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Décisions

CA Besançon, 1re ch., 19 septembre 2024, n° 23/01971

BESANÇON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

El Feddane (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Wachter

Conseillers :

Mme Willm, M. Saunier

Avocats :

Me Levy, Me Leroux, Me Perrey

TJ Besançon, du 26 sept. 2023, n° 23/001…

26 septembre 2023

EXPOSE DU LITIGE, DE LA PROCEDURE ET DES PRETENTIONS

Le 6 juin 2017, M. [H] [N] a donné à bail commercial à M. [M] [W] un local sur trois niveau situé [Adresse 3] - [Adresse 2] à [Localité 4].

Un commandement de payer les loyers visant la clause résolutoire inscrite au bail a été signifié à M. [M] [W] le 23 mai 2023 et par acte du 3 août 2023, le bailleur l'a fait assigner devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Besançon aux fins de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire, de résiliation du bail, de paiement de l'arriéré des loyers et de règlement d'une indemnité d'occupation.

Par ordonnance rendue le 26 septembre 2023, le juge des référés a :

- condamné M. [M] [W] à payer à M. [H] [N] un montant provisionnel de 12 030,01 euros au titre de l'arriéré de loyers et de charges au 3 août 2023, avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer du 23 mai 2023 sur la somme de 3 170 euros et à compter de l'ordonnance pour le surplus,

- constaté la résiliation du bail du 6 juin 2017 ayant lié les parties à compter du 24 juin 2023,

- ordonné l'expulsion de M. [M] [W] et de tous occupants de son chef des locaux situés [Adresse 3] - [Adresse 2], édifiés sur la parcelle cadastrée section AY n°[Cadastre 1] à [Localité 4], si besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier,

- condamné M. [M] [W] à payer à M. [H] [N] une indemnité d'occupation journalière de 44,12 euros à compter du 24 juin 2023 jusqu'à la libération effective des lieux, cette indemnité devant être fixée sur l'indice du coût de la construction si l'occupation devait se prolonger plus d'une année après l'acquisition de la clause résolutoire, l'indice de base étant le dernier paru à la date de l'acquisition de la clause résolutoire,

- condamné M. [M] [W] à payer à M. [H] [N] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [M] [W] aux dépens.

Pour statuer ainsi, le juge des référés a notamment retenu que les pièces produites permettaient d'établir le caractère non sérieusement contestable de l'obligation, que M. [W] n'avait pas acquitté les causes du commandement dans le délai d'un mois, et qu'il était redevable d'une indemnité d'occupation.

- oOo-

Par déclaration formée le 7 décembre 2023, M. [M] [W] a relevé appel de l'ordonnance en toutes ses dispositions.

Aux termes de ses uniques conclusions transmises le 5 janvier 2024, il demande à la cour :

- de dire et juger son appel recevable et bien fondé,

- de réformer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

En conséquence,

- de suspendre l'acquisition de la clause résolutoire,

- de lui accorder des délais de paiement de 24 mois pour rattraper son retard de loyer.

- oOo-

Aux termes de ses uniques conclusions transmises le 2 février 2024, M. [H] [N] demande à la cour :

A titre principal

- de confirmer l'ordonnance de référé du 26 septembre 2023 en toutes ses dispositions,

- de juger que la situation de M. [M] [W] ne justifie pas l'octroi de délais de paiement et la suspension des effets de la clause résolutoire,

- de débouter M. [M] [W] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions et singulièrement en ce qu'elles tendent à l'octroi de délais de paiement et à la suspension des effets de la clause résolutoire,

Ajoutant à l'ordonnance du 26 septembre 2023

- de condamner M. [M] [W], par provision, à lui payer la somme de 6 607,26 euros, sauf à parfaire, correspondant à l'arriéré de loyer, charges et/ou indemnité d'occupation au jour de la rédaction des écritures,

- de condamner M. [M] [W] au paiement des dépens d'appel et de la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire

S'il devait être fait droit à la demande d'infirmation de l'ordonnance et aux demandes de M. [W] tendant à l'octroi de delais de paiement et à la suspension des effets de la clause résolutoire,

- de juger, ordonner que M. [W] devra s'acquitter de la dette locative soit 18 637,27 euros en 12 mensualités égales de 13 900 euros et la quatrième de 1 553,11 euros en sus du montant du loyer contractuel courant,

- de fixer le point de départ de cet échéancier au mois suivant la signification de l'arrêt, l'échéance devant être payée avant le 10 de chaque mois,

- de juger, ordonner qu'en cas de non-respect de cet échéancier et en l'absence de paiement d'une seule échéance de ce remboursement ou du paiement du loyer courant au plus tard le 10 de chaque mois, l'intégralité de la dette deviendra immédiatement exigible et la clause résolutoire contenue à l'acte retrouvera son plein effet avec toutes les conséquences ordinaires en pareille matière comme il est dit à l'ordonnance dont appel en terme d'expulsion et de provision à valoir sur l'indemnité d'occupation, cela sans qu'il y ait lieu à mise en demeure préalable,

- d'ordonner ainsi à défaut de respect d'une seule échéance, en conséquence, l'expulsion de M. [W] des locaux objets du bail régularisé le 6 juin 2017, ainsi que de toutes personnes dans les lieux de son chef, et ce, avec l'assistance de la force publique s'il y a lieu,

- de dire et juger dans cette hypothèse que les meubles et objets mobiliers se trouvant sur place donneront lieu à l'application des dispositions des articles L. 433-1 et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

- de condamner M. [W] par provision à lui payer une indemnité d'occupation journalière de 44,12 euros, charges et taxes en sus, à compter de l'acquisition de la clause résolutoire le 24 juin 2023, et ce, jusqu'à la libération effective des locaux,

- de juger que si l'occupation devait se prolonger plus d'une année après l'acquisition de la clause résolutoire, l'indemnité d'occupation ainsi fixée serait indexée sur l'indice du coût de la construction conformément aux dispositions du bail, l'indice de base étant le dernier paru à la date de l'acquisition de la clause résolutoire,

- de confirmer pour le surplus l'ordonnance du 26 septembre 2023,

- de condamner M. [M] [W] au paiement des dépens d'appel et de la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- oOo-

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 mai 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 13 juin 2024.

Elle a été mise en délibéré au 19 septembre 2024.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

SUR CE, LA COUR

Il est constaté que M. [M] [W] ne soutient pas son appel portant sur la remise en cause du constat de l'acquisition de la clause résolutoire et de ses conséquences, ainsi que sur le montant provisionnel de 12 030,01 euros au titre de l'arriéré de loyers et de charges.

La cour nest donc plus saisie de ces demandes.

I. Sur la suspension de la clause et les délais de paiement

M. [M] [W] fait valoir qu'il a toujours réglé ses loyers et que s'il connaît des retards, il met tout en oeuvre pour les apurer. Il soutient avoir réglé la somme de 1 000 euros en décembre, en plus du loyer courant, et indique s'engager à régler le solde mais sur deux années. Il reproche au bailleur, nécessairement conscient de ses difficultés à exécuter le bail et de payer le loyer, de ne lui avoir fait aucune proposition de résolution amiable du litige.

M. [H] [N] s'oppose à la demande en indiquant que son locataire ne s'est acquitté ni des causes du commandement visant la clause résolutoire, ni des condamnations prononcées par l'ordonnance de référé, et que s'il a procédé, le 19 décembre 2023, à un versement de 1 000 euros, celui-ci ne s'est pas ajouté au loyer courant.

Réponse de la cour :

Aux termes de l'article L.145-41 du code de commerce : 'Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.'

Par ailleurs, selon l'article 1353 du code civil : 'Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.'

En l'espèce, si M. [M] [W] sollicite des délais de paiement ainsi que la suspension des effets de la clause résolutoire, il ne produit aucune pièce permettant à la cour d'apprécier sa situation financière, économique ou comptable et de constater, comme il l'affirme, qu'il met tout en oeuvre pour se libérer de l'arriéré dû.

