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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-9, 19 septembre 2024, n° 23/13343

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 23/13343

19 septembre 2024

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 19 SEPTEMBRE 2024

N° 2024/ 469

Rôle N° RG 23/13343 N° Portalis DBVB-V-B7H-BMCHS

[U] [B]

C/

LE FONDS COMMUN DE TITRISATION ABSUS

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Charlotte GAUCHON

Me Anne-Hélène REDE-TORT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l'exécution de MARSEILLE en date du 17 Octobre 2023 enregistré au répertoire général sous le n° 23/02617.

APPELANTS

Madame [U] [B]

née le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 5]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 3]

représentée et assistée par Me Charlotte GAUCHON de la SELARL SOLENT AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉ

LE FONDS COMMUN DE TITRISATION ABSUS, ayant pour société de gestion la société IQ EQ MANAGEMENT, SAS immatriculée au RCS de Paris sous le n° 431 252 121, dont le siège social sis [Adresse 4], et représenté par son entité en charge du recouvrement, la société MCS TM, SAS immatriculée au RCS de Paris sous le n° 982 392 722, ayant son siège social sis [Adresse 2]

venant au droit du FONDS COMMUN DE TITRISATION HUGO CREANCES IV

Intervenant volontaire

représenté par Me Anne Hélène REDE-TORT, avocat au barreau de MARSEILLE

assisté de Me Olivier TAMAIN de la SCP MTBA AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 19 Juin 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Pascale POCHIC, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Evelyne THOMASSIN, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Septembre 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Septembre 2024,

Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure et prétentions des parties

Déclarant agir en vertu d'un jugement contradictoire rendu le 1er mars 2000 par le tribunal de commerce de Marseille et signifié à Mme [U] [B] le 8 mars suivant, le fonds commun de titrisation (FCT) Hugo Créances IV ayant pour société de gestion la SAS Equitis Gestion et représenté par la SAS MCS et Associés, venant aux droits de la banque Chaix en vertu d'un bordereau de cession de créances du 18 décembre 2015 soumis aux dispositions du code monétaire et financier, a fait pratiquer le 31 janvier 2023 une saisie-attribution des comptes bancaires de Mme [B] pour le recouvrement de la somme de 214 855,14 euros en principal intérêts et frais. La saisie s'et révélée fructueuse à hauteur de la somme de 7229,32 euros.

Dans le mois de la dénonce Mme [B] a saisi le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Marseille de contestations de cette saisie, invoquant la nullité du procès-verbal de signification du jugement la fondant, le défaut de pouvoir de la société MCS et Associés à représenter le FCT, le défaut de qualité de créancier de ce fonds, la prescription du titre exécutoire, outre le caractère abusif des clauses du contrat de prêt et de cautionnement.

Le FCT Hugo Créances IV s'est opposé à l'ensemble de ces contestations et demandes et par jugement du 17 octobre 2023 le juge de l'exécution a :

' déclaré la contestation de Mme [B] recevable ;

' l'a déboutée de l'ensemble de ses prétentions ;

' validé la saisie-attribution pratiquée à la requête du FCT entre les mains de la BNP Paribas selon procès-verbal du 31 janvier 2023 ;

' dit que le tiers saisi paiera le créancier, conformément aux dispositions de l'article R211-13 du code des procédures civiles d`exécution, après notification aux parties de la décision, sur présentation de celle-ci ;

' condamné Mme [B] aux dépens de procédure ;

' débouté le FCT de sa demande formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [B] a relevé appel de cette décision dans les quinze jours de sa notification par déclaration au greffe du 27 octobre 2023.

