CA Douai, 1re ch. sect. 1, 19 septembre 2024, n° 22/04662
DOUAI
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
Époux
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vitse
Vice-président :
M. Poupet
Conseiller :
Mme Miller
Avocats :
Me Ducrocq, Me Leuliet
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Samuel Vitse, président en remplacement de Bruno Poupet, président empêché et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 27 mai 2024
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Par acte sous seing privé du 10 février 2020, M. [E] [T] et Mme [P] [I] sont convenu de vendre à Mme [R] [V], qui a accepté de l'acquérir, un immeuble à usage d'habitation situé [Adresse 1], à [Localité 8], cadastré A2812, moyennant le prix de 273 000 euros net vendeur.
La réitération de la vente par acte authentique devait intervenir le 15 mai 2020, avec prorogation de plein droit du délai éventuellement nécessaire pour l'obtention des pièces administratives utiles, sans pouvoir excéder le 15 juin 2020.
Par courrier recommandé du 15 mai 2020, Mme [V] a indiqué à Me [U], notaire en charge de la vente, à M. [H], agent immobilier rédacteur du compromis de vente, ainsi qu'aux vendeurs, avoir été informée du classement en zone naturelle humide de la moitié du terrain objet de la vente et les a mis en demeure soit d'annuler celle-ci et de lui verser des dommages et intérêts, soit d'adapter le prix du bien.
Après de multiples mises en demeure et que le notaire en charge de la vente eut dressé un procès-verbal de carence le 15 août 2020 en l'absence de réitération de celle-ci, les vendeurs ont fait assigner Mme [V] devant le tribunal judiciaire de Douai par acte du 11 septembre 2020 aux fins, notamment, de la voir condamnée à leur verser la somme de 27 300 euros au titre de la clause pénale prévue au contrat de vente.
Par jugement du 31 août 2022, le tribunal judiciaire de Douai a :
- condamné Mme [V] à verser à M. [T] et Mme [I] la somme de 29 062 euros décomposée comme suit :
- 27 300 euros correspondant au montant de la clause pénale ;
- 1 000 euros en réparation de leur préjudice moral ;
- 762 euros en réparation de leur préjudice financier ;
- débouté Mme [V] de l'ensemble de ses demandes ;
- condamné cette dernière, outre aux dépens, à verser à M. [T] et Mme [I] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire de la décision.
Par déclarations des 5 et 6 octobre 2022, Mme [V] a interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance du 5 octobre 2023, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction sous le numéro RG 22/04662 des procédures enrôlées sous les numéros RG 22/04673 et 22/04662.
Aux termes de ses conclusions remises le 22 mai 2024, Mme [V] demande à la cour, au visa des articles 1101, 1104, 1602, 1603, 1625, 1626 et 1638 du code civil, d'infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et, abstraction faite d'une demande de 'juger que' qui ne constitue pas une prétention au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile mais le simple rappel d'un moyen, statuant à nouveau, de :
- prononcer la caducité du compromis de vente signé le 10 février 2020 ;
- débouter M. [T] et Mme [I] de l'ensemble de leurs demandes ;
A titre subsidiaire :
- réduire dans d'importantes proportions la clause pénale prévue au compromis de vente ;
- débouter les intimés du surplus de leurs prétentions ;
En toute hypothèse :
- débouter les intimés de l'ensemble de leurs demandes ;
- les condamner in solidum à lui verser les sommes suivantes à titre de dommages et intérêts :
- 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
- 2 063,90 euros en réparation de son préjudice financier ;
- les condamner in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à lui régler la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de leurs dernières conclusions remises le 28 mai 2024, M. [T] et Mme [I] demandent à la cour, au visa des articles 1103, 1134, 1231-1, 1231-5, 1304, 1303-4 et 1353 du code civil et de l'article 700 du code de procédure civile, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné Mme [V] à leur verser la somme de 762 euros en réparation de leur préjudice financier et, statuant à nouveau, de :
- condamner l'appelante à leur verser la somme de 29 165,23 euros décomposée comme suit :
- 27 300 euros au titre de la clause pénale ;
- 1 000 euros en réparation de leur préjudice moral ;
- 865,23 euros en réparation de leur préjudice financier ;
- débouter Mme [V] de l'ensemble de ses demandes ;
- la condamner, outre aux dépens de première instance et d'appel, à leur verser la somme de 1'500 euros au titre de leurs frais irrépétibles de première instance et celle de 3 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles d'appel.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions précitées des parties pour le détail de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande au titre de la clause pénale
Mme [V], qui sollicite l'infirmation de la décision entreprise, notamment en ce que celle-ci l'a condamnée au paiement de la clause pénale contractuelle et de dommages et intérêts en raison de son refus de réitérer la vente, soutient d'une part, que l'une des conditions suspensives du compromis a défailli, entraînant la caducité de la vente (a), d'autre part, que les vendeurs ont manqué à leur obligation d'information à son égard, rendant légitime et non fautif son refus de réitérer la vente (b), et enfin qu'ils ne l'ont pas avertie de l'existence d'une servitude légale et lui doivent leur garantie d'éviction (c).
