Décisions
CA Pau, ch. soc., 19 septembre 2024, n° 22/02933
PAU
Arrêt
Autre
TP/DD
Numéro 24/2828
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 19/09/2024
Dossier : N° RG 22/02933 - N°Portalis DBVV-V-B7G-ILMC
Nature affaire :
Demande de paiement de créances salariales sans contestation du motif de la rupture du contrat de travail
Affaire :
[T] [N]
C/
S.E.L.A.R.L. EKIP', Association CGEA DE [Localité 5]
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 19 Septembre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 22 Mai 2024, devant :
Madame CAUTRES, Présidente
Madame SORONDO, Conseiller
Madame PACTEAU, Conseiller
assistées de Madame LAUBIE, Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [T] [N]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Maître FAUTHOUX loco Maître PETRIAT, avocat au barreau de PAU
INTIMEES :
S.E.L.A.R.L. EKIP'
Prise en la personne de Maître [S] [V], prise en son établissement secondaire de PAU situé [Adresse 2],
agissant ès qualité de Mandataire judiciaire à la liquidation de la SARL INSTALLATIONS SERVICES PETROLIERS, fonctions à elle conférées par jugement du Tribunal de Commerce de Pau du 26 novembre 2019.
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Maître ESTRADE, avocat au barreau de PAU
Association CGEA DE [Localité 5]
[Adresse 6]
[Localité 5]
Non représentée
sur appel de la décision
en date du 05 OCTOBRE 2022
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PAU
RG numéro : 20/00188
EXPOSÉ du LITIGE
Suivant contrat à durée indéterminée en date du 2 octobre 2008, M. [T] [N] a été embauché, par la SARL ISP (Installations services pétroliers) à compter du 6 octobre 2008, en qualité d'ouvrier polyvalent.
Par jugement du 5 mars 2013, le tribunal de commerce de Pau a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société et désigné la SELARL [S] [V], représentée par Me [S] [V], mandataire judiciaire.
Suivant jugement du 4 février 2014, le tribunal de commerce de Pau a adopté un plan de redressement d'une durée de 10 ans.
Par avenant à son contrat de travail en date du 25 septembre 2015 prenant effet le 1er octobre suivant, M. [N] a été affecté au poste de responsable du secteur installation, statut cadre, niveau VIII, échelon 1, prévu par la convention collective de commerce de gros dont dépend l'entreprise.
A la suite de la requête déposée en ce sens par la société ISP, le tribunal de commerce de Pau a, par jugement du 26 novembre 2019, prononcé la résolution du plan de redressement et la liquidation judiciaire de la société et désigné la SELARL Ekip' prise en la personne de Me [S] [V], liquidateur.
A la suite de son licenciement, M. [N] a reçu les documents de fin de contrat de la part de la SELARL Ekip' par courrier du 4 juin 2020.
Suivant requête reçue au greffe le 10 août 2020, M. [T] [N] a saisi la juridiction prud'homale au fond d'une demande de paiement de salaires.
Par jugement du 5 octobre 2022, le conseil de prud'hommes de Pau a :
- Dit que l'action intentée par M. [T] [N] est recevable et bien fondée,
- Dit que M. [T] [N] n'est pas forclos dans son action,
- Dit que les créances antérieures au 10 mars 2017 sont prescrites,
- Fixé au passif les créances de M. [T] [N] à la liquidation judiciaire de la SARL Installation et service aux sommes suivantes :
* 1766,11 euros bruts à titre de rappels de salaire,
* 1000 euros à titre de dommages et intérêts,
* 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Ordonné l'exécution provisoire de droit,
- Déclaré opposable au CGEA le jugement à intervenir dans le cadre des dispositions légales et réglementaires applicables,
- Débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- Laissé les dépens à la charge de la SELARL Ekip.
Le 28 octobre 2022, M. [T] [N] a interjeté appel du jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées, en ce qu'il a dit que les créances antérieures au 10 mars 2017 étaient prescrites et fixé à la somme de 1766,11 euros bruts le rappel de salaire qui lui était dû.
Dans ses conclusions adressées au greffe par voie électronique 19 janvier 2023 auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, M. [T] [N] demande à la cour de :
- Déclarer recevable et bien fondée l'appel interjeté par M. [T] [N] en l'encontre du jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Pau le 05 octobre 2022,
- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :
* Dit que l'action de M. [N] est recevable et qu'il n'est pas forclos en son action.
- En tant que de besoin Relever M. [N] de la forclusion de l'article L. 625-1 du Code de commerce.
- Infirmer le jugement dont appel sur le surplus
Statuant à nouveau :
- Dire et juger que la créance de M. [T] [N] n'est pas prescrite.
- Fixer les créances de M. [T] [N] à la liquidation judiciaire de la SARL ISP aux sommes suivantes :
- 15 098,60 euros bruts au titre de rappel de salaire, outre la somme de 1509,86 euros bruts à titre de congés payés y afférents.
