CA Versailles, ch. civ. 1-5, 19 septembre 2024, n° 24/00271
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Rassemblement National des Indépendants (Association)
Défendeur :
Miglos (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vasseur
Conseillers :
Mme De Rocquigny Du Fayel, Mme Igelman
Avocats :
Me Borrel, Me Lemoine, Me Abdelmoumen
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 28 août 2020, la SCI Miglos a donné à bail commercial à l'association Rassemblement National des Indépendants (RNI) des locaux situés dans la [Adresse 5] à [Localité 4] (Yvelines), moyennant un loyer annuel de 6.670 euros.
Par acte du 16 mai 2023, la société Miglos a fait délivrer à l'association locataire un commandement de payer les loyers et charges arriérés d'un montant de 5.069,95 euros, arrêté au 3 avril 2023.
Par acte du 4 juillet 2023, la société Miglos a fait assigner en référé l'association RNI pour que soit constatée l'acquisition de la clause résolutoire et que soit ordonnée son expulsion.
Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 12 décembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Versailles a :
- constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail du 28 août 2020 et la résiliation de ce bail à la date du 16 juin 2023,
- ordonné, si besoin avec le concours de la force publique, l'expulsion de la locataire et celle de tous occupants de son chef des locaux loués, sis [Adresse 5],
- ordonné que les meubles se trouvant sur place devront être déposés dans un lieu choisi par la bailleresse aux frais risques et péril de la locataire conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,
- condamné l'Association Rassemblement National des Indépendants (RNI) à payer à la société Miglos à titre provisionnel une indemnité d'occupation d'un montant correspondant à celui d'un loyer mensuel conventionnel augmenté des charges et accessoires à compter du 16 juin 2023 jusqu'à la libération effective des lieux loués,
- condamné l'Association Rassemblement National des Indépendants (RNI) à payer à la société Miglos la somme provisionnelle de 5.069,95 euros correspondant aux loyers et charges impayés arrêtés au mois d'avril 2023 inclus, augmentée des intérêts de retard au taux légal à compter de la signification de l'ordonnance,
- condamné l'Association Rassemblement National des Indépendants (RNI) à payer à la société Miglos la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné l'Association Rassemblement National des Indépendants (RNI) au paiement des dépens comprenant le coût du commandement de payer.
Par déclaration reçue au greffe le 8 janvier 2024, la société RNI a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de dispositif.
Dans ses dernières conclusions, n° 3, déposées le 24 juin 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, l'association RNI demande à la cour de :
'- déclarer l'association RNI recevable en ses demandes ;
- infirmer l'ordonnance du tribunal judiciaire de Versailles, du 12/12/2023, n°RG 23/00997.
- débouter la sci Miglos de sa demande d'acquisition de la clause résolutoire.
- dire qu'il n'y a pas lieu à référé
- condamner la sci Miglos au paiement de la somme de 15 000 euros pour procédure abusive.
- condamner la société Miglos à la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile.'
Au soutien de son appel, l'association RNI indique qu'elle est à jour des loyers, que la situation ne présente aucun caractère d'urgence et que la bailleresse est de mauvaise foi. Elle considère que le cabinet chargé de la gestion locative n'a pas pris en compte des virements qu'elle a effectués et qu'il existe ce qu'elle indique être un doute très fort sur la dette. Le montant des loyers que son adversaire retient comme impayés, qui correspond à presqu'une année de loyers, est, selon les termes de l'appelante, absurde et incompréhensible. Elle indique avoir écrit au gestionnaire de l'immeuble et à la gérante de la société Miglos pour pouvoir, selon ses termes, discuter et échanger sur le sujet, mais qu'aucune de ces parties n'a souhaité une rencontre. Elle expose que son propre décompte n'a jamais été contesté par la société Miglos. Indiquant de manière répétée qu'elle est à jour des loyers, l'association RNI expose que l'assignation en référé est abusive et ne repose sur aucun caractère d'urgence. Elle indique que la SCI Miglos envisage de vendre les locaux et qu'elle cherche ainsi à expulser sa locataire sans frais. Ainsi, selon l'appelante, ce qu'elle indique être l'évocation de la clause résolutoire n'est étayée par aucun élément évident et elle indique à plusieurs reprises que le décompte du bailleur ne correspond pas à la réalité des faits. S'agissant du dernier décompte produit, en date du 10 juin 2024, et qui fait état d'une créance de 6.471,64 euros, elle indique que ce décompte fait apparaître un impayé de charges entre le 1er mai 2020 et le 31 décembre 2021 de 2.454,99 euros, soit 122,73 euros par mois, ce qui ne correspond pas à celui qui est prévu au bail, de 67,63 euros et que la nouvelle pièce envoyée le 24 juin, qui fait état d'une autre créance, d'un montant de 5.673,55 euros démontre d'autant plus l'incertitude de la partie adverse qu'elle a finalement été retirée du dossier.
