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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 19 septembre 2024, n° 18/20013

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Montoit Immobilier (Sté)

Défendeur :

Époux

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Recoules

Conseillers :

Mme Leroy, Mme Girousse

Avocats :

Me Fertier, Me Cardoso, Me Cohen Barralis

TGI Bobigny, ch. 5 sect. 1, du 19 juill.…

19 juillet 2018

FAITS ET PROCEDURE

Par acte authentique du 18 juillet 2008, la commune de [Localité 4] a consenti un bail commercial en renouvellement à Monsieur et Madame [R] portant sur différents locaux situés [Adresse 1] à [Localité 4], pour neuf années à compter du 23 mai 2008, moyennant un loyer annuel de 12.000 euros hors charges. Ces locaux étaient donnés en jouissance, pour la partie commerciale, afin d'exploitation des activités de café, vins, liqueurs, brasserie, tabletterie sous dépôt de journaux et publications, auxquelles ont été annexés un bureau de validation du loto et la gérance d'un débit de tabac connu sous l'enseigne "Tabac des deux départements".

Par acte sous seing privé en date du 1er octobre 2009, Monsieur et Madame [R] ont cédé leur fonds de commerce à Monsieur et Madame [F] [X].

Par acte authentique du 31 mai 2013, la Commune de [Localité 4] a vendu l'immeuble, objet du bail à la société Montoit Immobilier.

Par acte extrajudiciaire du 7 novembre 2013, le nouveau bailleur a donné congé aux preneurs à effet du 22 mai 2014, avec offre d'une indemnité d'éviction.

Par acte du 24 février 2014, la société Montoit Immobilier a assigné les époux [F] [X] aux fins de voir fixer l'indemnité d'éviction. Par jugement du 28 octobre 2015, le tribunal a rejeté la demande de nullité du congé délivré le 7 novembre 2013 et a commis un expert aux fins d'évaluer l'indemnité d'éviction. L'expert, M. [K], a déposé son rapport le 29 mai 2017.

Par acte du 17 septembre 2015, la société Montoit Immobilier a de nouveau assigné les époux [F] [X] aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire du bail commercial. Les instances ont été jointes.

Par jugement du 19 juillet 2018, le tribunal de grande instance de Bobigny a :

- débouté la société Montoit Immobilier de sa demande de déchéance des époux [F] [X] du droit à indemnité d'éviction ;

- fixé à 420.000 euros l'indemnité d'éviction due par la société Montoit Immobilier à [I] [F] [X] et [L] [F] [X] ;

- fixé l'indemnité d'occupation due par [I] [F] [X] et [L] [F] [X] à la société Montoit Immobilier, et ce à compter du 22 mai 2014 et jusqu'à la libération effective des lieux, au dernier loyer réclamé au 22 mai 2014, hors taxes et hors charges ;

- dit que les sommes déjà versées depuis le 22 mai 2014 par [I] [F] [X] et [L] [F] [X] à la société Montoit Immobilier en contrepartie de l'occupation des lieux seront déduites de la créance d'indemnité d'occupation du bailleur ;

- ordonné la compensation entre les sommes dues au titre de l'indemnité d'occupation et de l'indemnité d'éviction ;

- condamné la société Montoit Immobilier aux dépens, comprenant notamment les frais d'expertise, dont distraction au profit de Maître Laurence Cohen Barralis ;

- condamné la société Montoit Immobilier à payer à [I] [F] [X] et [L] [F] [X] la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Par déclaration d'appel du 10 août 2018, la société Montoit Immobilier a interjeté appel de ce jugement. Les consorts [F] [X] ont formé un appel incident aux fins de réformation du montant de l'indemnité d'éviction.

Par arrêt mixte du 17 février 2021, la cour d'appel a confirmé le jugement entrepris, sauf en ce qui concerne le montant de l'indemnité d'éviction et le montant de l'indemnité d'occupation ; l'a infirmé de ces chefs et statuant à nouveau, a fixé à la somme de 471.783 euros, le montant toutes causes confondues de l'indemnité d'éviction due par la société bailleresse aux preneurs, outre les frais de licenciement payables sur justificatifs ; dit que les preneurs sont redevables à l'égard de la société bailleresse d'une indemnité d'occupation statutaire à compter du 22 mai 2014 ; institué une mesure d'expertise et commis M. [O], remplacé ultérieurement par Mme [U], avec mission notamment de déterminer le montant de l'indemnité due par le locataire pour l'occupation des lieux depuis le 22 mai 2014 jusqu'à leur libération effective, sur les bases utilisées en matière de fixation des loyers de renouvellement, abattement pour précarité en sus ; a sursis à statuer sur le surplus des demandes et réservé les dépens.

Par acte extrajudiciaire du 21 février 2021, la société Montoit Immobilier a rétracté son congé avec refus de renouvellement en date du 7 novembre 2013 et a usé de son droit de repentir en application de l'article L. 145-58 du code de commerce.

Faute de consignation par la société Montoit Immobilier, la désignation de l'expert est devenue caduque le 10 juin 2021.

Par arrêt mixte du 15 décembre 2021, le pôle 5 chambre 3 de la cour d'appel de Paris a notamment:

- condamné la société Montoit Immobilier à payer à Monsieur [I] [F] [X] et à Madame [L] [F] [X] la somme de 14.960 euros TTC au titre des frais non taxables exposés à l'occasion de la procédure relative à la fixation de l'indemnité d'éviction, jusqu'à la signification par la société Montoit Immobilier de son droit de repentir, déduction faite de la somme de 4.000 euros déjà allouée par le tribunal en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- jugé irrecevables les demandes de fixation du loyer du bail renouvelé, à titre définitif et provisoire ;

Avant dire droit sur le montant de l'indemnité d'occupation statutaire pour la période du 22 mai 2014 au 21 février 2021 ordonné une expertise et commis pour y procéder madame [U],

- sursis à statuer sur le surplus des demandes ;

- réservé les dépens.

L'expert a déposé son rapport le 21 septembre 2022 estimant l'indemnité d'occupation à 31.500 € par an.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 7 juin 2023.

MOYENS ET PRETENTIONS

Par conclusions déposées le 24 mai 2023, la société Montoit Immobilier, appelante, demande à la cour de:

- fixer l'indemnité d'occupation due solidairement par Monsieur [I] [F] [X] et Madame [L] [N] (épouse [F] [X]), à la société Montoit Immobilier, pour la période entre le 22 mai 2014, date d'effet du congé, et le 21 février 2021, date de signification du droit de repentir, à la somme de 255.278,40 euros ;

En conséquence,

- condamner solidairement Monsieur [I] [F] [X] et Madame [L] [N] épouse [F] [X], à payer à la société Montoit Immobilier, la somme de 147.262,58 euros au titre des sommes restant dues pour le règlement de l'indemnité d'occupation entre le 22 mai 2014 et le 21 février 2021 ;

- condamner les époux [F] [X] à payer à la société Montoit Immobilier la somme de 3.500 euros au titre des frais de procédure d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile, et au paiement des entiers dépens, en ce compris notamment les frais d'expertise d'un montant de 3.000 euros .

Par conclusions déposées le 6 juin 2023, les consorts [F] [X], intimés, demandent à la cour de :

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

- fixé l'indemnité d'occupation due par [I] [F] [X] et [L] [F] [X] à la société Montoit Immobilier, et ce à compter du 22 mai 2014, au dernier loyer réclamé au 22 mai 2014, hors taxes et hors charges ;

- condamné la société Montoit Immobilier aux dépens, comprenant notamment les frais d'expertise, dont distraction au profit de Maître Laurence Cohen Barralis ;

- condamné la société Montoit Immobilier à payer à [I] [F] [X] et [L] [F] [X] la somme de de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Pour le surplus

- débouter la société Montoit Immobilier de toutes ses demandes ;

- condamner la société Montoit Immobilier au paiement de la somme de 12.000 euros, en vertu de l'article L. 145-58 du code de commerce, disposant que le bailleur qui exerce son droit de repentir supporte les frais de l'instance et à titre subsidiaire sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au dépens d'appel.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la recevabilité des demandes des consorts [F] [X]

Dès lors que l'arrêt précité du 17 février 2021 a confirmé le jugement du 19 juillet 2018 sauf en ce qui concerne le montant des indemnités d'occupation et d'éviction, la demande des consorts [F] [X] aux fins de voir confirmer ce jugement en ce qu'il a fixé l'indemnité d'occupation au montant du dernier loyer est irrecevable comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée, de même que les demandes relatives aux dépens et frais irrépétibles au demeurant sans objet puisqu'il y a déjà été fait droit.

