Décisions
CA Montpellier, 4e ch. civ., 19 septembre 2024, n° 22/02914
MONTPELLIER
Arrêt
Autre
ARRÊT n°
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre civile
ARRET DU 19 SEPTEMBRE 2024
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 22/02914 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PN6R
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 10 mai 2022
Tribunal judiciaire de PERPIGNAN - N° RG 20/00512
APPELANTE :
S.A.R.L. Immo Bacara Société à responsabilité limitée au capital de 100 000 euros, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de DUNKERQUE sous le numéro 819 586 157 agissant poursuites et diligences de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Philippe NESE de la SELARL NESE, avocat au barreau de PYRÉNÉES-ORIENTALES et par Me Karl VANDAMME, avocat au barreau de LILLE
INTIME :
Monsieur [G] [I]
né le 11 Juin 1980 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Delphine JOUBES substituant Me Cécile PARAYRE-ARPAILLANGE, avocats au barreau de PYRÉNÉES- ORIENTALES, avocat postulant substituant sur l'audience Me Jonathan AZERAD, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 juin 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre
M. Philippe BRUEY, Conseiller
Mme Marie-José FRANCO, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Charlotte MONMOUSSEAU
ARRET :
- contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Charlotte MONMOUSSEAU, Greffière.
*
* *
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Par acte authentique du 9 août 2019, la SARL Immo Bacara, venderesse, a conclu avec M. [G] [I], acquéreur, une promesse synallagmatique de vente portant sur un local à usage commercial situé à [Localité 6], au prix de 3 060 000 euros, sous la condition suspensive d'obtention par l'acquéreur de deux prêts, au plus tard dans les 45 jours de la signature de l'acte.
Par courriel du 16 septembre 2019 de son notaire, la SARL Immo Bacara a accepté de reporter le terme prévu pour la réalisation de la condition suspensive d'obtention d'un financement, d'un mois soit au 24 octobre 2019.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 28 octobre 2019, la SARL Immo Bacara a mis en demeure M.[I] d'avoir à justifier dans un délai de 8 jours de la réalisation ou de la défaillance de la condition suspensive.
Par lettre datée du même jour, le notaire de M. [I] a communiqué à la SARL Immo Bacara l'attestation de refus de prêt établie par le courtier VGF Finance.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 6 novembre 2019, le notaire de la venderesse a fait valoir au notaire de l'acquéreur qu'il n'avait pas satisfait aux obligations contractuelles exigeant deux attestations délivrées par deux prêteurs différents et s'est prévalu de la caducité du compromis de vente.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 8 janvier 2020, la SARL Immo Bacara a mis en demeure M.[I] de lui payer la somme de 306 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice.
C'est dans ces circonstances que, par acte du 17 février 2020, la SARL Immo Bacara a assigné M. [G] [I] devant le tribunal judiciaire de Perpignan aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement de dommages-intérêts.
Par jugement contradictoire du 10 mai 2022, le tribunal judiciaire de Perpignan a :
- débouté la SARL Immo Bacara de sa demande de dommages-intérêts,
- a condamné la SARL Immo Bacara aux dépens et à payer à M.[I] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 31 mai 2022, la SARL Immo Bacara a relevé appel de ce jugement.
Par uniques conclusions remises par voie électronique le 22 août 2022, la SARL Immo Bacara demande à la cour, sur le fondement des articles 1103, 1304-3, 1193, 1194, 1217 et 1231-1 du code civil, de :
Infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
En conséquence, statuant à nouveau,
Débouter M. [I] de l'ensemble de ses demandes,
Condamner M. [I] à lui payer la somme de 306 000 euros à titre de dommages et intérêts, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2020, date de la mise en demeure,
Condamner M. [I] aux dépens de première instance et d'appel et à lui payer la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par uniques conclusions remises par voie électronique le 23 septembre 2022, M. [G] [I] demande à la cour de :
Confirmer le jugement,
Débouter la SARL Immo Bacara de l'intégralité de ses demandes,
Condamner la SARL Immo Bacara aux dépens et à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu l'ordonnance du clôture du 15 mai 2024.
Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la défaillance de la condition suspensive
L'article 1304-3 du code civil énonce que « La condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement. (...) ».
