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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 19 septembre 2024, n° 21/12461

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Sopalplast (SAS)

Défendeur :

Nedeas Wojciech (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard

Conseillers :

Mme Ranoux-Julien, Mme Prigent

Avocats :

Me Ohana, Me Rouch, Me Bernabe

T. com. Paris, 19e ch., du 23 juin 2021,…

23 juin 2021

EXPOSE DU LITIGE

La société Sopalplast a pour activité le commerce en gros et la fourniture de produits industriels en matière plastique.

L'entreprise Nedeas Wojciech [N] (ci-après l'entreprise Nedeas) a conclu, le 6 janvier 2014, un contrat d'agent commercial avec la société Sopalplast pour la représenter dans plusieurs pays d'Europe centrale et de l'Est, ainsi qu'en Russie et en Suisse.

Imputant à la société Sopalplast une baisse de son taux de commissionnement, l'entreprise Nedeas a, par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 12 juin 2019, résilié le contrat d'agent commercial, en demandant le paiement d'indemnités de rupture.

Par acte extrajudiciaire du 14 janvier 2020, l'entreprise Nedeas a assigné la société Sopalplast en paiement de l'indemnité compensatrice et en indemnisation du préjudice subi.

Par jugement du 23 juin 2021, le tribunal de commerce de Paris a :

- Constaté la rupture des relations commerciales, à compter du 30 juin 2019, aux torts exclusifs de la société Sopalplast ;

- Condamné la société Sopalplast à payer à l'entreprise Nedeas la somme de 44 800 euros au titre de l'indemnité de rupture ;

- Condamné la société Sopalplast à payer à l'entreprise Nedeas la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté la société Sopalplast de ses demandes autres, plus amples et contraires ;

- Ordonné l'exécution provisoire ;

- Condamné la société Sopalplast aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,01 euros dont 12,12 euros de TVA.

Par déclaration du 2 juillet 2021, la société Sopalplast a interjeté appel du jugement en ce qu'il a :

- Constaté la rupture des relations commerciales, à compter du 30 juin 2019, aux torts exclusifs de la société Sopalplast ;

- Condamné la société Sopalplast à payer à l'entreprise Nedeas la somme de 44 800 euros au titre de l'indemnité de rupture ;

- Condamné la société Sopalplast à payer à l'entreprise Nedeas la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté la société Sopalplast de ses demandes autres, plus amples et contraires ;

- Ordonné l'exécution provisoire ;

- Condamné la société Sopalplast aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,01 euros dont 12,12 euros de TVA ; selon les moyens qui seront développés dans les conclusions.

Par ses dernières conclusions notifiées le 11 avril 2024, la société Sopalplast demande, au visa des articles L134-4 et suivants du code de commerce, 2007 du code civil, 32-1, 57al 3, 114 et suivants, et 901 du code de procédure civile, de :

- Déclarer la société Sopalplast recevable et bien fondée en son appel ;

Y faisant droit,

- Infirmer le jugement rendu le 23 juin 2021 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a :

- Jugé que la rupture des relations commerciales à compter du 30 juin 2019 est intervenue aux torts exclusifs de la société Sopalplast

- Condamné la société Sopalplast à payer à l'entreprise Nedeas le montant des sommes suivantes :

' 44 800 euros au titre de l'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial,

' 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

- Débouté la société Sopalplast de ses demandes formulées à titre reconventionnel, dont le détail est le suivant :

' Condamner l'entreprise Nedeas à payer à la société Sopalplast la somme de 13 407,83 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

' Condamner l'entreprise Nedeas à payer à la société Sopalplast la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts,

' Condamner l'entreprise Nedeas à payer à la société Sopalplast la somme de 20 000 euros pour procédure abusive,

' Condamner l'entreprise Nedeas à payer la société Sopalplast la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

- Confirmer le jugement rendu le 23 juin 2021 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a débouté l'entreprise Nedeas de sa demande de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau,

- Juger que la société Sopalplast a parfaitement respecté les dispositions contractuelles applicables entre elle et l'entreprise Nedeas ;

- Juger que la société Sopalplast a procédé au règlement de l'intégralité des commissions dues à l'entreprise Nedeas ;

- Condamner l'entreprise Nedeas à payer à la société Sopalplast la somme de 13 407,83 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- Condamner l'entreprise Nedeas à payer à la société Sopalplast la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- Condamner l'entreprise Nedeas à payer à la société Sopalplast la somme de 20 000 euros pour procédure abusive,

