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Décisions

CA Paris, Pôle 1 - ch. 2, 19 septembre 2024, n° 24/01117

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 24/01117

19 septembre 2024

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2024

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/01117 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CIX5I

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 15 Décembre 2023 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2023025427

APPELANTES

S.A.S. BURTON, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 9]

S.C.P. BTSG, prise en la personne de Me [Z] [I], en qualité de mandataire judiciaire de la SAS BURTON

[Adresse 4]

[Localité 13]

S.E.L.A.F.A. MJA, en qualité de Mandataire judiciaire de la SAS BURTON

[Adresse 2]

[Localité 10]

S.E.L.A.R.L. BCM, prise en la personne de Me [O] [B], en qualité d'administrateur judiciaire de la SAS BURTON

[Adresse 1]

[Localité 9]

S.E.L.A.R.L. THEVENOT PARTNERS, prise en la personne de Me [Y] [G] en qualité d'administrateur judiciaire de la SAS BURTON

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représentées par Me Caroline FAUVAGE de la SCP FORESTIER & HINFRAY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0255

INTIMÉES

S.C. [Localité 14] KLEBLER, RCS de Paris sous le n°392 930 541, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Localité 12]

S.A.S. UNI-COMMERCES, RCS de Paris sous le n°392 146 221, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Localité 12]

Représentées par Me Antoine PINEAU-BRAUDEL de la SAS CABINET PINEAU-BRAUDEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C0260

PARTIE INTERVENANTE :

S.E.L.A.F.A. ASTEREN, prise en la personne de Me [S] [V], en qualité de liquidateur de la société BURTON en application du jugement du TC de Paris en date du 13 février 2024

[Adresse 6]

[Localité 11]

Représentée par Me Caroline FAUVAGE de la SCP FORESTIER & HINFRAY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0255

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 Juin 2024 en audience publique, devant Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre chargée du rapport et Michèle CHOPIN, Conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Laurent NAJEM, Conseiller,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Michèle CHOPIN, Conseillère, pour la Présidente de chambre empêchée et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 9 mars 2009, les sociétés [Localité 14] Kleber et Uni-Commerces ont consenti à la société Burton un bail commercial portant sur un local n° 111 et n° 3T1, d'une superficie totale de 357 m² environ dépendant du centre commercial « La Part-Dieu » à [Localité 15], pour une durée de dix ans à compter du 1er octobre 2009.

Les sociétés [Localité 14] Kleber et Uni-Commerces ont délivré à la société Burton un congé pour le 30 septembre 2019 avec offre de renouvellement de bail, pour une durée de dix ans à compter du 1er octobre 2019.

Aux termes d'un protocole transactionnel signé le 31 décembre 2019, les parties sont convenues de mettre un terme anticipé audit bail, les bailleresses devant verser à la société Burton une indemnité de résiliation d'un montant de 1.100.000 euros hors taxes.

Par acte sous seing privé du 31 décembre 2019, les sociétés [Localité 14] Kleber et Uni-Commerces ont consenti à la société Burton un nouveau bail commercial portant sur les locaux n° 103 situés dans le même centre commercial, la locataire devant verser un droit d'entrée de 1.000.000 euros hors taxes.

Un second protocole transactionnel a été signé par les parties le 31 décembre 2019, prévoyant le plafonnement de la refacturation au preneur de travaux de rénovation réalisés dans le centre commercial.

La société Burton a été placée sous sauvegarde de justice par jugement du tribunal de commerce de Paris du 3 octobre 2022.

Par jugement du 12 juin 2023 le tribunal de commerce de Paris a prononcé la conversion de la procédure de sauvegarde en procédure de redressement judiciaire.

Par requête en date du 27 mars 2023, la société Burton a sollicité sur le fondement des articles 1565 et suivants du code de procédure civile l'homologation du protocole transactionnel du 31 décembre 2019 prévoyant l'indemnité de résiliation du bail initial.

