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Décisions

CA Besançon, 1re ch., 19 septembre 2024, n° 23/01685

BESANÇON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Brunch La Paloma (SARL)

Défendeur :

Aktya (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Wachter

Conseillers :

Mme Willm, M. Saunier

Avocats :

Me Chesneau, Me Braillard

TJ Besançon, du 17 oct. 2023, n° 23/0014…

17 octobre 2023

EXPOSE DU LITIGE, DE LA PROCEDURE ET DES PRETENTIONS

Le 19 décembre 2016, la société anonyme d'économie mixte Aktya L'immobilier d'entreprises du grand Besançon (Aktya) a donné à bail commercial à la SARL Brunch La Paloma un local situé [Adresse 1].

Un commandement de payer les loyers visant la clause résolutoire a été signifié à la Sarl Brunch La Paloma le 16 août 2022 et par acte du 6 juillet 2023, le bailleur l'a faite assigner devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Besançon aux fins de constatation de la résiliation du bail, de paiement de l'arriéré des loyers et de règlement d'une indemnité d'occupation.

Par ordonnance rendue le 17 octobre 2023, le juge des référés a :

- condamné la Sarl Brunch La Paloma à payer à la SA Aktya un montant provisionnel de 15 432,94 euros au titre des loyers impayés au 17 septembre 2022, assorti des intérêts au taux légal à compter du 16 août 2022,

- constaté la résiliation du bail du 19 décembre 2016 ayant lié les parties à compter du 17 septembre 2022,

- ordonné l'expulsion de la Sarl Brunch La Paloma et de tous occupants de son chef des locaux situés [Adresse 1], si besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier,

- rejeté la demande d'astreinte,

- condamné la Sarl Brunch La Paloma à payer à la SA Aktya une indemnité d'occupation mensuelle égale à la derniére échéance trimestrielle due, à compter du 17 septembre 2022 jusqu'à la libération effective des lieux,

- condamné la Sarl Brunch La Paloma à payer à la SA Aktya une provision de 1 120 euros à valoir sur la clause pénale,

- condamné la Sarl Brunch La Paloma à payer à la SA Aktya la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Sarl Brunch La Paloma aux dépens.

Pour statuer ainsi, le juge des référés a notamment retenu que la Sarl Brunch La Paloma n'avait pas acquitté les causes du commandement dans le délai d'un mois, de sorte que la résiliation du bail était constatée.

- oOo-

Par déclaration formée le 20 novembre 2023, la Sarl Brunch La Paloma a relevé appel de l'ordonnance en ce qu'elle :

- l'a condamnée à payer un montant provisionnel de 15 432,94 euros au titre des loyers impayés au 17 septembre 2022, assorti des intérêts au taux légal à compter du 16 août 2022,

- a constaté la résiliation du bail du 19 décembre 2016 ayant lié les parties à compter du 17 septembre 2022,

- a ordonné son expulsion et de tous occupants de son chef des locaux situés [Adresse 1], si besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier,

- l'a condamnée à payer une indemnité d'occupation mensuelle égale à la dernière échéance trimestrielle due, à compter du 17 septembre 2022 jusqu'à la libération effective des lieux,

- l'a condamnée à payer une provision de 1 120 euros à valoir sur la clause pénale,

- l'a condamnée à payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamnée aux dépens.

Aux termes de ses uniques conclusions transmises le 27 décembre 2023, elle demande à la cour :

- de juger son appel recevable et fondé,

- d'infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

- de débouter Aktya de l'intégralité de ses demandes,

- de lui accorder les plus larges délais de paiement,

- de suspendre rétroactivement les effets de la clause résolutoire à compter du 17 septembre 2022,

date d'effet de ladite clause résolutoire, durant les délais accordés,

- de juger que la clause résolutoire est réputée ne pas avoir joué,

- de débouter en conséquence Aktya de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause,

- de juger n'y avoir lieu à référé s'agissant des clauses pénales revendiquées par Aktya,

- de débouter en conséquence Aktya de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- de statuer ce que de droit sur les dépens.

- oOo-

Aux termes de ses uniques conclusions transmises le 24 janvier 2024, la société Aktya demande à la cour :

- de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

- de débouter la Sarl Brunch La Paloma de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- de condamner la Sarl Brunch La Paloma à lui payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la Sarl Brunch La Paloma aux entiers dépens de l'instance d'appel.

- oOo-

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 mai 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 13 juin 2024.