Sur le fondement de ce texte, il est jugé qu'est imputable au bénéficiaire de la condition d'obtention d'un prêt :
le dépôt d'une demande de prêt non conforme aux stipulations de la promesse, notamment si la demande est supérieure au montant fixé dans la promesse (Cour de Cassation, com, 23 novembre 1993, n° 91-21.846) ;
le défaut de diligences de l'acquéreur pour obtenir le prêt : demande incomplète ou imprécise (Cour de Cassation, 1ère civ., 25 octobre 1994, n° 92-11.400).
Il a, en revanche, été retenu l'absence de faute de l'emprunteur qui a sollicité un prêt non conforme aux stipulations du contrat, dès lors que la banque lui aurait, de toute façon, refusé le prêt en raison de l'insuffisance de ses capacités financières (Civ 3ème, 12 septembre 2007 n°06-15.640).
En définitive, le débiteur a l'obligation d'établir qu'il a accompli les diligences normales ou de justifier des raisons pour lesquelles il n'a pas pu surmonter les obstacles mis à la réalisation de la condition suspensive. Il revient, ainsi, à l'emprunteur de démontrer qu'il a sollicité un prêt conforme aux caractéristiques décrites dans la promesse de vente et ce dans le délai imparti par l'acte. Cette preuve faite, c'est au créancier d'établir que le débiteur qui a sollicité le prêt a « empêché l'accomplissement de la condition suspensive ».
En l'espèce, le compromis de vente était conclu sous la condition suspensive d'obtention d'un prêt ainsi rédigée :
« 8- Conditions suspensives
La présente vente est soumise aux conditions suspensives suivantes (...),
8.1.2.1.1 - Caractéristiques du prêt
L'acquéreur déclare avoir l'intention de recourir, pour le financement de cette acquisition, à un ou plusieurs prêts répondant aux caractéristiques suivantes :
Montant maximum à emprunter : 3.302.500,00 €
Durée maximale de remboursement : 15 ans
Taux nominal d'intérêt maximum : 2,50 % l'an (hors assurances).
(...) 8.1.2.1.3 - Réalisation de la condition suspensive
Le prêt sera réputé obtenu au sens des articles L.313-1 et suivants du Code de la consommation et la condition suspensive sera réalisée par l'édition par la banque de l'offre écrite (ou du contrat), telle que prévue auxdits articles, de consentir le crédit aux conditions principales sus-énoncées et dans le délai ci-dessous stipulé.
L'émission de cette offre (de ce contrat) par la banque devra intervenir au plus tard dans les 45 jours de la signature des présentes.
L'obtention ou le défaut d'obtention du prêt devra immédiatement être notifié par l'acquéreur au notaire rédacteur des présentes.
A défaut de notification, le vendeur aura la faculté de mettre l'acquéreur en demeure de lui justifier, sous huit (8) jours calendaires à compter de la présentation de la notification, de la réalisation ou de la défaillance de la condition. Cette demande devra être faite par lettre recommandée avec avis de réception (papier ou électronique) ou par acte extrajudiciaire, au domicile élu par l'acquéreur.
Tant que cette mise en demeure n'aura pas été effectuée, la présente condition suspensive sera considérée comme pendante et le délai ci-dessus stipulé pour sa réalisation, tacitement prorogé.
Passé ce délai de huit jours sans que l'acquéreur n'ait apporté les justificatifs requis, la condition sera censée défaillir et les présentes seront donc caduques de plein droit, sans autre formalité, et ainsi le vendeur retrouvera son entière liberté.
L'acquéreur ne pourra recouvrer le dépôt de garantie qu'il aura, le cas échéant, versé qu'après justification qu'il a accompli les démarches nécessaires pour l'obtention du prêt, et que la condition n'est pas défaillie de son fait ; à défaut, le dépôt de garantie restera acquis au vendeur, sans préjudice de l'application de la clause pénale ci-après convenue.
En cas de refus du prêt, l'acquéreur devra en justifier immédiatement au vendeur et au notaire rédacteur des présentes par la production de deux attestations délivrées par deux prêteurs différents et énonçant les motifs sérieux et légitimes de ce refus (...) ».
