CA Paris, Pôle 4 ch. 9, 19 septembre 2024, n° 22/13963
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Eos France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Durand
Conseillers :
Mme Arbellot, Mme Coulibeuf
Avocats :
Me Boutmy, Me Asseraf
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon offre préalable acceptée le 16 octobre 2001, la société Netvalor a consenti à M. [P] [E] un prêt personnel d'un montant de 40 000 francs soit 6 097,96 euros au taux d'intérêts de 8,35 % l'an, remboursable en 48 mensualités de 983,10 francs soit 149,87 euros chacune hors assurance.
Sur requête de la société Netvalor et par ordonnance du 28 août 2003 du tribunal d'instance du Raincy, M. [E] a été enjoint de payer à cette société la somme de 5 575,13 euros avec intérêts au taux de 8,35 % à compter du 5 avril 2002 ainsi qu'aux dépens.
L'ordonnance a été signifiée par acte remis à mairie le 15 septembre 2003 puis l'ordonnance a été revêtue de la formule exécutoire suivant acte remis à mairie le 26 janvier 2004.
La société Netvalor a fait délivrer à M. [E], suivant acte remis en mairie le 26 janvier 2004, un commandement aux fins de saisie-vente.
Aux termes d'un acte de cession de créances du 30 avril 2007, la société Netvalor a cédé la créance détenue à l'encontre de M. [E] au fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 1 représenté par la société Eurotitrisation.
Une mesure de saisie-attribution a été signifiée à la banque de M. [E] par acte du 7 septembre 2017, dénoncée à M. [E] suivant acte remis à étude le 12 septembre 2017.
Par requête du 24 septembre 2021, M. [E] a formé opposition à l'ordonnance portant injonction de payer.
Par jugement contradictoire du 23 juin 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité du Raincy a déclaré recevable l'intervention volontaire à l'instance de la société Eos France, a déclaré irrecevable l'opposition formée par M. [E], a rappelé que l'ordonnance portant injonction de payer continuait de produire ses effets, a débouté la société Eos France de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, a condamné M. [E] aux dépens et a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Pour statuer ainsi, le juge a constaté que la créance avait été cédée le 30 avril 2007 au fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 1 représenté par la société Eurotitrisation avant d'être à nouveau cédée le 17 décembre 2021 à la société Eos France. Il a reçu la société Eos France en son intervention.
Pour déclarer irrecevable comme tardive l'opposition à injonction de payer, il a relevé que la signification avait eu lieu à mairie le 15 septembre 2003, que la saisie-attribution pratiquée le 7 septembre 2017 avait été dénoncée à M. [E] le 12 septembre 2017, qu'elle avait eu pour effet de rendre ses biens indisponibles et qu'elle constituait le point de départ du délai d'opposition d'un mois, de sorte que l'opposition formée le 24 septembre 2021 soit plus de 4 années plus tard était hors délai.
Par déclaration enregistrée électroniquement le 21 juillet 2022, M. [E] a relevé appel de cette décision.
Aux termes des dernières conclusions numéro 3 remises le 30 mai 2024, il demande à la cour :
- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne le rejet de la demande de frais irrépétibles,
statuant à nouveau,
- de déclarer irrecevable la société Eos France pour défaut de qualité à agir,
- d'annuler ou à tout le moins de déclarer inopposable l'acte de saisie-attribution du 7 septembre 2017 et l'acte de dénonciation du 12 septembre 2017,
- de déclarer irrecevable la société Eos France, l'ordonnance d'injonction de payer rendue par le tribunal d'instance du Raincy le 8 août 2003 étant prescrite,
- d'annuler l'acte de signification de l'ordonnance d'injonction de payer rendue par le tribunal d'instance du Raincy le 8 août 2003,
- de déclarer irrecevable la société Eos France, l'ordonnance d'injonction de payer rendue par le tribunal d'instance du Raincy le 8 août 2003 étant non avenue,
- de déclarer abusive et réputée non écrite la clause relative à la déchéance du terme figurant dans le contrat de crédit à la consommation souscrit par M. [E] auprès de la société Netvalor,
- de débouter la société Eos France de l'intégralité de ses demandes,
- de la condamner à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Il soutient que la société Eos France prétend venir aux droits du fonds commun de titrisation Credinvest, invoquant le bénéfice d'un contrat de cession de créances en date du 17 décembre 2021, lequel serait lui-même venu aux droits de la société Netvalor en raison d'un acte de cession de créances en date du 30 avril 2007 alors que chacun des actes produits est accompagné d'une feuille volante, supposée contenir les éléments permettant d'identifier la créance cédée qui porterait sur le contrat souscrit par lui en 2001. Il estime que les deux feuilles volantes ne sont pas tamponnées ni signées par les cédantes et n'ont aucune force probante, que la preuve de la cession de créance n'est donc pas établie et que si cette feuille provenait d'un CD-ROM, il appartiendrait à la société Eos France de faire constater par un huissier le contenu de l'instrumentum.
