ses services, sans pour autant que cet enregistrement emporte renonciation de sa part à en contester le bien-fondé et engagement d'en payer le montant.
Les comptes de la SNC [L] étant versés aux débats ainsi que les rapports des commissaires aux comptes, il en résulte que la comptabilité de la SNC [L] a été régulièrement tenue au sens de l'article L123-23 du code de commerce et peut faire preuve contre elle. L'inscription ayant été maintenue sur plus de dix exercices, il est exclu que celle-ci ait été motivée par l'existence d'un simple risque alors que les rapports des commissaires aux comptes font bien état de prestations facturées par la SARL Cerecole durant toutes ces années. Cette inscription peut dès lors être considérée comme valant preuve de la créance de la SARL Cerecole, cependant rien ne permet de considérer que cette même inscription vaudrait en outre preuve de l'existence d'un compte courant faute d'autres éléments justifiant de l'accord des volontés des parties et de l'existence de remises réciproques.
Il s'ensuit que la SARL Cerecole ne démontre pas que le compte existant dans les livres de la SNC [L] est un compte courant.
La somme de 93 235,38 euros a été inscrite dans les comptes de la SNC [L] dès le 31 décembre 2008, ce qui démontre l'existence de dettes à l'égard de la SARL Cerecole antérieures à cette date. Par ailleurs, la diminution de 26 euros intervenue dans les comptes arrêtés au 31 décembre 2016 demeure inexpliquée et rien ne démontre qu'il s'agirait d'un paiement effectué par la SNC [L] valant reconnaissance de dettes et interruption de prescription pour au moins l'une d'entre elles conformément aux dispositions de l'article 2240 du code civil. Il s'ensuit que la prescription extinctive de cinq ans de l'article 2224 du code civil a commencé à courir à compter du 31 décembre 2008 au plus tard pour être acquise au 31 décembre 2013, date à laquelle aucun acte interruptif n'était intervenu et que la demande en paiement formée par la SARL Cerecole par acte d'huissier du 26 février 2021 est irrecevable.
Le jugement entrepris sera infirmé sauf en ce qu'il a ordonné la jonction des instances enrôlées sous les numéros 2020F00l00 et 2021F00041 et la demande en paiement formée par la SARL Cerecole contre la SNC [L] sera déclarée irrecevable comme prescrite.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire ;
Déboute la SNC [L] de sa demande d'annulation du jugement du tribunal de commerce d'Evreux du 15 juin 2023 ;
Infirme le jugement du tribunal de commerce d'Evreux du 15 juin 2023 sauf en ce qu'il a ordonné la jonction des instances enrôlées sous les numéros 2020F00l00 et 2021F00041 ;
Statuant à nouveau :
Déclare irrecevable comme étant prescrite la demande en paiement de la somme de 93 209,38 euros formée par la SARL Cerecole contre la SNC [L] ;
Y ajoutant :
Condamne la SARL Cerecole aux dépens de première instance et d'appel ;
Condamne la SARL Cerecole à payer à la SNC [L] la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière, Le conseiller pour la présidente empêchée,