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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-5, 19 septembre 2024, n° 24/01787

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 24/01787

19 septembre 2024

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 57B

Chambre civile 1-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 19 SEPTEMBRE 2024

N° RG 24/01787 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WNNU

AFFAIRE :

S.A.S. WOUARF EXERÇANT SOUS L'APPELLATION SPEECHI-EBEAM F RANCE

C/

S.A.S. SCC FRANCE

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 01 Mars 2024 par le Président du TC de Nanterre

N° RG : 24/00135

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 19.09.2024

à :

Me Jean GRESY, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Oriane DONTOT, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S. WOUARF

Exerçant sous l'appellation SPEECHI-EBEAM F RANCE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Jean GRESY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 93 - N° du dossier 240325

Plaidant : Marine MARBACH, du barreau de Lille (367)

APPELANTE

****************

S.A.S. SCC FRANCE

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 424 982 650 (Rcs NANTERRE)

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617

Plaidant : Me Thierry DAL FARRE, du barreau de Paris (P261)

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Juillet 2024, Monsieur Thomas VASSEUR, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Thomas VASSEUR, Président,

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère,

Madame Marina IGELMAN, Conseillère,

qui en ont délibéré,

Greffière lors des débats : Mme Elisabeth TODINI

EXPOSE DU LITIGE

La société Wouarf, qui exerce sous le nom commercial Speechi et qui produit des écrans et des vidéoprojecteurs, a été en lien avec la société SCC France à l'occasion de marchés publics auxquels cette dernière était partie.

Le 9 mai 2023, l'Union des Groupements d'Achats Publics (UGAP), centrale d'achat ayant le

statut d'établissement public, a engagé une procédure d'appel d'offres portant sur des « solutions de vidéoprojection, solutions interactives et collaboratives et prestations annexes ».

Le marché est constitué de plusieurs lots, eux-mêmes constitués de ce que les parties désignent être des fiches de matériel.

La société SCC France, titulaire du marché public en cours, a présenté dans son offre des produits de la société Wouarf en tant que fournisseur pour 29 fiches de matériel du lot n°2 sur un total de 46. En revanche, pour les fiches n° 10 à 15, la société SCC France a indiqué se fournir auprès d'une autre société, la société Liyama.

Le 17 janvier 2024 le marché a été signé et attribué à la société SCC France.

Exposant avoir appris après cette attribution du marché qu'elle n'avait pas été retenue comme le fournisseur de la société SCC France pour les fiches n° 10 à 15, la société Wouarf l'a mise en demeure, par lettre du 30 janvier 2024, de substituer ses produits à ceux de son concurrent sur les fiches concernées.

Par requête du 5 février 2024, la société Wouarf a saisi le président du tribunal de commerce de Nanterre d'une demande d'autorisation d'assigner la société SCC France en référé d'heure à heure.

Par acte du 5 février 2024, la société Wouarf a fait assigner en référé la société SCC France afin que cette dernière se voie enjoindre de fournir dans le cadre de l'appel d'offres les produits Speechi aux lieu et place des produits de la société concurrente.

La société SCC a soulevé une exception d'incompétence en exposant qu'elle exerçait son activité dans le contexte réglementaire de la commande publique et que le marché était un contrat administratif, insusceptible d'être modifié par le président du tribunal de commerce.

Par ordonnance contradictoire rendue le 1er mars 2024, le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre :

s'est déclaré incompétent pour connaître de l'instance et a renvoyé la société Wouarf à se mieux pourvoir ;

a condamné la société Wouarf à payer à la société SCC France la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

rappelé que l'exécution provisoire est de droit ;

condamné la société Wouarf aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 22 mars 2024, la société Wouarf a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de dispositifs.

Autorisée par ordonnance rendue le 4 avril 2024, la société Wouarf a fait assigner à jour fixe la société SCC France pour l'audience fixée au 3 juillet 2024.

Dans ses dernières conclusions déposées le 26 juin 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Wouarf demande à la cour, au visa des articles 83 et suivants, 917 et suivants, 872, 873 du code de procédure civile, L. 721-3 du code de commerce, 35 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, 1104 et suivants, 1112 et suivants et 1231 et suivants du code civil, de :

'- déclarer l'appel interjeté par la société Wouarf sarl (Speechi) recevable et bien fondé,

- infirmer l'ordonnance rendue le 1er mars 2024 par le président du tribunal de commerce de Nanterre, en ce qu'elle a jugé :

« - nous déclarons incompétent pour connaître de la présente instance et renvoyons la sas Wouarf à se mieux pourvoir,

- condamnons la sas Wouarf à payer à la sas SCC France la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelons que l'exécution provisoire est de droit,