Sur la recevabilité de l'opposition, il soutient que les actes de saisie et de dénonciation doivent être annulés comme ayant été pratiqués par une personne morale dénuée de la qualité à agir en recouvrement s'agissant d'un fonds commun de titrisation, en raison des modalités de signification de l'acte de dénonciation, en raison du caractère frauduleux de l'acte de saisie-attribution de sorte que l'ordonnance d'injonction de payer est non avenue. Il fait observer pour répondre à l'intimée qui renvoie à la compétence du juge de l'exécution, que la question de la validité des actes de saisie et dénonciation des 7 et 12 septembre 2017 est un moyen de défense au fond ayant pour effet de faire déclarer prescrite l'action du créancier et qu'il est demandé soit l'annulation des actes, soit qu'ils soient déclarés inopposables, demandes ne relevant pas du juge de l'exécution. Il indique que la société Eurotitrisation n'était pas chargée du recouvrement des créances cédées ce que confirmera la production du règlement général du fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 1, lequel n'a pas été produit en première instance par la société Eos France et qu'en conséquence la société Eurotitrisation n'avait pas qualité pour faire pratiquer une saisie-attribution et la dénoncer les 7 et 12 septembre 2017.
Il invoque une annulation de la dénonciation au regard des modalités de sa signification, en ce que l'acte a été remis à étude et que la seule vérification du domicile du [Adresse 2] à [Localité 9] faite par l'huissier résulte de la mention "le nom est inscrit sur la boîte aux lettres" ce qui est insuffisant, car cette adresse n'était pas sa dernière adresse connue tel que cela résulte du dernier acte valant commandement aux fins de saisie-vente qui lui a été signifié le 26 janvier 2004 qui mentionnait une adresse au [Adresse 3] à [Localité 11]. Il estime subir un grief du fait de cette irrégularité car il n'a pu contester la mesure et demande ainsi l'annulation de l'acte de saisie-attribution du 7 septembre 2017 et de l'acte de dénonciation du 12 septembre 2017 de sorte qu'en l'absence de mesure ayant eu pour effet de rendre indisponible tout ou partie de ses biens, il estime que le délai d'opposition n'a pas couru et son opposition formée le 24 septembre 2021 est donc recevable. Il invoque en outre la prescription du titre depuis le 19 juin 2018 car aucun acte interruptif de prescription n'étant intervenu avant cette date.
Il demande également l'annulation de l'acte de dénonciation au regard du principe "la fraude corrompt tout", principe selon lui appliqué de façon constante par la Cour de cassation. Il rappelle que tout acte entaché de fraude doit être annulé comme l'a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt de la 3ème chambre civile du 25 mars 2021 (19-15-604). Il invoque une violation par le créancier du principe de la prescription biennale des intérêts dans l'acte de dénonciation mais dénonce aussi une pratique commerciale habituelle de la société Eos France qui réclame des intérêts prescrits et qui se pratique sur des milliers de dossiers et estime qu'il s'agit d'une pratique commerciale déloyale en visant l'article L. 121-1 du code de la consommation. Il estime que le non-respect par un professionnel de la prescription biennale des intérêts caractérise le délit de pratiques commerciales déloyales ce qui caractérise une fraude à l'encontre du droit des consommateurs. Il explique qu'en faisant établir par des huissiers des demandes en paiement reposant sur des allégations, présentations ou indications fausses, en gonflant artificiellement le montant de la prétendue dette, la société poursuivante a tenté de le tromper et essayé d'altérer son comportement en tentant de lui faire remettre volontairement une somme de 1 403,03 euros qui n'était pas due.