- 5 000 euros nets à titre de dommages et intérêts.
- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- Déclarer opposable au CGEA de [Localité 5] l'arrêt à intervenir en toutes ses dispositions.
Dans ses conclusions n°2 adressées au greffe par voie électronique le 18 avril 2023 auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la SELARL Ekip', es qualité de mandataire liquidateur de la SARL Installations services pétroliers, formant appel incident, demande à la cour de :
- Infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Pau du 5 octobre 2022 en ce qu'il a :
* Dit que l'action intentée est recevable et bien fondée,
* Dit que M. [N] n'est pas forclos en son action,
* Fixé au passif de la liquidation les créances suivantes :
o 1.766,11 euros bruts à titre de rappels de salaire,
o 1.000 euros à titre de dommages et intérêts,
o 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC.
Statuant à nouveau
> A titre principal,
- Dire et juger que la requête déposée au greffe par M. [N] est entachée d'une nullité pour vice de forme,
- Déclarer nulle et de nul effet la requête introductive d'instance déposée le 10 août 2020
> A titre subsidiaire,
- Dire et juger que M. [N] n'a pas respecté le délai de forclusion de 2 mois applicable en matière de contestation de l'état de créances salariales,
- Déclarer forcloses les demandes salariales de M. [N],
> A titre infiniment subsidiaire,
- Dire et juger que les demandes de M. [N] sont infondées et injustifiées,
- Débouter M. [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- Confirmer le jugement dont appel pour le surplus,
- Condamner M. [N] à payer à la SELARL Ekip', Mandataire judiciaire à la liquidation de la SARL Installations Services Services Pétroliers, une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens.
Le CGEA de [Localité 5] n'a ni constitué ni conclu.
Par conclusions signifiées le 18 avril 2023, la SELARL Ekip a formé un incident visant au prononcé de la caducité de la déclaration d'appel du 28 octobre 2022. Cet incident a fait l'objet d'une radiation le 21 septembre 2023.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 avril 2024.
MOTIFS de LA DÉCISION
Sur la nullité de la requête
L'article R.1452-2 du code du travail dispose que la requête est faite, remise ou adressée au greffe du conseil de prud'hommes.
Elle comporte les mentions prescrites à peine de nullité à l'article 57 du code de procédure civile. En outre, elle contient un exposé sommaire des motifs de la demande et mentionne chacun des chefs de celle-ci. Elle est accompagnée des pièces que le demandeur souhaite invoquer à l'appui de ses prétentions. Ces pièces sont énumérées sur un bordereau qui lui est annexé.
La requête et le bordereau sont établis en autant d'exemplaires qu'il existe de défendeurs, outre l'exemplaire destiné à la juridiction.
Selon l'article 114 du code de procédure civile, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
En l'espèce, la SELARL Ekip reproche à la requête déposée par M. [N] devant le conseil de prud'hommes de Pau de ne pas être conforme aux dispositions de l'article R.1452-2 précité pour les raisons suivantes : l'objet de la demande n'est pas formulé et le salarié n'expose aucun motif justifiant ses demandes, ni aucune pièce à l'appui de ses prétentions.
Or, la requête litigieuse mentionne bien que M. [N] sollicite un rappel de salaire à hauteur de 14 971,50 euros.
S'il ne précise pas à quelle période se rapporte ce rappel de salaire ni n'indique les motifs le conduisant à formuler cette demande, ce qui pourrait constituer une irrégularité de l'acte, ni ne produit de pièces à l'appui de sa prétention, il n'en demeure pas moins que la SELARL Ekip' ne démontre pas l'existence d'un quelconque grief, alors que, dès un mail du 24 février 2020, M. [N] lui a réclamé cette créance salariale au montant indiqué dans la requête en expliquant son calcul et qu'elle a pu valablement faire valoir ses arguments en défense.
En conséquence, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes de Pau a rejeté cette exception de nullité formulée par la SELARL Ekip' et a déclaré la requête de M. [N] valable.
Le jugement déféré doit donc être confirmé de ce chef.
Sur la forclusion de l'action
L'article L.625-1 du code de commerce dispose que, après vérification, le mandataire judiciaire établit, dans les délais prévus à l'article L. 143-11-7 du code du travail, les relevés des créances résultant d'un contrat de travail, le débiteur entendu ou dûment appelé. Les relevés des créances sont soumis au représentant des salariés dans les conditions prévues à l'article L. 625-2. Ils sont visés par le juge-commissaire, déposés au greffe du tribunal et font l'objet d'une mesure de publicité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
Le salarié dont la créance ne figure pas en tout ou en partie sur un relevé peut saisir à peine de forclusion le conseil de prud'hommes dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement de la mesure de publicité mentionnée à l'alinéa précédent. Il peut demander au représentant des salariés de l'assister ou de le représenter devant la juridiction prud'homale.