Par ordonnance du 31 mars 2023, le président du tribunal de commerce de Paris a fait droit à cette requête, conférant ainsi force exécutoire à ce protocole transactionnel.

Sur la base de cette ordonnance la société Burton a pratiqué le 6 avril 2023 plusieurs saisies-attribution sur les comptes bancaires des sociétés [Localité 14] Kleber et Uni-Commerces, puis sur les loyers dus par des tiers à ces dernières, pour avoir paiement de l'indemnité de résiliation de 1.100.000 euros.

Les sociétés [Localité 14] Kleber et Uni-Commerces ont obtenu la mainlevée de ces saisies-attribution, les juges de l'exécution successivement saisis ayant considéré ces mesures d'exécution abusives au sens de l'article L.121-2 du code des procédures civiles d'exécution.

Par actes des 23 et 24 mai 2023, la société [Localité 14] Kleber et la société Uni-commerces ont assigné la société Burton en référé-rétractation de l'ordonnance rendue sur requête le 31 mars 2023.

Par dernières conclusions elles ont demandé au juge des référés de :

A titre liminaire,

se déclarer incompétent au profit du tribunal judiciaire de Paris,

renvoyer la société Burton à mieux se pourvoir,

subsidiairement, dire irrecevable la société Burton à voir juger « non écrit » le droit d'entrée,

A titre principal,

rétracter purement et simplement l'ordonnance du 31 mars 2023 rendue sur requête non contradictoire, l'homologation du protocole ne pouvant l'être isolément et indépendamment de l'ensemble contractuel indivisible auquel il appartenait,

A titre subsidiaire,

compléter l'ordonnance du 31 mars 2023 rendue sur requête non contradictoire et en conséquence,

dire que l'homologation du protocole qui lui a été réclamée ne peut l'avoir été indépendamment de l'ensemble contractuel indivisible auquel il appartenait,

dire que le protocole de résiliation de l'ancien bail, le nouveau bail et le protocole transactionnel de plafonnement des refacturations de travaux, participent d'une opération unique et indissociable : le transfert du fonds de commerce d'un local à un autre dans le même centre commercial,

dire en conséquence, au constat superfétatoire de la revendication par la société Burton de la compensation intervenue entre les créances réciproques nées de cet ensemble contractuel, que la créance de la société Burton née du protocole de résiliation du bail, à savoir l'indemnité de résiliation d'un montant de 1.100.000 euros (la TVA n'étant pas applicable), a été éteinte par compensation :

de première part, conventionnelle, avec les sommes dues au titre du bail résilié, conformément au protocole du 31 décembre 2019, savoir la somme de 164.008,04 euros ;

de seconde part, légale, avec les sommes dues au titre du nouveau bail, à hauteur du solde, soit la somme de 935.991,96 euros,

laissant au 7 août 2021 un solde dû après compensation par la société Burton au titre du droit d'entrée du nouveau bail de 264.008,04 euros, cette dernière se trouvant en réalité bien débitrice et pas créancière des sociétés [Localité 14] Kleber et Uni-commerces ;

En toutes hypothèses,

dire en tant que de besoin et en conséquence que les déclarations de créance effectuées par les sociétés [Localité 14] Kleber et Uni-Commerces au passif de la procédure collective de la société Burton s'en trouveront réduites d'autant,

condamner la société Burton à payer la somme de 50.000 euros d'une part à la société [Localité 14] Kleber, d'autre part à la société Uni-Commerces au titre des dispositions indemnitaires de l'article 1240 du code civil dans sa rédaction nouvelle applicable aux parties, subsidiairement de l'article 1382 dans sa rédaction ancienne,

condamner la société Burton à payer la somme de 6.000 euros d'une part à [Localité 14] Kleber d'autre part à Uni-Commerces au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Burton a demandé pour sa part de rejeter l'exception d'incompétence, de débouter les sociétés [Localité 14] Kleber et Uni-Commerces de toutes leurs demandes et de les condamner au paiement de la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance contradictoire du 15 décembre 2023, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a :