Il fait état d'une décision du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Grasse du 18 mai 2021 ayant statué en ce sens et condamné la société Intrum à des dommages et intérêts pour avoir réclamé des intérêts qu'elle savait prescrits, d'un jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris du 10 décembre 2021, de décisions des juges de l'exécution de Nanterre et Laval et notamment d'un jugement du juge de l'exécution de Paris du 1er septembre 2022 qui a à nouveau fait application de l'article 40 du code de procédure pénale à l'encontre du fonds commun de titrisation Credinvest qui fait partie du même groupe que la société Eos France, pour des pratiques commerciales déloyales caractérisées par le paiement d'intérêts prescrits. Il soutient que la doctrine s'accorde avec la jurisprudence en citant un extrait de la revue Dalloz. Il invoque une malhonnêteté avérée de la société qui n'est pas en contradiction avec les deux enquêtes pénales en cours dont fait l'objet la société poursuivante pour des pratiques commerciales déloyales.
Il invoque le caractère non avenu de l'ordonnance d'injonction de payer, en citant l'article 1411 du code de procédure civile. Il affirme que la signification de l'injonction de payer a été faite à une adresse qui n'était pas son dernier domicile connu par la société Netvalor puisque le contrat mentionne une adresse à [Localité 11] et qu'il est indiqué une autre adresse à [Localité 8] laquelle n'a jamais été son adresse, que cet acte est irrégulier, et doit être annulé.
Il indique que le juge de l'exécution est désormais compétent, au regard d'un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 8 février 2023, pour soulever même d'office le caractère abusif d'une clause d'un contrat ayant donné lieu à titre exécutoire et en déduit que sa demande est recevable. Il estime que cette jurisprudence doit trouver application immédiatement à une situation née antérieurement. Il soulève le caractère abusif de la clause de déchéance d'exigibilité anticipée au motif qu'elle est de nature à laisser croire à l'emprunteur que la banque dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour prononcer la déchéance du terme et que le juge ne peut recourir au juge pour contester cette déchéance du terme. Il évoque une recommandation n° 2004-3 de la Commission des clauses abusives et un arrêt de la Cour de cassation du 10 octobre 2018.
Il fait observer que la clause du contrat prévoit la possibilité pour le créancier de prononcer la déchéance du terme sans respecter un préavis d'une durée raisonnable, qu'aucun délai n'est exigé, ce qui est abusif. Faute de déchéance du terme régulière, il demande à ce que la société Eos France soit déboutée de l'intégralité de ses demandes et que le jugement soit infirmé.
Aux termes de ses dernières écritures numéro 5 déposées le 3 juin 2024, la société Eos France venant aux droits du fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 1 représenté par la société Eurotitrisation venant aux droits de la société Netvalor, demande à la cour :
- de débouter M. [E] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- en conséquence de condamner M. [E] à lui payer la somme de 5 575,13 euros outre les intérêts de 8,35 % l'an à compter du 5 avril 2002, dans les termes de l'ordonnance d'injonction de payer,
- subsidiairement, de le débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions, et de le condamner au paiement de la somme de 5 575,13 euros outre les intérêts au taux de 8,35 % l'an à compter du 5 avril 2002 et jusqu'à parfait paiement,
- en tout état de cause, de le condamner aux entiers dépens, y compris ceux exposés en première instance et dans le cadre de la procédure d'injonction de payer ainsi qu'à la somme de 4 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle estime être recevable en son intervention et avoir toute qualité à agir.
Elle soutient que les cessions de créance intervenues sont parfaitement opposables à M. [E], en rappelant que les cessions de créance au profit des fonds communs de titrisation obéissent à des règles particulières qui constituent une exception au droit commun de la cession de créance puisque l'article 1690 du code civil est inapplicable et que l'article L. 214-169.IV alinéa 2 du code monétaire et financier (anciennement L. 214-43) prévoit que la cession prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise, sans autre formalité de sorte qu'une signification n'est pas nécessaire. Elle invoque un arrêt de la Cour de cassation du 25 mai 2022 (pourvoi n° A20 16.042) aux termes duquel il a été jugé que l'indication de la nature et du montant de la créance cédée, du nom du débiteur ne constituent pas des mentions devant obligatoirement figurer au bordereau de cession et que l'identification de la créance peut intervenir au moyen de référence chiffrée. Elle estime que l'acte de cession du 30 avril 2007 est incontestable, qu'il comporte en annexe un extrait de la liste papier sur laquelle apparaît uniquement la ligne concernant la créance cédée à l'encontre de M. [E], les autres lignes ayant été effacées par souci de confidentialité. Elle précise que l'attestation a été établie sous l'entête de Cofinoga dès lors que cette société a acquis la société Netvalor à compter du 15 juin 2005.