Il n'est pas contesté qu'aucun prêt n'a été accordé à Monsieur [G] [I] dans les termes prévus dans le compromis de vente.
Il lui appartient, en revanche, de démontrer qu'il a sollicité deux prêts conformes aux caractéristiques décrites dans la promesse synallagmatique de vente et ce dans le délai imparti par l'acte.
Or, Monsieur [G] [I], malgré les demandes répétées qui lui ont été adressées par la SARL Immo Bacara, échoue à prouver qu'il a déposé deux demandes de prêts auprès d'établissements bancaires conformes aux stipulations contractuelles (notamment aux conditions financières du prêt : montant, durée, taux).
Les documents suivants versés au débat par Monsieur [I] sont insuffisants à établir que la non obtention du prêt ne résulte pas d'une négligence de sa part pour les raisons suivantes :
L'attestation de « refus de financement » établie par le courtier le 20 octobre 2019 (avec une erreur matérielle sur la date) mentionnant que le Crédit Mutuel - CM CIC [Localité 7] et le Crédit Agricole Rhône Alpes ne donnent pas suite à la demande de financement est non conforme. En effet, le compromis prévoit que la réponse doit émaner d'une banque: or, c'est le courtier « VGF Finance » qui est le rédacteur de l'attestation et non les établissements bancaires concernés ;
L'échange de courriels du 6 septembre 2019 avec M.[O], directeur de clientèle à la Banque Palatine est non conforme dès lors qu'on ignore les caractéristiques de la demande de prêt formulée par M. [I] et si elle répondait aux critères du compromis (montant de 3302500€, durée de 15 ans maximum et taux d'intérêt maximum de 2,50 %) ; en outre, ce document n'a pas été transmis dans les 8 jours de la mise en demeure de la SARL Immo Bacara du 28 octobre 2019 ;
L'attestation rédigée le 23 janvier 2020 par M. [C] [V], représentant de la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 5], exposant « ne pas vouloir accompagner le projet d'achat immobilier de M. [I] » est insuffisant, car comme dans le cas précédent, on ignore si la demande de prêt répondait aux critères du compromis ; en outre, cette demande de financement a été adressée en octobre 2019 (sans plus de précision), ce qui ne permet pas de vérifier que la demande n'était pas tardive alors que le terme prévu pour la réalisation de la condition suspensive expirait au 24 octobre 2019 ; enfin, ce document n'a pas été transmis dans les 8 jours de la mise en demeure ;
La possibilité d'un financement en cobaillage à hauteur de 50 %, avec accord de prêt partiel, ne répond pas aux caractéristiques conventionnellement envisagées dans la promesse synallagmatique de vente.
Il résulte de ces éléments que M. [I] ne justifie pas avoir effectué les diligences permettant la réalisation de la condition suspensive d'obtention d'un financement dans le délai imparti et conformément aux stipulations contractuelles, de sorte que le non-accomplissement de cette condition lui est imputable.
Il convient d'infirmer le jugement.
Le préjudice découlant pour la SARL Immo Bacara de l'inexécution de l'obligation de M. [I] consiste dans l'immobilisation en vain de son bien pendant le cours de la promesse de vente et jusqu'au 6 novembre 2019, date à laquelle le notaire du vendeur a informé le notaire de l'acquéreur que le compromis était caduc et que le vendeur entendait entamer une action en dommages-intérêts pour non respect des termes de la condition suspensive.
Compte tenu de la durée d'immobilisation du 9 août 2019 -date du compromis - au 6 novembre 2019, soit pendant moins de trois mois, et de la valeur du bien (3 060 000 euros), il y a lieu de fixer le montant des dommages-intérêts dus à la négligence de M.[I] à la somme de 10 000 euros.
Cette somme de 10 000 euros sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de mise en demeure du 8 janvier 2020.
Sur les demandes accessoires
Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, M. [G] [I] supportera les dépens de première instance et d'appel, et qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile par les avocats en ayant fait la demande.