Sur l'indemnité d'occupation

L'article L. 145-58 du code de commerce instituant un droit de repentir permettant au bailleur de se soustraire au paiement de l'indemnité d'éviction, à charge pour lui de supporter les frais de l'instance et de consentir le renouvellement du bail dont les conditions sont fixées en cas de désaccord conformément aux dispositions réglementaires prises à cet effet, a pour conséquence que le bail se trouve irrévocablement renouvelé au jour de l'exercice de ce droit de repentir. Ainsi, pendant la période intermédiaire entre la fin de l'ancien bail et la prise d'effet du nouveau, au jour du repentir, le locataire qui est resté dans les lieux doit une indemnité dont le montant est fixé conformément aux dispositions de l'article L. 145-28 lequel renvoie notamment à l'article L. 145-33 du même code.

Cette indemnité d'occupation est donc fixée à la valeur locative déterminée selon les règles énoncées par ce dernier texte et le décret auquel il renvoie pour la fixation du montant des loyers des baux renouvelés ou révisés, corrigée de tous éléments d'appréciation en ce compris les effets de la précarité susceptible d'avoir affecté les conditions d'exploitation du fonds de commerce pendant la période de maintien dans les lieux.

En l'espèce, l'indemnité d'occupation est due pour la période allant de la date d'effet du congé délivré le 7 novembre 2013, soit le 22 mai 2014, à la date de l'exercice du droit de repentir, soit le 21 février 2021.

Le contrat de bail désigne les locaux loués, situés à [Localité 4] (93), comme étant:

« Une maison en meulière élevée sur caves d'un rez-de-chaussée, d'un 1er étage et d'un 2ème étage lambrissé formant grenier pour partie. Le tout couvert en tuile.

Un bâtiment en aile donnant sur la [Adresse 11] à l'angle de l'[Adresse 5], d'un rez-de-chaussée élevé sur terre plain, avec toit et terrasse, et d'un deuxième bâtiment en aile à l'angle de la [Adresse 11] et de l'[Adresse 6], élevée sur terre plain d'un rez-de-chaussée avec toiture en zinc avec, à la suite, une laverie couverte en tôle et en plaque vinyle.

L'ensemble du rez-de-chaussée est actuellement divisé en :

- grande salle de café, laverie, couloir donnant accès à une cuisine, à une pièce sans fenêtre, au téléphone et à la cour ;

- un escalier intérieur conduit au premier étage divisé en trois pièces, cabinet

de toilettes ;

- le grenier est actuellement divisé en trois pièces et débarras ;

- contre le bâtiment principal,un w-c.

Une grande cour est délimitée par le bâtiment ci-dessus décrit, sur les côtés, par l'[Adresse 6] et l'[Adresse 5] ; au fond par un grillage partant de l'[Adresse 6] jusqu'au mur du garage particulier au preneur et délimité ensuite par les murs des boxes dont la jouissance est réservée aux bailleurs par un grillage partant de l'extrémité du mur des boxes pour rejoindre dans l'axe du mur l'[Adresse 5].

Dans cette cour : un bâtiment à usage de garage particulier aux preneurs.

Contre le bâtiment principal un w-c.'

L'activité prévue au bail pour la partie commerciale est :

' Café, vins, liqueurs, brasserie, tabletterie sous dépôt de journaux et publications, auquel est annexé un bureau de validation du loto et auquel est annexé la gérance d'un débit de tabac connu sous l'enseigne "TABAC DES DEUX DEPARTEMENTS".

Il ressort des éléments du dossier et, en particulier du rapport d'expertise judiciaire, que les locaux en cause présentent les caractéristiques suivantes.

Les locaux sont situés à une vingtaine de kilomètres de [Localité 10] dans une commune principalement résidentielle, dans un secteur pavillonnaire, dont un tiers de la population est retraitée. Ils disposent d'une bonne accessibilité routière et sont desservis par un bus (213) dont l'arrêt est situé devant les locaux mais la ville n'a pas de gare et n'est pas desservie par le RER. Ils sont excentrés d'environ 600 mètres du pôle commercial de la commune. Sur la même place, il y a trois autres établissements de restauration.

Il s'agit d'une construction ancienne en pierre meulière édifiée sur une parcelle de terrain close comprenant une terrasse fermée en façade, à cette construction sont accolés en bordure de l'[Adresse 5] un corps de bâtiment constitué par un rez-de-chaussée sous toiture-terrasse et sur l'arrière, un corps de bâtiment à l'usage de garage. Le pavillon est entouré de constructions précaires. Il dispose d'une terrasse aménagée pour la réception de la clientèle sur le domaine public et une autre sur cours. Selon l'expert, les surfaces accessibles à la clientèle et la cuisine sont en bon état d'entretien, ce que confirme les photographies annexées au rapport.

Le logement du premier étage (inoccupé) est composé d'un salon d'angle, deux chambres, une salle d'eau et de sanitaires. Il ressort de l'expert et les photographies annexées au rapport, il est en état d'usage.

Le deuxième étage est fortement lambrissé et relié par un escalier en bois. Il n'apparaît pas habitable. Le sous-sol non visé au bail n'a pas été visité par l'expert qui indique, par ailleurs, que les diverses annexes aux locaux sont vétustes, ce que corroborent les photographies annexées.

Les surfaces retenues par l'expert judiciaire et leur pondération sont contestées par les consorts [F] [X] qui se prévalent d'un rapport d'expertise amiable fait pour leur compte par M. [G] le 5 juin 2023, ainsi que du rapport d'expertise effectué par l'expert judiciaire M. [K] désigné par jugement du 28 octobre 2015 pour déterminer l'indemnité d'éviction.

La surface utile du logement situé au premier étage, fixée à 52,25 m2 par géomètre-expert le 31 mai 2022, n'est pas discutée et sera retenue. Au regard de la deuxième édition de la Charte de l'Expertise en Evaluation Immobilière (octobre 2012) en vigueur à la date du 22 mai 2024, l'appartement étant relié au commerce et non accessible autrement, il convient de pondérer sa surface pour lui appliquer le prix couramment pratiqué par unité de surface conformément aux dispositions de R. 145-7 du code de commerce.

S'agissant de la partie destinée à l'activité professionnelle, les surfaces utiles proposées par les experts sont différentes. Fautes pour les consorts [F] [X] de produire un rapport effectué par un expert géomètre permettant de démontrer que les surfaces proposées par M. [G] doivent prévaloir sur celles fixées par l'expert judiciaire, il n'y a pas lieu de retenir les surfaces ainsi proposées dans le rapport amiable produit.

Mme [U] retient une surface utile de 100,80 m2 pour la boutique en triple exposition à laquelle elle applique un coefficient de pondération 1. M. [K] retenait pour la partie accessible à la clientèle une surface utile de 95 m2 (47 + 29,50 + 18,50) et une surface pondérée de 99,7 m2P, donc très proche de la surface pondérée de 100,80 m2 proposée par Mme [U] qui sera retenue.

Pour la 'cuisine et autres annexes reliées et non reliées', Mme [U] a proposé une surface utile de 57,50 m2 à laquelle elle applique un coefficient de 0,30, en tenant compte du fait qu'une partie d'entre elles n'est pas reliée au local principal, soit 17,25 m2P. M. [K] a retenu les surfaces utiles suivantes: cuisine (9,30), laverie (8,10), toilettes (1,50), couloir et pièce (4,80) auxquelles il a appliqué diverses pondérations. Il a en outre retenu une surface utile de 28,90 m2 pour le garage mais sans en tenir compte dans le calcul de la surface pondérée, soit pour la cuisine et les annexes une surface utile totale de 62,60 m² et une surface pondérée de 9,42 m²P. Il retient au total avec le logement une surface pondérée de 134 m²/P mais en omettant le garage.

Au regard de ces éléments, il convient de retenir la pondération justifiée de 139 m²P proposée par Mme [U].

Selon l'article L. 145-7 du code de commerce, les prix couramment pratiqués dans le voisinage par unité de surface concernent des locaux équivalents et à défaut d'équivalence,les références présentées peuvent être utilisées à titre indicatif pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigées en considération des différences constatées. Dès lors, la circonstance que la destination ou l'emplacement des baux de référénce ne soit pas similaire ne justifie pas de les écarter mais impose de les corriger en prenant en compte les différences.

Mme [U] propose des références locatives relatives à des locaux situés dans des communes voisines, portant sur différents types de commerces parmi lesquels trois commerces alimentaires (surgelés, tabac loto et boucherie) portant sur six premières locations fixées au prix du marché allant de 158 €/m² à 345 €/m², trois renouvellements amiables allant de 211 €/m² à 417 €/m² et deux fixations judiciaires allant de 260 €/m² à 450 €/m² (agence immobilière située à [Localité 7] dans le département 77) .

Ainsi que l'expert judiciaire l'a observé à juste titre, les références proposées par les consorts [F] [X] relatives au renouvellement d'un bail brasserie tabac dans des communes proches moyennant un loyer annuel de 11.350 € à compter du 1er janvier 2019 (145 €/m² selon M. [G]) et à la conclusion d'un nouveau bail de bar restaurant le 5 décembre 2019 moyennant un loyer annuel de 14.400 € (105 €/m² selon M. [G]), ne sont pas pertinentes s'agissant de baux conclus 5 ans après la date d'effet du congé en cause. Il n'y a pas lieu non plus de tenir compte des références proposées par M. [G] dans son rapport pour des baux conclus plus d'un an après le début de la période en cause.

Dans l'expertise amiable effectuée par M. [G] outre les références présentées par Mme [U], figurent notamment:

- à [Localité 4] : une nouvelle location donnée à un restaurant dans une rue plus en retrait moyennant un loyer de 134 €/m²p et un renouvellement amiable en 2014 pour une banque moyennant un loyer de 292 €;

- dans des communes voisines : 5 nouvelles locations en 2013 pour des activités différentes aux prix allant de 223 €/m² à 259 €/m², 7 renouvellements amiables aux prix allant de 200 €/m² à 417 €/m², le loyer le plus faible concernant un commerce d'alimentation et les autres des services ou des banques.

Dans son dire du 14 juin 2022, la bailleresse présentait différentes références et en déduisait une valeur locative de 243 €/m².

Au regard des caractéristiques des locaux en cause, de leur bonne visibilité dans un carrefour passant mais à l'écart du centre ville commerçant, de la destination contractuelle adaptée au site, de la jouissance de surfaces annexes non comprises dans le calcul des surfaces utiles (grenier, sous-sol...) mais aussi du caractère ancien et peu fonctionnel des locaux, de la vétusté de certaines annexes, il apparaît justifié de retenir le prix de 240 €/m²

Il convient d'observer qu'en appliquant la pondération de 0,4 pour l'appartement du premier étage (52,25 m² de surface utile), soit une surface pondérée de 20,90 m²P, le prix annuel de l'appartement serait 5.016 €/m², on obtient un prix annuel de 8 €/m² de surface utile, correspondant prix de 8 €/m²/mois proposé par M. [G] pour le logement et qui apparaît justifié au regard des défauts de l'appartement dénué de cuisine, accessible par le commerce et de la fourchette proposée par l'OLAP (11,1 à 15,7).

La valeur locative annuelle s'établit donc à 33.360 € (240 x 139m²P).

A compter de la délivrance du congé avec refus de renouvellement le 7 novembre 2013 et jusqu'à l'exercice du droit de repentir le 20 février 2021, les preneurs, n'ayant acquis le fonds qu'en octobre 2009, se sont retrouvés rapidement dans une situation précaire durant plus de sept années jusqu'à ce que le bailleur exerce son droit de repentir. Compte-tenu de cette situation, ils n'ont, notamment, pas pu céder le fonds dans des conditions avantageuses, ni procéder à des investissements et aménagements alors qu'il ressort du rapport d'expertise que les locaux sont anciens, peu fonctionnels et leurs annexes vétustes. Il convient en conséquence, d'appliquer un coefficient d'abattement de 12 %, soit une indemnité d'occupation annuelle de 29.356 € (33.360 x 0,88).

Il en résulte que pour la période du 22 mai 2014 au 21 février 2021 c'est une somme de 198.253€ HT HC qui est due à ce titre par les locataires (29.356 x (6 + 275/365)). Il n'y a pas lieu pour la cour de préciser le montant toutes taxes comprises qui sera à fixer par les parties au regard de leurs obligations fiscales.

Il ressort du récapitulatif des indemnités d'occupation d'ores et déjà payées présenté par la bailleresse et non discuté, qu'un montant de 90.013 € HT a été payé durant la période en cause, de sorte qu'il reste due au titre de l'indemnité d'occupation pour la période du 22 mai 2014 au 21 février 2021une somme de 108.240 € HT, au paiement de laquelle seront condamnés solidairement les consorts [F] [X].

Sur les autres demandes

L'arrêt du 17 février 2021 a confirmé le jugement entrepris du 19 juillet 2018,notamment quant aux dépens et frais irrépétibles mais cet arrêt et celui du 15 décembre 2021 ont sursis à statuer sur les dépens de la procédure d'appel et sur les frais irrépétibles postérieurs au repentir.

Dès lors que la présente procédure en fixation de l'indemnité d'occupation a pour origine l'exercice successif par la société Montoit Immobilier de son droit à délivrer un congé avec refus de renouvellement puis de son droit de repentir, il convient de la condamner aux dépens de la procédure d'appel comprenant les frais d'expertise. Elle sera également condamnée en application de l'article 700 du code de procédure civile à payer aux consorts [F] [X] la somme de 8.000 € au titre des frais irrépétibles de la procédure d'appel exposés après la signification par elle de son droit de repentir. Elle sera déboutée de sa demande fondée sur ce texte.

Les autres demandes seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort ;

Vu les arrêts rendus le 17 février 2021 et le 15 décembre 2021,

Déclare irrecevable la demande de Mme [L] [N] épouse [F] [X] et M. [I] [F] [X] aux fins de voir confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

- fixé l'indemnité d'occupation due par [I] [F] [X] et [L] [F] [X] à la société Montoit Immobilier, et ce à compter du 22 mai 2014, au dernier loyer réclamé au 22 mai 2014, hors taxes et hors charges ;

- condamné la société Montoit Immobilier aux dépens, comprenant notamment les frais d'expertise, dont distraction au profit de Maître Laurence Cohen Barralis ;

- condamné la société Montoit Immobilier à payer à [I] [F] [X] et [L] [F] [X] la somme de de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Fixe le montant de l'indemnité d'occupation annuelle due par Mme [L] [N] épouse [F] [X] et M. [I] [F] [X] durant la période du 22 mai 2014 au 21 février 2021 à la somme annuelle de 29.356 € hors taxes et hors charges ;

Condamne solidairement Mme [L] [N] épouse [F] [X] et M. [I] [F] [X] à payer à la société Montoit Immobilier la somme de 108.240 € HT/HC, au titre des indemnités d'occupation restant dues pour la période du 22 mai 2014 au 21 février 2021, déduction faite des sommes payées par les preneurs sur cette même période ;

Condamne la société Montoit Immobilier à payer à Mme [L] [N] épouse [F] [X] et M. [I] [F] [X] une somme de 8.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de la procédure d'appel exposés après la signification par elle de son droit de repentir ;

Déboute la société Montoit Immobilier de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;

Rejette les autres demandes ;

Condamne la société Montoit Immobilier aux dépens de la procédure d'appel comprenant les frais d'expertise.