a) Sur la réalisation des conditions suspensives
Mme [V] fait valoir que l'une des conditions suspensives du compromis - relative à la délivrance d'une note d'urbanisme ne mentionnant pas de servitude grave pouvant déprécier la valeur de l'immeuble - a défailli, rendant caduc le compromis de vente conclu entre les parties. Elle expose avoir découvert, postérieurement à la signature du compromis, que près de la moitié du terrain dont elle faisait l'acquisition était classé en zone naturelle humide (Nzh) par le plan local d'urbanisme (PLU), ce qui constitue une servitude d'urbanisme grevant le bien et en altère grandement la valeur. Elle précise qu'en effet, ce classement interdit toute construction nouvelle, à l'exception d'extensions de constructions existantes situées en limite de zone, et qu'il l'empêche en conséquence de réaliser l'aménagement d'un espace récréatif avec piscine et dépendance technique en fond de parcelle qu'elle projetait et dont elle avait fait part à ses vendeurs. Elle ajoute qu'il empêche en outre tout aménagement paysager.
M. [T] et Mme [I] soutiennent, quant à eux, que la condition suspensive litigieuse a été réalisée en ce que le classement de la moitié du terrain litigieux en zone naturelle humide ne constitue pas une servitude grave devant être mentionnée sur le certificat d'urbanisme et n'empêche en tout état de cause pas l'appelante de réaliser des travaux d'extension et d'aménagement de son terrain. Dès lors, ils affirment que c'est de manière fautive que l'appelante a refusé de réitérer la vente, si bien qu'elle doit être condamnée au paiement de la clause pénale stipulée au compromis de vente.
Sur ce
Aux termes des articles 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi, cette disposition étant d'ordre public.
En vertu de l'article 1304 dudit code, l'obligation est conditionnelle lorsqu'elle dépend d'un événement futur et incertain. La condition est suspensive lorsque son accomplissement rend l'obligation pure et simple.
L'article 1231-1 du même code dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
Enfin, l'article 1353 de ce code prévoit que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; que réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
En l'espèce, le compromis de vente conclu entre les parties comporte plusieurs conditions suspensives, dont une relative à la 'délivrance d'une note de renseignement d'urbanisme ne comportant pas de servitude grave pouvant déprécier la valeur de l'immeuble vendu. Le seul alignement ne sera pas considéré comme une condition suspensive à moins qu'il ne rende l'immeuble impropre à sa destination.'
Il est indiqué que la non-réalisation d'une seule de ces conditions entraînera la caducité du compromis de vente, sous réserve de la possibilité pour l'acquéreur de renoncer à s'en prévaloir ou de la signature d'un avenant entre les parties.
Il résulte du certificat d'urbanisme délivré le 7 avril 2020 par la commune de [Localité 8] à la demande de Maître [U], notaire chargé de la vente, que l'immeuble objet de celle-ci, construit sur une parcelle d'une superficie de 877 m², est situé pour partie (sur environ 80 mètres) en zone classée UA dans le cadre du plan local d'urbanisme, à savoir dans une zone correspondant au tissu urbanisé central de la commune, et, pour le reste du terrain, en zone N secteur Nzh, à savoir 'une zone naturelle et forestière, équipée ou non, à protéger en raison soit de la qualité des sites, des milieux naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment au point de vue esthétique, historique ou écologique, soit d'une existence d'une exploitation forestière, soit de leur caractère d'espaces naturels', le secteur Nzh délimitant 'les espaces naturels recensés au titre des zones à dominante humide du SDAGE Artois Picardie.'