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement du 10 mai 2022 du tribunal judiciaire de Perpignan en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant ;
Condamne M. [G] [I] à payer à SARL Immo Bacara la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2020 ;
Déboute la SARL Immo Bacara de sa demande plus ample à ce titre ;
Condamne M. [G] [I] aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile par les avocats en ayant fait la demande ;
Condamne M. [G] [I] à payer à SARL Immo Bacara la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre civile
ARRET DU 19 SEPTEMBRE 2024
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 22/02914 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PN6R
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 10 mai 2022
Tribunal judiciaire de PERPIGNAN - N° RG 20/00512
APPELANTE :
S.A.R.L. Immo Bacara Société à responsabilité limitée au capital de 100 000 euros, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de DUNKERQUE sous le numéro 819 586 157 agissant poursuites et diligences de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Philippe NESE de la SELARL NESE, avocat au barreau de PYRÉNÉES-ORIENTALES et par Me Karl VANDAMME, avocat au barreau de LILLE
INTIME :
Monsieur [G] [I]
né le 11 Juin 1980 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Delphine JOUBES substituant Me Cécile PARAYRE-ARPAILLANGE, avocats au barreau de PYRÉNÉES- ORIENTALES, avocat postulant substituant sur l'audience Me Jonathan AZERAD, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 juin 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre
M. Philippe BRUEY, Conseiller
Mme Marie-José FRANCO, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Charlotte MONMOUSSEAU
ARRET :
- contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Charlotte MONMOUSSEAU, Greffière.
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FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Par acte authentique du 9 août 2019, la SARL Immo Bacara, venderesse, a conclu avec M. [G] [I], acquéreur, une promesse synallagmatique de vente portant sur un local à usage commercial situé à [Localité 6], au prix de 3 060 000 euros, sous la condition suspensive d'obtention par l'acquéreur de deux prêts, au plus tard dans les 45 jours de la signature de l'acte.
Par courriel du 16 septembre 2019 de son notaire, la SARL Immo Bacara a accepté de reporter le terme prévu pour la réalisation de la condition suspensive d'obtention d'un financement, d'un mois soit au 24 octobre 2019.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 28 octobre 2019, la SARL Immo Bacara a mis en demeure M.[I] d'avoir à justifier dans un délai de 8 jours de la réalisation ou de la défaillance de la condition suspensive.
Par lettre datée du même jour, le notaire de M. [I] a communiqué à la SARL Immo Bacara l'attestation de refus de prêt établie par le courtier VGF Finance.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 6 novembre 2019, le notaire de la venderesse a fait valoir au notaire de l'acquéreur qu'il n'avait pas satisfait aux obligations contractuelles exigeant deux attestations délivrées par deux prêteurs différents et s'est prévalu de la caducité du compromis de vente.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 8 janvier 2020, la SARL Immo Bacara a mis en demeure M.[I] de lui payer la somme de 306 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice.
C'est dans ces circonstances que, par acte du 17 février 2020, la SARL Immo Bacara a assigné M. [G] [I] devant le tribunal judiciaire de Perpignan aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement de dommages-intérêts.
Par jugement contradictoire du 10 mai 2022, le tribunal judiciaire de Perpignan a :
- débouté la SARL Immo Bacara de sa demande de dommages-intérêts,
- a condamné la SARL Immo Bacara aux dépens et à payer à M.[I] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 31 mai 2022, la SARL Immo Bacara a relevé appel de ce jugement.
Par uniques conclusions remises par voie électronique le 22 août 2022, la SARL Immo Bacara demande à la cour, sur le fondement des articles 1103, 1304-3, 1193, 1194, 1217 et 1231-1 du code civil, de :
Infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
En conséquence, statuant à nouveau,
Débouter M. [I] de l'ensemble de ses demandes,
Condamner M. [I] à lui payer la somme de 306 000 euros à titre de dommages et intérêts, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2020, date de la mise en demeure,
Condamner M. [I] aux dépens de première instance et d'appel et à lui payer la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par uniques conclusions remises par voie électronique le 23 septembre 2022, M. [G] [I] demande à la cour de :
Confirmer le jugement,
Débouter la SARL Immo Bacara de l'intégralité de ses demandes,
Condamner la SARL Immo Bacara aux dépens et à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu l'ordonnance du clôture du 15 mai 2024.
Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la défaillance de la condition suspensive
L'article 1304-3 du code civil énonce que « La condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement. (...) ».