Elle a été mise en délibéré au 19 septembre 2024.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

SUR CE, LA COUR

I. Sur la résiliation du bail

La Sarl Brunch La Paloma demande que lui soient rétroactivement accordés les plus larges délais de paiement et au minimum 6 mois, ainsi que la suspension des effets de la clause résolutoire durant ces délais. Elle indique être de bonne foi, que son gérant s'est investi dans son commerce et dans la vie locale, qu'il a reçu des prix, et que les difficultés connues sont indépendantes de sa volonté. Elle ajoute avoir effectué des versements pour apurer l'arriéré de loyers.

La société Aktya relève que la Sarl Brunch La Paloma ne produit aucun élément à l'appui de sa demande permettant d'apprécier sa solvabilité. Elle rappelle que la dette est conséquente et explique avoir, à de multiples reprises, accompagné la société Brunch La Paloma dans ses difficultés en lui ayant consenti des avoirs commerciaux pour l'aider à faire face aux conséquences de la crise sanitaire, outre trois plans d'apurement qui n'ont pas été respectés. Elle fait également état de plusieurs rejets de chèques et indique que tous ces événements démontrent la mauvaise foi de la société Brunch La Paloma. Elle ajoute que les causes du commandement et les condamnations prononcées par l'ordonnance de référé n'ont pas été réglées.

Réponse de la cour :

Aux termes de l'article L.145-41 du code de commerce : 'Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.'

Par ailleurs, selon l'article 1353 du code civil : 'Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.'

En l'espèce, il est observé que la Sarl Brunch La Paloma ne soutient pas son appel portant sur la remise en cause du constat de l'acquisition de la clause résolutoire et de ses conséquences.

La cour n'est donc plus saisie de ces demandes.

Par ailleurs, si la société Brunch La Paloma sollicite des délais de paiement ainsi que la suspension des effets de la clause résolutoire, elle ne produit aucune pièce permettant à la cour d'apprécier sa situation financière, économique ou comptable ou de constater, comme elle l'affirme, qu'elle s'est libérée de l'arriéré dû ou encore qu'elle est en capacité de faire face à la charge mensuelle du loyer.

Compte-tenu de ces éléments, les demandes de délais de paiement et de suspension de la clause résolutoire, ainsi que celle visant à juger que la clause résolutoire est réputée ne pas avoir joué, seront rejetées.

II. Sur la provision de 15 432,94 euros

La Sarl Brunch La Paloma conclut à l'infirmation de l'ordonnance entreprise faute pour la société Aktya d'actualiser sa créance au regard des versements réalisés, soutenant également qu'elle n'a pas été en possession des justificatifs des charges.

La société Aktya indique que la somme de 15 432,94 euros correspond aux loyers et charges impayés à la date de résiliation du bail. Elle mentionne que le décompte de la situation qu'elle avait produit en première instance tenait compte des paiements effectués par la locataire, et indique tenir les justificatifs des charges à la disposition de la Sarl Brunch La Paloma, précisant qu'elle ne les avait jamais réclamés.

Réponse de la cour :

Il est constaté que la dette due par la Sarl Brunch La Paloma résulte de l'extrait de compte locatif détaillé arrêté au 2 août 2022 tel qu'annexé au commandement visant la clause résolutoire, ainsi que du relevé de compte des loyers et charges arrêté au 11 mai 2023 pour la période du 1er janvier 2020 au 30 septembre 2022, lequel est précis et qui détaille, à l'instar de l'extrait joint au commandement, l'ensemble des postes facturés et les sommes portées au débit et au crédit du locataire avec le report des impayés.

La Sarl Brunch La Paloma ne justifie en revanche par aucune pièce des versements qu'elle affirme avoir effectués depuis le commandement de payer visant la clause résolutoire.

La créance de la société Aktya est donc établie, et l'ordonnance déférée sera confirmée en ce qu'elle a condamné la Sarl Brunch La Paloma au paiement du montant provisionnel de 15 432,94 euros.

III. Sur l'indemnité d'occupation

La société Brunch La Paloma fait valoir que la condamnation à une indemnité d'occupation mensuelle égale à la dernière échéance trimestrielle due à compter du 17 septembre 2022 est un non sens dans

la mesure où le loyer n'était pas réglable trimestriellement mais mensuellement, de sorte qu'il n'y avait pas d'échéance trimestrielle. Elle soutient en outre que la majoration du montant de l'indemnité d'occupation par rapport au loyer prévu présente le caractère d'une clause pénale sérieusement contestable qui ne relève pas du pouvoir du juge des référés.