- condamnons la sas Wouarf aux dépens »

statuant de nouveau :

in limine litis,

à titre principal

- juger que le président du tribunal de commerce et la cour d'appel, sont compétents pour connaître du présent litige entre la société Wouarf sarl et la société SCC France,

- évoquer le dossier au fond, sinon renvoyer le dossier devant le président du tribunal de commerce de Nanterre, compétent pour en connaitre au fond,

à titre subsidiaire

- renvoyer au tribunal des conflits le soin de statuer sur cette question de compétence,

à titre infiniment subsidiaire

- juger que le président du tribunal de commerce et la cour d'appel, sont compétents pour connaître, au moins, de la demande de provision sollicitée par la société Wouarf sarl à la société SCC France, en réparation de ses préjudices,

- évoquer le dossier au fond sur cette question, sinon renvoyer le dossier devant le président du tribunal de commerce de Nanterre, compétent pour en connaître au fond.

au fond, dans l'hypothèse où la cour évoquait le dossier,

à titre principal :

- après avoir constaté que l'obligation de la société SCC France de fournir dans le cadre du marché de l'UGAP les produits de la société Wouarf sarl exerçant sous l'enseigne Speechi est non contestable, enjoindre à la société SCC France d'exécuter son obligation contractuelle envers la société Wouarf sarl (Speechi) en fournissant via l'UGAP les produits de la société Wouarf sarl (Speechi) en lieu et place des produits de la société Iiyama ; sinon a minima, de proposer à l'UGAP cette substitution ;

à titre subsidiaire :

- après avoir constaté l'existence d'un trouble manifestement illicite et d'un dommage imminent que subit la société Wouarf sarl (Speechi) depuis le 5 février 2024, enjoindre à la société SCC France d'exécuter son obligation contractuelle envers la société Wouarf sarl (Speechi) en fournissant via l'UGAP les produits de la société Wouarf sarl (Speechi) en lieu et place des produits de la société Iiyama et ce durant toute la durée du marché, soit 4 ans ; sinon a minima, de proposer à l'UGAP cette substitution ;

en toute hypothèse :

- assortir l'injonction ainsi faite à la société SCC France d'une astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard à courir à compter de la décision à intervenir et pour une durée de 12 mois ;

- condamner la société SCC France à payer à la société Wouarf sarl (Speechi) une provision de 50 000 euros à valoir sur son préjudice économique, d'image et de réputation, outre son préjudice moral ;

- débouter la société SCC France de l'ensemble de ses demandes, moyens et fins ;

- condamner la société SCC France à payer à la société Wouarf sarl (Speechi) la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour la première instance, et à une seconde somme de 5 000 euros pour la procédure d'appel ; et aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.'

Au soutien de son appel, la société Wouarf, qui se fonde sur les dispositions de l'article L. 721-3 du code de commerce, indique que toutes les contestations relatives aux engagements entre deux sociétés commerciales relèvent de la compétence du tribunal de commerce et que le tribunal des conflits, de façon constante, retient que si un litige est né de l'exécution d'un marché de travaux publics opposant les participants à l'exécution de ces travaux, ce litige relève de la compétence du juge administratif sauf lorsque les parties en cause sont elles-mêmes unies par un contrat de droit privé et que le litige concerne l'exécution de ce contrat. La société Wouarf fait valoir qu'elle-même et la société SCC sont toutes deux des sociétés commerciales et que le présent litige porte sur l'application d'une obligation contractuelle de la seconde envers la première, à savoir l'engagement de la société SCC auprès de la société Wouarf de fournir dans le cadre de sa soumission aux marchés de l'UGAP les produits de sa cocontractante. Elle ajoute qu'elle-même n'a aucun lien contractuel avec l'UGAP, de sorte que le litige porte sur un contrat de droit privé formé entre les sociétés SCC France et Wouarf, contrat formé en amont, de façon indépendante, à la soumission au marché public. Ajoutant qu'un marché, aux termes de l'article L. 2194-1 du code de la commande publique, peut être modifié sans nouvelle procédure de mise en concurrence dans les conditions prévues par voie réglementaire lorsque les modifications ne sont pas substantielles, ne sont que de faible montant et que l'article R. 2194-7 du même code définit les modifications qui doivent être considérées comme substantielles ou non, la société Wouarf indique que l'exécution de son obligation par la société SCC France ne la conduirait qu'à proposer à l'UGAP des produits ayant des caractéristiques techniques similaires à ceux proposés actuellement.