Sur le fondement de ce texte, il est jugé qu'est imputable au bénéficiaire de la condition d'obtention d'un prêt :
le dépôt d'une demande de prêt non conforme aux stipulations de la promesse, notamment si la demande est supérieure au montant fixé dans la promesse (Cour de Cassation, com, 23 novembre 1993, n° 91-21.846) ;
le défaut de diligences de l'acquéreur pour obtenir le prêt : demande incomplète ou imprécise (Cour de Cassation, 1ère civ., 25 octobre 1994, n° 92-11.400).
Il a, en revanche, été retenu l'absence de faute de l'emprunteur qui a sollicité un prêt non conforme aux stipulations du contrat, dès lors que la banque lui aurait, de toute façon, refusé le prêt en raison de l'insuffisance de ses capacités financières (Civ 3ème, 12 septembre 2007 n°06-15.640).
En définitive, le débiteur a l'obligation d'établir qu'il a accompli les diligences normales ou de justifier des raisons pour lesquelles il n'a pas pu surmonter les obstacles mis à la réalisation de la condition suspensive. Il revient, ainsi, à l'emprunteur de démontrer qu'il a sollicité un prêt conforme aux caractéristiques décrites dans la promesse de vente et ce dans le délai imparti par l'acte. Cette preuve faite, c'est au créancier d'établir que le débiteur qui a sollicité le prêt a « empêché l'accomplissement de la condition suspensive ».
En l'espèce, le compromis de vente était conclu sous la condition suspensive d'obtention d'un prêt ainsi rédigée :
« 8- Conditions suspensives
La présente vente est soumise aux conditions suspensives suivantes (...),
8.1.2.1.1 - Caractéristiques du prêt
L'acquéreur déclare avoir l'intention de recourir, pour le financement de cette acquisition, à un ou plusieurs prêts répondant aux caractéristiques suivantes :
Montant maximum à emprunter : 3.302.500,00 €
Durée maximale de remboursement : 15 ans
Taux nominal d'intérêt maximum : 2,50 % l'an (hors assurances).
(...) 8.1.2.1.3 - Réalisation de la condition suspensive
Le prêt sera réputé obtenu au sens des articles L.313-1 et suivants du Code de la consommation et la condition suspensive sera réalisée par l'édition par la banque de l'offre écrite (ou du contrat), telle que prévue auxdits articles, de consentir le crédit aux conditions principales sus-énoncées et dans le délai ci-dessous stipulé.
L'émission de cette offre (de ce contrat) par la banque devra intervenir au plus tard dans les 45 jours de la signature des présentes.
L'obtention ou le défaut d'obtention du prêt devra immédiatement être notifié par l'acquéreur au notaire rédacteur des présentes.
A défaut de notification, le vendeur aura la faculté de mettre l'acquéreur en demeure de lui justifier, sous huit (8) jours calendaires à compter de la présentation de la notification, de la réalisation ou de la défaillance de la condition. Cette demande devra être faite par lettre recommandée avec avis de réception (papier ou électronique) ou par acte extrajudiciaire, au domicile élu par l'acquéreur.
Tant que cette mise en demeure n'aura pas été effectuée, la présente condition suspensive sera considérée comme pendante et le délai ci-dessus stipulé pour sa réalisation, tacitement prorogé.
Passé ce délai de huit jours sans que l'acquéreur n'ait apporté les justificatifs requis, la condition sera censée défaillir et les présentes seront donc caduques de plein droit, sans autre formalité, et ainsi le vendeur retrouvera son entière liberté.
L'acquéreur ne pourra recouvrer le dépôt de garantie qu'il aura, le cas échéant, versé qu'après justification qu'il a accompli les démarches nécessaires pour l'obtention du prêt, et que la condition n'est pas défaillie de son fait ; à défaut, le dépôt de garantie restera acquis au vendeur, sans préjudice de l'application de la clause pénale ci-après convenue.
En cas de refus du prêt, l'acquéreur devra en justifier immédiatement au vendeur et au notaire rédacteur des présentes par la production de deux attestations délivrées par deux prêteurs différents et énonçant les motifs sérieux et légitimes de ce refus (...) ».
Il n'est pas contesté qu'aucun prêt n'a été accordé à Monsieur [G] [I] dans les termes prévus dans le compromis de vente.