Par conclusions du 11 janvier 2024 le FCT Absus ayant pour société de gestion la société IQ EQ Management (anciennement dénommée Equitis Gestion) représenté par son entité en charge du recouvrement la société MCS TM est venu aux droits du fonds commun de titrisation Hugo Créances IV, en vertu d'un bordereau de cession de créances du 21 décembre 2023.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 17 mai 2024 auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé complet de ses moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, l'appelante demande à la cour de :

In limine litis,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la contestation de Mme [B] recevable;

- l'infirmer pour le surplus

Statuant à nouveau in limine litis,

- prononcer la nullité du procès-verbal en date du 8 mars 2000 délivré par exploit de Mes [K] [P] [F] et [X] [I], contenant signification du jugement du 1er mars 2000 rendu par le tribunal de commerce de Marseille ;

En conséquence,

- prononcer la nullité de la saisie-attribution pratiquée le 31 janvier 2023 et sa dénonce du 6 février 2023;

- ordonner la mainlevée de ladite saisie ;

Sur l'exercice du droit au retrait litigieux,

- déclarer recevable Mme [B] dans sa volonté d'exercer son droit de retrait envers le FCT;

- fixer le prix de la créance du FCT sur Mme [B] d'une valeur faciale de 314 855,14 euros à 28 336,96 euros ;

En conséquence,

- dire que le droit de retrait de Mme [B] s'exercera à hauteur de la somme de 28 336,96 euros; Sur le fond

- infirmer le jugement rendu entrepris en ce qu'il a débouté Mme [B] de ses demandes, validé la saisie-attribution contestée, dit que le tiers saisie devra payer le créancier et condamné la demanderesse aux dépens ;

Statuant à nouveau

- constater l'expiration du delai de dix ans pour agir en exécution du jugement du 1er mars 2000 et subséquemment la prescription de cette créance ;

- déclarer prescrite l'action du FCT en recouvrement, sur le fondement du jugement du 1er mars 2020 ;

- débouter le FCT de toutes ses demandes, fins et conclusions, portant sur un titre exécutoire prescrit ;

En tout état de cause,

- sommer la société MCS Et Associés de produire l'acte de cautionnement, et le contrat de prêt à l'origine du titre exécutoire sous astreinte de 10 euros par jour de retard ;

- condamner le FCT Absus à payer Mme [B] la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de la saisie-attribution pratiquée le 31 janvier 2023 sur le fondement d'un titre prescrit ;

- le condamner au paiement d'une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Pour prétendre à la nullité de la saisie-attribution litigieuse l'appelante invoque, au visa de l'article 7 de la loi du 27 décembre 1923 relative à la suppléance des huissiers et à la création des clercs assermentés, la nullité de l'acte de signification du jugement qui la fonde et partant l'absence de titre exécutoire. Elle rappelle en effet que c'est un clerc qui a procédé à ces formalités de signification et soutient que son acte ne comporte aucune mention de signification à personne, à domicile ou à étude. Il se contente d'indiquer que le jugement a été remis « au destinataire par clerc assermenté suivant les déclarations qui lui ont été faites » mais il n'y a aucune information sur ces « déclarations ». On ne peut donc considérer que l'huissier a visé les mentions faites sur l'original puisque cet acte n'en comporte pas. Cette irrégularité lui a causé grief dès lors qu'elle s'est trouvée privée de la possibilité d'interjeter appel de ce jugement et qu'elle est demeurée dans l'ignorance de ce que le point de départ de la capitalisation des intérêts de retard fixés par la décision avait commencé à courir.

Elle invoque par ailleurs son droit au retrait litigieux qui est recevable puisque sa contestation sur le fond du droit était en cours à la date de la cession intervenue entre les deux fonds commun de titrisation et le demeure à la date de ses écritures d'appel. Elle chiffre ce droit de retrait à la somme de 28 336,96 euros au regard de l'acte de cession de créances dont il ressort que le FCT Hugo Créances IV a cédé 32189 créances au prix de 30 621 776,86 euros dont la valeur faciale est de 336 623 770,56 euros.