La société Wouarf indique qu'en tout état de cause, le président du tribunal de commerce n'a pas statué sur sa demande tendant à voir la société SCC France condamnée au paiement d'une provision à valoir sur ses préjudices économiques, d'image et de réputation, outre son préjudice moral, demandes qui ne résultent elles-mêmes que de l'exécution d'un contrat de droit privé. Elle indique que la société SCC France ne conteste pas dans ses écritures en réponse que les juridictions de l'ordre judiciaire sont bien compétentes pour statuer sur cette demande de provision.

Subsidiairement, la société Wouarf considère qu'il convient de saisir le tribunal des conflits, en soulignant que n'ayant elle-même aucun lien contractuel avec l'UGAP, elle est sans intérêt à agir sur le fondement du contrat administratif liant l'UGAP à la société SCC France.

Au fond, si la cour évoque le dossier, la société Wouarf expose qu'elle a déjà travaillé durant huit ans dans le cadre du marché de l'UGAP et que les sociétés Wouarf et SCC France se sont toutes deux de nouveau engagées à collaborer pour le renouvellement de ce marché ; exposant que lors de la réunion d'information du 23 janvier 2024, la société SCC France lui avait finalement indiqué qu'elle fournirait à l'UGAP au titre des fiches 10 à 15 les produits d'une société concurrente, la société Wouarf considère que la société SCC France a manifestement manqué à son engagement et que dans ces conditions, il convient de l'enjoindre immédiatement, compte-tenu du renouvellement du marché prévu le 7 février [la date de l'année n'est pas indiquée dans les conclusions], de remplacer dans son offre les produits de la société concurrente présentés pour les fiches 10 à 15. Elle considère que cette obligation est justifiée par l'urgence et par l'absence de contestation sérieuse. La société Wouarf ajoute que la société SCC France n'a jamais contesté l'équivalence, voire le caractère techniquement supérieur, des produits qu'elle propose par rapport à ceux, issus de la concurrence, qu'a retenus la société SCC France.

À titre subsidiaire, la société Wouarf, se fondant sur l'article 873, alinéa 1er, du code de procédure civile, expose que même s'il existe une difficulté sérieuse relevant de la compétence du juge du fond, le juge des référés peut ordonner à titre conservatoire l'exécution d'un contrat : dès lors que la société SCC France s'est engagée à présenter à l'UGAP les produits de la société Wouarf, notamment sur les fiches 10 à 15, et compte-tenu du dommage imminent tenant à ce que depuis le renouvellement du marché, l'UGAP, centrale d'achat, a référencé sur les produits d'entrée de gamme ceux de la société concurrente et non pas les siens, ce que lui occasionne un préjudice commercial immédiat et qui grandit au fur et à mesure que le temps passe, la société Wouarf indique que les man'uvres de la société SCC France et son manquement ont pour conséquence de mettre en péril, au profit de la société japonaise concurrente, son avenir et la pérennité de son activité.

Elle ajoute que son préjudice financier doit être évalué au 31 mai 2024 à la somme de 276.366 euros, ce qui représente sa perte de marge nette.

Dans ses dernières conclusions déposées le 27 mai 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société SCC France demande à la cour, au visa des articles 35 du décret n°2015-233 du 27 février 2015, 75 et suivants, 81, 872, 873 du code de procédure civile, L. 2194-1 et R. 2194-7 du code de la commande publique, de :

'I. - à titre principal :

- rejeter la demande de renvoi au tribunal des conflits formulée par la société Wouarf ;

- juger la juridiction judiciaire incompétente pour connaître des prétentions de la société Wouarf au profit du tribunal administratif de Melun ;

en conséquence,

- confirmer l'ordonnance de référé du 1er mars 2024 en toutes ses dispositions ;

II. - à titre subsidiaire, si la cour devait totalement ou partiellement infirmer ou réformer l'ordonnance du 1er mars 2024 :

1) s'agissant de la demande d'injonction fondée sur l'article 872 du code de procédure civile :

(i) à titre principal :

- rejeter la demande de renvoi au tribunal des conflits formulée par la société Wouarf ;

- juger la juridiction judiciaire incompétente au profit du tribunal administratif de Melun pour connaître de la demande d'injonction à la société SCC France d'exécuter son obligation contractuelle envers la société Wouarf sarl (Speechi) en fournissant via l'UGAP les produits de la société Wouarf sarl (Speechi) en lieu et place des produits de la société Iiyama et ce durant toute la durée du marché, soit 4 ans ; sinon à minima, de proposer à l'UGAP cette substitution ;

en conséquence,

- renvoyer la société Wouarf sarl (Speechi) à mieux se pourvoir ;

(ii) à titre subsidiaire :

- juger que :

- la condition d'urgence requise par l'article 872 du code de procédure civile n'est pas satisfaite,