S'agissant de la seconde cession de créance, elle rappelle que dans un arrêt rendu le 22 mai 2012, la Cour d'Appel de Paris a considéré qu'elle justifiait être titulaire de la créance cédée dès lors qu'était produit aux débats le bordereau de cession avec son extrait annexe où figurent les références de la créance cédée et que de nombreuses juridictions ont ainsi reconnu la qualité à agir du présent fonds sur la base de ces mêmes éléments. Elle ajoute que la Cour de cassation a jugé que seuls les éléments nécessaires à l'information du débiteur quant au transport de la créance devaient être notifiés (le nom d'au moins l'un des codébiteurs, le numéro de l'obligation initiale) ce qui exclut le prix (Cass. Civ. 1ère Chambre, 12 novembre 2015, n° 14-23.401). Elle fait valoir que la société Eos France étant intervenue volontairement dans le cadre de la procédure devant le tribunal de proximité du Raincy, cette cession de créance a été valablement notifiée à M. [E] par les conclusions prises puisque la Cour de cassation indique de manière constante que la signification d'une cession de créance s'opère valablement par voie de conclusions prises par le cessionnaire comme c'est le cas en l'espèce.
L'intimée soutient que le délai d'un mois pour former opposition tel que prévu à l'article 1416 du code de procédure civile a commencé à courir le 12 septembre 2017, date de la dénonciation de la saisie -attribution et que M. [E] avait jusqu'au 12 octobre 2017 pour faire opposition, ce qu'il n'a pas fait.
Elle estime que la demande d'annulation de la saisie-attribution et de sa dénonciation est irrecevable car présentée pour la première fois à hauteur d'appel sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile et alors que M. [E] était comparant en première instance et n'a jamais soulevé de contestation de la saisie-attribution en indiquant ne pas avoir été informé de la signification de l'ordonnance en raison d'une période d'incarcération entre le 13 octobre 2003 et le 30 avril 2004 et être dans l'impossibilité de payer les sommes dues. Elle soutient également que la cour d'appel ne peut pas se prononcer sur la validité de cette procédure de saisie-attribution qui relève de la compétence exclusive du juge de l'exécution au regard de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire et de l'article R. 211-11 du code de procédure civile.
Elle rappelle que le fonds commun de titrisation est parfaitement fondé à mettre en 'uvre les voies d'exécution forcée conformément aux articles L. 214-183 et L. 214-166-1 du code monétaire et financier.
Elle soulève également l'irrecevabilité de la demande d'annulation de la dénonciation de saisie-attribution en raison des modalités de sa signification s'agissant selon elle d'une demande nouvelle à hauteur d'appel.
Sur le fond, elle conteste toute irrégularité et indique que la signification à personne s'est avérée impossible en raison de l'absence de M. [E] à son domicile, ce qui est mentionné par l'huissier dans son acte, que l'huissier a pu caractériser le domicile de M. [E] à cette adresse dès lors que son nom était inscrit sur la boîte à lettres, qu'il s'agit d'un acte signifié en l'étude de l'huissier et non pas selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile et qu'ainsi, l'huissier n'avait pas à aller plus avant pour décrire ses diligences alors que les actes d'huissier font foi jusqu'à inscription de faux, ce qui résulte d'une jurisprudence constante.
Elle ajoute que les divers développements de M. [E] tendant à indiquer que les diligences de l'huissier de justice auraient été insuffisantes ne lui permettent pas de rendre recevable son opposition à l'ordonnance d'injonction de payer puisque cette procédure de saisie-attribution n'ayant pas été contestée devant le juge de l'exécution, elle a en tout état de cause produit ses effets puisqu'il est incontestable en l'espèce que cette saisie-attribution a frappé les comptes bancaires de M. [E] et a donc rendu indisponibles des sommes d'argent, et notamment une somme de 769,20 euros qui a été bloquée par le tiers-saisi, de sorte que cette procédure ayant effectivement produit ses effets en rendant indisponibles les biens de M. [E], elle a fait courir le délai d'un mois pour former opposition en vertu des dispositions de l'article 1416 du code de procédure civile.
Elle soulève également l'irrecevabilité de la demande d'annulation de la dénonciation de la saisie-attribution en raison de son caractère prétendument frauduleux et quant à la prescription des intérêts comme présentées pour la première fois à hauteur d'appel.
