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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-11 référés, 19 septembre 2024, n° 24/00315

AIX-EN-PROVENCE

Ordonnance

Autre

CA Aix-en-Provence n° 24/00315

19 septembre 2024

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11 référés

ORDONNANCE DE REFERE

du 19 Septembre 2024

N° 2024/360

Rôle N° RG 24/00315 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNE2S

[N] [R]

[B] [Z] [R]

C/

[W] [L]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Pierre-yves IMPERATORE

Me Maud DAVAL-GUEDJ

Prononcée à la suite d'une assignation en référé en date du 30 Mai 2024.

DEMANDEURS

Monsieur [N] [R], demeurant [Adresse 4] ESPAGNE

représenté par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, Me Martine BAHEUX avocat au barreau de NICE substituée par Me Annabelle BOUSQUET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Monsieur [B] [Z] [R], demeurant [Adresse 5] ESPAGNE

représenté par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Martine BAHEUX avocat au barreau de NICE substituée par Me Annabelle BOUSQUET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

DEFENDEUR

Monsieur [W] [L], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Pierre-yves IMPERATORE de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Thierry FRADET avocat au barreau de TOULON, substitué par Me Rebecca VANDONI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

* * * *

DÉBATS ET DÉLIBÉRÉ

L'affaire a été débattue le 29 Juillet 2024 en audience publique devant

Marianne FEBVRE, Présidente,

déléguée par ordonnance du premier président.

En application des articles 957 et 965 du code de procédure civile

Greffier lors des débats : Cécilia AOUADI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Septembre 2024.

ORDONNANCE

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 19 Septembre 2024.

Signée par Marianne FEBVRE, Présidente et Cécilia AOUADI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Alors qu'une audience d'adjudication était fixée au 26 septembre 2013 dans le cadre d'une procédure de saisie vente de la villa lui appartenant et constituant son domicile, situé [Adresse 1] à [Localité 3], engagée par l'administration fiscale, M. [C] [R] a signé une promesse de vente amiable le 24 septembre 2013 au profit de M. [W] [L] proposant un prix de 280'000 € payables comptant.

Le bénéficiaire de la promesse a payé le même jour par chèque de banque les différents créanciers du promettant il était prévu que l'acte authentique de vente soit régularisé avant le 1er octobre 2013.

De ce fait, par jugement du 26 septembre 2013, le tribunal de grande instance de Toulon a prononcé la caducité du commandement de payer aux fins de saisie immobilière et la vente aux enchères n'a donc pas eu lieu.

Cependant, le 23 octobre 2013, le promettant a fait l'objet d'un certificat médical établi par un médecin habilité pris connaissance en placement sous sauvegarde de justice. Le 17 décembre 2013, il a vainement été sommé de se rendre à l'étude du notaire pour régulariser l'acte de vente de sa villa.

Par acte du 24 avril 2014, M. [L] a fait assigner M. [R] devant le tribunal de grande instance de Toulon en vente forcée. L'un des fils du promettant, M. [B] [R], qui avait été nommé curateur dans le cadre d'un jugement de curatelle simple en date du 17 juillet 2015, est intervenue volontairement à la procédure pour demander la nullité de la promesse de vente ainsi que de la clause pénale y figurant en proposant de rembourser dans les 12 mois les sommes payées par le bénéficiaire de la promesse pour apurer les dettes du promettant.

Par un jugement du 23 mars 2017, le tribunal saisi a :

- reçu M. [B] [R] en son intervention volontaire, prononcé la nullité de l'acte du 23 septembre 2013,

- condamné M. [C] [R], assisté de son curateur, à payer à M. [L] la somme de 244.393,69 € au titre des sommes versées à ses créanciers et celle de 198,02 € au titre des frais d'huissier correspondant à la délivrance des procès-verbaux d'offre réelle, en lui accordant un délai de 6 mois pour régler la somme due,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- ordonné l'exécution provisoire et partagé les dépens.