Elle soulève en outre la prescription du titre exécutoire qui n'a pas été interrompue, comme le prétend le créancier, par la mise en oeuvre d'une saisie de ses rémunérations dont elle n'a pas été informée et dont elle ne trouve d'ailleurs pas trace sur ses bulletins de salaire de 2004 à 2009 et le prétendu tiers saisi, la société Beny, n'était plus son employeur depuis 2009. Elle a par la suite exercé une activité indépendante.

Elle affirme, relevés bancaires à l'appui, qu'elle n'a effectué aucun règlement volontaire en 2017 ou 2018 contrairement à ce que mentionne le décompte de l'huissier de justice. C'est M. [W] [N] qui à l'origine de ces règlements dont il ne l'a pas informée, ainsi qu'il l'atteste. Ces paiements effectués à son insu ne sont donc pas interruptifs de prescription.

Elle invoque un préjudice financier résultant de la saisie-attribution qui l'a mise en difficulté vis à vis de ses propres créanciers et en demande réparation à hauteur de la somme de 3 000 euros.

Enfin, pour permettre à la cour de procéder au contrôle des clauses abusives contenues dans le contrat de prêt et le contrat de cautionnement qu'elle a souscrit auprès de la Banque Chaix en qualité de consommatrice et qui a donné lieu au jugement de condamnation fondant la saisie en cause, lequel jugement n'a pas procédé à la vérification du caractère abusif de ces clauses, elle demande que le FCT soit sommé de produire ces deux contrats sous astreinte.

Par dernières écritures notifiées le 21 mai 2024, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé complet de ses moyens, le FCT Abus ayant pour société de gestion la SAS IQ EQ Management, représenté par son entité en charge du recouvrement la société MCS TM demande à la cour de :

A titre préliminaire :

- prendre acte de la cession de créances intervenue à profit ;

- déclarer son intervention volontaire recevable ;

- prononcer la mise hors de cause du fonds commun de titrisation Hugo Créances IV, ayant pour société de gestion la IQ EQ Management anciennement dénommée Equitis Gestion et représenté par la SAS MCS et Associés ;

A titre principal :

- débouter Mme [B] des fins de ses contestations et de l'ensemble de ses demandes

En conséquence,

- confirmer en toutes ses dispositions, le jugement entrepris ;

Y ajoutant :

- condamner Mme [B] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Le FCT Absus rappelle en premier lieu, l'acte de cession de créances intervenu à son profit le 21 décembre 2023 en application des articles L.214-168 et suivants du code monétaire et financier prenant effet à la date du bordereau de cession de créances opposable à Mme [B] dès la remise de bordereau à l'organisme de titrisation sans autre formalité.

Il soutient la parfaite régularité de l'acte de signification du jugement fondant la saisie-attribution querellée qui a été remis à la personne de Mme [B] ainsi qu'il ressort des mentions de l'acte, visé par l'huissier de justice comme indiqué au procès-verbal dont les mentions font foi jusqu'à inscription de faux. L'appelante ne peut en outre se prévaloir d'un quelconque grief alors que cet acte a été délivré entre ses mains.

Il conteste l'existence d'un droit de retrait litigieux tardivement invoqué par la débitrice, alors que le fond du droit a été définitivement tranché par le jugement rendu le 1er mars 2000 fondant les poursuites, et que le juge de l'exécution ne peut le remettre en cause.

Il consacre par ailleurs des développements sur la qualité de créancier du FCT Hugo Créances IV, la désignation de la société de gestion de ce fonds et de son recouvreur puis sur l'identification de la créance cédée à ce même fonds et son opposabilité à la débitrice.

Le FCT Absus affirme par ailleurs que la prescription du titre exécutoire devenue décennale, n'était pas acquise au jour de la saisie en cause puisqu'elle a été interrompue par la saisie des rémunérations de Mme [B] ordonnée le 9 avril 2003 et dont l'effet interruptif se prolonge pendant toute la durée de cette voie d'exécution, en l'espèce jusqu'au mois de juin 2019 date des répartitions faites par le greffe, ou à tout le moins jusqu'au 27 septembre 2018 qui correspond au dernier versement effectué par le tiers saisi.

