Décisions
CA Douai, ch. 1 sect. 1, 5 septembre 2024, n° 23/03101
DOUAI
Arrêt
Autre
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 05/09/2024
****
N° de MINUTE :
N° RG 23/03101 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U7PI
Jugement (N° 17/00614)rendu le 09 novembre 2018 par le tribunal de grande instance de Saint-Omer
Arrêt de la cour d'appel de Douai en date du 24 février 2022
Arrêt de la Cour de cassation du 25 mai 2023
DEMANDERESSE A LA DECLARATION DE SAISINE-APPELANTE
Madame [G] [K]
prise en qualité d'héritière de Madame [C] [K]
née le 11 mars 1956 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 4]
bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro C-59178/23/05436 du 08/08/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai
représentée par Me Patrick Delahay, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
DEFENDEUR A LA DECLARATION DE SAISINE-INTIMÉ
Monsieur [R] [E]
né le 04 mars 1954 à [Localité 6]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Jean-Sébastien Delozière, avocat au barreau de Saint-Omer, avocat constitué substitué par Me Stéphane Michel, avocat au barreau de Saint-Omer
DÉBATS à l'audience publique du 04 mars 2024, tenue par Bruno Poupet magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Bruno Poupet, président de chambre
Samuel Vitse, président de chambre
Camille Colonna, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 05 septembre 2024 après prorogation du délibéré en date du 30 mai 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 12 février 2024
****
[C] [H], épouse [K], avait deux filles, [Y] [K], épouse de [R] [E], et [G] [K], épouse de [U] [N].
Elle avait donné procuration sur ses comptes bancaires à sa fille [Y] mais, à la suite du décès de cette dernière, survenu le 5 août 2015, a donné le 25 août 2015 une même procuration à son gendre, M. [R] [E], puis a révoqué celle-ci le 2 décembre 2015.
Par acte du 19 mai 2017, elle a assigné M. [E] devant le tribunal de grande instance de St-Omer afin d'obtenir sa condamnation à lui restituer la somme de 29 600 euros et de voir prononcer la nullité de la modification, qu'il aurait opérée sans son consentement, des clauses bénéficiaires de deux contrats d'assurance-vie souscrits auprès de la Caisse d'Epargne.
Par jugement du 9 novembre 2018, le tribunal a :
- condamné M. [E] à payer à [C] [K] la somme de 4 000 euros en restitution des sommes prélevées sur les comptes de cette dernière dans le cadre de l'exécution de la procuration générale en date du 25 août 2015,
- débouté la demanderesse de ses autres demandes,
- débouté les parties de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné [C] [K] aux dépens.
Celle-ci a interjeté appel de cette décision mais est décédée le 13 mai 2020.
Mme [G] [K], en qualité d'unique héritière de [C] [K], a repris l'instance.
Par arrêt du 24 février 2022, la cour d'appel de Douai a :
- déclaré Mme [G] [K] recevable en ses demandes,
- confirmé le jugement en toutes ses dispositions,
- condamné Mme [K], venant aux droits de sa mère défunte, aux dépens et à payer à M. [E] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par arrêt du 25 mai 2023, la Cour de cassation, saisie d'un pourvoi par Mme [G] [K], a cassé et annulé l'arrêt rendu par la cour d'appel, sauf en ce qu'il a condamné M. [E] à payer à Mme [K] la somme de 4 000 euros en restitution des sommes prélevées sur les comptes de cette dernière dans le cadre de l'exécution de la procuration générale du 25 août 2015, et, sauf sur ce point, remis l'affaire et les parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant ledit arrêt et renvoyé celles-ci devant la cour d'appel de Douai autrement composée.
Par déclaration du 5 juillet 2023, Mme [G] [K] a saisi la cour de céans et, aux termes de ses dernières conclusions remises le 31 janvier 2024, lui demande, au visa des articles 1984, 1992 et suivants (anciens), 1371, 414-1, 901, 1108 et 1109 (anciens) et 1128 du code civil, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'intimé au paiement de la somme de 4 000 euros correspondant au prélèvement effectué à son détriment mais de le réformer pour le surplus et de :
' - condamner l'intimé à lui rembourser les sommes indûment prélevées par lui à son profit, soit la somme de 29 600 euros,
- annuler les clauses bénéficiaires des contrats d'assurance-vie modifiées par avenant au profit de M. [E],
- condamner ce dernier aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à verser à Me [F] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700-2 du code de procédure civile'.