rejeté le moyen soutenu par la société Burton d'absence de mise en cause des administrateurs judiciaires du redressement judiciaire ;

débouté les sociétés [Localité 14] Kleber et Uni-commerces de leur exception d'incompétence ;

dit que le transfert des opérations de la société Burton au sein du centre commercial de La Part Dieu constitue un ensemble contractuel unique se traduisant par trois contrats interdépendants :

un premier protocole définissant les modalités de résiliation du bail conclu le 9 mars 2009 ;

un second protocole relatif au plafonnement des frais à engager dans le cadre de la rénovation du centre ;

un nouveau bail ;

tous conclus simultanément le 9 mars 2009 ;

dit connexes les créances issues du bail conclu le 9 mars 2009 entre les parties et le premier protocole d'accord en date du 31 décembre 2019 d'une part et le second protocole d'accord conclu le 31 décembre 2019 et le nouveau bail conclu à même date ;

laissé le soin au juge commissaire ou au juge du fond de fixer la créance de la société [Localité 14] Kleber et de la société Uni-commerces ;

rétracté son ordonnance du 31 mars 2023 ;

débouté les sociétés [Localité 14] Kleber et Uni-commerces de leur demande de dommages et intérêts ;

dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné en outre la société Burton aux dépens de l'instance dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 126,89 euros TTC dont 20,94 euros de TVA.

Par déclaration du 29 décembre 2023, la société Burton, la société BTSG prise en la personne de Me [Z] [I] ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Burton en redressement judiciaire, la Selarl Asteren ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Burton en redressement judiciaire, en remplacement de la Selafa MJA prise en la personne de Me [S] [V], la Selarl BCM prise en la personne de Me [O] [B] ès-qualités d'administrateur judiciaire de la société Burton en redressement judiciaire, la Selarl Thevenot Partners prise en la personne de Me [Y] [G] ès-qualités d'administrateur judiciaire de la société Burton en redressement judiciaire, ont interjeté appel de cette décision.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 29 avril 2024, la société BTSG prise en la personne de Me [Z] [I] ès-qualités de liquidateur de la société Burton et la Selarl Asteren prise en la personne de Me [S] [V] ès-qualités de liquidateur de la société Burton (désignées par jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 13 février 2024 prononçant la liquidation judiciaire de la société Burton), demandent à la cour, au visa des articles 369, 1565 du code de procédure civile, L. 662-7, R. 662-3 du code de commerce et 1170 du code civil, de :

déclarer les appelants recevables et bien fondés en leur appel ;

A titre principal :

annuler l'ordonnance du 15 décembre 2023 ;

A titre subsidiaire :

infirmer l'ordonnance du 15 décembre 2023 en tous ses chefs critiqués en ce qu'elle a :

- rejeté le moyen soutenu par la société Burton d'absence de mise en cause des administrateurs judiciaires du redressement judiciaire ;

- dit que le transfert des opérations de la société Burton au sein du centre commercial de La Part Dieu constitue un ensemble contractuel unique se traduisant par trois contrats interdépendants :

* un premier protocole définissant les modalités de résiliation du bail conclu le 9 mars 2009 ;

* un second protocole relatif au plafonnement des frais à engager dans le cadre de la rénovation du centre ;

* un nouveau bail ;

Tous conclus simultanément le 9 mars 2009 ;

- dit connexes les créances issues du bail conclu le 9 mars 2009 entre les parties et le premier protocole d'accord en date du 31 décembre 2019 d'une part et le second protocole d'accord conclu le 31 décembre 2019 et le nouveau bail conclu à même date ;

- rétracté son ordonnance du 31 mars 2023 ;

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné en outre la société Burton aux dépens de l'instance dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 126,89 euros TTC dont 20,94 euros de TVA.

Et statuant à nouveau,

confirmer l'ordonnance du 15 décembre 2023 en ce qu'elle a débouté les sociétés [Localité 14] Kleber et Uni-commerces de toutes leurs demandes indemnitaires ;

débouter les sociétés [Localité 14] Kleber et Uni-commerces de toutes leurs demandes y compris les demandes incidentes ;

condamner les sociétés [Localité 14] Kleber et Uni-commerces au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner les sociétés [Localité 14] Kleber et Uni-commerces aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 29 mars 2024, les sociétés [Localité 14] Kleber et Uni-Commerces demandent à la cour, au visa des articles 32-1, 1565 du code de procédure civile, 1103, 1104, 1193, 1218, 1240, 1347 à 1348-2 du code civil, L. 622-7 et L. 622-26 du code de commerce, de :

les dire recevables et bien fondées en leurs demandes ;

infirmer l'ordonnance du 15 décembre 2023 prononcée par M. Werner, président du tribunal de commerce de Paris en ce qu'elle :

* les a déboutées de leur demande de dommages et intérêts ;

* dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

la confirmer pour le surplus, donc en ce qu'elle a :

* rejeté le moyen soutenu par la société Burton d'absence de mise en cause des administrateurs judiciaires du redressement judiciaire ;

* les a déboutées de leur exception d'incompétence ;

* dit que le transfert des opérations de la société Burton au sein du centre commercial de La Part Dieu constitue un ensemble contractuel unique se traduisant par trois contrats interdépendants :

un premier protocole définissant les modalités de résiliation du bail conclu le 9 mars 2009 ;

un second protocole relatif au plafonnement des frais à engager dans le cadre de la rénovation du centre ;

un nouveau bail ;

tous conclus simultanément le 9 mars 2009 ;

* dit connexes les créances issues du bail conclu le 9 mars 2009 entre les parties et le premier protocole d'accord en date du 31 décembre 2019 d'une part et le second protocole d'accord conclu le 31 décembre 2019 et le nouveau bail conclu à même date ;

* laissé le soin au juge commissaire ou au juge du fond de fixer leur créance ;

* rétracté son ordonnance du 31 mars 2023 ;

* condamné en outre la société Burton aux dépens de l'instance dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 126,89 euros TTC dont 20,94 euros de TVA ;

Statuant à nouveau des chefs critiqués, et y ajoutant :

condamner la société BTSG prise en la personne de Me [I] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Burton d'une part et la société Asteren prise en la personne de Me [V] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Burton d'autre part à leur payer, à chacune, la somme de 50 000 euros au titre des dispositions indemnitaires de l'article 1240 du code civil dans sa rédaction nouvelle applicable aux parties, subsidiairement de l'article 1382 dans sa rédaction ancienne ;

condamner la société BTSG prise en la personne de Me [I] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Burton d'une part et la société Asteren prise en la personne de Me [V] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Burton d'autre part à leur payer, à chacune, la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance ;

En toutes hypothèses,

débouter la société BTSG prise en la personne de Me [I] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Burton d'une part et la société Asteren prise en la personne de Me [V] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Burton d'autre part de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

condamner la société BTSG prise en la personne de Me [I] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Burton d'une part et la société Asteren prise en la personne de Me [V] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Burton d'autre part à leur payer, à chacune, la somme de 18.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société BTSG prise en la personne de Me [I] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Burton d'une part et la société Asteren prise en la personne de Me [V] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Burton d'autre part aux entiers dépens de la présente instance d'appel, et de ses suites, subsidiairement dire que les dépens seront employés en frais de liquidation judiciaire.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

SUR CE, LA COUR

Sur la demande d'annulation de l'ordonnance

Pour violation de l'article 369 du code de procédure civile

Selon l'article 369 du code de procédure civile, l'instance est interrompue par l'effet du jugement qui prononce la sauvegarde, le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur.

Au visa de ce texte les appelants reprochent au premier juge de n'avoir pas constaté l'interruption de l'instance, alors que le conseil de la société Burton et des organes de la procédure de sauvegarde de la société le lui avaient demandé et que cette interruption s'imposait dès lors que les organes de la procédure de sauvegarde alors en cours avaient été assignés mais que postérieurement à cette assignation, par jugement du 12 juin 2023, le tribunal de commerce de Pais a prononcé la conversion de la procédure de sauvegarde en procédure de redressement judiciaire, ce qui a interrompu de plein droit l'instance et nécessité que soient à nouveau mis en cause les administrateurs et les mandataires de la société Burton en leur qualité de mandataires et administrateurs du redressement judiciaire, ce qui n'a pas été fait.

Les intimées considèrent pour leur part que la simple conversion de la procédure n'a pas entraîné l'interruption de l'instance et que c'est à bon droit que le premier juge a relevé que la Selafa MJA pris en la personne de Me [S] [V] et la Selarl BCM prise en la personne de Me [O] [B] ayant été assignés ès-qualités d'administrateurs judiciaires à la procédure collective, et le redressement judiciaire étant une procédure collective, les administrateurs du redressement judiciaires étaient régulièrement à la cause.

Si l'instance a bien été interrompue par l'ouverture du redressement judiciaire à la suite de la procédure de sauvegarde, les mandataires et administrateurs judiciaires à nouveau désignés (avec mission d'assistance) devant dès lors être mis en cause en leur nouvelle qualité même s'il s'agit des mêmes personnes que pour la procédure de sauvegarde, cette irrégularité n'entraîne pas la nullité de la décision entreprise.

En effet, aux termes de l'article 372 du code de procédure civile « Les actes accomplis et les jugements même passés en force de chose jugée, obtenus après l'interruption de l'instance, sont réputés non avenus à moins qu'ils ne soient expressément ou tacitement confirmés par la partie au profit de laquelle l'interruption est prévue. »

Or en l'espèce la société Burton ne s'est pas prévalue du caractère non avenu de la décision entreprise. En relevant appel et en concluant via les organes de son redressement judiciaire elle a tacitement confirmé cette décision.

L'exception de nullité sera rejetée et l'ordonnance confirmée de ce chef.

Pour violation de l'article 1565 du code de procédure civile

Aux termes de l'article 1565 du code de procédure civile, « L'accord auquel sont parvenues les parties à une médiation, une conciliation ou une procédure participative peut être soumis, aux fins de le rendre exécutoire, à l'homologation du juge compétent pour connaître du contentieux dans la matière considérée. »

Selon l'article 1566 de ce code,

« Le juge statue sur la requête qui lui est présentée sans débat, à moins qu'il n'estime nécessaire d'entendre les parties.

S'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu la décision.

La décision qui refuse d'homologuer l'accord peut faire l'objet d'un appel. Cet appel est formé par déclaration au greffe de la cour d'appel. Il est jugé selon la procédure gracieuse ».

L'article 1567 prévoit enfin que « Les dispositions des articles 1565 et 1566 sont applicables à la transaction conclue sans qu'il ait été recouru à une médiation, une conciliation ou une procédure participative. Le juge est alors saisi par la partie la plus diligente ou l'ensemble des parties à la transaction. »

Les appelants soutiennent que le juge de l'homologation d'un protocole transactionnel n'est pas le juge des requêtes. Ils reprochent au premier juge d'avoir rendu son ordonnance au visa de l'article 497 du code de procédure civile et d'avoir statué en qualité de juge des requêtes alors qu'il était saisi en qualité de juge de l'homologation. Ils en concluent à la nullité de l'ordonnance entreprise.

Mais comme le soutiennent les intimées, l'ordonnance par laquelle le juge donne force exécutoire à la transaction est bien une ordonnance sur requête soumise aux dispositions des articles 493 et suivants du code de procédure civile. La Cour de cassation juge en effet, au visa de l'ancien article 1441-4 du code de procédure civile (« Le président du tribunal de grande instance, saisi sur requête par une partie à la transaction, confère force exécutoire à l'acte qui lui est présenté. »), que « L'ordonnance rendue en application de l'article 1441-4 du code de procédure civile est une ordonnance rendue sur requête au sens de l'article 812 al 1er, soumise aux recours prévus par l'article 496 du même code. » (Civ 2ème, 24 mai 2007, pourvoi n° 06-11.259)

C'est donc à bon droit que le premier juge a statué un visa de l'article 497 du code de procédure civile, en sa double qualité de juge des requêtes et de juge de l'homologation de la transaction. Sa décision n'encourt pas la critique de ce chef.

L'exception de nullité sera rejetée.

Sur la demande de rétractation

Les sociétés [Localité 14] Kleber et Uni-Commerces, demanderesses à la rétractation de l'ordonnance rendue sur requête de la société Burton ayant homologué l'accord transactionnel de résiliation du bail initial, font valoir que ce protocole s'inscrit dans un ensemble contractuel organisé aux obligations réciproques connexes et indivisibles, la cause de l'indemnité de résiliation du bail initial se trouvant dans le paiement corrélatif du droit d'entrée prévu au nouveau bail, les deux créances devant se compenser au bénéfice du transfert effectif de la propriété commerciale d'un local commercial à l'autre.

Elle reprochent à la société Burton d'avoir fraudé leurs droits en obtenant du juge de la requête l'homologation de l'accord transactionnel de résiliation qu'elle a présenté de manière volontairement tronquée, sans évoquer le transfert de local et en laissant entendre que le bail avait été résilié. Elles se prévalent des décisions rendues par le juge de l'exécution après chaque saisie-attribution qui a ordonné leur mainlevée en considérant qu'étaient abusives les mesures d'exécution pratiquées sur le fondement de l'ordonnance conférant force exécutoire à l'accord transactionnel.

Les appelants soutiennent pour leur part que le juge de la rétractation n'a pas le pouvoir de statuer sur les demandes de compensation, tant au regard de l'application combinée des articles L 622-7 I et R 662-3 du code de commerce que des dispositions de l'article 1565 du code de procédure civile, les pouvoirs du juge de l'homologation de la transaction se limitant au strict contrôle de la nature de la convention et à sa régularité ; qu'en outre le rejet de la demande de rétractation s'impose en l'absence de lien de connexité entre les deux créances alléguées (indemnité de résiliation due en vertu de l'ancien bail et droit d'entrée du nouveau bail), les parties ayant expressément entendu rendre les deux opérations indépendantes de manière à éviter toute compensation, les sociétés [Localité 14] Kleber et Uni-Commerces n'ayant d'ailleurs pas invoqué la compensation en déclarant leurs créances à la procédure collective de la société Burton ; que s'il fallait considérer que le nouveau bail et le protocole d'accord de résiliation de l'ancien bail comme un même ensemble contractuel, le droit d'entrée présenterait un caractère non écrit en vidant de sa substance l'obligation des bailleresses de régler à leur locataires l'indemnité de résiliation prévue au protocole transactionnel.

Aux termes de l'article 1104 du code civil,

« Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Cette disposition est d'ordre public. »

En l'espèce, il est manifeste que le protocole transactionnel de résiliation de l'ancien bail, dont l'homologation par le juge des requêtes fait litige, s'inscrit dans un ensemble contractuel, les parties ayant le même jour signé un nouveau bail portant sur un autre local situé dans le même centre commercial que le premier.

Le protocole de résiliation du bail fait ainsi référence à ce nouveau bail, en stipulant en page 2 que « Par acte signé concomitamment aux présentes, les parties ont conclu un bail commercial sous conditions suspensives sur un autre local du Centre (le « Nouveau Local »), prenant effet, sous réserve de la réalisation de conditions suspensives, à compter de sa mise à disposition prévue à titre provisionnel le 1er décembre 2020 (le « Nouveau Bail ») ».