Elle indique que la prescription quinquennale des intérêts a été appliquée au regard de l'article 2224 du code civil et de la jurisprudence de la Cour de cassation en date du 8 juin 2016 qui rappelle que si depuis l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, le créancier peut poursuivre pendant dix ans l'exécution du jugement portant condamnation au paiement d'une somme payable à termes périodiques, il ne peut toutefois, en vertu de l'article 2224 du code civil, applicable en raison de la nature de la créance, obtenir le recouvrement des arriérés échus plus de cinq ans avant la date de sa demande. Elle indique s'en remettre à la décision de la Cour sur l'application de la prescription biennale des intérêts et produire un décompte de sa créance faisant application de la prescription biennale des intérêts pour 1 268,90 euros.
Elle indique que si M. [E] invoque une sanction de la société Eos France par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris le 7 octobre 2021 qui, en application de l'article 40 du code de procédure pénale, a saisi le Procureur de la République au titre de prétendues pratiques commerciales déloyales ou encore un jugement rendu le 10 décembre 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris ayant condamné cette société au paiement d'une somme de 1 800 euros à titre de dommages et intérêts, il est en réalité incapable de démontrer que cette société aurait fait l'objet d'une condamnation pénale de ce chef, pouvant constituer une fraude au sens pénal du terme. En outre, elle indique que s'il évoque un jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Laval le 9 janvier 2022 qui a pu considérer que la "prétendue fraude" corrompt tout et déclaré inopposable à un consommateur des actes interruptifs de prescription caractérisant une pratique commerciale déloyale, il omet de préciser que ce jugement n'est pas définitif. Elle précise enfin que le fait d'avoir comptabilisé les intérêts sur une durée de 5 ans n'est pas susceptible de constituer une faute alors même que le créancier a pu légitimement faire application de la prescription quinquennale des intérêts, comme indiqué d'une part en application de l'article 2224 du code civil et, d'autre part, de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 8 juin 2016.
Elle soulève l'irrecevabilité du prétendu caractère non-avenu de l'ordonnance d'injonction de payer au regard de l'interdiction des demandes nouvelles à hauteur d'appel.
Elle indique que, devant le premier juge, M. [E] n'a mis en cause que la signification de l'ordonnance d'injonction de payer exécutoire du 16 janvier 2004 en indiquant qu'il était incarcéré du 13 octobre 2003 au 30 avril 2004 mais n'a jamais remis en question la signification de l'ordonnance d'injonction de payer intervenue le 15 septembre 2003 à mairie et rappelle que le greffier en chef a apposé la formule exécutoire au vu de la signification de l'ordonnance et que cette mention fait foi jusqu'à inscription de faux. Elle estime le moyen infondé. Elle nie tout grief pour M. [E] puisque l'ordonnance revêtue de la formule exécutoire a bien été signifiée en rappelant à l'intéressé les voies de contestation, puis un commandement aux fins de saisie-vente le 26 janvier 2004. Elle affirme que les significations ont été faites au dernier domicile connu et qu'à défaut de grief, il n'y a pas lieu à annulation.
Elle conteste toute prescription du titre exécutoire en expliquant que l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 réformant la prescription était fixée au 19 juin 2008, que le titre aurait été prescrit 10 années plus tard, mais que le délai a été interrompu par la procédure de saisie-attribution du 7 septembre 2017 dénoncée le 12 septembre 2017 par application de l'article 2224 du code civil.
Elle soulève le caractère irrecevable du moyen lié au caractère abusif d'une clause du contrat comme soulevé pour la première fois à hauteur d'appel. Sur le fond, elle affirme que l'arrêt invoqué du 8 février 2023 n'entérine pas une solution nouvelle au regard de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993. Elle soutient que cette question ne peut être examinée par la cour d'appel alors qu'il s'agit d'un moyen soulevé dans le cadre d 'une opposition à une ordonnance d'injonction de payer qui est irrecevable et que la Cour de cassation rappelle régulièrement le principe selon lequel en présence d'une opposition irrecevable, le juge excède ses pouvoirs s'il statue au fond sur le recouvrement de la créance.