Le débiteur et l'administrateur lorsqu'il a une mission d'assistance sont mis en cause.
Selon l'article R.625-3 du code de commerce, le mandataire judiciaire informe par tout moyen chaque salarié de la nature et du montant des créances admises ou rejetées et lui indique la date du dépôt au greffe du relevé des créances. Il rappelle que le délai de forclusion prévu à l'article L. 625-1 court à compter de la publication prévue au troisième alinéa ci-après. Les salariés dont les créances sont admises sont informés au moment du paiement.
Le salarié dont la créance a été omise peut être relevé de la forclusion par le conseil de prud'hommes dans le délai prévu au troisième alinéa de l'article L. 622-26. Le relevé de forclusion bénéficie aux institutions mentionnées à l'article L. 143-11-4 du code du travail.
La publicité mentionnée à l'article L. 625-1 est faite à la diligence du mandataire judiciaire par la publication, dans un support habilité à recevoir les annonces légales dans le département du siège de la personne morale ou du lieu où le débiteur personne physique a déclaré l'adresse de son entreprise ou de son activité et, le cas échéant, dans le département de chacun de ses établissements secondaires, d'un avis indiquant que l'ensemble des relevés des créances est déposé au greffe du tribunal. Cette publication intervient au plus tard trois mois après l'expiration de la dernière période de garantie prévue par l'article L. 143-11-1 du code du travail.
L'avis signé par le mandataire judiciaire est daté du jour de la publication prévue au troisième alinéa ci-dessus. Cette date fait courir le délai de forclusion prévu à l'article L. 625-1.
En l'espèce, il résulte des éléments du dossier que l'avis de dépôt d'état de créances salariales faisant courir le délai de forclusion prévu par l'article L.625-1 du code de commerce a été publié le 9 juin 2020.
Suivant courrier recommandé remis à son destinataire le 25 juin 2020, la SELARL Ekip' a informé M. [N] de cette mesure de publicité et de ce que le délai de deux mois pour saisir la juridiction prud'homale d'une contestation à l'encontre de cet état de créance avait commencé à courir depuis le 9 juin 2020.
[T] [N] avait donc deux mois à compter du 9 juin 2020 pour saisir le conseil de prud'hommes, soit jusqu'au dimanche 9 août 2020, délai prorogé au lundi 10 août 2020 à 24 heures, en application de l'article 642 du code de procédure civile. Sa requête datée du 5 août 2020 et postée le même jour a été déposée au greffe du conseil de prud'hommes de Pau le 10 août 2020, soit avant l'expiration du délai de forclusion, de sorte que le jugement querellé qui l'a déclarée recevable pour ce motif doit être confirmé.
Sur les sommes réclamées
[T] [N] sollicite que sa créance salariale soit fixée comme suit :
9351,92 euros au titre du rappel des salaires dus jusqu'au 30 juillet 2018,
5746,68 euros portant sur les salaires restant dus de juin à septembre 2019.
Il sollicite donc un total de 15 098,60 euros au titre du rappel de salaires outre les congés payés y afférents.
La SELARL Ekip' lui oppose la prescription pour les sommes réclamées au titre de la période antérieure au 10 mars 2017, soit pour la somme de 8351,92 euros, et fait valoir que, pour le surplus, l'appelant n'apporte aucun élément probant. Elle ajoute avoir versé 4980,57 euros en décembre 2019 au titre de l'avance du CGEA.
En vertu de l'article L.3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
Aux termes de l'article 2240 du code civil, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.
Une reconnaissance même partielle a un effet interruptif pour la totalité de la créance.
En l'espèce, il n'est pas contesté que le contrat de travail de M. [N] a pris fin par son licenciement le 10 mars 2020. Il a agi par requête envoyée le 5 août 2020 et reçu le 10 août suivant, soit dans le délai de trois ans suivant la rupture de son contrat de travail et est donc bien fondé à solliciter le paiement de salaires qui lui seraient dus depuis le 10 mars 2020.
Dans un courrier du 25 mai 2019, remis en mains propres à M. [B] [N], gérant de la SARL ISP, M. [T] [N] a sollicité le paiement d'un solde de salaires s'élevant, à la date du 30 juillet 2018, à la somme de 9224,82 euros.
Ce courrier a été signé de M. [B] [N] qui y a apposé la formule « lu et approuvé », reconnaissance ainsi la dette de la société ISP à l'égard de M. [T] [N], à la date du 30 juillet 2018.
Cette reconnaissance de dette a interrompu la prescription triennale pour ces sommes, y compris celles correspondant à des salaires antérieurs au 10 mars 2017, de sorte qu'il doit être considéré qu'un nouveau délai de trois ans a commencé à courir à partir de cette date, soit jusqu'au 30 juillet 2021. La saisine du conseil de prud'hommes en août 2020 est intervenue au cours de ce délai.