Le certificat d'urbanisme mentionne par ailleurs que 'le terrain est grevé de la servitude suivante : circulation routière : servitude d'alignement (alignement communal)'.
C'est à tort que Mme [V] prétend que le classement d'une partie du terrain en zone Nzh constitue une servitude alors qu'aucune des dispositions du titre IV du livre premier du code civil relatif aux servitudes, des articles L152-1 à L152-23 du code rural et de la pêche maritime relatifs aux servitudes en zone rurale et enfin, du code de l'urbanisme en ses articles L112-1 à L112-17 relatifs aux servitudes d'urbanisme et en ses articles L151-1 à L151-48 relatives au contenu du plan local d'urbanisme n'assimilent le classement d'un terrain en zone naturelle en une servitude, quand bien même un tel classement implique certaines contraintes pour le propriétaire du terrain concerné.
Il s'ensuit que la seule servitude avérée affectant l'immeuble objet de la vente est la servitude d'alignement communal, laquelle n'est pas visée par la condition suspensive sauf à ce qu'elle rende l'immeuble impropre à sa destination, ce qui n'est ni allégué ni démontré.
En l'absence de servitude grave affectant l'immeuble et pouvant en affecter la valeur, la condition suspensive est donc accomplie.
Il n'est par ailleurs pas ou plus soutenu qu'une autre des conditions suspensive prévues à l'acte ait défailli.
Le moyen relatif à la caducité de la vente sera donc rejeté.
b) Sur le manquement des vendeurs à leur obligation d'information
Mme [V] soutient qu'en omettant de l'informer sur le droit de préemption urbain et sur le classement de la moitié du terrain en zone Nzh dans le cadre du PLU de la commune, Mme'[I] et M. [T] ont manqué gravement à leur obligation de loyauté et d'information, tant au stade précontractuel en application de l'article L1112-1 du code civil, qu'au stade contractuel en application de l'article 1602 du même code, qu'ils ont fait preuve de réticence dolosive et que dès lors, son refus de réitérer la vente en la forme authentique ne peut être considéré comme fautif, de sorte qu'ils doivent être déboutés de leurs demandes.
M. [T] et Mme [I] soutiennent qu'ils ont expressément informé Mme [V] du classement urbanistique de la parcelle lors de sa visite, ainsi que l'a fait l'agence immobilière. Ils ajoutent que la clause du compromis relative à la désignation de l'immeuble vendu stipule : 'tel au surplus que ledit immeuble existe et se comporte en son état actuel avec toutes ses dépendances, sans aucune exception ni réserve. L'acheteur déclare le bien connaître pour l'avoir vu et visité et dispense le vendeur d'une plus ample désignation' ; que contrairement à ce que soutient Mme [V], le classement de la parcelle était facilement identifiable à la lecture du PLU de [Localité 8] accessible en ligne avec le règlement, mais également le document graphique comportant le zonage des parcelles ; que l'acquéreure pouvait se renseigner auprès de la mairie concernant le classement de la zone, comme tout acquéreur diligent doit le faire lorsqu'il a un projet d'aménagement à mettre en oeuvre ; qu'il ne peut leur être reproché d'avoir annexé au compromis le plan cadastral n'indiquant pas le classement urbanistique des parcelles alors qu'il s'agit d'un document fiscal n'avant pas vocation à indiquer un tel classement.
Sur ce
L'article L1112-1 du code civil dispose que celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant ; que néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation ; qu'ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties ; qu'il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie ; que les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir ; qu'outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.
Tout d'abord, il convient de relever qu'aucune disposition légale n'impose au vendeur d'un bien immobilier une obligation particulière d'information portant sur le classement urbanistique de l'immeuble objet de la vente, alors que par ailleurs, les informations relatives au plan local d'urbanisme font l'objet d'une publicité et sont facilement accessibles sur le site internet des collectivités locales concernées - ce qui est le cas pour la commune de [Localité 8], en ce compris la carte de la commune avec le zonage des parcelles découlant du PLU - ou tout simplement en mairie.