De même, dans l'autre protocole transactionnel (de plafonnement du montant des travaux dus par le preneur) signé à la même date que le protocole de résiliation, il est mentionné que « Dans le cadre des discussions relatives au transfert de l'activité du Preneur sur un autre local du Centre et donc de la négociation d'un nouveau bail portant sur le local de transfert (le « Nouveau Bail »), le Preneur a demandé au Bailleur de lui garantir que la Refacturation ne pourrait excéder l'Estimatif (') »

L'article 5.1 du protocole transactionnel de résiliation du bail prévoit une indemnité de résiliation d'un montant de 1.100.000 euros HT à la charge des bailleresses moyennant libération anticipée du local par le preneur ; selon l'article 14 du nouveau bail, le preneur s'est engagé à verser aux bailleresses un droit d'entrée de 1.000.000 euros HT.

Si contrairement à ce que soutiennent les bailleresses le protocole de résiliation ne stipule pas de connexité et compensation entre l'indemnité de résiliation de l'ancien bail et le droit d'entrée du nouveau bail, la connexité et la compensation qui y sont prévues ne concernant que les créances au titre du bail résilié et du protocole, sans faire référence aux créances nées du nouveau bail, en revanche, il apparaît certain que les parties n'ont pas entendu conférer au protocole de résiliation une exécution indépendante de celle du nouveau bail, puisque comme l'a lui-même relevé le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris dans son jugement du 5 juillet 2023 statuant sur la demande des bailleresses en mainlevée de saisies-attribution pratiquées sur leurs comptes bancaires par le preneur, la société Burton a poursuivi l'exécution du protocole de résiliation plus de trois ans et demi après sa conclusion, la cour relevant en outre que par mail du 21 juillet 2022 (pièce 12 des intimées) la société Burton a expressément revendiqué une compensation entre l'indemnité d'éviction et le droit d'entrée.

Aussi, et sans avoir à trancher la question de la connexité et de la compensation entre les créances respectives des parties en vertu du protocole de résiliation et du nouveau bail, ce qui effectivement ne relève pas des pouvoirs du juge de la rétractation ni de ceux du juge de l'homologation de la transaction, question que les sociétés [Localité 14] Kleber et Uni-Commerces ont d'ailleurs soumises au juge du fond comme il se doit, force est de constater qu'homologuer le protocole transactionnel de résiliation comme l'a requis la société Burton via les organes de sa procédure collective en faisant abstraction des droits et obligations des parties nés du nouveau bail, revient à autoriser la société Burton à contrevenir à son obligation, d'ordre public, d'exécution de bonne foi de l'ensemble contractuel construit par les parties.

En outre, l'homologation d'une transaction tend à lui voir conférer la force exécutoire pour pouvoir diligenter des mesures d'exécution à l'encontre du débiteur de l'obligation. Or en l'espèce, le juge de l'exécution a considéré à trois reprises que les mesures d'exécution engagées par la société Burton à l'encontre des sociétés [Localité 14] Kleber et Uni-Commerces sont abusives, en retenant qu'" en poursuivant l'exécution forcée du protocole transactionnel plus de trois ans et demi après sa conclusion, après en avoir obtenu l'homologation par une procédure non contradictoire, alors que les relations contractuelles et financières des parties se sont poursuivies depuis sans interruption et surtout, qu'à l'évidence les différentes conventions passées entre elles le 31 décembre 2019, lues ensemble, avaient pour objet de faire du transfert de local du preneur au sein de même centre commercial une opération financière neutre, le preneur a commis un abus au sens de l'article L.121-2 du code des procédures civiles d'exécution."

Dans ces conditions, sans excéder les pouvoirs qui lui sont conférés par l'article 1565 du code de procédure civile, le juge de l'homologation ne peut faire droit à la demande de la société Burton tendant à voir donner force exécutoire au protocole transactionnel de résiliation du bail initial. La décision de première instance sera confirmée en ce qu'elle a rétracté l'ordonnance rendue sur requête le 31 mars 2023 par le président du tribunal de commerce de Paris.