La société Aktya indique que le montant de l'indemnité d'occupation est simplement égal à la dernière échéance du trimestre précédent et que de ce fait elle ne constitue pas une clause pénale et n'est pas sérieusement contestable.

Réponse de la cour :

Aux termes de l'article 1103 du code civil : 'Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.'

En l'espèce, le bail ayant pris fin le 16 septembre 2022 à minuit, la société locataire, qui ne dispose pas d'un droit au maintien dans les lieux, se trouve donc depuis le 17 septembre 2022 occupante sans droit ni titre, et débitrice d'une indemnité d'occupation.

Sur ce point, le bail prévoit en pages 16 et 17 en son article 'Indemnité d'occupation' :

'Au cas où, après cessation ou résiliation judiciaire ou autre du bail, les lieux ne seraient pas restitués au bailleur, libres de toute occupation, au jour convenu, le preneur ou ses ayants-droits serait redevable d'une indemnité d'occupation mensuelle égale à la dernière échéance trimestrielle due en vertu du présent bail.

Cette indemnité est due dès le jour suivant la fin de la location et ce jusqu'au jour de la restitution des locaux, tout mois commencé étant dû en entier.

Les charges demeurent également dues jusqu'au jour où les lieux sont restitués au bailleur, le tout sans préjudice de tous autres dommages et intérêts.'

L'indemnité d'occupation mensuelle, dont le caractère manifestement excessif invoqué par la société Brunch La Paloma n'est pas démontré, correspond donc bien à la dernière échéance du trimestre précédent pour se terminer au jour de la restitution des lieux.

Etant prévue et déterminée par le bail, le caractère de cette indemnité n'est pas contestable et l'ordonnance entreprise sera confirmée sur ce point.

IV. Sur la provision au titre de la clause pénale

La Sarl Brunch La Paloma fait valoir que la clause pénale à laquelle elle a été condamnée ne relève pas des pouvoirs du juge des référés en ce qu'elle apparaît manifestement excessive et est sérieusement contestable.

La société Aktya rappelle que la clause pénale figure au bail et indique que son montant, qui n'est pas manifestement excessif eu égard au montant mensuel du loyer et à la dette, procède d'une juste application du contrat.

Réponse de la cour :

Le contrat de bail mentionne en page 10 à l'article 'Dépôt de garantie' :

' Dans le cas de résiliation du présent bail par suite d'inexécution d'une des conditions ou pour une cause quelconque imputable au Preneur, le dépôt de garantie restera acquis au Bailleur à titre de premiers dommages intérêts, sans préjudice de tous autres'.

Si cette clause s'analyse en une clause pénale, elle n'en demeure pas moins licite et légitime en ce que le montant de la pénalité, qui correspond à deux mois de loyer hors taxes, soit 1 120 euros, est parfaitement prévisible et ne présente aucun caractère manifestement excessif au regard de l'importance de la dette qui procède de l'inexécution par la locataire de son obligation de régler le loyer et les charges.

Etant prévue et déterminée par le bail, la pénalité n'est pas sérieusement contestable et le juge des référés n'excède pas ses pouvoirs en allouant au bailleur, à titre de provision sur le montant d'une clause pénale, la somme qui est justifiée.

L'ordonnance entreprise sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a condamné la Sarl Brunch La Paloma à payer à la SA Aktya une provision de 1 120 euros.

V. Sur les dépens et sur les frais irrépétibles

L'ordonnance déférée sera confirmée sur les dépens et sur les frais irrépétibles.

La Sarl Brunch La Paloma sera condamnée aux dépens d'appel.

Elle sera en outre condamnée à payer à la société Aktya la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

DEBOUTE la Sarl Brunch La Paloma de ses demandes visant :

- à lui accorder les plus larges délais de paiement,

- à suspendre rétroactivement les effets de la clause résolutoire,

- à juger que la clause résolutoire est réputée ne pas avoir joué ;

CONFIRME, dans les limites de l'appel, l'ordonnance rendue le 17 octobre 2023 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Besançon en toutes ses dispositions ;

Y AJOUTANT

CONDAMNE la Sarl Brunch La Paloma aux dépens d'appel ;

CONDAMNE la Sarl Brunch La Paloma à payer à la société anonyme d'économie mixte Aktya L'immobilier d'entreprises du grand Besançon la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.