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Décisions

CA Limoges, ch. civ., 19 septembre 2024, n° 23/00602

LIMOGES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Kolkhoze (Gaec), Le Kolkhoze (GFA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Balian

Conseillers :

M. Soury, Mme Seguin

Avocats :

Me Chabaud, Me Madelennat, Me Variengien, Me Cousin

TJ Guéret, du 18 juill. 2023, n° 23/0060…

18 juillet 2023

FAITS et PROCÉDURE

En 2012, M. [G] [A] et son épouse, Mme [T] [C], ont constitué le GFA le Kolkhoze, qui a acquis un domaine agricole en Creuse, ainsi que le GAEC le Kolkhoze. Ces deux groupements, dont les parts sont détenues par moitié par les époux, sont gérés par Mme [C].

Le couple s'est séparé le 26 juillet 2015 et le GAEC a perdu son agrément préfectoral le 10 juillet 2018.

Soutenant qu'une mésentente entre associés paralysait le fonctionnement des groupements, Mme [C] a, par actes des 28 février et 7 mars 2019, assigné M. [A] devant le tribunal judiciaire de Guéret pour voir prononcer leur liquidation.

Les instances ont été jointes le 9 avril 2019.

M. [A] a saisi le juge de la mise en état qui, par ordonnance du 13 novembre 2019, a désigné un administrateur provisoire et confié à M. [N] [O] une mission d'expertise portant sur la valeur des parts sociales de chacun des groupements.

Le divorce des époux a été prononcé le 4 février 2021.

L'expert a déposé son rapport le 22 juin 2021.

Par jugement du 18 juillet 2023, le tribunal judiciaire de Guéret a prononcé la dissolution des groupements, et désigné Me [J] [Y] en qualité de liquidateur.

M. [A] a relevé appel de ce jugement.

Par ordonnance du 21 février 2024, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable à l'égard du GFA et du GAEC l'appel formé par M. [A] à l'encontre du jugement du 18 juillet 2023.

MOYENS et PRÉTENTIONS

M. [A] demande, in limine litis, l'annulation des chefs du rapport d'expertise judiciaire opérant une diminution de son compte courant d'associé du GAEC ainsi qu'une affectation de la moitié des espèces déposées sur le compte bancaire du GFA entre le 31 juillet 2014 et le 20 janvier 2015 au crédit du compte courant d'associé de Mme [C] dans ce groupement. Au soutien de cette demande, il fait valoir que l'expert judiciaire a fait preuve d'incompétence et de partialité. Il demande également d'écarter des débats les pièces n° 26 et 49 produites par Mme [C] pour violation du principe du contradictoire. Il conclut, par ailleurs, à l'irrecevabilité des demandes de Mme [C] concernant le GAEC, faute pour celle-ci d'avoir préalablement soumis le litige à un conciliateur comme l'impose l'article 31 des statuts de ce groupement. Sur le fond, il s'oppose à la dissolution du GAEC et du GFA en soutenant que le fonctionnement de ces groupements n'est pas en péril.

Mme [C] conclut à la confirmation du jugement.

Me [J] [Y], liquidateur du GFA et du GAEC, s'en remet à droit.

MOTIFS

Sur la nullité de certains chefs du rapport d'expertise judiciaire.

Au soutien de cette demande - qui avait été déjà rejetée par une ordonnance du juge de la mise en état du 13 avril 2022 dont il n'a pas été relevé appel- M. [A] conteste la compétence, l'honnêteté et l'impartialité de l'expert judiciaire, M. [N] [O], en faisant état d'une erreur matérielle sur une somme ainsi que d'imprécisions.

Cependant, sous couvert d'incompétence et de partialité, les moyens de M. [A] ne tendent qu'à remettre cause les conclusions de M. [O], expert comptable de profession et inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Limoges, lequel a exécuté sa mission avec rigueur et précision, l'existence d'une simple erreur matérielle sur une somme -qui aurait pu donner lieu à un dire aux fins de rectification- n'étant pas suffisante pour remettre en cause la compétence, la probité et l'impartialité de cet expert judiciaire.