- Débouter l'entreprise Nedeas de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- Condamner l'entreprise Nedeas à payer la société Sopalplast la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions notifiées le 19 avril 2024, l'entreprise Nedeas demande, au visa des articles L134-4, L134-12 et L134-13 2° du code de commerce, 1104 du code civil, et 547 du code de procédure civile, de :

En conséquence,

- Retenir que l'entreprise Nedeas demeure parfaitement fondée à demander et percevoir une indemnité compensatrice du fait de la résiliation du contrat égale à deux ans de commissions,

- Vu que l'article 8 du contrat d'agent commercial excluait le respect d'un préavis en cas de manquement audit contrat

- Condamner la société Sopalplast au paiement de la somme de 51 203 euros à l'entreprise Nedeas au titre des indemnités de rupture compensatrices qui lui sont légitimement dues.

- Condamner la société Sopalplast à payer à l'entreprise Nedeas la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- Condamner la société Sopalplast au paiement d'une somme de 20 000 euros au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile.

- Condamner la société Sopalplast à payer à l'entreprise Nedeas la somme de 18 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 2 mai 2024.

La cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE LA COUR

- Sur l'irrecevabilité de l'appel

L'entreprise Nedeas affirme que la déclaration d'appel de la société Sopalplast vise « la société » Wojciech [N] Nedeas » et non « l'entreprise » Nedeas Wojciech [N]. Or, la société Nedeas n'existe pas et n'a pas qualité à agir. Dès lors, l'appel en lui-même est irrecevable en application de l'article 547 du code de procédure civile.

La société Sopalplast réplique que, faute d'être reprise dans le dispositif de ses conclusions, la demande d'irrecevabilité de l'entreprise Nedeas ne peut être examinée par la cour. En outre, à défaut de démontrer l'existence d'un grief, le moyen doit être rejeté.

L'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile dispose que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

En l'espèce, il convient de relever que les conclusions contenues dans le dossier remis à la cour par l'entreprise Nedeas comportent à la page 31 les demandes suivantes :

« Au principal

- Prononcer l'irrecevabilité de l'appel pour défaut de qualité de l'intimé en ce que l'appel a été formé a' l'encontre d'une personne qui n'a pas été partie au jugement de première instance, qui plus est, une personne inexistante.

A titre subsidiaire

- Si, par impossible, l'irrecevabilité de l'appel dans sa globalité n'était pas prononcée,

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 23 juin 2021 en ce qu'il a constaté la rupture des relations commerciales, à compter du 30 juin 2019, aux torts exclusifs de la société Sopalplast et condamné la société Sopalplast a' payer a' l'entreprise Nedeas la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau :

- Débouter l'appelante de l'intégralité de ses fins, demandes et prétentions.

- Retenir la défaillance de la société Sopalplast dans l'exécution du contrat d'agence commerciale,

- Vu que la société Sopalplast a réduit unilatéralement la commission de l'entreprise Nedeas sans le consentement de ce dernier et en violation de l'article 5.2 du contrat d'agence commerciale et de la législation française applicable,

- Retenir que l'inexécution contractuelle de la société Sopalplast est une violation grave et injustifiée de ses obligations enlevant tout intérêt a' sa représentation et n'ayant pas permis une continuation temporaire de la relation contractuelle,

En conséquence,

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a retenu que la rupture du contrat d'agence commerciale, à compter du 30 juin 2019, est intervenue aux torts de la société Sopalplast. »

Cependant, aux termes de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 19 avril 2024, la page 31 est manquante. Le dispositif des demandes de l'entreprise Nedeas n'est contenu que dans une page 32, aux termes de laquelle elle demande de :

« En conséquence,

- Retenir que l'entreprise Nedeas demeure parfaitement fondée à demander et percevoir une indemnité compensatrice du fait de la résiliation du contrat égale à deux ans de commissions,

- Vu que l'article 8 du contrat d'agent commercial excluait le respect d'un préavis en cas de manquement audit contrat

- Condamner la société Sopalplast au paiement de la somme de 51 203 euros à l'entreprise Nedeas au titre des indemnités de rupture compensatrices qui lui sont légitimement dues.

- Condamner la société Sopalplast à payer à l'entreprise Nedeas la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- Condamner la société Sopalplast au paiement d'une somme de 20 000 euros au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile.