Par un arrêt rendu le 2 avril 2019 sur l'appel de M. [L], rectifié le 9 juillet 2019, la cour d'appel d'Aix en Provence a infirmé en toutes ses dispositions le jugement du 23 mars 2017, et a notamment :

- déclaré la promesse synallagmatique de vente du 24 septembre 2013 valide,

- condamné M. [C] [R], assisté de son curateur, à signer l'acte réitératif de vente chez le notaire saisi pour ce faire par M. [L], sur la convocation recommandée que ce notaire leur adressera en même temps que le projet d'acte, une fois le solde du prix consigné entre ses mains par l'acquéreur, à défaut sous astreinte de 100 € par jour de retard passé le délai d'un mois suivant cette convocation et pendant un délai de 3 mois, passée laquelle durée il pourra à nouveau être statué,

- dit que M. [C] [R] devra libérer les lieux au plus tard au jour de la signature de l'acte authentique et ordonne à défaut son expulsion et celle de tous occupants de son chef,

- dit qu'il sera redevable à compter de la signature de l'acte authentique et à défaut de libération des lieux à cette date d'une indemnité d'occupation envers M. [L] d'un montant de 1.200 € par mois jusqu'à libération complète des lieux.

Maître [P], notaire désigné par M. [L], a dressé procès-verbal de carence le 23 décembre 2020 après avoir constaté l'absence de M. [C] [R] et de son curateur ainsi que le défaut de consignation du solde du prix de vente par l'acquéreur en la comptabilité de son étude.

Par un jugement en date du 11 octobre 2022, le juge de l'exécution du tribunal de Toulon saisi par M. [L] a liquidé l'astreinte provisoire mise à la charge de M. [C] [R] par la cour d'appel dans son arrêt du 2 avril 2019 à la somme de 9.000 €, condamné M. [C] [R], assisté de son curateur M. [B] [R] à payer cette somme à M. [L], déclaré irrecevables les autres demandes de ce dernier, condamné M. [C] [R] et son curateur à lui payer la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

M. [C] [R] interjeté appel de cette décision.

Cependant il est décédé le 21 décembre 2022.

Ses fils, MM. [N] et [B] [R], sont intervenus à l'instance d'appel. Par un arrêt du 19 octobre 2023, la cour d'appel a confirmé le jugement en toutes ses dispositions, rejetant également la demande de dommages-intérêts de M. [L], disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et condamnant les héritiers du promettant aux dépens.

Les consorts [R] ont formé un pourvoi à l'encontre de cette décision le 28 décembre 2023.

Dans son arrêt du 19 octobre 2023, la cour avait par ailleurs déclaré irrecevables les demandes de sursis à statuer dans l'attente des jugements à venir concernant la validité du procès-verbal de carence dressé par le notaire le 23 décembre 2020 et concernant l'action en rescision pour lésion de la vente.

En effet, MM. [N] et [B] [R] avaient assigné M. [L] le 16 mars 2023 devant le tribunal judiciaire de Toulon aux fins de rescision pour lésion de la vente consentie par leur auteur et, excipant de l'urgence à voir statuer sur la validité du procès-verbal de carence dressé par le notaire le 23 décembre 2020, ils avaient parallèlement sollicité l'autorisation d'assigner dans ce but M. [L] devant le tribunal judiciaire de Toulon.

Autorisés par une ordonnance présidentielle en date du 15 juin 2023, ils ont fait assigner à jour fixe M. [L] le 26 juin 2023 pour une audience du 18 janvier 2024.

Statuant par jugement contradictoire en date du 21 mars 2024 rappelant expressément qu'en application de l'article 514 du code de procédure civile il était exécutoire par provision, le tribunal judiciaire de Toulon a notamment :

- débouté MM. [N] et [B] [R] ès qualité d'héritiers de [C] [R]

de leur demande d'annulation du procès-verbal de carence dressé par Maître [P] le 23 décembre 2023,

- constaté que la vente de la villa intervenue entre [C] [R], vendeur d'une part, et M. [L], acquéreur d'autre part, était parfaite,

- ordonné le transfert de propriété au profit de de ce dernier ainsi que la publication du jugement aux fichiers immobiliers,

- condamné MM. [N] et [B] [R] ès qualité d'héritiers de [C] [R] à payer à M. [L] les sommes suivantes :

- 46.800 € au titre de son préjudice de jouissance avec compensation avec la somme qu'il avait consignée chez le notaire au titre du reliquat du prix de vente de la villa,

- 3.000 € de dommages-intérêts pour résistance abusive,

- 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance pouvant être recouvrés conformément dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

MM. [N] et [B] [R] ont interjeté appel de cette décision par le biais d'une déclaration en date du 4 avril 2024.

Par acte du 30 mai 2024, ils ont parallèlement fait assigner M. [L] en référé devant la juridiction du premier président d'obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement dont appel au visa de l'article 514-3 du code de procédure civile et l'octroi d'une indemnité de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, demandes qu'elle a réitérées dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 22 juillet 2024 et déposées et soutenues oralement à l'audience du 29 juillet 2024 à laquelle l'affaire avait été renvoyée le 10 juin précédent.

A l'audience, M. [L] a déposé les conclusions qu'il avait notifiées par voie électronique le 18 juillet 2024 et qu'il a développées oralement en défense, aux fins de voir :

- à titre principal, constater qu'aucune des conditions requises par l'article 514-3 du code de procédure civile permettant d'arrêter l'exécution provisoire d'un jugement rendu en première instance n'est remplie,

- en conséquence débouter MM. [N] et [B] [R] de leurs demandes,

- à titre reconventionnel, condamner ces derniers solidairement au paiement de dommages-intérêts à hauteur de 10.000 € pour procédure abusive,

- en tout état de cause, les condamner solidairement au paiement d'une indemnité de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec distraction au profit de son avocat.

A l'issue de l'audience, les parties ont été avisées que la décision était mise en délibéré pour être rendue le 19 septembre 2024 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS

Aux termes de l'article 514-3 du code de procédure civile :

« En cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance (...) ».

En l'espèce, MM. [N] et [B] [R] qui sont demandeurs à l'arrêt de l'exécution provisoire, avaient effectivement comparu devant le tribunal judiciaire de Toulon, où ils étaient représentés par Me Martine Baheux, avocate au barreau de Nice.

Or l'intimé objecte qu'ils n'ont formulé aucune prétention relative à l'exécution provisoire, ce qu'ils ne contestent d'ailleurs pas, alors que l'éventualité de l'expulsion était connue dès la première instance.

Force est de constater que les requérants n'offrent pas de prouver l'existence de conséquences manifestement excessives survenues postérieurement à la décision dont ils ont fait appel.

M. [L] conclut au rejet de leur demande d'arrêt de l'exécution provisoire de droit assortissant le jugement entrepris.

Toutefois, et dans la mesure où il incombe au juge de restituer leur exacte qualification aux faits dont il est saisis, nous déclarerons cette demande irrecevable par application des dispositions de l'article 514- 3, alinéa 2, susvisé, sans même procéder à l'examen de la condition tenant à l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision dont appel.

M. [L] sollicite par ailleurs l'octroi de dommages-intérêts pour procédure abusive en visant cependant les dispositions relatives à la demande de civile d'un maximum de 10.000 €. Outre qu'il fait une confusion sur le fondement juridique de sa demande, il convient de constater qu'il ne fait pas spécialement état d'une faute de la part des requérants dans l'exercice de la présente procédure et qu'il vise de manière générale l'ensemble des procédures mises en 'uvre depuis 10 ans pour échapper à l'exécution de la promesse de vente consentie par leur auteur.

Une telle demande ne relève donc pas de la compétence du premier président appelé à statuer en référé, mais davantage de la cour statuant au fond.

MM. [N] et [B] [R] qui succombent seront condamnés à supporter la charge des frais irrépétibles prévus par l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que celle des dépens du référé.

PAR CES MOTIFS

Statuant en référé, après débats en audience publique et par décision contradictoire rendue par mise à la disposition des parties au greffe,

- Déclarons irrecevable la demande d'arrêt de l'exécution provisoire formulée par MM. [N] et [B] [R] concernant le jugement du tribunal judiciaire de Toulon en date du 21 mars 2024 dont ils ont fait appel ;

- Rejetons la demande indemnitaire présentée par M. [W] [L] ;

- Condamnons MM. [N] et [B] [R] à verser à M. [W] [L] la somme de 2.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Les condamnons aux dépens de la présente procédure.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE