CA Versailles, ch. com. 3-1, 19 septembre 2024, n° 22/06675
VERSAILLES
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
Axa Assurances Iard Mutuelle (Sté), Axa France Iard (SA)
Défendeur :
Le Directeur de l'INPI
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dubois-Stevant
Conseillers :
Mme Gautron-Audic, Mme Meurant
Avocats :
Me Dupuis, Me Doré-Airiaud, Me Blanchard
Les sociétés Axa assurances iard mutuelle et Axa France iard (« les sociétés Axa ») ont, le 21 juillet 2020, déposé en copropriété une demande d'enregistrement portant sur le signe verbal ENTOURAGE présenté comme destiné à distinguer les services d'assurances.
Le 14 octobre 2020, l'INPI leur a notifié un refus provisoire d'enregistrement puis, le 23 août 2022, un projet de décision de rejet de la demande d'enregistrement, décision devenue définitive à l'expiration du délai d'observations écrites, le 7 octobre 2022.
Par déclaration électronique du 4 novembre 2022, les sociétés Axa ont formé un recours en annulation contre cette décision et, par dernières conclusions remises au greffe par RPVA le 25 janvier 2023, elles demandent à la cour de l'annuler.
Elles exposent qu'elles ont déposé une première fois la marque ENTOURAGE le 13 octobre 2008 désignant des services d'assurance mais que cette marque n'a pas été renouvelée pour des raisons indépendantes de leur volonté, que la marque étant toujours exploitée, elles l'ont de nouveau déposée le 21 juillet 2020.
Elles soutiennent que le signe ENTOURAGE est distinctif et apte à distinguer, aux yeux du public pertinent, les services qu'elles revendiquent de ceux d'autre provenance en ce qu'il présente un caractère suffisamment arbitraire pour permettre au public concerné d'attribuer les services d'assurance en cause à une entreprise déterminée, n'ayant aucun lien particulier, direct, concret et objectif avec les services d'assurance dont il est indépendant, que le fait que le service d'assurance pourrait bénéficier à l'entourage d'un souscripteur résulte d'une simple évocation qui ne permet pas de percevoir immédiatement et sans réflexion une description des services visés ou de leur caractéristiques.
Elles contestent le caractère descriptif du signe ENTOURAGE que lui oppose l'INPI faisant valoir que ce signe ne décrit pas la fonction des services d'assurance, le résultat attendu de ces services ou l'utilisation à laquelle ils sont destinés, que l'INPI adopte une définition erronée de la notion de « destination », qu'un terme allusif ou évocateur n'est pas descriptif.
Elles soutiennent en outre qu'en tout état de cause la distinctivité de la marque ENTOURAGE est acquise par l'usage qui en est fait depuis de nombreuses années, une assurance dépendance vieillesse présentée par la marque ENTOUR'AGE, qui constitue une variante infime du signe ENTOURAGE dont il ne modifie pas le caractère distinctif, étant commercialisée depuis 2012.
Par dernières observations reçues au greffe de la cour le 12 juillet 2023, le Directeur Général de l'INPI estime que sa décision a retenu à bon droit que les pièces produites n'étaient pas de nature à surmonter le défaut de caractère distinctif intrinsèque de la demande litigieuse.
Il fait observer que le signe ENTOURAGE ne permet pas de distinguer les services d'assurance de ceux d'autres entreprises en ce que les services visés sont susceptibles d'être spécifiquement dédiés à la protection de l'entourage du consommateur, que, de forme exclusivement verbale, il n'est accompagné d'aucun élément figuratif qui aurait pu lui conférer le minimum de distinctivité requise, qu'ainsi le public concerné ne percevra pas ce signe comme l'indication de l'origine commerciale.
Il ajoute que le signe ENTOURAGE peut en outre servir à désigner une caractéristique des services en cause en ce qu'il sera perçu comme la simple description de la catégorie de personnes que le contrat d'assurance permet de couvrir et qu'il n'est ainsi ni seulement évocateur ni dépourvu de lien direct et concret avec les services visés.