- la demande d'injonction d'exécuter son obligation contractuelle envers la société Wouarf sarl (Speechi) en fournissant via l'UGAP les produits de la société Wouarf sarl (Speechi) en lieu et place des produits de la société IIYAMA, sinon a minima, de proposer à l'UGAP cette substitution, est dépourvue d'utilité et de portée ;

- l'obligation dont se prévaut la société Wouarf sarl (Speechi) à l'encontre de la société SCC France est sérieusement contestable ;

- en conséquence, rejeter la demande d'injonction à la société SCC France d'exécuter son obligation contractuelle envers la société Wouarf sarl (Speechi) en fournissant via l'UGAP les produits de la société Wouarf sarl (Speechi) en lieu et place des produits de la société Liyama et ce durant toute la durée du marché, soit 4 ans ; sinon à minima, de proposer à l'UGAP cette substitution ;

2) s'agissant de la demande d'injonction fondée sur l'article 873 du code de procédure civile :

(i) à titre principal :

- rejeter la demande de renvoi au tribunal des conflits formulée par la société Wouarf ;

- juger la juridiction judiciaire incompétente au profit du tribunal administratif de Melun pour connaître de la demande d'injonction à la société SCC France d'exécuter son obligation contractuelle envers la société Wouarf sarl (Speechi) en fournissant via l'UGAP les produits de la société Wouarf sarl (Speechi) en lieu et place des produits de la société Iiyama et ce durant toute la durée du marché, soit 4 ans ; sinon a minima, de proposer à l'UGAP cette substitution ;

en conséquence,

- renvoyer la société Wouarf sarl (Speechi) à mieux se pourvoir ;

(ii) à titre subsidiaire :

- juger que la condition tenant à l'existence d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite n'est pas satisfaite ;

- en conséquence, rejeter la demande d'injonction à la société SCC France d'exécuter son obligation contractuelle envers la société Wouarf sarl (Speechi) en fournissant via l'UGAP les produits de la société Wouarf sarl (Speechi) en lieu et place des produits de la société Iiyama et ce durant toute la durée du marché, soit 4 ans ; sinon a minima, de proposer à l'UGAP cette substitution ;

3) s'agissant de la demande de provision fondée sur l'article 873 du code de procédure civile :

- juger que l'obligation dont se prévaut la société Wouarf sarl (Speechi) à l'encontre de la société SCC France est sérieusement contestable ;

- en conséquence, rejeter la demande de condamnation de la société SCC France à verser à la société Wouarf une provision de 15 000 euros à valoir sur son prétendu préjudice économique, d'image et de réputation ;

III. ' en tout état de cause :

- juger n'y avoir lieu à référé ;

- débouter la Wouarf sarl (Speechi) de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la Wouarf sarl (Speechi) à payer à la société SCC France la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la Wouarf SARL (Speechi) aux entiers dépens.'

La société SCC indique en préambule que ses fournisseurs ne sont ni cotraitants ni sous-traitants et considère que le litige soumis à l'appréciation de la cour s'inscrit dans le cadre de la passation d'un nouveau marché public lancé par l'UGAP dans le courant de l'année 2023 ; dans ce cadre, la société Wouarf n'est qu'un fournisseur parmi d'autres et son engagement de présenter une offre sur les fiches de matériel en cause ne valait que pour autant qu'il y ait un accord sur les prix proposés. Or, à quelques jours seulement de la date limite de remise des offres et après avoir formulé plusieurs propositions de prix qui ne correspondaient pas aux prix cibles indiqués par la société SCC France, la société Wouarf a décidé contre toute attente de ne pas formuler de propositions de prix pour certaines des fiches de matériel du lot n° 2 (fiches 10,14 et 15) et d'augmenter significativement ses prix sur d'autres fiches, au risque de compromettre la compétitivité de l'offre que la société SCC France devait remettre à l'UGAP. Ainsi, selon la société SCC France, la société Wouarf s'est comportée comme si elle était l'unique partenaire et que le marché ne portait que sur les fiches n° 10 à 15, au risque de compromettre définitivement les chances de la société SCC France d'être déclarée attributaire du marché.

La société SCC France considère que c'est à juste titre que le juge des référés du tribunal de commerce a relevé que la demande d'injonction formulée par la société Wouarf portait sur la modification du marché public conclu par l'UGAP. La société SCC France rappelle que dans ses conclusions de première instance, la société Wouarf n'avait demandé qu'une injonction tendant à remplacer dans son offre à l'UGAP ses produits aux lieu et place des produits de la société Liyama, ce qui revenait uniquement à enjoindre à la société SCC France de modifier unilatéralement un contrat administratif. La société SCC France indique que la société Wouarf a significativement fait évoluer sa demande d'injonction en demandant qu'il soit enjoint à la première de proposer à l'UGAP cette substitution. Or, le bien-fondé de l'ordonnance devant s'apprécier exclusivement au regard de la demande d'injonction dont le juge des référés était effectivement saisi, et non pas au regard d'une demande d'injonction dont l'objet a évolué en appel pour les seuls besoins de la cause, la société SCC France considère que c'est à juste titre qu'il a été retenu que seul le juge administratif était compétent pour enjoindre à la société SCC France de remplacer dans son offre à l'UGAP les produits de la société Wouarf.