Dans ses dernières conclusions n° 3 déposées également le 24 juin 2024, auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Miglos demande à la cour de :
'- déclarer l'association Rassemblement National des Independants mal fondée en son appel,
En conséquence,
l'en débouter.
- déclarer irrecevable la demande de dommages-intérêts formée par l'association Rassemblement National des Independants et subsidiairement mal fondée.
- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du 12 décembre 2023.
Y ajoutant,
- condamner l'association Rassemblement National des Independants au paiement de la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.'
La société Miglos indique qu'elle avait consenti une franchise de quatre mois de loyer en contrepartie de travaux de rafraîchissement des locaux loués mais que lesdits travaux n'ont jamais été effectués, le devis versé à cet égard par l'appelante ne correspondant pas aux travaux de rafraîchissement évoqués et l'appelante ne rapportant en outre pas la preuve que ces travaux aient été effectués. Elle ajoute que l'appelante n'a jamais contesté le décompte du gérant de l'immeuble, à savoir le cabinet Evolis. Elle indique qu'elle verse aux débats l'ensemble de ses relevés bancaires du mois de mai 2020 à décembre 2021, ainsi qu'un tableau récapitulatif des règlements effectués durant cette même période, éléments dont il résulte que l'association RNI a réglé pendant cette période de la somme de 13.546,95 euros alors que le montant total des loyers et des charges dus s'élevait à la somme de 16.002 euros, de sorte que l'arriéré locatif au titre de cette période était de 2.455,05 euros, ce qui correspond précisément à la somme mentionnée dans le décompte annexé. La société Miglos ajoute que selon son nouveau décompte du 21 juin 2024, l'arriéré locatif s'élève désormais à la somme de 5.670 euros. Exposant que la dette locative n'est pas sérieusement contestable, elle sollicite que l'appelante soit déboutée de ses demandes.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 juin 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Selon l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
Selon l'article 835 du même code, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
En application de ces textes, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d'un contrat de bail en application d'une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en oeuvre régulièrement.
Aux termes de l'article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.
En l'espèce, le bail signé entre les parties le 28 avril 2020, qualifié par elles de bail commercial, a été consenti moyennant un loyer annuel de 6.670 euros hors-taxes et hors charges, que le preneur s'est engagé à payer mensuellement et d'avance, outre une provision pour charges de 67,63 euros hors taxe. Le bail comprend en sa deuxième page une clause résolutoire.
La société Miglos a fait délivrer le 16 mai 2023 un commandement de payer visant la clause résolutoire, portant sur un arriéré locatif de 5.069,39 euros, commandement auquel est annexé un décompte locatif dressé par le service comptable de la société Evolis.
Il résulte de la pièce n° 5 versée aux débats par l'appelante que la bailleresse, par un courriel du 8 décembre 2020, a consenti à l'association RNI « une franchise de loyer de 4 mois en contrepartie de la réalisation de la totalité des travaux mentionnés dans le devis AOG nr 2020.16 du 02/11/2020 », cette franchise de loyer portant sur les mois de janvier à avril 2021.
Cependant, l'appelante indique elle-même (en 6ème page de ses conclusions) que ces travaux correspondaient à une transformation complète des locaux affectant la structure des murs et la distribution des pièces et qu'ils étaient destinés à apporter de manière certaine une plus-value aux locaux, ce dont elle déduit qu'il y avait lieu de les refuser. Au demeurant, elle ne prétend pas les avoir fait réaliser.
