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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-7, 19 septembre 2024, n° 21/13500

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 21/13500

19 septembre 2024

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7

ARRÊT MIXTE

DU 19 SEPTEMBRE 2024

N°2024/333

Rôle N° RG 21/13500 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIDYF

S.D.C. 3/4/8/10 [Adresse 4]

C/

S.C.I. SCI JULIFRED

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Julie ROUILLIER

Me Antoine WOIMANT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MARSEILLE en date du 27 Juillet 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 19/01072.

APPELANTE

S.D.C. [Adresse 4] Représenté par son syndic en exercice, la société DURAND IMMOBILIER, SARL au capital social de 1.000,00 €, inscrite au RCS de Marseille sous le n°849.896.907, dont le siège social est situé [Adresse 1], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Julie ROUILLIER de la SCP DAYDE - PLANTARD - ROCHAS & VIRY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Marinella MATTERA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

S.C.I. JULIFRED, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Antoine WOIMANT de la SELARL MCL AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Juin 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Madame Carole DAUX-HARAND, Président Rapporteur,

et Madame Carole MENDOZA, Conseiller-Rapporteur,

chargées du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre

Madame Carole MENDOZA, Conseillère,

Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Septembre 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Septembre 2024.

Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

La SCI JULIFRED, propriétaire d'un local commercial constituant le lot n° 2 de la copropriété du [Adresse 4] à [Localité 5], a signé le 06 août 2018 un compromis de vente au profit de M.[H] et Mme [T]-[N], sous la condition suspensive de l'obtention d'un permis de construire.

Le 12 septembre 2018, un permis de construire a été accordé. Il prévoyait la transformation du local commercial en local d'habitation, l'ouverture d'un toit terrasse et la restauration de la façade.

Le 18 octobre 2018, l'assemblée générale des copropriétaires a adopté la résolution n° 5 portant sur le changement de destination du lot n° 2 mais a rejeté la résolution n° 6 relative à l'ouverture en toiture.

Par acte d'huissier du 14 janvier 2019, la SCI JULIFRED a fait assigner le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 4] aux fins principalement de voir annuler les décisions de l'assemblée générale du 18 octobre 2018, et subsidiairement, de voir annuler la résolution n° 6, et d'obtenir l'autorisation judiciaire de réaliser les travaux prévus au permis de construire, et notamment l'ouverture du toit.

Par acte du premier mars 2019, la SCI JULIFRED a vendu le lot n°2 à M.[H] et Mme [T]-[N].

M.et Mme [B], copropriétaires, sont intervenus volontairement à la procédure.

Par jugement contradictoire du 27 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Marseille a :

- déclaré recevables l'action et les demandes de la SCI IULIFRED ;

- reçu l'intervention volontaire de Mme [G] [B] née [P] et de M. [F] [B];

- annulé la résolution numéro 6 de l'assemblée générale du 18 octobre 2018 ;

- autorisé les travaux sur le lot n° 2 tels que prévus par le permis de construire n°013055 18 00581 P0 qui prévoit notamment l'ouverture du toit ;

- débouté la SCI JULIFRED de sa' demande de dommages et intérêts ;

- condamné le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 4] représenté par son syndic en exercice la SARL Cabinet TRAVERSO à payer à la SCI JULIFRED la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté toutes les demandes du syndicat des copropriétaires de1'ensemb1e immobilier [Adresse 4], de Mme [G] [B] née [P] et de M. [F] [B] ;

- condamné le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 4] représenté par son syndic en exercice la SARL Cabinet TRAVERSO aux entiers dépens de l'instance ;

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Le premier juge, saisi d'une demande d'annulation du rejet de la résolution n° 6 proposant l'ouverture de la toiture terrasse, au motif d'un abus de majorité évoquée par la SCI JULIFRED, a estimé que ce rejet était dépourvu de motifs sérieux et que l'assemblée avait voté de manière contraire à l'intérêt commun des copropriétaires. Il a relevé que le permis de construire du 12 septembre 2018 prévoyait que la toiture de l'entrée en rez-de-chaussée soit démolie afin de créer une cour intérieure carrelée à ciel ouvert, avec la canalisation et la collecte des eaux de pluies par le biais d'un caniveau. Il a précisé qu'un rapport d'expertise du 12 décembre 2018 notait que la démolition/réfection de la couverture paraissait nécessaire afin de mettre fin aux infiltrations. Il a souligné que la rénovation prévue par le permis de construire avec la création de la cour intérieure était conforme à l'intérêt commun puisqu'elle améliorait l'état général de l'immeuble et évitait des infiltrations pouvant entraîner à terme l'écroulement de la toiture, partie commune, tout en améliorant l'esthétique de l'immeuble. Il a écarté l'argument de nuisances sonores et olfactives. Il a précisé que le changement de destination du lot n° 2 en un local d'habitation rendait implicite le fait que cette habitation soit réalisée dans des conditions décentes de sécurité, ce à quoi participait l'ouverture du toit.

Il a autorisé, en application de l'article 30 de la loi du 10 juillet 1965, la réalisation des travaux prévus par le permis de construire.

Il a rejeté la demande de dommage et intérêts formée par la SCI JULIFRED.

Par déclaration du 22 septembre 2021, le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 4] a relevé appel de tous les chefs de cette décision.

La SCI JULIFRED a constitué avocat. Elle n'a déposé aucune conclusion ni payé son timbre.

Par conclusions notifiées par RPVA le 24 novembre 2021 auxquelles il convient de se reporter, le syndicat des copropriétaire de l'ensemble immobilier [Adresse 4] demande à la cour:

- de réformer le jugement déféré dans toutes ses dispositions ;

- de débouter la SCI JULIFRED de sa demande d'annulation de la résolution n°6 de l'Assemblée Générale du 18 octobre 2018 qui a refusé sa demande d'autorisation de travaux ;

- de déclarer irrecevable la demande d'autorisation de travaux sur le fondement de l'article 30 de la loi du 10 juillet 1965 formée conjointement avec la demande d'annulation de la résolution de l'assemblée générale ayant refusé l'autorisation, en l'absence d'une décision de refus définitive de l'assemblée en application de l'article 25 b.

Dans l'hypothèse de la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a annulé la résolution n°6 de l'Assemblée Générale du 18 octobre 2018:

- de déclarer irrecevable la demande d'autorisation de travaux en l'absence d'une décision de refus définitive de l'assemblée en application de l'article 25 b.

Dans toutes les hypothèses,

- de constater que les travaux projetés sont de nature à porter atteinte aux droits des autres copropriétaires, en conséquence de débouter la SCI JULIFRED de sa demande en autorisation de travaux.

De manière plus générale,

- de débouter la SCI JULIFRED de toutes ses demandes ;

- de condamner la SCI JULIFRED au paiement d'une somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 et aux entiers dépens.

Il relève que l'assemblée générale, lorsqu'elle s'est prononcée, n'était pas en possession du permis de construire.

Il estime que le refus de l'assemblée générale d'autoriser un copropriétaire à effectuer à ses frais des travaux affectant les parties communes est discrétionnaire, même si les travaux envisagés, dans le seul intérêt du copropriétaire, sont susceptibles de constituer indirectement une amélioration.

Il souligne que les travaux envisagés portent atteinte à l'aspect de l'immeuble. Il fait observer que la suppression d'une partie du toit exclut la possibilité d'envisager une rénovation globale ultérieure.

Il indique que l'autorisation de travaux a également été refusée en raison de nuisances pour les autres copropriétaires, avec une imprécision sur l'évacuation des eaux pluviales. Il soutient que le refus opposé à la résolution reposait sur des considérations objectives conformes à l'intérêt collectif, ce qui exclut l'abus de majorité.

Il déclare que seule une assemblée générale dispose d'une compétence pour autoriser des travaux et fait valoir que le premier juge ne pouvait ordonner la réalisation de ceux-ci. Il estime que l'autorisation de réaliser des travaux en cas de refus de l'assemblée générale des copropriétaires ne peut trouver son fondement juridique dans l'article 30 de la loi du10 juillet 1967. Il conclut à l'irrecevabilité de la demande d'autorisation formée par la SCI JULIFRED conjointement avec la demande d'annulation de la résolution les refusant. Il relève que la demande d'autorisation judiciaire d'exécution de travaux suppose un refus définitif d'autorisation par les copropriétaires.

En toute hypothèse, il explique que les travaux envisagés sont importants et que l'autorisation judiciaire ne peut être donnée que si ces derniers sont conformes à la destination de l'immeuble et ne sont pas de nature à porter atteinte aux droits des autres copropriétaires. Il expose que la démolition d'une partie du toit afin de créer une cour ouverte ne lui permettra plus d'envisager une rénovation d'ensemble des façades et de la toiture. Il ajoute que la création d'une telle cour portera nécessairement atteinte aux droits de jouissance des copropriétaires des étages supérieures, dont les fenêtres donnent sur le toit dont la démolition partielle est demandée.

La clôture de l'affaire a été prononcée le 29 mai 2024.

MOTIVATION

Aux termes de l'article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Selon l'article 25 b de la loi du 10 juillet 1965 dans sa version applicable, ne sont adoptées qu'à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant l'autorisation donnée à certains copropriétaires d'effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, et conformes à la destination de celui-ci.

La convocation à l'assemblée générale du 18 octobre 2018 faisait état de la sixième résolution qui portait sur un projet d'ouverture en toiture du lot n° 2. Il était annexé à la convocation la demande de résolution faite par M.[H] et Mme [T] (futurs acquéreurs), qui mentionnaient souhaiter transformer le local commercial en local d'habitation et souhaiter pratiquer une ouverture dans le toit terrasse 'qui constitue la seule entrée de lumière possible pour le local'. Cette lettre indiquait 'évidemment, cette ouverture sera effectuée par une entreprise de maçonnerie garantissant avec sa décennale la bonne marche des travaux. Ces derniers seront effectués suivant les plans d'un architecte et d'un ingénieur béton si nécessaire. Les travaux de modification, les étanchéités, etc, sont entièrement à notre charge (...)'. Etaient également annexés à la convocation des plans permettant de comprendre en quoi consistait l'ouverture en toiture.

Selon le procès-verbal d'assemblée générale, il était mentionné qu'un débat s'était instauré s'agissant de la viabilité du projet, que des détails avaient été donnés par M.[H] mais que les copropriétaires estimaient que le projet pourrait troubler l'harmonie de la copropriété. Etait également débattue la question de l'évacuation des eaux pluviales. Il était noté que M.et Mme [H] devaient proposer une solution pour l'évacuation des eaux.

Les travaux envisagés s'analysent comme des travaux entrant dans la catégorie de l'article 25 b, puisqu'ils affectent l'aspect extérieur de l'immeuble et les parties communes.

Il incombait à la SCI JULIFRED de produire un dossier technique complet (plans et documents nécessaires) pour permettre à l'assemblée générale de se prononcer en connaissance de cause sur le projet soumis à son autorisation. Dans la convocation adressée aux copropriétaires, était uniquement produit le courrier des futurs acquéreurs et des plans très succincts, qui permettaient uniquement de comprendre en quoi consistait l'ouverture en toiture, sans aucun autre document.

L'assemblée générale des copropriétaires n'a pas été destinataire des éléments techniques évoqués dans le permis de construire. Elle n' a pas pu, à l'époque, se prononcer en connaissance de cause sur le projet qui était soumis à son autorisation.

L'information donnée aux copropriétaires avant le vote était insuffisante quant aux modalités de réalisation des travaux et à leurs conséquences. Les documents joints à la convocation à l'assemblée étaient ainsi notoirement insuffisants, compte tenu des travaux à effectuer.

Dès lors, c'est à tort que la SCI JULIFRED a soulevé l'abus de majorité pour solliciter l'annulation de cette résolution. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Sur l'autorisation tendant à effectuer des travaux

Lorsque l'appel a été formé, la SCI JULIFRED n'était plus copropriétaire. Elle a constitué avocat mais n'a pas fait intervenir les acquéreurs du lot sur lequel les travaux devaient être effectués.

L'article 122 du code de procédure civile énonce que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Selon l'article 125 du même code, le juge peut relever d'office la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt, du défaut de qualité ou de la chose jugée.

Il convient d'ordonner la réouverture des débats afin que les parties s'expliquent sur la qualité et l'intérêt à agir de la SCI JULIFRED pour solliciter la réalisation de travaux sur un lot dont elle n'était plus propriétaire lorsque l'appel a été relevé par le syndicat des copropriétaire.

Il y a lieu de surseoir à statuer sur la demande de travaux et les demandes au titre des frais irrépétibles et sur les dépens.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt mixte contradictoire, par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a annulé la résolution n° 6, qui rejette la demande relative à l'ouverture en toiture, prise par l'assemble générale des copropriétaires de l'ensemble immobilier du [Adresse 4] à [Localité 5] le 18 octobre 2018,

STATUANT A NOUVEAU,

REJETTE la demande de la SCI JULIFRED tendant à voir annuler la résolution n° 6 qui rejette la demande relative à l'ouverture en toiture prise par l'assemble générale des copropriétaires de l'ensemble immobilier du [Adresse 4] à [Localité 5] le 18 octobre 2018,

ORDONNE la réouverture des débats,

RENVOIE à l'audience du 19 mars 2025 à 9 heures salle 5 Palais Monclar,

INVITE les parties à s'expliquer sur la qualité et l'intérêt à agir de la SCI JULIFRED au titre de la demande de travaux sur le lot n° 2,

SURSOIT à statuer sur la demande de travaux, sur les demandes au titre des frais irrépétibles et sur les dépens.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,