Par ailleurs, la simple évocation par Mme [V], lors d'une visite préalable à la vente, de son souhait éventuel de déplacer une cabane de jardin ou de construire une petite piscine en fonds de parcelle ne suffit pas à démontrer qu'elle aurait érigé le caractère constructible de l'ensemble de la parcelle en condition essentielle de son consentement.
Mme [V] invoque encore le manquement des vendeurs à l'obligation d'information énoncé par l'article 1602 du code civil, aux termes duquel le vendeur est tenu d'expliquer clairement ce à quoi il s'oblige, tout pacte obscur ou ambigu s'interprêtant contre le vendeur.
Cependant, elle ne précise pas en quoi le compromis litigieux conclu entre les parties comporterait des clauses obscures ou ambigües alors que par ailleurs, la cour ne peut que constater que la désignation du bien vendu dans ce document est tout à fait claire.
Dès lors, Mme [V] ne peut se prévaloir d'un manquement fautif de M. [T] et Mme [I] à leur obligation d'information, qu'elle soit pré-contractuelle ou contractuelle, pour échapper à son obligation de réitérer la vente.
c) Sur la garantie d'éviction
Mme [V] fait valoir qu'en ne déclarant pas la servitude légale résultant du classement du terrain objet de la vente en zone Nzh du PLU, les vendeurs ont commis une faute contractuelle, en violation de l'article 1638 du code civil, et qu'ils lui doivent en conséquence leur garantie d'éviction.
M. [T] et Mme [I] soutiennent que le classement de l'immeuble dans une zone naturelle du PLU ne constitue pas une servitude ; qu'il s'agit manifestement d'une conséquence normale de la situation de l'immeuble qui empêche Mme [V] de se prévaloir de l'article 1638 du code civil, d'autant que le classement de la parcelle était facilement identifiable à la lecture du PLU de [Localité 8] accessible en ligne ou en mairie.
Sur ce
Aux termes de l'article 1626 du code civil, quoique lors de la vente il n'ait été fait aucune stipulation sur la garantie, le vendeur est obligé de droit à garantir l'acquéreur de l'éviction qu'il souffre dans la totalité ou partie de l'objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet, et non déclarées lors de la vente.
L'article 1638 du même code précise que si l'héritage vendu se trouve grevé, sans qu'il en ait été fait de déclaration, de servitudes non apparentes, et qu'elles soient de telle importance qu'il y ait lieu de présumer que l'acquéreur n'aurait pas acheté s'il en avait été instruit, il peut demander la résiliation du contrat, si mieux il n'aime se contenter d'une indemnité.
Ainsi qu'il a déjà été indiqué, le classement d'un terrain en zone naturelle dans le cadre d'un plan local d'urbanisme ne constitue pas une servitude, quand bien même il impliquerait certaines contraintes pour son propriétaire.
Le manquement des vendeurs à leur obligation de garantie d'éviction n'est donc pas caractérisé.
d) Sur la mise en oeuvre de la clause pénale
Aux termes de l'article 1231-5 du code civil, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire. (...)
Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite. Sauf inexécution définitive, la pénalité n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.
En l'espèce, le compromis de vente conclu entre les parties stipule, au paragraphe relatif à la réitération de la vente, que :
'Si l'une des parties vient à refuser de signer l'acte authentique de vente, elle y sera contrainte par tous les moyens, voies et amendes et devra en outre payer à l'autre partie une somme correspondant à 10% de la vente présentement promise, augmentée des honoraires de négociation dus au rédacteur des présentes à titre de clause pénale comme dommages et intérêts. (...) Si le défaut de réitération à la date prévue de réalisation dûment constaté provient de la défaillance de l'acquéreur, le vendeur pourra toujours renoncer à poursuivre l'exécution de la vente en informant l'acquéreur de sa renonciation par lettre recommandée avec accusé de réception, ce dernier faisant foi, ou par exploit d'huissier. Les parties seront alors libérées de plein droit de tout engagement sauf à tenir compte de la responsabilité de l'acquéreur par la faute duquel le contrat n'a pu être exécuté, avec les conséquences financières y attachées, notamment la mise en oeuvre de la clause pénale, et de dommages et intérêts.'