La société SCC France indique que le juge judiciaire, y compris en référé, n'est pas compétent pour faire droit à des demandes qui portent sur un contrat administratif, la compétence juridictionnelle s'appréciant exclusivement au vu de la demande faite au juge et non pas selon le fondement juridique invoqué. Or, au regard de la demande d'injonction de première instance, qui était alors « d'enjoindre à la société SCC France France de remplacer dans son offre à l'UGAP des produits de la société Wouarf SARL (Speechi) en lieu et place des produits de la société Ilyama », le président du tribunal de commerce ne pouvait que se déclarer incompétent. En effet, le contrat passé est un contrat administratif qui est intangible et le marché public, dans toutes ses composantes, constitue lui-même un contrat administratif. Dès lors, la demande, qui impliquait pour la société SCC France de changer l'ensemble des produits des fiches n° 10 à 15 du marché, actuellement composées des produits de la société Liyama, alors même que la société Wouarf n'avait formulé aucune offre sur les fiches n° 10, 14 et 15 revient à enjoindre à une personne morale de droit privé, à savoir la société SCC France, de modifier unilatéralement un marché public signé, ce qui ne peut pas relever d'une juridiction de l'ordre judiciaire. Cette question ne présentant aucune difficulté sérieuse, la demande subsidiaire de saisine du tribunal des conflits n'est pas davantage fondée.

À titre subsidiaire, la demande d'injonction ne peut qu'être rejetée, en ce qu'elle est fondée sur l'article 872 du code de procédure civile, dès lors que la condition de l'urgence n'est pas établie et que l'obligation dont se prévaut la demanderesse se heurte à une contestation sérieuse. En outre, ces demandes d'injonction se heurtent au code de la commande publique et aux stipulations du marché conclu avec l'UGAP, dès lors qu'une modification du marché public n'est possible que lorsque le contrat le prévoit expressément, dans la limite des conditions qu'il fixe ; si le contrat ne prévoit pas une telle possibilité, la modification du marché public ne peut alors résulter que d'une décision unilatérale de l'acheteur public ou de la conclusion d'un avenant entre les parties. Or, aucune des stipulations du marché public ne prévoit la faculté pour la société SCC France de le modifier de sa propre initiative. S'agissant d'une modification substantielle, elle ne peut intervenir que par un avenant ou par une décision unilatérale de l'acheteur public.

Enfin, la société SCC France indique qu'elle n'a pas d'engagement contractuel avec la société Wouarf , dès lors que cette dernière, qui a envoyé au moins cinq versions différentes de ses propositions tarifaires, n'a jamais formé d'offre suffisamment ferme et précise.

La société SCC France ajoute que la demande de provision n'est pas fondée dès lors qu'aucune proposition n'avait été formulée par la société Wouarf sur les fiches n° 10, 14 et 15 et que l'absence de référencement des produits correspondants n'a fait l'objet d'aucune publicité négative, notamment auprès des adhérents de l'UGAP.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Tant en première instance qu'en cause d'appel, la société Wouarf a formé deux demandes différentes : une demande tendant à ce que ses produits soient fournis dans le cadre du marché de l'UGAP et une demande de provision. La question de la compétence du juge judiciaire pour en connaître doit en conséquence être examinée séparément pour chacune d'elles.

Sur la demande de la société Wouarf tendant à ce que ses produits soient fournis dans le cadre du marché de l'UGAP :

Sur la compétence du juge judiciaire :

En première instance, la société Wouarf avait saisi le juge d'une demande formulée comme suit, selon l'exposé du litige de l'ordonnance frappée d'appel : 'enjoindre à SCC de fournir dans le cadre du marché de l'UGAP les produits de Speechi en lieu et place des produits de la société Liyama'.

En cause d'appel et dans ses dernières conclusions, cette demande est désormais formulée comme suit : 'enjoindre à la société SCC France d'exécuter son obligation contractuelle envers la société Wouarf sarl (Speechi) en fournissant via l'UGAP les produits de la société Wouarf sarl (Speechi) en lieu et place des produits de la société Liyama ; sinon a minima, de proposer à l'UGAP cette substitution'

L'accord-cadre qui a été conclu le 17 janvier 2024 entre l'UGAP et la société SCC France revêt bien le caractère de contrat administratif.