Il estime que Mme [B] ne peut prétendre ne pas avoir été informée de la saisie de ses rémunérations alors qu'en vertu des articles R.145-9 et R.145-12 du code du travail elle a été nécessairement convoquée à l'audience de conciliation.

De même, elle ne peut soutenir que l'ensemble des versements effectués l'auraient été à son insu alors qu'ils ont été adressés directement à la juridiction dans le cadre de cette saisie des rémunérations par la société Beny, puis par le mandataire de cette société Me [G], dans le cadre de la procédure collective, et par M. [W] [N], en leur qualité d'employeurs tiers saisis de Mme [B]. Les bulletins de salaire qu'elle produit ne suffisent pas à démontrer qu'elle n'avait pas connaissance de cette saisie et des versements effectués, alors qu'elle avait été régulièrement convoquée et qu'en vertu de l'article R.145-19 du code du travail, la saisie se poursuit entre les mains du nouvel employeur. En tout état de cause le créancier n'a pas non plus à pâtir de l'absence de mise à jour de la situation.

Il soutient que le juge de l'exécution ne pouvant remettre en cause l'autorité de chose jugée par

le titre exécutoire, Mme [B] ne peut lui demander de statuer sur le caractère prétendument abusif des clauses des contrats de prêt et de cautionnement. En outre les dispositions de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 dont se prévaut l'appelante ne sont pas applicables puisque Mme [B] s'est portée caution au titre des engagements professionnels de la société NBK et a d'ailleurs été condamnée par le tribunal de commerce.

L'instruction de l'affaire a été déclarée close par ordonnance du 22 mai 2024.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

* Sur l'intervention volontaire du FCT Absus :

Cette intervention volontaire ne fait pas l'objet de critique. Elle est justifiée par la production au dossier du bordereau de cession de créances entre deux fonds communs de titrisation, en date du 21 décembre 2023, comprenant celle détenue à l'encontre de Mme [B] et d'autre part, la lettre de désignation de la SAS MCS TM pour procéder au recouvrement des créances ;

En vertu de l'article L.214-169 V, 2° du code monétaire et financier cette cession de créances réalisée par voie du bordereau est opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise, quelle que soit la date de naissance, d'échéance ou d'exigibilité des créances, sans qu'il soit besoin d'autre formalité ;

En qualité de titulaire de la créance objet des poursuites contestées, le FCT Absus est recevable à intervenir volontairement à la présente procédure aux lieu et place du FCT Hugo Créances IV.

Son intervention volontaire doit être déclarée recevable.

* Sur la recevabilité de la contestation formée par Mme [B] :

La recevabilité de cette contestation présentée dans les formes et délais prévus par l'article R.211-1 du code des procédures civiles d'exécution , n'est pas discutée et sera en conséquence confirmée.

* Sur la nullité de la saisie-attribution :

L'appelante soutient la nullité de la saisie, en raison, faute de signification régulière du jugement la fondant, de l'absence de titre exécutoire ;

Il ressort des productions que le jugement rendu le 1er mars 2000 par le tribunal de commerce qui fonde la saisie-attribution a été signifié à Mme [B] par acte du 8 mars 2000 qui mentionne « remis au destinataire par clerc assermenté suivant les déclarations qui lui ont été faites » ;

Il est vainement soutenu que l'huissier n'a pu dans ces conditions, viser les mentions faites sur l'original qui ne contient aucune information sur ces « déclarations », alors que cette indication

démontre que l'acte a été remis à sa destinataire, l'huissier n'étant en outre pas tenu de vérifier

l'identité de la personne qui déclare être le destinataire de l'acte ;

Le jugement de condamnation ayant été régulièrement signifié conformément aux dispositions de l'article 654 du code de procédure civile, le rejet de la demande de nullité de la saisie sera confirmé.