Il lui appartient, en revanche, de démontrer qu'il a sollicité deux prêts conformes aux caractéristiques décrites dans la promesse synallagmatique de vente et ce dans le délai imparti par l'acte.
Or, Monsieur [G] [I], malgré les demandes répétées qui lui ont été adressées par la SARL Immo Bacara, échoue à prouver qu'il a déposé deux demandes de prêts auprès d'établissements bancaires conformes aux stipulations contractuelles (notamment aux conditions financières du prêt : montant, durée, taux).
Les documents suivants versés au débat par Monsieur [I] sont insuffisants à établir que la non obtention du prêt ne résulte pas d'une négligence de sa part pour les raisons suivantes :
L'attestation de « refus de financement » établie par le courtier le 20 octobre 2019 (avec une erreur matérielle sur la date) mentionnant que le Crédit Mutuel - CM CIC [Localité 7] et le Crédit Agricole Rhône Alpes ne donnent pas suite à la demande de financement est non conforme. En effet, le compromis prévoit que la réponse doit émaner d'une banque: or, c'est le courtier « VGF Finance » qui est le rédacteur de l'attestation et non les établissements bancaires concernés ;
L'échange de courriels du 6 septembre 2019 avec M.[O], directeur de clientèle à la Banque Palatine est non conforme dès lors qu'on ignore les caractéristiques de la demande de prêt formulée par M. [I] et si elle répondait aux critères du compromis (montant de 3302500€, durée de 15 ans maximum et taux d'intérêt maximum de 2,50 %) ; en outre, ce document n'a pas été transmis dans les 8 jours de la mise en demeure de la SARL Immo Bacara du 28 octobre 2019 ;
L'attestation rédigée le 23 janvier 2020 par M. [C] [V], représentant de la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 5], exposant « ne pas vouloir accompagner le projet d'achat immobilier de M. [I] » est insuffisant, car comme dans le cas précédent, on ignore si la demande de prêt répondait aux critères du compromis ; en outre, cette demande de financement a été adressée en octobre 2019 (sans plus de précision), ce qui ne permet pas de vérifier que la demande n'était pas tardive alors que le terme prévu pour la réalisation de la condition suspensive expirait au 24 octobre 2019 ; enfin, ce document n'a pas été transmis dans les 8 jours de la mise en demeure ;
La possibilité d'un financement en cobaillage à hauteur de 50 %, avec accord de prêt partiel, ne répond pas aux caractéristiques conventionnellement envisagées dans la promesse synallagmatique de vente.
Il résulte de ces éléments que M. [I] ne justifie pas avoir effectué les diligences permettant la réalisation de la condition suspensive d'obtention d'un financement dans le délai imparti et conformément aux stipulations contractuelles, de sorte que le non-accomplissement de cette condition lui est imputable.
Il convient d'infirmer le jugement.
Le préjudice découlant pour la SARL Immo Bacara de l'inexécution de l'obligation de M. [I] consiste dans l'immobilisation en vain de son bien pendant le cours de la promesse de vente et jusqu'au 6 novembre 2019, date à laquelle le notaire du vendeur a informé le notaire de l'acquéreur que le compromis était caduc et que le vendeur entendait entamer une action en dommages-intérêts pour non respect des termes de la condition suspensive.
Compte tenu de la durée d'immobilisation du 9 août 2019 -date du compromis - au 6 novembre 2019, soit pendant moins de trois mois, et de la valeur du bien (3 060 000 euros), il y a lieu de fixer le montant des dommages-intérêts dus à la négligence de M.[I] à la somme de 10 000 euros.
Cette somme de 10 000 euros sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de mise en demeure du 8 janvier 2020.
Sur les demandes accessoires
Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, M. [G] [I] supportera les dépens de première instance et d'appel, et qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile par les avocats en ayant fait la demande.
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement du 10 mai 2022 du tribunal judiciaire de Perpignan en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant ;
Condamne M. [G] [I] à payer à SARL Immo Bacara la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2020 ;
Déboute la SARL Immo Bacara de sa demande plus ample à ce titre ;
Condamne M. [G] [I] aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile par les avocats en ayant fait la demande ;
Condamne M. [G] [I] à payer à SARL Immo Bacara la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président