L'UGAP est un établissement public industriel et commercial (EPIC) et une centrale d'achat au sens du code de la commande publique. En application de la décision n° 3167 du 5 juillet 2019 rendue par le tribunal des conflits, lorsque l'UGAP intervient pour des achats de matériels au profit d'une personne publique, elle agit non pour ses besoins propres, mais pour ceux de la personne publique concernée, de sorte qu'en dépit de sa qualité d'EPIC, son contractant, au cas où il est appelé à fournir une prestation destinée à pourvoir aux besoins d'une personne publique, ne saurait en aucun cas être regardé comme l'usager d'un service public industriel et commercial. Un marché passé par l'UGAP à la demande d'une personne publique qui se réfère à un cahier des charges qui lui-même comprend une clause exorbitante du droit commun a le caractère d'un contrat administratif.

Une décision de ce même tribunal des conflits, rendue le 14 novembre 2011 (n° 3813) indique qu'il résulte de l'article 2 de la loi dite Murcef n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes à caractère économique et financier que les marchés entrant dans le champ d'application du code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs. Les marchés conclus par l'UGAP, en vertu des dispositions de l'article 17 du décret n° 85-801 du 30 juillet 1985 relatif au statut et au fonctionnement de cet établissement public industriel et commercial, soumis aux dispositions du code des marchés publics, entrent dans le champ d'application du code des marchés publics. Par suite, qu'ils soient passés par l'établissement en sa qualité de centrale publique d'achats ou pour ses besoins propres et quelles que soient les modalités selon lesquelles ils ont été effectivement conclus, ces contrats ont le caractère de contrats administratifs.

Ainsi, il est établi que le contrat conclu entre la société SCC France et l'UGAP a bien le caractère d'un contrat administratif.

En revanche, il est constant qu'il n'existe aucun lien contractuel entre l'UGAP et la société Wouarf, qui n'argue d'un tel lien qu'avec la société SCC France.

La société Wouarf a fait le choix de ne pas attraire l'UGAP dans le présent litige et de circonscrire dès lors celui-ci à la seule relation contractuelle qu'elle prétend avoir avec la société SCC France.

Entre ces deux sociétés, qui sont chacune de droit privé, la relation contractuelle ne peut revêtir la qualification de contrat administratif. A supposer qu'il soit fait droit à la demande, la société SCC France serait susceptible de se trouver en situation de manquement à ses obligations contractuelles à l'égard de l'UGAP mais cette seule circonstance ne saurait étendre le caractère administratif du contrat entre l'UGAP et la société SCC France à la relation contractuelle susceptible d'exister entre cette dernière et la société Wouarf.

Aussi convient-il d'infirmer l'ordonnance entreprise et, statuant à nouveau, de rejeter l'exception d'incompétence soulevée par la société SCC France, le litige entre celle-ci et la société Wouarf relevant bien du juge judiciaire.

Pour la même raison, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande subsidiaire de la société Wouarf tendant à la saisine du tribunal des conflits.

Par évocation de l'affaire, sur la demande de substitution formée par la société Wouarf :

Au soutien de sa demande tendant à ce que la société SCC France se voie enjoindre de proposer ses produits, la société Wouarf invoque tant l'article 872 que l'article 873 du code de procédure civile.

En application de l'article 872, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

En application de l'article suivant, le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Ainsi qu'il va être indiqué, aucune de ces deux dispositions n'est susceptible de fonder la demande formée par la société Wouarf.

A titre préalable, il convient de relever les éléments suivants.

En premier lieu, la demande formée par la société Wouarf revêt un caractère général et imprécis, qui en soi ne permet pas de faire droit à la demande : la société Wouarf demande en effet à la cour de céans « d'enjoindre à la société SCC France d'exécuter son obligation contractuelle (...) en fournissant, via l'UGAP [ses] produits (...) et ce durant toute la durée du marché, soit 4 ans ». Ce faisant, le dispositif des écritures de la société Wouarf ne circonscrit aucunement les catégories de produits auxquelles cette injonction devrait s'appliquer. Or, la précision serait d'importance car, comme l'indique la société SCC France (12e paragraphe de ses conclusions), la société Wouarf a d'ores et déjà été retenue pour un total de 26 fiches de matériel sur 46 fiches pour le lot n° 2, de sorte qu'elle dispose d'ores et déjà de perspectives de commande. Dans la partie de ses conclusions relatives à la discussion des moyens (et notamment le paragraphe 2.2.2.1), la société Wouarf indique qu'elle a été évincée au profit de la société Liyama au seul titre des fiches n° 10 à 15 et ce sont pour ces seules fiches qu'elle indique, mais toujours dans cette partie relative à la discussion des moyens, qu'il convient « de remplacer dans son offre les produits de Liyama présentés pour les fiches 10 à 15 par les produits de Speechi. »