- Condamner la société Sopalplast à payer à l'entreprise Nedeas la somme de 18 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. »

Par message RPVA du 24 avril 2024, le greffier a attiré l'attention sur l'absence de page 31 et invité à notifier des conclusions sans page manquante avant la date de clôture, ce qui n'a pas été effectué.

L'entreprise Nedeas ne demande donc pas à la cour, aux termes de son dispositif, que l'appel de la société Sopalplast soit déclaré irrecevable.

La cour n'est dès lors pas saisie d'une demande de l'entreprise Nedeas d'irrecevabilité de l'appel interjeté par la société Sopalplast.

- Sur la résiliation unilatérale du contrat d'agence commerciale

La société Sopalplast soutient que :

- L'entreprise Nedeas lui a notifié sa volonté de mettre un terme sans délai à la relation commerciale sans aucune mise en demeure préalable.

- Il n'existe aucune circonstance imputable à la société Sopalplast justifiant la cessation du contrat : elle n'a pas contesté le refus de l'entreprise Nedeas de voir son taux de commission baisser et elle a rapidement réglé le complément de l'unique commission du mois de mai partiellement réglé.

- Le taux de commission à percevoir a été modifié ponctuellement comme prévu contractuellement : les parties ont expressément convenu que le taux de commission n'était pas garanti « sur des prix de vente spéciaux ».

- La société Sopalplast a agi dans le respect des procédures existantes entre elle et ses agents commerciaux.

L'entreprise Nedeas réplique que :

- Nonobstant son opposition ferme et répétée, la société Sopalplast a réduit de plus de 50% la commission de 3%.

- Le contrat du 6 janvier 2014 stipulait expressément en son article 5.2 qu'une réduction de la commission contractuellement prévue n'est permise uniquement qu'après accord écrit de l'agent et du mandant.

- L'article 8.1 du contrat prévoyait la possibilité de mettre fin au contrat sans préavis en cas d'inexécution contractuelle par l'autre partie justifiant une rupture brutale.

- L'indemnité due à l'agent commercial devait être calculée sur le montant des commissions.

- La réduction unilatérale des commissions a déséquilibré le contrat au détriment de l'entreprise Nedeas, au point de faire disparaître l'intérêt de sa poursuite.

- La société Sopalplast a procédé à une résiliation détournée. Son objectif était d'amener l'entreprise Nedeas à résilier le contrat d'agent commercial.

- Il n'y a jamais eu de prix de vente spéciaux avec un taux de commission différent.

L'article L134-12 dispose dans son premier alinéa qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

L'article L134-13 du code du commerce dispose que la réparation prévue à l'article L 134-12 n'est pas due dans les cas suivants :

1° La cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial ;

2° La cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée ;

3° Selon un accord avec le mandant, l'agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu'il détient en vertu du contrat d'agence.

A contrario, l'agent est fondé à prendre acte d'une rupture qui lui est imposée par le comportement de son mandant, en particulier lorsqu'il est contraire aux engagements contractuels pris par celui-ci.

Tel est le cas, notamment, lorsque celui-ci cesse de régler les commissions convenues.

En l'espèce, l'article 8 du contrat intitulé « résiliation anticipée » stipule :

« 8.1 chaque partie peut résilier le présent contrat avec effet immédiat, sans préavis, en informant l'autre partie par un moyen de communication assurant la preuve et le délai de livraison en cas de violation du contrat par l'autre partie constituant un motif légitime de résiliation brutale (selon l'article 8.2) ou en cas de circonstances extraordinaires justifiant une résiliation anticipée (selon l'article 8.3).

8.2 un motif valable de résiliation brutale est, conformément à l'article 8.1, toute violation des obligations contractuelles qui est si grave qu'elle ne permet même pas une continuation temporaire de la relation contractuelle sur la base de la confiance mutuelle. »

Le contrat d'agence commerciale stipule par ailleurs en son article S-5 intitulé « commissions de l'agent » :

« Dans le respect de 3% (en lettre trois pour cent) du prix de vente sauf prix de vente spécial, Sopalplast fera tout son possible pour aider l'Agent à financer ses coûts de voyage en tant que consultant. »

Qu'il est, en outre, prévu en partie II du contrat, dans l'article 5 intitulé « commission » que :

« 5.1 Le mandataire a le droit de percevoir la commission mentionnée à la case S-5 sur toutes les ventes de produits contractuels réalisées par Sopalplast pendant la durée du contrat avec des clients installés sur le territoire (sauf pour les clients exclusifs, comme à l'article 5.3).

5.2 Il est entendu que la commission visée à l'article 5.1 peut être diminuée proportionnellement après accord écrit du mandataire et de Sopalplast, en accordant à un client des prix et conditions de vente plus avantageux que ceux habituellement établis par Sopalplast. »

Le 20 février 2019, la société Sopalplast a adressé à l'entreprise Nedeas un courriel rédigé en ces termes : « Les ventes sont au plus bas ces derniers jours. Je vous adresse une nouvelle table des prix dans l'objectif de vous aider à accroitre nos ventes, ce qui devrait, je l'espère, être possible avec ces tarifs. Veuillez noter qu'avec de tels prix, votre commission sur les ventes seront révisées, les taux habituels n'étant pas tenables. »

Par courriel en date du 22 février 2019, l'entreprise Nedeas répondait « la commission est régie par le contrat. Bien sûr nous sommes des gens raisonnables et nous pouvons en parler quand nous voyons que vous faîtes une perte totale sur mes ventes. Je vais analyser mes ventes en profondeur. »

Par courriel du 28 février 2019, la société Sopalplast informait l'entreprise Nedeas des nouveaux taux de commission :

« Veuillez trouver ci-joint les nouveaux prix avec un effort particulier surtout pour le BOPA. Nous devons vendre plus de BOPA.

Les nouvelles commissions pour ce tableau seront les suivantes :

- Moins de 1T : 3%

- Entre 1T et 3T : 1,5%

- Entre 3T et 5T : 1%

- Plus de 5 T : 0,05%

Afin de conserver une certaine compétitivité, nous devons modifier les prix et donc votre commission. Si vous souhaitez vendre à un prix plus élevé que dans le tableau où la commission est inférieure à 3%, veuillez ajuster votre client avec la différence de prix pour atteindre 3% de commission.

Par exemple : 2,5T donne 1,5% de commission, si vous voulez 3% vous devez augmenter le prix de 1,5%.

J'espère que vous comprenez et vous souhaite bonne chance. »

Par courriel du 7 mars 2019, l'entreprise Nedeas interrogeait la société Sopalplast :

« A quel prix incluant 3% de commission puis-je vendre 3T de PET corona ' » », ce à quoi la société Sopalplast répond « bonjour W, pour 8 rouleaux en 730 mm, le prix doit être de 1,79 euros/kg départ usine avec 3% de commission pour toi. Pour le DDP, il doit être de 1,90 euros/kg avec également 3% de commission. »

Par courriel du 22 mars 2019, la société Sopalplast a transmis une nouvelle grille tarifaire en indiquant à l'entreprise Nedeas : « bonjour. Nouveaux prix. Merci d'informer vos clients dès que possible. Spécialement pour le BOPA. »

L'entreprise Nedeas lui a répondu : « Merci [M]. Félicitations ! Il semble que Hyosung soit devenu très flexible. Cette liste est-elle assortie d'une commission de 3% ' Donnez-moi la décision concernant la plainte de Fol-Pak. Cordialement. W »

La société Sopalplast lui répond : « Oui 3% mais pour des petites quantités vous devez vendre sortie-d'usine ».

Le 16 mai 2019, la société Sopalplast a renvoyé à l'entreprise Nedeas le courriel du 28 février 2019 mentionnant la baisse du taux de commission et elle lui écrivait le lendemain :

« Cher W, Oui, nous savons que vous travaillez dur et pour Sopalplast, et oui le marché est très tendu en ce moment, c'est pourquoi nous devons réduire la marge à la vente et qu'on ne peut donc pas maintenir un tel niveau élevé de commission, sinon vous ne seriez pas en mesure de vendre en raison de prix plus élevés. Veuillez comprendre que si Sopalplast meurt, nous mourrons tous avec elle. Je suggère donc la base de commission ci-jointe qui vous donne presque 16% des bénéfices de l'entreprise. Sans parler des coûts fixes que nous vous permettons de récupérer. Veuillez nous faire part de votre opinion. »

Il résulte de ces échanges de courriels que la société Sopalplast a informé le 28 février 2019 l'entreprise Nedeas d'une modification à la baisse du taux de commissionnement contractuellement prévu, sans faire référence à des « prix de vente spéciaux ».

La nouvelle grille tarifaire, transmise une première fois en février 2019, a été à nouveau notifiée à l'entreprise Nedeas par courriel du 16 mai 2019, le message l'accompagnant étant ferme sur ses intentions (« on ne peut donc pas maintenir un tel niveau élevé de commission »).

Alors que le contrat stipule un taux fixe de commission s'élevant à 3% du prix de vente sauf prix de vente spécial, la nouvelle grille notifiée à l'entreprise Nedeas en février et mai 2019 prévoit des taux variant de 0,05 à 3% du prix de vente.

L'examen des tableaux récapitulatifs des commissions de l'entreprise Nedeas pour le mois de mai 2019 démontre qu'une modification du calcul des commissions versées à l'entreprise Nedeas a été appliquée par la société Sopalplast à compter de cette date.

En mai 2019, la société Sopalplast n'a réglé à l'agent commercial que la somme de 1 596,80 euros sur les 3 514,44 euros facturés.

La société Sopalplast admet avoir appliqué à compter du 1er mai 2019 un abaissement du taux de commission, ce qu'elle justifie pour des motifs de maintien de sa compétitivité sur le marché international.

Elle ne démontre cependant pas que l'agent a accepté de réduire son commissionnement, ce motif ne lui permettant pas de le lui imposer unilatéralement.

Au regard de ces éléments il est donc établi que la société Sopalplast a, au mois de mai 2019, procédé une diminution du taux de commissionnement, en fixant un taux variable de 0,05 à 3%, alors que la tarification antérieure prévoyait un taux de 3%.

Le fait que l'entreprise Nedeas n'ai pas expressément demandé à la société Sopalplast de maintenir le taux contractuel de 3% ne démontre pas son adhésion à la nouvelle tarification, puisqu'elle a au contraire rappelé dans le courriel du 22 février 2019 que les commissions étaient régies « par le contrat ».

La société Sopalplast n'apporte donc pas la preuve d'une acceptation tacite des nouveaux taux par l'entreprise Nedeas.

Les nouvelles modalités de commissionnement proposées modifiaient de façon substantielle les conditions économiques de la relation commerciale conclue avec le mandant. Il est établi que la rupture du contrat par l'entreprise Nedeas est intervenue au vu du nouveau taux de fixation des commissions, moins favorable pour elle, et qu'elle n'a pas agréé.

En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a dit que la résiliation du contrat commercial, formalisée le 12 juin 2019 par l'entreprise Nedeas, est intervenue aux torts de la société Sopalplast, le fait qu'une régularisation ultérieure des commissions soit intervenue postérieurement étant indifférent.

Sur le paiement d'une indemnité de rupture en réparation du préjudice de l'entreprise Nedeas :

La société Sopalplast soutient que :

- La durée des relations commerciales ne justifie pas qu'une indemnité de rupture égale à deux ans.

- Aux termes de l'article L134-11 du code de commerce, la durée du préavis à respecter est de 3 mois pour les contrats ayant une durée d'exécution de plus de 3 ans. L'indemnité compensatrice de préavis due s'élève à 13 407, 83 euros.

- L'entreprise Nedeas ne démontre pas avoir subi un préjudice.

L'entreprise Nedeas réplique que :

- Le montant de l'indemnité doit correspondre à 24 mois de commissions, soit la somme de 51 203 euros.

- Aucun délai de préavis ne peut lui être opposé dans la mesure où la résiliation du contrat intervient aux torts de la société Sopalplast.

L'article L134-12 dispose qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

La cessation du contrat intervenant aux torts de la société Sopalplast, l'entreprise Nedeas a droit à une indemnité compensatrice en application de l'article susvisé.

L'indemnité de rupture est destinée à réparer le préjudice subi par l'agent du fait de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune. Son quantum n'étant pas règlementé, il convient de fixer son montant en fonction des circonstances spécifiques de la cause.

En l'espèce, les relations contractuelles entre la société Sopalplast et l'entreprise Nedeas se sont étendues sur 5 années.

L'entreprise Nedeas verse aux débats des tableaux comptabilisant les commissions perçues sur les ventes réalisées à compter de mars 2017 jusqu'en mai 2019, lesquels ne sont pas contestés.

Durant les 24 mois ayant précédé la rupture du contrat d'agent commercial, le montant des commissions s'est élevé à 51 203 euros, soit une moyenne mensuelle de 2 133,45 euros.

Au vu de ces éléments, la cour dispose d'éléments suffisants pour fixer à la somme de 51 203 euros l'indemnité de rupture, correspondant au montant des commissions perçues au cours des 24 derniers mois.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement et de condamner la société Sopalplast à payer à l'entreprise Nedeas, au titre de l'indemnité de rupture, la somme de 51 203 euros.

Sur la demande de la société Sopalplast d'indemnité compensatrice de préavis :

La société Sopalplast demande que la société Nedeas soit condamnée au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 13 407,83 euros. Elle soutient que les manquements invoqués par la société Nedeas pour résilier le contrat d'agence commerciale aux torts de la société Sopalplast n'étaient pas justifiés au sens de l'article 8.1 du contrat, qui stipule que "Chaque partie peut résilier le présent contrat avec effet immédiat, sans préavis, en cas de violation du contrat par l'autre partie constituant un motif légitime de résiliation brutale".

Toutefois, la résiliation intervenant aux torts exclusifs de la société Sopalplast, il n'incombait pas à l'entreprise Nedeas d'effectuer un préavis.

Il convient en conséquence de rejeter la demande de la société Sopalplast.

Sur la demande de dommages et intérêts de l'entreprise Nedeas :

L'entreprise Nedeas soutient que la société Sopalplast a tenté de lui nuire en la menaçant téléphoniquement, et sollicite qu'elle soit condamnée au paiement de la somme de 20 000 euros.

En vertu de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire peut être condamné à une amende civile de 10 000 euros maximum sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés.

Une partie ne peut engager sa responsabilité pour avoir exercé une action en justice ou s'être défendue que si l'exercice de son droit a dégénéré en abus. L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'étant pas, en soi, constitutive d'une faute, l'abus ne peut se déduire du seul rejet des prétentions par le tribunal.

L'entreprise Nedeas ne démontrant pas l'existence de la faute de la société Sopalplast dans l'exercice de ses droits, il convient de rejeter cette demande.

L'entreprise Nedeas affirme par ailleurs que la rupture du contrat l'a plongée dans une situation précaire et qu'il en résulte un préjudice économique dont elle demande l'indemnisation à hauteur de la somme de 8 000 euros. Elle indique qu'en raison de la rupture de confiance avec la société Sopalplast, M. [N] a été contraint de mettre un terme à toutes ses activités et de clôturer l'entreprise Nedeas.

Toutefois, l'entreprise Nedeas ne verse aux débats aucune pièce justifiant le préjudice allégué. La décision du tribunal de commerce l'ayant déboutée de cette demande sera en conséquence confirmée.

Sur les demandes de dommages et intérêts de la société Sopalplast :

La société Sopalplast affirme que la rupture du contrat a entrainé pour elle la perte de sa clientèle développée sur le territoire dont avait la charge l'entreprise Nedeas.

Elle estime la perte de chiffre d'affaires à un montant de 446 837, 50 euros et de 53 631, 30 euros de marge.

La rupture du contrat étant intervenue aux torts exclusifs de la société Sopalplast, il convient de confirmer la décision du tribunal ayant rejeté la demande de dommages et intérêts de cette dernière.

La société Sopalplast affirme par ailleurs que l'entreprise Nedeas a engagé une procédure abusive du fait de son comportement déloyal.

Toutefois, en l'absence de caractérisation d'un abus de la part de l'entreprise Nedeas dans l'exercice de ses droits, il convient également de confirmer la décision du tribunal ayant rejeté la demande de la société Sopalplast tendant à voir condamner la société Nedeas pour procédure abusive.

Sur les demandes accessoires :

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Sopalplast aux dépens et à payer à l'entreprise Nedeas la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Sopalplast, partie qui succombe, est condamnée aux dépens d'appel.

L'équité commande que la société Sopalplast soit condamnée au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile par la société Sopalplast sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Paris du 23 juin 2021 sauf en ce qu'il a condamné la société Sopalplast à payer à l'entreprise Nedeas la somme de 44 800 euros au titre de l'indemnité de rupture ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Constate que la cour n'est pas saisie d'une demande de l'entreprise Nedeas d'irrecevabilité de l'appel de la société Sopalplast ;

Condamne la société Sopalplast à payer à l'entreprise Nedeas la somme de 51 203 euros au titre de l'indemnité de rupture ;

Rejette la demande de la société Sopalplast au titre de l'indemnité de préavis ;

Rejette la demande de dommages et intérêts de l'entreprise Nedeas au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile ;

Condamne la société Sopalplast à payer à l'entreprise Nedeas la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de la société Sopalplast au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Sopalplast aux entiers dépens d'appel.