A titre subsidiaire, elle conteste l'application de la jurisprudence invoquée du 22 mars 2023 qui constitue un revirement dans la mesure où le contrat remonte à 2001 et que cette position ne peut avoir de caractère rétroactif. Elle invoque l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales en faisant valoir que l'application d'une nouvelle règle jurisprudentielle dans l'instance en cours aboutirait à priver une partie et notamment le prêteur d'un procès équitable. Elle affirme avoir agi de bonne foi selon les règles applicables à la date du contrat.
Si le caractère abusif de la clause était néanmoins retenu, elle rappelle que le prêteur est en droit de prétendre au paiement des mensualités échues et impayées, soit le montant retenu à l'ordonnance d'injonction de payer puisque le prêt est échu.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction est intervenue le 4 juin 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 19 juin 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'opposition
Aux termes de l'article 1411 du code de procédure civile, l'ordonnance portant injonction de payer est non avenue si elle n'a pas été signifiée dans les six mois de sa date.
Selon les dispositions de l'article 1416 du code de procédure civile, l'opposition est formée dans le mois qui suit la signification de l'ordonnance mais si la signification n'a pas été faite à personne, l'opposition est recevable jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois suivant le premier acte signifié à personne, ou, à défaut, suivant la première mesure d'exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou partie les biens du débiteur.
L'ordonnance d'injonction de payer du 28 août 2003 du tribunal d'instance du Raincy a été signifiée à M. [E] par acte remis à mairie le 15 septembre 2003 puis l'ordonnance revêtue de la formule exécutoire suivant acte remis à mairie le 26 janvier 2004.
M. [E] n'ayant pas été touché à sa personne, l'opposition restait donc recevable dans le délai d'un mois suivant la première mesure d'exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou partie ses biens.
Une mesure de saisie-attribution a été signifiée à la banque de M. [E] par acte du 7 septembre 2017, dénoncée à M. [E] suivante acte remis à étude le 12 septembre 2017.
Il est acquis que cette saisie a été mise en 'uvre en l'absence de contestation au regard de la signification le 19 octobre 2017 d'un certificat de non-contestation et que M. [E] n'a soulevé aucune contestation à ce titre devant le premier juge alors qu'il était comparant en personne, qu'il s'agisse de la régularité des actes de signification ou de moyens tendant à l'annulation de ces actes.
Il a en revanche devant le premier juge indiqué que la signification du 16 janvier 2004 et le commandement mentionnaient une ordonnance du 8 août 2003 alors que la décision était selon lui du 28 août 2003, si bien que la signification n'était pas régulière.
En application de l'article 1422 du code de procédure civile, en l'absence d'opposition dans le mois qui suit la signification de l'ordonnance portant injonction de payer, quelles que soient les modalités de la signification, le créancier peut demander l'apposition sur l'ordonnance de la formule exécutoire
Aux termes de l'article 1423 du code de procédure civile, la demande tendant à l'apposition de la formule exécutoire est formée au greffe soit par requête, soit par lettre simple. L'ordonnance est non avenue si la demande du créancier n'a pas été présentée dans le délai d'un mois suivant l'expiration du délai d'opposition ou le désistement du débiteur.
Il ressort des pièces produites que l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 8 août 2003 et pas le 28 août 2003 comme suggéré par M. [E], a été signifiée à mairie le 15 septembre 2003, ce qui n'est pas contesté. La réalité de cette signification a été nécessairement vérifiée par le greffier en chef assermenté qui en a lui-même précisé la date, le mode de signification et le nom de l'huissier avant d'attester le 23 octobre 2003 de l'absence d'opposition et d'apposer la formule exécutoire. Le greffier en chef a donc attesté de la réalité de la signification au 15 septembre 2003.
C'est au demeurant cette première signification qui fait courir le délai au sens de l'article 1416 du code de procédure civile et M. [E] ne développe aucun moyen visant à une irrégularité de cet acte ou devant conduire à l'annuler comme il le soutient.
La signification de l'ordonnance exécutoire du 16 janvier 2004 vise un domicile au [Adresse 3], à [Localité 11] ce qui correspond à l'adresse déclarée par M. [E] lors de la signature du contrat, l'huissier ayant pris soin d'indiquer que le domicile était certifié par un voisin et le nom inscrit sur la boîte aux lettres. Il s'agissait donc du dernier domicile connu de M. [E] par le créancier et sans autre élément de nature à démontrer la réalité d'un autre domicile alors que M. [E] a reconnu devant le premier juge avoir été absent de son domicile à cette époque en raison de son incarcération du 13 octobre 2003 au 30 avril 2004. M. [E] produit en outre ses avis d'imposition sur les revenus de 2001 à 2004 indiquant bien cette adresse, adresse également enregistrée auprès des Assedic.