Toujours à titre préalable, avant de commencer d'examiner les conditions d'application des articles 872 et 873 du code de procédure civile, il convient de relever qu'il existe un désaccord des parties quant à l'existence ou non d'un contrat entre elles s'agissant de la fourniture des produits correspondant aux fiches 10 à 15 : pour la société Wouarf, un tel contrat résulte de l'échange d'e-mails le 26 mai 2023, au cours duquel, le responsable des marchés UGAP de la société SCC France a indiqué : « Nous te confirmons répondre exclusivement avec vous sur des fiches 10 à 15, 20 à 24, 29, 34 à 39 et 41 à 43 du lot 2 » ; pour la société SCC France au contraire, la société Wouarf a finalement décidé de ne pas formuler de propositions pour les fiches 10, 14 et 15 et, s'agissant des fiches 11, 12 et 13, la société Wouarf s'est montrée fluctuante dans les termes de son offre en effectuant plusieurs propositions tarifaires successives (que la société SCC France a récapitulé dans un tableau figurant en pièce n° 6 de ses productions, étant observé que son adversaire ne conteste pas ces fluctuations telles qu'elles y sont mentionnées). À défaut d'accord finalisé sur les prix proposés pour les produits correspondants aux fiches n° 11, 12 et 13, il ne peut être retenu, avec l'évidence requise en matière de référé que les parties étaient conventionnellement engagées l'une à l'égard de l'autre.

Il s'infère des deux séries d'observations qui précèdent que la demande de substitution formée par la société Wouarf se heurte à des contestations éminemment sérieuses, de sorte qu'il ne saurait y être fait droit en application de l'article 872 du code de procédure civile.

De même, pour reprendre les critères énoncés à l'article suivant, le caractère flou de la demande qui est formée et l'absence de toute évidence quant à l'existence même d'un contrat entre les parties en ce qui concerne les fiches n° 10 à 15 induisent que l'absence d'approvisionnement à ce titre auprès de la société Wouarf ne permet pas de retenir le caractère manifestement illicite du trouble qui est invoqué à ce titre.

Au surplus, l'accord-cadre, ainsi que l'UGAP le qualifie elle-même et auquel la société SCC France est partie, ne comporte aucun engagement ferme de commande de la part de cet organisme : comme l'indique l'acte d'engagement produit en pièce n° 4 par la société SCC France, cet accord-cadre est exécuté à la suite de sa conclusion par différents bons de commande et n'est ainsi destiné qu'à permettre aux adhérents de l'UGAP de commander des produits correspondant aux fiches en question. Rien n'indique en l'état que les fiches n° 10 à 15 qui font l'objet du litige (en dépit de l'imprécision de la demande formée par la société Wouarf) feront l'objet de commandes effectives de la part des adhérents de l'UGAP. Ainsi, l'existence même du trouble allégué, au sens de l'article 873 du code de procédure civile, n'est pas non plus rapportée.

Le dommage imminent, qui s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer (Com. 13 avril 2010, n° 09-14.386), ne peut davantage être retenu dès lors que l'existence d'un dommage supposerait que la société Wouarf soit lésée du bénéfice d'un contrat dont, ainsi qu'il a été indiqué, l'existence même n'est pas avérée, du moins avec l'évidence requise en matière de référé. Au surplus, pour caractériser ce dommage, la société Wouarf se fonde notamment sur le chiffre d'affaires qu'elle réalisait avec la société SCC France dans les années qui précédaient le nouvel accord-cadre auquel cette dernière est partie avec l'UGAP. Or, la société Wouarf a été retenue pour un total de 26 fiches de matériel sur 46 fiches sur le lot n° 2, de sorte que l'éventuelle privation du marché de fournitures correspondants aux seules fiches n° 10 à 15 ne caractérise aucunement le dommage tel que décrit par celle-ci dans ses conclusions.

Faute de rapporter la preuve que la situation qu'elle décrit lui fait subir un trouble manifestement illicite ou encourir un dommage imminent, la demande de la société Wouarf, à supposer même qu'elle ait été précisée dans le dispositif de ses conclusions, n'est pas davantage fondée au regard des dispositions de l'article 873 du code de procédure civile.

Aussi convient-il de débouter la société Wouarf de sa demande d'injonction, ainsi que de la demande d'astreinte qui lui est corrélée.