C'est donc à juste titre, et par des motifs pertinents que la cour d'appel adopte, que le tribunal judiciaire a rejeté la demande d'annulation formée par M. [A].

Sur la demande de M. [A] tendant à voir écarter des débats les pièces n° 26 et 49 produites par Mme [C].

M. [A] fonde cette demande sur une prétendue violation du principe du contradictoire en soutenant:

- que la pièce n° 26 (attestation de Mme [S] [E]) est imprécise (absence de mention de l'année des faits constatés),

- que la pièce n° 49 (courrier de la direction départementale des territoires du 26 février 2020) constitue un faux.

Outre le fait qu'il n'est pas justifié du dépôt d'une plainte pour faux, il convient de relever que ces pièces, communiquées avant l'ordonnance de clôture du 12 juin 2024, ont été soumises à la libre discussion des parties et que l'imprécision d'une attestation est seulement susceptible d'affecter la valeur probante de cette pièce, sans affecter sa validité. En l'absence d'atteinte au principe du contradictoire, la demande de M. [A] sera rejetée.

Sur la recevabilité des demandes de Mme [C] concernant le GAEC, contestée par M. [A].

M. [A] conclut à l'irrecevabilité de ces demandes, faute pour Mme [C] d'avoir satisfait à l'exigence préalable de conciliation imposée par l'article 31 des statuts du GAEC.

Selon cet article 31 'Toute contestation qui pourrait s'élever pendant la durée de la société ou lors de sa liquidation entre les associés, relativement aux affaires sociales, sera soumise à un conciliateur désigné d'un commun accord entre les associés. À défaut d'accord entre eux, le litige sera soumis à la juridiction des tribunaux compétents du lieu du siège social'.

M. [A] ne rapporte pas la preuve d'un accord sur la désignation d'un conciliateur. Dès lors, Mme [C] était recevable à soumettre le litige au tribunal judiciaire de Guéret, juridiction du lieu du siège social du GAEC.

Sur la dissolution du GAEC et du GFA.

Le tribunal judiciaire a fait un exact rappel du cadre juridique de l'action en dissolution de ces groupements, à savoir l'article 1844-7 du code civil auquel renvoie l'article L. 323-4, alinéa 2, du code rural.

Le tribunal judiciaire a décidé à bon droit que le retrait, à compter du 10 juillet 2018 de l'agrément préfectoral dont bénéficiait le GAEC (décision du 29 août 2018), justifiait la dissolution de ce groupement en vertu de l'article L.323-12 du code rural.

S'agissant du GFA, ce groupement -tout comme le GAEC- a été constitué le 25 février 2013 entre les époux [A]-[C] (mariés en Hongrie le [Date mariage 4] 2012), à égalité de parts (10 parts chacun). La mésentente et les tensions particulièrement vives qui ont opposé le couple, et qui ont conduit à leur séparation en juillet 2015 puis à leur divorce prononcé le 4 février 2021, ont eu des répercussions sur le fonctionnement du groupement qui s'est trouvé paralysé puisque Mme [C], gérante, a dû quitter le domicile conjugal qui constituait aussi le siège social et que son mari s'opposait systématiquement aux résolutions, y compris celles relatives à la dissolution du GFA (procès-verbal d'assemblée générale du 5 octobre 2018), en réclamant sa désignation en qualité de nouveau gérant et l'application à son profit d'un accord du 9 mars 2017, à juste titre écarté par l'expert judiciaire comme tendant à spolier Mme [C] de ses droits dans la liquidation du régime matrimonial.

Il s'ensuit que le jugement sera confirmé en ce qu'il prononcé la liquidation des deux groupements conformément aux conclusions du rapport de l'expert judiciaire.

PAR CES MOTIFS

La Cour d' appel statuant publiquement, par décision Contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

CONFIRME le jugement rendu le 18 juillet 2023 par le tribunal judiciaire de Guéret;

CONDAMNE M. [G] [A] aux entiers dépens de première instance et d'appel.