Cass. crim., 24 septembre 2024, n° 23-82.230
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Rapporteur général de l'Autorité de la concurrence
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bonnal
Rapporteur :
M. Seys
Avocat général :
M. Lagauche
Avocats :
SCP Duhamel, SAS Hannotin Avocats
Faits et procédure
1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 14 juin 2022, le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence a saisi le juge des libertés et de la détention, sur le fondement de l'article L. 450-4 du code de commerce, d'une requête aux fins d'autorisation de visite et de saisie dans les locaux de la société [1] en vue de la recherche de la preuve de pratiques anti-concurrentielles dans le secteur des solutions globales de caisse et des produits et services associés destinés aux commerces de tabac/presse.
3. Par ordonnance en date du 17 juin 2022, le magistrat saisi a autorisé les mesures sollicitées.
4. Les investigations ainsi autorisées se sont déroulées du 23 juin 2022 au 24 juin suivant.
5. Certains fichiers de messagerie, qui n'avaient pu être saisis au cours de ces opérations, ont été remis par la société [1] à l'Autorité de la concurrence dans les jours suivants.
6. La société [1] a exercé un recours contre le déroulement des opérations de visite et de saisie susvisées.
Examen du moyen relevé d'office
Vu l'article L. 450-4, alinéa 12, du code de commerce :
8. Selon ce texte, le premier président de la cour d'appel est compétent pour connaître du recours exercé contre le déroulement des opérations de visite et saisie autorisées, en application des autres dispositions de ce même article, par le juge des libertés et de la détention sur demande de l'Autorité de la concurrence.
9. L'ordonnance attaquée, après avoir déclaré régulières les opérations de visite et saisie contestées par la société [1], annule néanmoins la remise de treize fichiers informatiques par cette même société à l'Autorité susvisée, intervenue après que cette dernière a achevé lesdites opérations, et ordonne la restitution des scellés correspondants.
10. Le premier président observe que l'article L. 450-4 du code précité ne prévoit pas la possibilité, pour les agents de l'Autorité de la concurrence, de demander la remise, après la fin des opérations ainsi autorisées, de documents qui n'auraient pas fait l'objet d'une saisie au cours de ladite visite.
11. Il en conclut que cette remise a été effectuée hors tout cadre légal.
12. En se déterminant par ces motifs, le premier président a méconnu sa compétence d'attribution et excédé ses pouvoirs.
13. En effet, la remise par l'occupant des lieux à l'Autorité de la concurrence, sur sa demande, d'éléments découverts à l'occasion d'une visite régulièrement autorisée, après que celle-ci a pris fin, ne relève pas des opérations visées à l'article L. 450-4 du code de commerce, quand bien même l'engagement pris d'une telle remise serait mentionné dans le procès-verbal de visite.
14. La cassation est encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
16. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives aux fichiers de messagerie de Mmes [J] [X], [KP] [N] et [S] [P], et de MM. [Y] [E], [I] [Z], [V] [K], [A] [D], [F] [H], [V] [O], [UY] [C], [U] [T], [W] [L] [G], [M] [B] [R], et à la restitution de ces derniers. Les autres dispositions seront donc maintenues.
17. La cassation aura lieu sans renvoi, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le moyen proposé pour l'Autorité de la concurrence, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'ordonnance susvisée du premier président de la cour d'appel de Paris, en date du 5 avril 2023, mais en ses seules dispositions ayant annulé la remise des fichiers de messagerie de Mmes [J] [X], [KP] [N] et [S] [P] et de MM. [Y] [E], [I] [Z], [V] [K], [A] [D], [F] [H], [V] [O], [UY] [C], [U] [T], [W] [L] [G], [M] [B] [R] et ordonné leur restitution, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DECLARE IRRECEVABLE la demande de la société [1] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.