* Sur le droit au retrait litigieux :

L'article 1699 du code civil dispose que « celui contre lequel on a cédé un droit litigieux peut s'en faire tenir quitte par le cessionnaire, en lui remboursant le prix réel de la cession avec les frais et loyaux coûts, et avec les intérêts à compter du jour où le cessionnaire a payé le prix de la cession à lui faite » ;

Cette procédure de retrait litigieux permet au débiteur dont la créance faisait l'objet d'un litige et a été cédée, de désintéresser le cessionnaire en lui remboursant le prix auquel cette créance a été cédée. Elle a pour objet d'éviter la spéculation sur les créances litigieuses ;

L'article 1700 du même code énonce que « la chose est censée litigieuse dès qu'il y a procès et contestation sur le fond du droit » ;

Selon une jurisprudence constante, le retrait litigieux est une institution dont le caractère exceptionnel impose une interprétation stricte, il ne peut être exercé que si, antérieurement à la cession, un procès a été engagé sur le bien fondé du droit cédé et qu'au cours de l'instance, celui qui entend exercer le retrait a, en qualité de défendeur, contesté ce droit au fond ;

Or en l'espèce, Mme [B] a qualité de demanderesse dans le cadre de la présente procédure, et en outre sa contestation, soulevée avant la cession de créance entre les deux FCT, maintenue devant la cour, porte sur la prescription de l'action en recouvrement forcé du créancier et non sur le fond du droit qui, ainsi que le rappelle le FCT Absus, a été définitivement tranché par jugement contradictoire du 1er mars 2000 que le juge de l'exécution et la cour statuant à sa suite ne peuvent remettre en cause conformément aux dispositions de l'article R.121-1 du code des procédures civiles d'exécution ;

Il s'ensuit le rejet de la demande.

* Sur la prescription du titre exécutoire :

Le titre exécutoire est constitué par une décision de justice antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, qui avait en conséquence vocation à être exécutée durant 30 ans sur le fondement de l'ancien article 2262 du code civil, soit jusqu'au 1er mars 2030 ;

Il n'est pas discuté que du fait de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, qui a institué un délai de prescription de 10 ans, le jugement irrévocable rendu le 1er mars 2000 à l'encontre de Mme [B] pouvait encore être exécuté jusqu'au 19 juin 2018 ;

L'appelante soutient qu'ainsi la date de la saisie attribution pratiquée le 31 janvier 2023, l'action en recouvrement forcé était prescrite, n'ayant pas été interrompue par une saisie de ses rémunérations dont elle n'a pas été informée et qu'elle n'a pas subie ;

En vertu de l'article 2231 du code civil l'interruption de la prescription efface le délai de prescription acquis et fait courir un nouveau délai de même durée que l'ancien ;

Et selon les articles 2241 et 2242 du même code le délai de prescription est interrompu par une demande en justice qui produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance ;

Il est jugé que le seul dépôt de la requête aux fins de conciliation, qui tend à la convocation du débiteur devant le tribunal d'instance aux fins de saisie de ses rémunérations, équivaut à la citation en justice visée à l'article 2241 du code civil, sans qu'il soit nécessaire de justifier que cette requête avait été portée à la connaissance ;

L'effet interruptif se prolonge pendant toute la durée de la saisie des rémunérations ;

En l'espèce, il ressort des pièces produites que la Banque Chaix, créancier originaire, a déposé une requête aux fins de saisie des rémunérations de Mme [B] au début de l'année 2003 suivie d'un procès verbal de non conciliation du 29 avril 2003 ;

La fiche comptable dressée par le greffe démontre que des règlements ont été effectués dans le cadre de cette saisie à compter du 4 novembre 2004 jusqu'au 21 septembre 2018 par la société Beny, puis son liquidateur et enfin , à partir du 20 avril 2012, par M. [W] [O] [N] qui atteste que Mme [B] n'était pas informée de ces versements ;

Mme [B], elle même soutient l'absence de contrat de travail la liant à un employeur postérieurement au mois de mars 2009 et communique ses relevés de comptes pour les années 2017 et 2018 sur lesquels ne figure pas de règlement à destination du greffe.