Par conclusions remises le 12 décembre 2023, M. [E] demande pour sa part à la cour, au visa des anciens articles 1992 et suivants du code civil, et de l'article 1371 du même code, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamné à payer à [C] [K] la somme de 4 000 euros en restitution des sommes prélevées sur les comptes de cette dernière dans le cadre de l'exécution de la procuration générale du 25 août 2015 et, 'statuant à nouveau, le cas échéant pas substitution de motifs', de débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes et de la condamner, outre aux dépens de première instance et d'appel, à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il y a lieu de relever, à titre liminaire, que l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 24 février 2022 n'a pas été cassé en ce qu'il a condamné M. [E], par confirmation du jugement, à payer à Mme [K] la somme de 4 000 euros en restitution des sommes prélevées sur les comptes de cette dernière dans le cadre de l'exécution de la procuration générale du 25 août 2015, de sorte que cette disposition est définitive et que les demandes des parties tendant à la confirmation du jugement sur ce point sont sans objet.
Sur la demande en paiement de la somme de 29 600 euros
Il ressort du jugement que ce montant, sur lequel portait déjà la demande initiale de condamnation présentée au tribunal de grande instance de Saint-Omer, comprend les 4 000 euros susvisés que M. [E] a été définitivement condamné à restituer à Mme [K] pour les avoir détournés à son profit dans le cadre de son mandat, de sorte que l'examen du bien-fondé de la demande en paiement réitérée devant la cour ne peut porter que sur le surplus, soit 25 600 euros.
Si M. [E] se prévaut du classement sans suite d'une plainte pour abus de confiance déposée par [C] [K] à son encontre relativement à cette somme, un tel classement signifie simplement que le ministère public a estimé que les faits dénoncés ne présentaient pas les éléments constitutifs d'une infraction pénale, ce qui n'exclut pas le bien-fondé d'une demande en paiement sur le plan civil.
Mme [K] fonde ladite demande sur la théorie de l'enrichissement sans cause, codifiée postérieurement aux faits de l'espèce par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 sous la dénomination d'enrichissement injustifié, qui considère l'hypothèse dans laquelle le patrimoine d'une personne s'est enrichi au détriment de celui d'une autre alors que cette situation ne trouve sa justification ni dans une convention ou une libéralité, ni dans une disposition légale ou réglementaire, et permet à l'appauvri, qui ne dispose donc d'aucune autre action, d'agir en remboursement contre l'enrichi.
Mme [K] soutient que M. [E] a ainsi utilisé la carte bancaire de sa belle-mère, avant même de disposer d'une procuration, pour effectuer des virements de compte à compte comme cela est possible à la Caisse d'Epargne, à savoir :
- depuis le compte courant de [C] [K], trois virements de 5 000 euros et un de 2600 euros les 13, 15, 19 et 27 mars 2014,
- depuis le livret A de celle-ci, un virement de 5000 euros et un de 3 000 euros les 5 et 7 juillet 2015, vers son propre compte n° 16275 40350 04501080791 31.
Le premier juge a débouté Mme [K] de sa demande de remboursement de ces sommes au motif qu'elle fondait exclusivement celle-ci sur une faute de M. [E] dans l'exécution de son mandat alors que les détournements dénoncés étaient antérieurs à la délivrance d'une procuration à ce dernier. La cour d'appel a pour sa part relevé en 2022 que Mme [K] ne démontrait pas que M. [E] était le bénéficiaire des virements considérés.
L'appelante apporte désormais la preuve, par la production de la copie d'un chèque émis par l'intimé et d'une attestation de la Caisse d'Epargne, de ce que le compte bénéficiaire des virements en question est au nom de 'M. ou Mme [E] [R]'.
Il apparaît donc que, quel que soit l'auteur des virements, l'intimé ou sa belle-mère, le patrimoine de [C] [K] s'est appauvri de 17 600 euros par l'effet de quatre virements réalisés sur deux semaines de temps au mois de mars 2014, puis de 8 000 euros sur deux jours en juillet 2015, et que le patrimoine de M. [E] s'est enrichi d'autant corrélativement.
Les relevés détaillés de ces opérations fournis par la Caisse d'Epargne n'en mentionnent pas le motif. M. [E] n'en donne aucune explication. S'il expose que [C] [K] a vécu de nombreuses années avec lui et son épouse et en a reçu beaucoup d'attention tandis qu'elle n'aurait pas entretenu de relations avec sa fille [G], il n'allègue pas pour autant une intention libérale de sa belle-mère qu'en toute hypothèse il ne démontre pas.