Il conteste l'acquisition du caractère distinctif par l'usage, le signe présenté par les requérantes sous la forme ENTOUR'AGE comprenant une modification suffisante pour entraîner chez le consommateur une modification de sa perception intellectuelle, d'une part, et l'intensité de l'usage du signe ENTOURAGE n'étant pas démontrée, d'autre part.
Par avis communiqué par RPVA le 25 août 2023, le ministère public est d'avis que la cour rejette le recours au vu du caractère descriptif et non distinctif du signe verbal ainsi contraire aux articles L. 711-1 et L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle.
SUR CE,
Selon l'article L. 711-1 du code de la propriété intellectuelle, la marque de produits ou de services est un signe servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale de ceux d'autres personnes physiques ou morales.
Selon l'article L. 711-2 du même code, ne peuvent être valablement enregistrés et, s'ils sont enregistrés, sont notamment susceptibles d'être déclaré nuls :
1° Un signe qui ne peut constituer une marque au sens de l'article L.711-1 ;
2° Une marque dépourvue de caractère distinctif ;
3° Une marque composée exclusivement d'éléments ou d'indications pouvant servir à désigner, dans le commerce, une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation du service ;
Dans les cas prévus aux 2° et 3°, le caractère distinctif d'une marque peut être acquis à la suite de l'usage qui en a été fait.
Le signe verbal ENTOURAGE a été déposé par les sociétés Axa pour les seuls services d'assurance.
Le caractère distinctif d'une marque s'apprécie en fonction des produits ou services désignés et de la perception qu'en a le public concerné. Est dépourvu de caractère distinctif le signe qui, en lui-même, ne conduit pas le public concerné à penser que les produits ou services en cause proviennent d'une entreprise déterminée, tandis qu'un signe distinctif est apte à individualiser des produits ou des services dans le marché par rapport aux produits ou services du même genre offerts par les concurrents. N'est pas davantage distinctif le signe qui participe de la seule description des produits ou services concernés. Un minimum de distinctivité suffit.
Si le signe verbal ENTOURAGE est susceptible de se rapporter à des services d'assurance en ce que l'une de ses significations désigne des personnes pouvant en bénéficier, il ne présente pas de lien suffisamment direct et concret avec les services d'assurance dès lors qu'il n'est pas propre à ce domaine d'activité, mais relève du langage courant, et qu'il n'est pas associé à un autre terme spécifique à ce même domaine.
Le lien susceptible d'être établi entre le signe et les services d'assurance résulte ainsi, comme le soutiennent les sociétés Axa, d'une simple évocation et non d'une compréhension immédiate d'une description des services concernés ou de l'une de leurs caractéristiques. Le signe verbal ENTOURAGE est suffisamment arbitraire pour permettre au public concerné d'attribuer les services d'assurance en cause à une entreprise en particulier.
Le signe ENTOURAGE présente ainsi un minimum de distinctivité au regard des seuls services d'assurance concernés de sorte qu'il n'est pas nécessaire pour le considérer comme une marque valable qu'il comprenne un élément figuratif.
Le signe ENTOURAGE n'est par ailleurs pas susceptible de désigner une caractéristique des services d'assurance, pas même la destination comme le prétend l'INPI. Au sens de la fonction et du but recherché, la destination d'un service d'assurance est la couverture d'un risque par le versement d'une somme d'argent en cas de réalisation de ce risque et le signe ENTOURAGE n'est pas descriptif de cette fonction et de cet objectif. Pris au sens du public concerné, la destination des services d'assurance n'est pas suffisamment décrite avec précision par le signe ENTOURAGE pour l'invalider comme marque.
Il résulte de tout ce qui précède que la décision de rejet de la demande d'enregistrement du signe verbal ENTOURAGE sera annulée.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant contradictoirement,
Annule la décision du 23 août 2022 de rejet de la demande d'enregistrement n° 20 4 667 883 portant sur le signe verbal ENTOURAGE déposée par les sociétés Axa assurances iard mutuelle et Axa France iard pour les services « assurances ».
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.