Bien que mise en demeure d'avoir à réitérer la vente par acte authentique puis sommée, par acte d'huissier du 30 juillet 2020, d'avoir à se présenter chez le notaire chargé de la vente aux fins de réitération de celle-ci, Mme [V] n'a pas honoré le rendez-vous fixé le 13 août 2020, date à laquelle un procès-verbal de carence a été dressé par Maître [S] [W].
Par courrier recommandé du 3 août 2020, qu'elle a réceptionné, Mme [V] a été par ailleurs informée par ses vendeurs que dans l'hypothèse où elle ne se présenterait pas au rendez-vous de signature, ils renonceraient à poursuivre l'exécution de la vente et se trouveraient donc libérés de plein droit de tout engagement à son égard.
Or il résulte des développements qui précèdent que c'est de manière fautive que Mme [V] a refusé de procéder à la réitération de la vente par acte authentique alors que les conditions en étaient réunies et c'est en conséquence à bon droit que le premier juge a fait application de la clause pénale en la condamnant à payer à M. [T] et Mme [I] la somme de 27 300 euros à ce titre, aucun élément ne justifiant de procéder à la réduction de cette clause pénale, dont le caractère manifestement excessif n'est pas démontré, quand bien même les vendeurs seraient parvenus par la suite à vendre leur bien immobilier dans le courant de la même année.
C'est en revanche à tort que le premier juge a estimé qu'il y avait lieu, outre l'application de la clause pénale, de condamner Mme [V] à des dommages et intérêts complémentaires en réparation des préjudices moral et financier invoqués par M. [T] et Mme [I] alors que l'indemnisation forfaitaire prévue à l'article 1231-5 ne lui permet d'augmenter la pénalité contractuellement convenue que si celle-ci est manifestement dérisoire, ce qui n'est pas démontré en l'espèce.
La décision entreprise sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a condamné Mme [V] à payer à M. [T] et Mme [I] la somme de 27 300 euros au titre de la clause pénale, mais infirmée en ce qu'elle l'a condamnée à leur verser la somme de 1 000 euros en réparation de leur préjudice moral et 762 euros en réparation de leur préjudice financier, les intimés étant déboutés de leurs demandes à ces titres.
Sur les demandes reconventionnelles de dommages et intérêts
Vu l'article 1231-1 du code civil précité ;
C'est par de justes motifs, que la cour adopte, que le premier juge, ayant constaté que M. [T] et Mme [I] n'avaient commis aucune faute, a débouté Mme [V] de sa demande de condamnation à lui régler la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, la cour y ajoutant qu'il convient pour le même motif de la débouter de sa demande en paiement de la somme de 2063,90 euros au titre de son préjudice financier.
Sur les autres demandes
Le premier juge a exactement statué sur le sort des dépens et frais irrépétibles.
Mme [V], qui succombe en son appel, sera condamnée aux entiers dépens de celui-ci, ainsi qu'à payer à M. [T] et Mme [I] la somme de 1 500 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles par eux exposés en appel.
Elle sera par ailleurs déboutée de sa demande formée sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour
Infirme la décision entreprise en ce qu'elle a condamné Mme [R] [V] à verser à M.'[E] [T] et Mme [P] [I] la somme de 29 062 euros décomposée comme suit :
- 27 300 euros correspondant au montant de la clause pénale ;
- 1 000 euros en réparation de leur préjudice moral ;
- 762 euros en réparation de leur préjudice financier ;
La confirme pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Condamne Mme [R] [V] à verser à M.'[E] [T] et Mme [P] [I] la somme de 27 300 euros au titre de la clause pénale ;
Déboute M.'[E] [T] et Mme [P] [I] de leurs demandes complémentaires de dommages et intérêts en réparation de leurs préjudices moral et financier ;
Y ajoutant,
Déboute Mme [R] [V] de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier ;
Condamne Mme [R] [V] aux entiers dépens d'appel ;
La condamne à verser à M.'[E] [T] et Mme [P] [I] la somme de 1 500 euros chacun au titre des frais irrépétibles qu'ils ont exposés en cause d'appel ;
La déboute de sa demande formée sur le même fondement.