Sur les autres demandes

Il convient de rappeler que l'instance en rétractation a pour seul objet de soumettre à un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l'initiative d'une partie en l'absence de l'autre, que la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à son objet unique, l'appréciation de l'ordonnance rendue sur requête dans un cadre contradictoire, ce qui exclut qu'il puisse être saisi d'autres demandes.

Le juge de la rétractation ne peut donc en l'espèce être saisi d'autres demandes que celle de l'homologation ou non du protocole transactionnel de résiliation du bail initialement conclu par les parties.

Le premier juge devait par conséquent se limiter à rétracter l'ordonnance sur requête. Il n'avait pas le pouvoir de :

- dire que le transfert des opérations de la société Burton au sein du centre commercial de La Part Dieu constitue un ensemble contractuel unique se traduisant par trois contrats interdépendants :

* un premier protocole définissant les modalités de résiliation du bail conclu le 9 mars 2009 ;

* un second protocole relatif au plafonnement des frais à engager dans le cadre de la rénovation du centre ;

* un nouveau bail ;

tous conclus simultanément le 9 mars 2009 ;

- dire connexes les créances issues du bail conclu le 9 mars 2009 entre les parties et le premier protocole d'accord en date du 31 décembre 2019 d'une part et le second protocole d'accord conclu le 31 décembre 2019 et le nouveau bail conclu à même date.

L'ordonnance entreprise sera infirmée de ces chefs, statuant à nouveau la cour déboutant les sociétés [Localité 14] Kleber et Uni-Commerces de leurs demandes autres que celle en rétractation de l'ordonnance rendue sur requête, y compris leurs demandes indemnitaires qui, à la lecture de leurs écritures, ne s'analysent pas une simple demande de dommages et intérêts pour action abusive au regard du seul contentieux de la rétractation dont ont été saisis le premier juge puis la cour, mais en une demande d'indemnisation de leurs préjudices d'image, de réputation et de fonctionnement résultant de toutes les mesures d'exécution dont elles ont fait l'objet de la part de la société Burton, la réparation de ces préjudices relevant des pouvoirs du juge de l'exécution et du juge du fond comme l'a relevé le premier juge dont l'ordonnance sera confirmée en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Partie perdante, la société Burton et les organes de sa procédure collective seront condamnés aux entiers dépens de première instance et d'appel, l'ordonnance entreprise étant confirmée sur ce point.

La situation économique des parties commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu'en appel, l'ordonnance étant également confirmée de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Rejette l'exception de nullité tirée du visa de l'article 497 du code de procédure civile,

Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :

- dit que le transfert des opérations de la société Burton au sein du centre commercial de La Part Dieu constitue un ensemble contractuel unique se traduisant par trois contrats interdépendants :

* un premier protocole définissant les modalités de résiliation du bail conclu le 9 mars 2009 ;

* un second protocole relatif au plafonnement des frais à engager dans le cadre de la rénovation du centre ;

* un nouveau bail ;

tous conclus simultanément le 9 mars 2009 ;

- dit connexes les créances issues du bail conclu le 9 mars 2009 entre les parties et le premier protocole d'accord en date du 31 décembre 2019 d'une part et le second protocole d'accord conclu le 31 décembre 2019 et le nouveau bail conclu à même date ;

Statuant à nouveau,

Déboute les sociétés Lyon Kleber et Uni-Commerces de leurs demandes autres que celle en rétractation de l'ordonnance rendue le 31 mars 2023 par le président du tribunal de commerce de Paris sur requête de la société Burton,

Confirme pour le surplus l'ordonnance entreprise,

Y ajoutant,

Condamne in solidum aux dépens de l'instance d'appel la société BTSG prise en la personne de Me [I] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Burton et la société Asteren prise en la personne de Me [V] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Burton,

Dit n'y avoir lieu en appel à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes.

LA GREFFIÈRE POUR LA PRÉSIDENTE

EMPÊCHÉE