M. [E] demande l'annulation de la saisie-attribution et de sa dénonciation ou à tout le moins de voir ces deux actes lui être déclarés inopposables.
La cour d'appel ne peut se prononcer sur la validité de la procédure de saisie-attribution en elle-même qui relève de la compétence exclusive du juge de l'exécution au regard de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire et de l'article R. 211-11 du code des procédures civiles d'exécution qui enferme dans le délai d'un mois à peine d'irrecevabilité à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur, les contestations relatives à la saisie,
Comme cela a été indiqué, M. [E] n'a jamais contesté les actes de saisie-attribution pratiqués en 2017, cette procédure ayant produit ses effets sur son compte bancaire avec une somme de 769,20 euros bloquée par le tiers-saisi. Il n'a pas non plus émis un quelconque grief à ce titre lors de l'audience sur opposition devant le premier juge et il ne peut aujourd'hui demander l'annulation d'actes qui échappe à la compétence de la cour d'appel statuant en appel d'un jugement statuant sur une action en paiement rendu sur opposition. Les moyens d'annulation soulevés à ce titre sont donc sans objet.
En revanche, ayant été déclaré irrecevable en son opposition par le premier juge, il est fondé au soutien de son appel, à contester la régularité des actes de signification retenus comme point de départ du délai d'opposition et en l'occurrence la dénonciation de la saisie-attribution du 12 septembre 2017.
Il invoque à cet égard que la mention sur l'acte du 12 septembre 2017 selon laquelle "le nom est inscrit sur la boîte aux lettres" est insuffisante, car cette adresse n'était pas sa dernière adresse connue tel que cela résulte du dernier acte valant commandement aux fins de saisie-vente qui lui a été signifié le 26 janvier 2004 qui mentionnait une adresse au [Adresse 3] à [Localité 11].
La saisie-attribution a été dénoncée à M. [E] suivant acte du 12 septembre 2017 remis à étude. L'acte a été délivré à étude à l'adresse suivante "[Adresse 2] [Localité 9]" et l'huissier indique que M. [E] est absent et que le nom est inscrit sur la boîte aux lettres, ne trouvant personne en mesure de recevoir l'acte.
M. [E] ne produit aucun élément permettant de dire que les indications de l'huissier qui font foi jusqu'à inscription de faux, seraient erronées, ou de nature à démontrer la réalité d'un autre domicile au jour de la délivrance de l'acte contesté. Le moyen n'est donc pas fondé.
La dénonciation d'une mesure de saisie-attribution a pour effet de porter à la connaissance du débiteur la mesure d'exécution rendant ses biens indisponibles. La dénonciation du 12 septembre 2017 constitue donc le point de départ du délai d'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer et c'est donc à bon droit que le premier juge a retenu que l'opposition formée par requête du 24 septembre 2021 était irrecevable comme formée au-delà du 12 octobre 2017.
Le jugement doit donc être confirmé sur ce point.
Sur l'intervention volontaire et la qualité à agir de la société Eos France
Aux termes des articles 328 et 329 du code de procédure civile, l'intervention volontaire est principale ou accessoire. Elle est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme. Elle n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention.
Selon l'article 32 du même code, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.
M. [E] est irrecevable en son opposition de sorte que sa contestation de la qualité à agir de la société Eos France est sans objet.
C'est toutefois à bon droit que le premier juge a déclaré la société Eos France recevable en son intervention volontaire constatant que la société Netvalor avait, par acte du 30 avril 2007, effectué la cession d'un lot de créances, parmi lesquelles une créance détenue à l'encontre de M. [E] au fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 1 représenté par la société Eurotitrisation, en sa qualité de société de gestion de fonds et que suivant acte de cession de créances du 17 décembre 2021, le fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 1 représenté par la société Eurotitrisation a ensuite cédé à la société Eos France un ensemble de créances parmi lesquelles une créance détenue à l'encontre de M. [E].
Le jugement doit être confirmé sur ce point.
Les dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles sont confirmées.
M. [E] qui succombe supportera les dépens d'appel.
L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le surplus des demandes est rejeté.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant en dernier ressort, après débats en audience publique, par arrêt contradictoire, par décision mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [P] [E] aux dépens d'appel ;
Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.