Le seul versement justifié est celui du 19 décembre 2023 de 1 000 euros, qui n'est pas discuté, et M. [M] [W] ne démontre pas qu'il se trouve en capacité de faire face à la charge financière mensuelle qu'il invoque.

Ses demandes de délais de paiement et de suspension de la clause résolutoire seront en conséquence rejetées.

II. Sur la demande de condamnation à la somme de 6 607,26 euros

M. [H] [N] rappelle que la provision de 12 030,01 euros à laquelle M. [W] a été condamné était fixée sur la base de son décompte arrêté au 31 août 2023. Il explique que les loyers mentionnés ne prenaient pas en compte l'indexation à laquelle ils étaient soumis par application de la clause du bail, et demande que M. [W] soit désormais condamné aux loyers indexés pour les périodes pour lesquelles le loyer n'a pas été régulièrement versé, soit depuis le mois de juillet 2022, ainsi que l'application de la clause pénale inscrite au bail. Il sollicite en conséquence une provision complémentaire de 6 607,26 euros, comprenant également le coût du commandement de payer.

M. [M] [W] ne conclut pas sur ce point.

Réponse de la cour :

Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Sur l'indexation automatique

Le contrat de bail prévoit en son article 6 que 'le loyer ci-avant sera soumis à indexation annuelle et sera augmenté ou diminué de plein droit proportionnellement à la variation de l'indice des loyers commerciaux (ILC) publié par l'INSEE', et que 'sera retenu comme indice de référence initial l'indice du 3ème trimestre 2016 soit 108,56. L'indice de comparaison servant au calcul de la révision du loyer sera celui du même trimestre publié et connu à la date d'échéance du terme annuel. La première révision interviendra à la date anniversaire de la prise d'effet du bail.'

Conformément au caractère automatique de cette clause d'indexation, le bailleur peut donc en faire application, sans formalisme particulier, sous réserve de la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil.

Sur ce point, il ressort des décomptes produits (pièces L'héritier N°9 et 10), qui ne sont contredits par aucune pièce, que par application de la clause d'indexation automatique du loyer, les sommes dues par M. [M] [W] au titre des loyers et charges locatives s'élèvent à un total de 16 790,17 euros.

Sur la clause pénale

Aux termes de l'article 4 du contrat de bail : 'En cas de retard de paiement du loyer ou de ses accessoires, une majoration au taux de 10 % sera appliquée à titre forfaitaire et irrédictible aux sommes impayées, sans mise en demeure préalable, pour couvrir le bailleur tant des dommages pouvant résulter de ce retard que des frais exposés pour leur recouvrement'.

Appliqué aux sommes dues, soit 16 790,17 euros, le montant de la clause pénale s'élève à 1 679,01 euros.

Sur la provision

Compte-tenu de ce qui précède, la créance de M. [H] [N] s'établit comme suit :

- loyers indexés : 16 790,17 euros

- indemnité de 10 % : 1 679,02 euros

- commande de payer : 168,08 euros

- à déduire : - 12 030,01 euros

Total : 6 607,26 euros

Il sera en conséquence fait droit à la demande et M. [M] [W] sera condamné, par provision, à payer à M. [H] [N] la somme de 6 607,26 euros.

III. Sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

L'ordonnance entreprise sera confirmée sur les dépens et les frais irrépétibles.

M. [M] [W] sera condamné aux dépens d'appel.

Il sera en outre condamné à payer à M. [H] [N] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 26 septembre 2023 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Besançon ;

DEBOUTE M. [M] [W] de ses demandes de délais de paiement et de suspension de la clause résolutoire ;

Y AJOUTANT

CONDAMNE M. [M] [W] à payer à M. [H] [N] une provision de 6 607,26 euros ;

CONDAMNE M. [M] [W] aux dépens d'appel ;

CONDAMNE M. [M] [W] à payer à à M. [H] [N] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été signé parMichel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.