De surcroît, si M. [T] [N] estime que les sommes dues correspondent aux salaires des mois de novembre 2016 à février 2017 puis de juillet 2018, il appert de rappeler que, en application de l'article 1342-10 du code civil, les paiements intervenus à compter d'avril 2017 sont à imputer, au fur et à mesure, sur les salaires dus depuis novembre 2016, et au 30 juillet 2018, de sorte qu'il restait ainsi dû au salarié, au 30 juillet 2018, une somme représentant un peu moins de 4 mois de salaire, qui rentre dans la période non prescrite des trois années précédant la rupture du contrat de travail.
Par ailleurs, pour la période postérieure au 30 juillet 2018, M. [T] [N] sollicite la fixation de sa créance au titre d'un rappel de salaire jusqu'au 30 septembre 2019, alors que son contrat a pris fin le 10 mars 2020, après un préavis de 3 mois.
Le document intitulé « synthèse du salarié » qu'il verse aux débats montre les avances dont il a bénéficié au titre des salaires, indemnités de préavis, indemnité de licenciement et indemnité de congés payés depuis le 1er octobre 2019, de sorte que la somme de 4980,57 euros portée au crédit de son compte le 4 décembre 2019 par la SELARL Ekip', mentionnant qu'il s'agit d'un règlement CGEA ne peut concerner que la période postérieure au 1er octobre 2019 et ne peut donc venir en déduction des sommes sollicitées et justifiées par le salarié pour la période antérieure au 30 septembre 2019. Le document synthèse du salarié montre d'ailleurs que, le 29 novembre 2019, il lui a été fait une avance de 6541,98 euros brut, ce qui est cohérent avec la somme portée en net au crédit du compte de M. [N] le 4 décembre 2019.
En conséquence de tous ces éléments, la demande de M. [T] [N] est fondée et justifiée de sorte que sa créance salariale doit être fixée au passif de la liquidation judiciaire de la SARL ISP à hauteur de la somme de 15 098,60 euros, outre 1509,86 euros au titre des congés payés y afférents.
Sur la demande indemnitaire
[T] [N] sollicite la fixation au passif de la société ISP d'une créance indemnitaire de 5000 euros en réparation du préjudice né du non paiement de son salaire par son employeur.
Il affirme avoir dû retourner vivre chez sa mère en raison des retards de paiement de ses salaires.
L'article L.1222-1 du code du travail dispose que le code du travail est exécuté de bonne foi.
Il appartient au salarié qui se prévaut d'une exécution déloyale de son contrat de travail de démontrer la faute de son employeur et le préjudice en résultant, ainsi que le lien de causalité entre les deux.
Si les retards dans le paiement du salaire de M. [T] [N] ont nécessairement eu une incidence sur le quotidien de celui-ci, il ne peut néanmoins leur imputer le retour au domicile de sa mère, puisque cette dernière atteste le 8 juillet 2021 qu'elle héberge son fils depuis juin 2016, soit avant les retards de paiement.
En conséquence, la cour réduit le montant des dommages et intérêts alloués à M. [T] [N] à la somme de 500 euros qui sera fixée au passif de la société ISP.
Sur les demandes accessoires
Le jugement déféré qui a laissé les dépens à la charge de la SELARL Ekip' sera réformé sur ce point, mais confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles.
En effet, il y a lieu de fixer, au passif de la procédure collective de la SARL ISP, les dépens de l'instance, y compris ceux exposés devant le conseil de prud'hommes.
Il sera par ailleurs alloué à M. [T] [N] la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel qui sera également fixée au passif de la société ISP.
Le présent arrêt sera déclaré opposable à l'Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 5], dans les conditions et limites légales.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Pau en date du 5 octobre 2022, sauf en ses dispositions relatives au quantum du rappel de salaires et des dommages et intérêts, ainsi que celles concernant les dépens ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant ;
FIXE les créances de M. [T] [N] à la liquidation judiciaire de la SARL Installations Services Pétroliers aux sommes de :
- 15 098,60 euros au titre des rappels de salaire, outre 1509,86 euros pour les congés payés y afférents,
- 500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
- 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irréétibles exposés en cause d'appel ;
FIXE les dépens de l'instance, y compris ceux exposés devant le conseil de prud'hommes, au passif de la procédure collective de la SARL Installations Services Pétroliers ;
DIT que le présent arrêt est opposable à l'Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 5], dans les conditions et limites légales ;
RAPPELLE que :
- la garantie de l'AGS est subsidiaire et que le présent arrêt est opposable au CGEA de [Localité 5] dans la seule mesure d'une insuffisance de disponibilités entre les mains du liquidateur,
- l'AGS ne garantit pas les dommages et intérêts pour harcèlement moral et l'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-6 et suivants du code du travail que dans les limites et conditions posées par l'article L 3253-19 et suivants du même code.
Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Numéro 24/2828
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 19/09/2024
Dossier : N° RG 22/02933 - N°Portalis DBVV-V-B7G-ILMC
Nature affaire :
Demande de paiement de créances salariales sans contestation du motif de la rupture du contrat de travail
Affaire :
[T] [N]
C/
S.E.L.A.R.L. EKIP', Association CGEA DE [Localité 5]
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 19 Septembre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
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APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 22 Mai 2024, devant :
Madame CAUTRES, Présidente
Madame SORONDO, Conseiller
Madame PACTEAU, Conseiller
assistées de Madame LAUBIE, Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [T] [N]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Maître FAUTHOUX loco Maître PETRIAT, avocat au barreau de PAU
INTIMEES :
S.E.L.A.R.L. EKIP'
Prise en la personne de Maître [S] [V], prise en son établissement secondaire de PAU situé [Adresse 2],
agissant ès qualité de Mandataire judiciaire à la liquidation de la SARL INSTALLATIONS SERVICES PETROLIERS, fonctions à elle conférées par jugement du Tribunal de Commerce de Pau du 26 novembre 2019.
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Maître ESTRADE, avocat au barreau de PAU
Association CGEA DE [Localité 5]
[Adresse 6]
[Localité 5]
Non représentée
sur appel de la décision
en date du 05 OCTOBRE 2022
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PAU
RG numéro : 20/00188
EXPOSÉ du LITIGE
Suivant contrat à durée indéterminée en date du 2 octobre 2008, M. [T] [N] a été embauché, par la SARL ISP (Installations services pétroliers) à compter du 6 octobre 2008, en qualité d'ouvrier polyvalent.
Par jugement du 5 mars 2013, le tribunal de commerce de Pau a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société et désigné la SELARL [S] [V], représentée par Me [S] [V], mandataire judiciaire.
Suivant jugement du 4 février 2014, le tribunal de commerce de Pau a adopté un plan de redressement d'une durée de 10 ans.
Par avenant à son contrat de travail en date du 25 septembre 2015 prenant effet le 1er octobre suivant, M. [N] a été affecté au poste de responsable du secteur installation, statut cadre, niveau VIII, échelon 1, prévu par la convention collective de commerce de gros dont dépend l'entreprise.
A la suite de la requête déposée en ce sens par la société ISP, le tribunal de commerce de Pau a, par jugement du 26 novembre 2019, prononcé la résolution du plan de redressement et la liquidation judiciaire de la société et désigné la SELARL Ekip' prise en la personne de Me [S] [V], liquidateur.
A la suite de son licenciement, M. [N] a reçu les documents de fin de contrat de la part de la SELARL Ekip' par courrier du 4 juin 2020.
Suivant requête reçue au greffe le 10 août 2020, M. [T] [N] a saisi la juridiction prud'homale au fond d'une demande de paiement de salaires.
Par jugement du 5 octobre 2022, le conseil de prud'hommes de Pau a :
- Dit que l'action intentée par M. [T] [N] est recevable et bien fondée,
- Dit que M. [T] [N] n'est pas forclos dans son action,
- Dit que les créances antérieures au 10 mars 2017 sont prescrites,
- Fixé au passif les créances de M. [T] [N] à la liquidation judiciaire de la SARL Installation et service aux sommes suivantes :
* 1766,11 euros bruts à titre de rappels de salaire,
* 1000 euros à titre de dommages et intérêts,
* 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Ordonné l'exécution provisoire de droit,
- Déclaré opposable au CGEA le jugement à intervenir dans le cadre des dispositions légales et réglementaires applicables,
- Débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- Laissé les dépens à la charge de la SELARL Ekip.
Le 28 octobre 2022, M. [T] [N] a interjeté appel du jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées, en ce qu'il a dit que les créances antérieures au 10 mars 2017 étaient prescrites et fixé à la somme de 1766,11 euros bruts le rappel de salaire qui lui était dû.
Dans ses conclusions adressées au greffe par voie électronique 19 janvier 2023 auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, M. [T] [N] demande à la cour de :
- Déclarer recevable et bien fondée l'appel interjeté par M. [T] [N] en l'encontre du jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Pau le 05 octobre 2022,
- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :
* Dit que l'action de M. [N] est recevable et qu'il n'est pas forclos en son action.
- En tant que de besoin Relever M. [N] de la forclusion de l'article L. 625-1 du Code de commerce.
- Infirmer le jugement dont appel sur le surplus
Statuant à nouveau :
- Dire et juger que la créance de M. [T] [N] n'est pas prescrite.
- Fixer les créances de M. [T] [N] à la liquidation judiciaire de la SARL ISP aux sommes suivantes :
- 15 098,60 euros bruts au titre de rappel de salaire, outre la somme de 1509,86 euros bruts à titre de congés payés y afférents.
- 5 000 euros nets à titre de dommages et intérêts.
- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- Déclarer opposable au CGEA de [Localité 5] l'arrêt à intervenir en toutes ses dispositions.
Dans ses conclusions n°2 adressées au greffe par voie électronique le 18 avril 2023 auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la SELARL Ekip', es qualité de mandataire liquidateur de la SARL Installations services pétroliers, formant appel incident, demande à la cour de :
- Infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Pau du 5 octobre 2022 en ce qu'il a :
* Dit que l'action intentée est recevable et bien fondée,
* Dit que M. [N] n'est pas forclos en son action,
* Fixé au passif de la liquidation les créances suivantes :
o 1.766,11 euros bruts à titre de rappels de salaire,
o 1.000 euros à titre de dommages et intérêts,
o 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC.
Statuant à nouveau
> A titre principal,
- Dire et juger que la requête déposée au greffe par M. [N] est entachée d'une nullité pour vice de forme,
- Déclarer nulle et de nul effet la requête introductive d'instance déposée le 10 août 2020
> A titre subsidiaire,
- Dire et juger que M. [N] n'a pas respecté le délai de forclusion de 2 mois applicable en matière de contestation de l'état de créances salariales,
- Déclarer forcloses les demandes salariales de M. [N],
> A titre infiniment subsidiaire,
- Dire et juger que les demandes de M. [N] sont infondées et injustifiées,
- Débouter M. [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- Confirmer le jugement dont appel pour le surplus,
- Condamner M. [N] à payer à la SELARL Ekip', Mandataire judiciaire à la liquidation de la SARL Installations Services Services Pétroliers, une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens.
Le CGEA de [Localité 5] n'a ni constitué ni conclu.
Par conclusions signifiées le 18 avril 2023, la SELARL Ekip a formé un incident visant au prononcé de la caducité de la déclaration d'appel du 28 octobre 2022. Cet incident a fait l'objet d'une radiation le 21 septembre 2023.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 avril 2024.
MOTIFS de LA DÉCISION
Sur la nullité de la requête
L'article R.1452-2 du code du travail dispose que la requête est faite, remise ou adressée au greffe du conseil de prud'hommes.
Elle comporte les mentions prescrites à peine de nullité à l'article 57 du code de procédure civile. En outre, elle contient un exposé sommaire des motifs de la demande et mentionne chacun des chefs de celle-ci. Elle est accompagnée des pièces que le demandeur souhaite invoquer à l'appui de ses prétentions. Ces pièces sont énumérées sur un bordereau qui lui est annexé.
La requête et le bordereau sont établis en autant d'exemplaires qu'il existe de défendeurs, outre l'exemplaire destiné à la juridiction.
Selon l'article 114 du code de procédure civile, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
En l'espèce, la SELARL Ekip reproche à la requête déposée par M. [N] devant le conseil de prud'hommes de Pau de ne pas être conforme aux dispositions de l'article R.1452-2 précité pour les raisons suivantes : l'objet de la demande n'est pas formulé et le salarié n'expose aucun motif justifiant ses demandes, ni aucune pièce à l'appui de ses prétentions.
Or, la requête litigieuse mentionne bien que M. [N] sollicite un rappel de salaire à hauteur de 14 971,50 euros.
S'il ne précise pas à quelle période se rapporte ce rappel de salaire ni n'indique les motifs le conduisant à formuler cette demande, ce qui pourrait constituer une irrégularité de l'acte, ni ne produit de pièces à l'appui de sa prétention, il n'en demeure pas moins que la SELARL Ekip' ne démontre pas l'existence d'un quelconque grief, alors que, dès un mail du 24 février 2020, M. [N] lui a réclamé cette créance salariale au montant indiqué dans la requête en expliquant son calcul et qu'elle a pu valablement faire valoir ses arguments en défense.
En conséquence, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes de Pau a rejeté cette exception de nullité formulée par la SELARL Ekip' et a déclaré la requête de M. [N] valable.
Le jugement déféré doit donc être confirmé de ce chef.
Sur la forclusion de l'action
L'article L.625-1 du code de commerce dispose que, après vérification, le mandataire judiciaire établit, dans les délais prévus à l'article L. 143-11-7 du code du travail, les relevés des créances résultant d'un contrat de travail, le débiteur entendu ou dûment appelé. Les relevés des créances sont soumis au représentant des salariés dans les conditions prévues à l'article L. 625-2. Ils sont visés par le juge-commissaire, déposés au greffe du tribunal et font l'objet d'une mesure de publicité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
Le salarié dont la créance ne figure pas en tout ou en partie sur un relevé peut saisir à peine de forclusion le conseil de prud'hommes dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement de la mesure de publicité mentionnée à l'alinéa précédent. Il peut demander au représentant des salariés de l'assister ou de le représenter devant la juridiction prud'homale.
Le débiteur et l'administrateur lorsqu'il a une mission d'assistance sont mis en cause.
Selon l'article R.625-3 du code de commerce, le mandataire judiciaire informe par tout moyen chaque salarié de la nature et du montant des créances admises ou rejetées et lui indique la date du dépôt au greffe du relevé des créances. Il rappelle que le délai de forclusion prévu à l'article L. 625-1 court à compter de la publication prévue au troisième alinéa ci-après. Les salariés dont les créances sont admises sont informés au moment du paiement.
Le salarié dont la créance a été omise peut être relevé de la forclusion par le conseil de prud'hommes dans le délai prévu au troisième alinéa de l'article L. 622-26. Le relevé de forclusion bénéficie aux institutions mentionnées à l'article L. 143-11-4 du code du travail.
La publicité mentionnée à l'article L. 625-1 est faite à la diligence du mandataire judiciaire par la publication, dans un support habilité à recevoir les annonces légales dans le département du siège de la personne morale ou du lieu où le débiteur personne physique a déclaré l'adresse de son entreprise ou de son activité et, le cas échéant, dans le département de chacun de ses établissements secondaires, d'un avis indiquant que l'ensemble des relevés des créances est déposé au greffe du tribunal. Cette publication intervient au plus tard trois mois après l'expiration de la dernière période de garantie prévue par l'article L. 143-11-1 du code du travail.
L'avis signé par le mandataire judiciaire est daté du jour de la publication prévue au troisième alinéa ci-dessus. Cette date fait courir le délai de forclusion prévu à l'article L. 625-1.
En l'espèce, il résulte des éléments du dossier que l'avis de dépôt d'état de créances salariales faisant courir le délai de forclusion prévu par l'article L.625-1 du code de commerce a été publié le 9 juin 2020.
Suivant courrier recommandé remis à son destinataire le 25 juin 2020, la SELARL Ekip' a informé M. [N] de cette mesure de publicité et de ce que le délai de deux mois pour saisir la juridiction prud'homale d'une contestation à l'encontre de cet état de créance avait commencé à courir depuis le 9 juin 2020.
[T] [N] avait donc deux mois à compter du 9 juin 2020 pour saisir le conseil de prud'hommes, soit jusqu'au dimanche 9 août 2020, délai prorogé au lundi 10 août 2020 à 24 heures, en application de l'article 642 du code de procédure civile. Sa requête datée du 5 août 2020 et postée le même jour a été déposée au greffe du conseil de prud'hommes de Pau le 10 août 2020, soit avant l'expiration du délai de forclusion, de sorte que le jugement querellé qui l'a déclarée recevable pour ce motif doit être confirmé.
Sur les sommes réclamées
[T] [N] sollicite que sa créance salariale soit fixée comme suit :
9351,92 euros au titre du rappel des salaires dus jusqu'au 30 juillet 2018,
5746,68 euros portant sur les salaires restant dus de juin à septembre 2019.
Il sollicite donc un total de 15 098,60 euros au titre du rappel de salaires outre les congés payés y afférents.
La SELARL Ekip' lui oppose la prescription pour les sommes réclamées au titre de la période antérieure au 10 mars 2017, soit pour la somme de 8351,92 euros, et fait valoir que, pour le surplus, l'appelant n'apporte aucun élément probant. Elle ajoute avoir versé 4980,57 euros en décembre 2019 au titre de l'avance du CGEA.
En vertu de l'article L.3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
Aux termes de l'article 2240 du code civil, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.
Une reconnaissance même partielle a un effet interruptif pour la totalité de la créance.
En l'espèce, il n'est pas contesté que le contrat de travail de M. [N] a pris fin par son licenciement le 10 mars 2020. Il a agi par requête envoyée le 5 août 2020 et reçu le 10 août suivant, soit dans le délai de trois ans suivant la rupture de son contrat de travail et est donc bien fondé à solliciter le paiement de salaires qui lui seraient dus depuis le 10 mars 2020.
Dans un courrier du 25 mai 2019, remis en mains propres à M. [B] [N], gérant de la SARL ISP, M. [T] [N] a sollicité le paiement d'un solde de salaires s'élevant, à la date du 30 juillet 2018, à la somme de 9224,82 euros.
Ce courrier a été signé de M. [B] [N] qui y a apposé la formule « lu et approuvé », reconnaissance ainsi la dette de la société ISP à l'égard de M. [T] [N], à la date du 30 juillet 2018.
Cette reconnaissance de dette a interrompu la prescription triennale pour ces sommes, y compris celles correspondant à des salaires antérieurs au 10 mars 2017, de sorte qu'il doit être considéré qu'un nouveau délai de trois ans a commencé à courir à partir de cette date, soit jusqu'au 30 juillet 2021. La saisine du conseil de prud'hommes en août 2020 est intervenue au cours de ce délai.
De surcroît, si M. [T] [N] estime que les sommes dues correspondent aux salaires des mois de novembre 2016 à février 2017 puis de juillet 2018, il appert de rappeler que, en application de l'article 1342-10 du code civil, les paiements intervenus à compter d'avril 2017 sont à imputer, au fur et à mesure, sur les salaires dus depuis novembre 2016, et au 30 juillet 2018, de sorte qu'il restait ainsi dû au salarié, au 30 juillet 2018, une somme représentant un peu moins de 4 mois de salaire, qui rentre dans la période non prescrite des trois années précédant la rupture du contrat de travail.
Par ailleurs, pour la période postérieure au 30 juillet 2018, M. [T] [N] sollicite la fixation de sa créance au titre d'un rappel de salaire jusqu'au 30 septembre 2019, alors que son contrat a pris fin le 10 mars 2020, après un préavis de 3 mois.
Le document intitulé « synthèse du salarié » qu'il verse aux débats montre les avances dont il a bénéficié au titre des salaires, indemnités de préavis, indemnité de licenciement et indemnité de congés payés depuis le 1er octobre 2019, de sorte que la somme de 4980,57 euros portée au crédit de son compte le 4 décembre 2019 par la SELARL Ekip', mentionnant qu'il s'agit d'un règlement CGEA ne peut concerner que la période postérieure au 1er octobre 2019 et ne peut donc venir en déduction des sommes sollicitées et justifiées par le salarié pour la période antérieure au 30 septembre 2019. Le document synthèse du salarié montre d'ailleurs que, le 29 novembre 2019, il lui a été fait une avance de 6541,98 euros brut, ce qui est cohérent avec la somme portée en net au crédit du compte de M. [N] le 4 décembre 2019.
En conséquence de tous ces éléments, la demande de M. [T] [N] est fondée et justifiée de sorte que sa créance salariale doit être fixée au passif de la liquidation judiciaire de la SARL ISP à hauteur de la somme de 15 098,60 euros, outre 1509,86 euros au titre des congés payés y afférents.
Sur la demande indemnitaire
[T] [N] sollicite la fixation au passif de la société ISP d'une créance indemnitaire de 5000 euros en réparation du préjudice né du non paiement de son salaire par son employeur.
Il affirme avoir dû retourner vivre chez sa mère en raison des retards de paiement de ses salaires.
L'article L.1222-1 du code du travail dispose que le code du travail est exécuté de bonne foi.
Il appartient au salarié qui se prévaut d'une exécution déloyale de son contrat de travail de démontrer la faute de son employeur et le préjudice en résultant, ainsi que le lien de causalité entre les deux.
Si les retards dans le paiement du salaire de M. [T] [N] ont nécessairement eu une incidence sur le quotidien de celui-ci, il ne peut néanmoins leur imputer le retour au domicile de sa mère, puisque cette dernière atteste le 8 juillet 2021 qu'elle héberge son fils depuis juin 2016, soit avant les retards de paiement.
En conséquence, la cour réduit le montant des dommages et intérêts alloués à M. [T] [N] à la somme de 500 euros qui sera fixée au passif de la société ISP.
Sur les demandes accessoires
Le jugement déféré qui a laissé les dépens à la charge de la SELARL Ekip' sera réformé sur ce point, mais confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles.
En effet, il y a lieu de fixer, au passif de la procédure collective de la SARL ISP, les dépens de l'instance, y compris ceux exposés devant le conseil de prud'hommes.
Il sera par ailleurs alloué à M. [T] [N] la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel qui sera également fixée au passif de la société ISP.
Le présent arrêt sera déclaré opposable à l'Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 5], dans les conditions et limites légales.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Pau en date du 5 octobre 2022, sauf en ses dispositions relatives au quantum du rappel de salaires et des dommages et intérêts, ainsi que celles concernant les dépens ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant ;
FIXE les créances de M. [T] [N] à la liquidation judiciaire de la SARL Installations Services Pétroliers aux sommes de :
- 15 098,60 euros au titre des rappels de salaire, outre 1509,86 euros pour les congés payés y afférents,
- 500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
- 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irréétibles exposés en cause d'appel ;
FIXE les dépens de l'instance, y compris ceux exposés devant le conseil de prud'hommes, au passif de la procédure collective de la SARL Installations Services Pétroliers ;
DIT que le présent arrêt est opposable à l'Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 5], dans les conditions et limites légales ;
RAPPELLE que :
- la garantie de l'AGS est subsidiaire et que le présent arrêt est opposable au CGEA de [Localité 5] dans la seule mesure d'une insuffisance de disponibilités entre les mains du liquidateur,
- l'AGS ne garantit pas les dommages et intérêts pour harcèlement moral et l'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-6 et suivants du code du travail que dans les limites et conditions posées par l'article L 3253-19 et suivants du même code.
Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,