Pour la même raison, il n'y a pas lieu d'accueillir la demande subsidiaire de la société Wouarf tendant à ce que la société SCC France se voie enjoindre de proposer à l'UGAP la substitution des produits de la société Liyama par les siens propres.

Ce sont donc l'ensemble des demandes d'injonction formées par la société Wouarf qui seront rejetées.

Sur la demande de provision :

Initialement, la société Wouarf n'avait pas formulé de demande de provision dans son acte introductif d'instance, ainsi qu'il résulte de l'exposé du litige de l'ordonnance frappée d'appel, qui n'est pas arguée de dénaturation à cet égard. Ce n'est qu'à la faveur de l'évolution du litige devant le juge de première instance que la société Wouarf , lors de l'audience du 8 février 2024, a déposé des conclusions en réponse à celles de son adversaire, dans lesquelles elle demandait la condamnation de la société SCC France au paiement d'une « provision de 10.000 euros à valoir sur son préjudice économique et d'image, outre son préjudice moral ».

À l'instar de ce qui a été indiqué plus haut s'agissant de la demande d'injonction, cette demande provisionnelle, pour être formée entre deux sociétés de droit privé à l'occasion du manquement invoqué par l'une d'elles au contrat qu'elle prétend avoir conclu, ne peut relever que de la connaissance du juge judiciaire, de sorte que sur ce point également, il convient d'infirmer l'ordonnance du juge de première instance en ce que celui-ci s'est déclaré incompétent pour en connaître.

De même également, il convient, en évoquant l'affaire, de statuer sur cette demande de provision.

En application du deuxième alinéa de l'article 873 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce, statuant en référé, peut accorder une provision au créancier rapportant l'existence d'une obligation non sérieusement contestable.

La demande de provision, formulée à hauteur de 50.000 euros, par la société Wouarf tient à ce qu'elle indique être son préjudice économique, d'image et de réputation, outre son préjudice moral.

Cependant, ainsi qu'il a été mentionné plus haut au titre de la demande d'injonction, la société Wouarf n'établit pas qu'elle serait parvenue à un accord, avec la société SCC France, pour que cette dernière s'approvisionne de manière exclusive auprès d'elle pour les produits faisant l'objet des fiches n° 10 à 15 de l'accord-cadre conclu avec l'UGAP.

Dès lors, le principe même d'une indemnisation qui serait due par la société SCC France à la société Wouarf à raison du manquement contractuel invoqué se heurte à une contestation sérieuse.

Surabondamment, quand bien même aurait-il pu être retenue l'existence d'un tel contrat de fourniture exclusive, l'accord-cadre qui a été conclu entre l'UGAP et la société SCC France n'induit pas nécessairement que les adhérents de l'UGAP passeraient commande auprès d'elle pour les produits correspondants aux fiches en question. Dès lors, l'existence même d'un préjudice économique qui résulterait d'une méconnaissance de la convention alléguée de fourniture exclusive n'est pas avérée.

Surabondamment encore, l'existence d'un préjudice d'image et de réputation et a fortiori d'un préjudice moral se heurte à une contestation sérieuse : dans le cadre d'un marché public, le fait qu'une société, qui a par ailleurs été sélectionnée pour être le fournisseur exclusif du titulaire dudit marché de plusieurs séries de produits, ne le soit pas pour certaines autres, n'est pas constitutif en soi d'un préjudice d'image ou de réputation alors que rien ne caractérise dans la présente affaire le fait que les produits en question apparaîtraient comme étant un tant soit peu déconsidérés.

Pour l'ensemble de ces raisons, il convient de rejeter la demande de provision formée par la société Wouarf.

Sur les mesures accessoires :

La société Wouarf est reconnue comme étant bien fondée en son appel s'agissant du chef de la compétence, la société SCC France voyant l'exception qu'elle formule à ce titre rejetée.

A l'inverse, la société Wouarf est déboutée de chacune de ses demandes examinées dans le cadre de l'évocation, la société SCC France se voyant déclarée bien fondée en les siennes à ce titre.

Compte-tenu de cette succombance partielle de chacune des parties, il convient de leur laisser la charge respective des dépens qu'elles ont exposés tant en première instance qu'en appel. Pour la même raison, les demandes qu'elles formulent, pour chacune d'elles, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Rejette l'exception d'incompétence soulevée par la société SCC France au profit du juge administratif ;

Dit n'y avoir lieu de saisir le tribunal des conflits ;

Statuant par voie d'évocation de l'affaire,

Rejette les demandes d'injonction et de provision formées par la société Wouarf ;

Dit que les parties conserveront chacune la charge des dépens de première instance et d'appel qu'elles ont respectivement exposés ;

Rejette les demandes formées par chacune des parties au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monsieur Thomas VASSEUR, Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président