Dans ces conditions, la demande de Mme [K] s'avère fondée, de sorte qu'il y a lieu d'infirmer le jugement et d'y faire droit.
Sur la demande d'annulation des modifications des clauses bénéficiaires de deux contrats d'assurance-vie
Il n'est pas contesté que le 20 août 2015, soit quinze jours après le décès de [Y] [K], les clauses bénéficiaires de deux assurances-vie, Assurécureuil et PEP Transmission, qui désignaient les deux filles de [C] [K], ont été modifiées, le nom de M. [E] remplaçant celui de son épouse. Les avenants sont signés par [C] [K] ainsi qu'un certain nombre de pièces préparatoires ou accessoires.
Mme [G] [K], qui soutient que M. [E] est à l'initiative de cette modification alors que [C] [K] était dans un état de faiblesse et de vulnérabilité résultant non seulement des décès successifs de son concubin, au mois de juin 2015, et de sa fille le 5 août suivant, mais aussi d'une désorientation et de troubles mnésiques, conclut à la nullité de l'opération sur le double fondement 'des vices du consentement' (article 1108 ancien du code civil) et de l'insanité d'esprit (article 414-1 du même code).
Cependant, d'une part, Mme [K] ne précise pas lequel des vices du consentement serait en cause et, si le contexte qu'elle évoque permet d'envisager le dol, elle ne démontre pas ni même ne caractérise de man'uvres qu'aurait pratiquées l'intimé à l'égard de sa belle-mère, étant ici rappelé qu'aux termes de l'article 1116 du code civil dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits litigieux, le dol ne se présume pas et doit être prouvé.
D'autre part, si l'article 414-1 du code civil dispose que pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit, il ajoute que c'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte.
Or, il est produit un certificat manuscrit du médecin traitant de [C] [K] dont la cour constate comme le premier juge qu'il est incompréhensible. Si ce médecin a établi un second certificat, dactylographié, il y indique seulement qu'il a sollicité l'avis d'un neurologue en octobre 2015 pour désorientation, lequel a prescrit une IRM cérébrale pour bilan des troubles cognitifs qui n'a jamais été réalisée. Ces documents sont insuffisants pour caractériser une insanité d'esprit qu'aucune autre pièce utile ne vient confirmer. L'appelante verse d'ailleurs aux débats les procès-verbaux des auditions de [C] [K] par les services de police les 10 décembre 2015 et 22 mars 2016 qui révèlent des propos sensés. Les certificats décrivant les facultés de [C] [K] en décembre 2018 et janvier 2019, soit plus de deux ans après les actes litigieux, alors que les facultés d'une personne âgée de plus de 85 ans sont susceptibles de s'altérer rapidement, sont à cet égard inopérants.
Ce n'est qu'à titre d'observation, puisqu'il n'a pas été débattu de la recevabilité de l'action en nullité pour insanité d'esprit ainsi exercée, que la cour rappelle qu'aux termes de l'article 414-2 du code civil, les actes faits par un individu, autres que la donation entre vifs et le testament, ne peuvent être attaqués par ses héritiers pour insanité d'esprit après son décès que si l'acte porte en lui-même la preuve d'un trouble mental, s'il a été fait alors que l'intéressé était placé sous sauvegarde de justice ou si une action a été introduite avant son décès aux fins d'ouverture d'une curatelle ou d'une tutelle ou aux fins d'habilitation familiale ou si effet a été donné au mandat de protection future, hypothèses qui ne sont pas celles de l'espèce, étant ajouté que le souhait éventuel de [C] [K] de substituer à sa fille défunte son gendre, dont plusieurs témoins, en ce compris les s'urs de l'intéressée, attestent la bienveillance et la serviabilité à l'égard de celle-ci ainsi que leur parfaite entente, n'a rien de surprenant.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [K] de sa demande à ce titre.
Sur les autres demandes
Les considérations qui précèdent justifient de laisser à chacune des parties la charge de ses dépens et de ses autres frais.
PAR CES MOTIFS
La cour
infirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [C] [K] de sa demande en paiement fondée sur l'enrichissement sans cause au-delà de 4 000 euros et l'a condamnée aux dépens,
statuant à nouveau sur les chefs infirmés :
- condamne M. [R] [E] à payer à Mme [G] [K] la somme de 25 600 euros,
- dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens,
confirme le jugement en ses autres dispositions,
dit que chacune des parties conservera la charge des dépens et autres frais par elle exposés en cause d'appel.
Le greffier
Delphine Verhaeghe
Le président
Bruno Poupet
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 05/09/2024
****
N° de MINUTE :
N° RG 23/03101 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U7PI
Jugement (N° 17/00614)rendu le 09 novembre 2018 par le tribunal de grande instance de Saint-Omer
Arrêt de la cour d'appel de Douai en date du 24 février 2022
Arrêt de la Cour de cassation du 25 mai 2023
DEMANDERESSE A LA DECLARATION DE SAISINE-APPELANTE
Madame [G] [K]
prise en qualité d'héritière de Madame [C] [K]
née le 11 mars 1956 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 4]
bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro C-59178/23/05436 du 08/08/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai
représentée par Me Patrick Delahay, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
DEFENDEUR A LA DECLARATION DE SAISINE-INTIMÉ
Monsieur [R] [E]
né le 04 mars 1954 à [Localité 6]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Jean-Sébastien Delozière, avocat au barreau de Saint-Omer, avocat constitué substitué par Me Stéphane Michel, avocat au barreau de Saint-Omer
DÉBATS à l'audience publique du 04 mars 2024, tenue par Bruno Poupet magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Bruno Poupet, président de chambre
Samuel Vitse, président de chambre
Camille Colonna, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 05 septembre 2024 après prorogation du délibéré en date du 30 mai 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 12 février 2024
****
[C] [H], épouse [K], avait deux filles, [Y] [K], épouse de [R] [E], et [G] [K], épouse de [U] [N].
Elle avait donné procuration sur ses comptes bancaires à sa fille [Y] mais, à la suite du décès de cette dernière, survenu le 5 août 2015, a donné le 25 août 2015 une même procuration à son gendre, M. [R] [E], puis a révoqué celle-ci le 2 décembre 2015.
Par acte du 19 mai 2017, elle a assigné M. [E] devant le tribunal de grande instance de St-Omer afin d'obtenir sa condamnation à lui restituer la somme de 29 600 euros et de voir prononcer la nullité de la modification, qu'il aurait opérée sans son consentement, des clauses bénéficiaires de deux contrats d'assurance-vie souscrits auprès de la Caisse d'Epargne.
Par jugement du 9 novembre 2018, le tribunal a :
- condamné M. [E] à payer à [C] [K] la somme de 4 000 euros en restitution des sommes prélevées sur les comptes de cette dernière dans le cadre de l'exécution de la procuration générale en date du 25 août 2015,
- débouté la demanderesse de ses autres demandes,
- débouté les parties de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné [C] [K] aux dépens.
Celle-ci a interjeté appel de cette décision mais est décédée le 13 mai 2020.
Mme [G] [K], en qualité d'unique héritière de [C] [K], a repris l'instance.
Par arrêt du 24 février 2022, la cour d'appel de Douai a :
- déclaré Mme [G] [K] recevable en ses demandes,
- confirmé le jugement en toutes ses dispositions,
- condamné Mme [K], venant aux droits de sa mère défunte, aux dépens et à payer à M. [E] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par arrêt du 25 mai 2023, la Cour de cassation, saisie d'un pourvoi par Mme [G] [K], a cassé et annulé l'arrêt rendu par la cour d'appel, sauf en ce qu'il a condamné M. [E] à payer à Mme [K] la somme de 4 000 euros en restitution des sommes prélevées sur les comptes de cette dernière dans le cadre de l'exécution de la procuration générale du 25 août 2015, et, sauf sur ce point, remis l'affaire et les parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant ledit arrêt et renvoyé celles-ci devant la cour d'appel de Douai autrement composée.
Par déclaration du 5 juillet 2023, Mme [G] [K] a saisi la cour de céans et, aux termes de ses dernières conclusions remises le 31 janvier 2024, lui demande, au visa des articles 1984, 1992 et suivants (anciens), 1371, 414-1, 901, 1108 et 1109 (anciens) et 1128 du code civil, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'intimé au paiement de la somme de 4 000 euros correspondant au prélèvement effectué à son détriment mais de le réformer pour le surplus et de :
' - condamner l'intimé à lui rembourser les sommes indûment prélevées par lui à son profit, soit la somme de 29 600 euros,
- annuler les clauses bénéficiaires des contrats d'assurance-vie modifiées par avenant au profit de M. [E],
- condamner ce dernier aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à verser à Me [F] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700-2 du code de procédure civile'.
Par conclusions remises le 12 décembre 2023, M. [E] demande pour sa part à la cour, au visa des anciens articles 1992 et suivants du code civil, et de l'article 1371 du même code, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamné à payer à [C] [K] la somme de 4 000 euros en restitution des sommes prélevées sur les comptes de cette dernière dans le cadre de l'exécution de la procuration générale du 25 août 2015 et, 'statuant à nouveau, le cas échéant pas substitution de motifs', de débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes et de la condamner, outre aux dépens de première instance et d'appel, à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il y a lieu de relever, à titre liminaire, que l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 24 février 2022 n'a pas été cassé en ce qu'il a condamné M. [E], par confirmation du jugement, à payer à Mme [K] la somme de 4 000 euros en restitution des sommes prélevées sur les comptes de cette dernière dans le cadre de l'exécution de la procuration générale du 25 août 2015, de sorte que cette disposition est définitive et que les demandes des parties tendant à la confirmation du jugement sur ce point sont sans objet.
Sur la demande en paiement de la somme de 29 600 euros
Il ressort du jugement que ce montant, sur lequel portait déjà la demande initiale de condamnation présentée au tribunal de grande instance de Saint-Omer, comprend les 4 000 euros susvisés que M. [E] a été définitivement condamné à restituer à Mme [K] pour les avoir détournés à son profit dans le cadre de son mandat, de sorte que l'examen du bien-fondé de la demande en paiement réitérée devant la cour ne peut porter que sur le surplus, soit 25 600 euros.
Si M. [E] se prévaut du classement sans suite d'une plainte pour abus de confiance déposée par [C] [K] à son encontre relativement à cette somme, un tel classement signifie simplement que le ministère public a estimé que les faits dénoncés ne présentaient pas les éléments constitutifs d'une infraction pénale, ce qui n'exclut pas le bien-fondé d'une demande en paiement sur le plan civil.
Mme [K] fonde ladite demande sur la théorie de l'enrichissement sans cause, codifiée postérieurement aux faits de l'espèce par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 sous la dénomination d'enrichissement injustifié, qui considère l'hypothèse dans laquelle le patrimoine d'une personne s'est enrichi au détriment de celui d'une autre alors que cette situation ne trouve sa justification ni dans une convention ou une libéralité, ni dans une disposition légale ou réglementaire, et permet à l'appauvri, qui ne dispose donc d'aucune autre action, d'agir en remboursement contre l'enrichi.
Mme [K] soutient que M. [E] a ainsi utilisé la carte bancaire de sa belle-mère, avant même de disposer d'une procuration, pour effectuer des virements de compte à compte comme cela est possible à la Caisse d'Epargne, à savoir :
- depuis le compte courant de [C] [K], trois virements de 5 000 euros et un de 2600 euros les 13, 15, 19 et 27 mars 2014,
- depuis le livret A de celle-ci, un virement de 5000 euros et un de 3 000 euros les 5 et 7 juillet 2015, vers son propre compte n° 16275 40350 04501080791 31.
Le premier juge a débouté Mme [K] de sa demande de remboursement de ces sommes au motif qu'elle fondait exclusivement celle-ci sur une faute de M. [E] dans l'exécution de son mandat alors que les détournements dénoncés étaient antérieurs à la délivrance d'une procuration à ce dernier. La cour d'appel a pour sa part relevé en 2022 que Mme [K] ne démontrait pas que M. [E] était le bénéficiaire des virements considérés.
L'appelante apporte désormais la preuve, par la production de la copie d'un chèque émis par l'intimé et d'une attestation de la Caisse d'Epargne, de ce que le compte bénéficiaire des virements en question est au nom de 'M. ou Mme [E] [R]'.
Il apparaît donc que, quel que soit l'auteur des virements, l'intimé ou sa belle-mère, le patrimoine de [C] [K] s'est appauvri de 17 600 euros par l'effet de quatre virements réalisés sur deux semaines de temps au mois de mars 2014, puis de 8 000 euros sur deux jours en juillet 2015, et que le patrimoine de M. [E] s'est enrichi d'autant corrélativement.
Les relevés détaillés de ces opérations fournis par la Caisse d'Epargne n'en mentionnent pas le motif. M. [E] n'en donne aucune explication. S'il expose que [C] [K] a vécu de nombreuses années avec lui et son épouse et en a reçu beaucoup d'attention tandis qu'elle n'aurait pas entretenu de relations avec sa fille [G], il n'allègue pas pour autant une intention libérale de sa belle-mère qu'en toute hypothèse il ne démontre pas.
Dans ces conditions, la demande de Mme [K] s'avère fondée, de sorte qu'il y a lieu d'infirmer le jugement et d'y faire droit.
Sur la demande d'annulation des modifications des clauses bénéficiaires de deux contrats d'assurance-vie
Il n'est pas contesté que le 20 août 2015, soit quinze jours après le décès de [Y] [K], les clauses bénéficiaires de deux assurances-vie, Assurécureuil et PEP Transmission, qui désignaient les deux filles de [C] [K], ont été modifiées, le nom de M. [E] remplaçant celui de son épouse. Les avenants sont signés par [C] [K] ainsi qu'un certain nombre de pièces préparatoires ou accessoires.
Mme [G] [K], qui soutient que M. [E] est à l'initiative de cette modification alors que [C] [K] était dans un état de faiblesse et de vulnérabilité résultant non seulement des décès successifs de son concubin, au mois de juin 2015, et de sa fille le 5 août suivant, mais aussi d'une désorientation et de troubles mnésiques, conclut à la nullité de l'opération sur le double fondement 'des vices du consentement' (article 1108 ancien du code civil) et de l'insanité d'esprit (article 414-1 du même code).
Cependant, d'une part, Mme [K] ne précise pas lequel des vices du consentement serait en cause et, si le contexte qu'elle évoque permet d'envisager le dol, elle ne démontre pas ni même ne caractérise de man'uvres qu'aurait pratiquées l'intimé à l'égard de sa belle-mère, étant ici rappelé qu'aux termes de l'article 1116 du code civil dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits litigieux, le dol ne se présume pas et doit être prouvé.
D'autre part, si l'article 414-1 du code civil dispose que pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit, il ajoute que c'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte.
Or, il est produit un certificat manuscrit du médecin traitant de [C] [K] dont la cour constate comme le premier juge qu'il est incompréhensible. Si ce médecin a établi un second certificat, dactylographié, il y indique seulement qu'il a sollicité l'avis d'un neurologue en octobre 2015 pour désorientation, lequel a prescrit une IRM cérébrale pour bilan des troubles cognitifs qui n'a jamais été réalisée. Ces documents sont insuffisants pour caractériser une insanité d'esprit qu'aucune autre pièce utile ne vient confirmer. L'appelante verse d'ailleurs aux débats les procès-verbaux des auditions de [C] [K] par les services de police les 10 décembre 2015 et 22 mars 2016 qui révèlent des propos sensés. Les certificats décrivant les facultés de [C] [K] en décembre 2018 et janvier 2019, soit plus de deux ans après les actes litigieux, alors que les facultés d'une personne âgée de plus de 85 ans sont susceptibles de s'altérer rapidement, sont à cet égard inopérants.
Ce n'est qu'à titre d'observation, puisqu'il n'a pas été débattu de la recevabilité de l'action en nullité pour insanité d'esprit ainsi exercée, que la cour rappelle qu'aux termes de l'article 414-2 du code civil, les actes faits par un individu, autres que la donation entre vifs et le testament, ne peuvent être attaqués par ses héritiers pour insanité d'esprit après son décès que si l'acte porte en lui-même la preuve d'un trouble mental, s'il a été fait alors que l'intéressé était placé sous sauvegarde de justice ou si une action a été introduite avant son décès aux fins d'ouverture d'une curatelle ou d'une tutelle ou aux fins d'habilitation familiale ou si effet a été donné au mandat de protection future, hypothèses qui ne sont pas celles de l'espèce, étant ajouté que le souhait éventuel de [C] [K] de substituer à sa fille défunte son gendre, dont plusieurs témoins, en ce compris les s'urs de l'intéressée, attestent la bienveillance et la serviabilité à l'égard de celle-ci ainsi que leur parfaite entente, n'a rien de surprenant.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [K] de sa demande à ce titre.
Sur les autres demandes
Les considérations qui précèdent justifient de laisser à chacune des parties la charge de ses dépens et de ses autres frais.
PAR CES MOTIFS
La cour
infirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [C] [K] de sa demande en paiement fondée sur l'enrichissement sans cause au-delà de 4 000 euros et l'a condamnée aux dépens,
statuant à nouveau sur les chefs infirmés :
- condamne M. [R] [E] à payer à Mme [G] [K] la somme de 25 600 euros,
- dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens,
confirme le jugement en ses autres dispositions,
dit que chacune des parties conservera la charge des dépens et autres frais par elle exposés en cause d'appel.
Le greffier
Delphine Verhaeghe
Le président
Bruno Poupet