Ainsi, les moyens des deux parties concordent sur le fait que les travaux en considération desquelles la bailleresse avait consenti une franchise de loyers n'ont pas été réalisés, de sorte que l'association RNI ne peut en tout état de cause se prévaloir d'une telle franchise, indépendamment même de la question portant sur le point de savoir si les travaux sollicités à ce titre par la bailleresse correspondaient ou non au « rafraîchissement » que cette dernière évoque dans ses conclusions.
Dès lors, il n'y a pas lieu de tenir compte de ladite franchise dans le décompte locatif.
Or, il ressort du décompte précis établi le 3 avril 2023, annexé au commandement de payer du 16 mai 2023, que l'association RNI était, à la date du décompte, débitrice d'un arriéré locatif de 5.069,95 euros, lequel n'a pas été réglé dans le mois suivant la délivrance dudit acte.
Alors que la société Miglos verse aux débats (en ses pièces n° 9 et 10) les relevés de compte de sa banque à partir du 5 mai 2020, faisant état des différents versements de l'association RNI, versements qui sont récapitulés dans le décompte qu'elle produit en pièces n° 11 et 12, l'appelante, qui prétend, de manière imprécise, que des règlements n'auraient pas été pris en compte, ne caractérise pas, au vu de ces documents justificatifs et récapitulatifs en quoi le décompte produit serait fallacieux.
En revanche, alors que le bail, ainsi qu'il a été indiqué, prévoyait une provision pour charges de 67,63 euros hors taxe par mois, il ressort du décompte produit en pièce n° 12 par la bailleresse que celle-ci a systématiquement facturé à ce titre une provision de 125 euros par mois, sans pour autant indiquer dans ses conclusions les raisons de ce différentiel de 57,37 euros par mois. De même, l'association RNI relève, sans être contredite sur ce point qu'entre le 1er mai 2020 et le 31 décembre 2021, c'est une somme de 122,73 euros qui a été retenue au titre des charges, la bailleresse n'expliquant pas davantage ce différentiel.
Si cette surfacturation non justifiée par la bailleresse au vu de ces moyens et des éléments qu'elle produits aux débats n'est pas de nature à remettre en cause la validité du commandement de payer, étant rappelé qu'un commandement de payer délivré pour un montant erroné n'est pas nul mais reste valable pour la partie non contestable de la dette, il convient cependant de déduire de la somme provisionnelle demandée par la société Miglos le montant de ce différentiel, pour les mois de janvier 2022 à avril 2023, soit 917,92 euros (correspondant à 57,37 multiplié par 16) et pour les mois du 1er mai 2020 au 31 décembre 2021, une somme de 1.102 euros (correspondant à 55,10 multiplié par 20).
Aussi convient-il, en infirmant partiellement l'ordonnance entreprise, de fixer à la somme de 3.050,03 euros le montant de la somme provisionnelle correspondant aux loyers, et charges impayés arrêtés au mois d'avril 2023 inclus.
Dès lors que l'ordonnance de première instance est confirmée pour l'essentiel, il ne peut être retenu que l'action engagée de la société Miglos aurait été engagée de manière abusive, de sorte qu'il convient de débouter l'association RNI de la demande indemnitaire qu'elle forme à ce titre.
Compte-tenu de cette infirmation partielle, les parties garderont chacune par-devers elles la charge des dépens qu'elles ont respectivement exposés.
PAR CES MOTIFS
Confirme l'ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle a fixé à la somme de 5.069,95 euros la provision due par l'association RNI à la société Miglos au titre des loyers et charges impayés au mois d'avril 2023 inclus ;
Statuant à nouveau sur ce chef infirmé,
Condamne l'association RNI à verser à la société Miglos la somme provisionnelle de 3.050,03 euros correspondant au montant des loyers, et charges impayés arrêtés au mois d'avril 2023 inclus, augmentée des intérêts de retard au taux légal à compter de la signification de l'ordonnance de première instance ;
Rejette la demande indemnitaire formée par l'association RNI ;
Dit que les parties conserveront chacune la charge des dépens d'appel qu'elles ont respectivement exposés ;
Rejette les demandes respectives des parties formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monsieur Thomas VASSEUR, Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.