Toutefois il est démontré que l'ensemble des versements ont été effectivement adressés à la juridiction, réalisés dans le cadre de la saisie des rémunérations de la débitrice, de sorte que leur existence est établie et qu'ils ont donc valablement interrompu la prescription en sorte qu'à la date de la saisie-attribution contestée, pratiquée le 31 janvier 2023 la prescription du titre n'était pas acquise ;

Le rejet de cette fin de non recevoir mérite donc confirmation.

* Sur la caractère abusif des clauses du contrat de prêt et de cautionnement :

L'appelante indique que le tribunal de commerce n'a pas procédé à l'examen du caractère abusif des clauses de ces contrats de sorte qu'il incombe au juge de l'exécution d'y procéder en enjoignant le FCT à produire sous astreinte, les contrats à l'origine du titre exécutoire ;

Le FCT oppose les dispositions de l'article R.121-1 alinéa 1er du code des procédures civiles d'exécution selon lequel le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites ni en suspendre d'exécution ;

Mais les jurisprudences européenne et nationale concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs retiennent que l'autorité de chose jugée ne fait pas obstacle à ce que le juge national soit tenu d'apprécier, sur la demande des parties ou d'office, le caractère éventuellement abusif d'une clause, même au stade d'une mesure d'exécution forcée, dès lors que cet examen n'a pas déjà été effectué à l'occasion du précédent contrôle juridictionnel ayant abouti à la décision revêtue de l'autorité de la chose jugée, et que le juge dispose des éléments de fait et de droit pour y procéder ;

Toutefois ainsi qu'exactement retenu par le premier juge, l'engagement de caution souscrit par Mme [B] l'a été dans le cadre du prêt professionnel accordé par la Banque Chaix à la SARL NBK qui a été placée en liquidation judiciaire et la banque a déclaré sa créance au titre d'un solde débiteur de compte courant et d'effets de commerce escomptés échus impayés.

Il en résulte que l'appelante, condamnée à paiement par le tribunal de commerce, n'était pas une non-professionnelle, au sens de l'article L. 132-1 devenu L.212-1 du code de la consommation, de sorte que le juge de l'exécution n'était pas tenu de procéder à la vérification du caractère abusif des clauses contractuelles.

Le jugement sera en conséquence confirmé sur ce point et sur la qualité à agir du FCT Hugo Créances IV, créancier poursuivant, qui ne fait pas l'objet de critique ;

* Sur la demande de dommages et intérêts :

La solution donnée au litige conduit à écarter la demande de dommages et intérêts présentée par l'appelante pour abus de saisie.

* Sur les dépens et frais irrépétibles :

Leur sort a été exactement réglé par le premier juge qui sera confirmé de ces chefs.

A hauteur de cour, il convient d'accorder au FCT, contraint d'exposer de nouveaux frais pour se défendre, une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dans les conditions précisées au dispositif ci-après. Partie perdante, l'appelante ne peut prétendre au bénéfice de ces dispositions et supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant après en avoir délibéré conformément à la loi, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,

REÇOIT l'intervention volontaire du FCT Absus ayant pour société de gestion la SAS IQ EQ Management, représenté par son recouvreur la SAS MCS TM, venant aux droits du FCT Hugo Créances IV ayant pour société de gestion la SAS IQ EQ Management ;

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y Ajoutant,

CONDAMNE Mme [U] [B] à payer au FCT Absus ayant pour société de gestion la SAS IQ EQ Management, la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE Mme [U] [B] de sa demande à ce titre ;

LA CONDAMNE aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE