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Décisions

Cass. crim., 24 septembre 2024, n° 23-84.244

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bonnal

Rapporteur :

M. Hill

Avocat général :

M. Aubert

Avocats :

SCP Piwnica et Molinié, SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés

Versailles, 1er prés., du 20 sept. 2022

20 septembre 2022

Faits et procédure

1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le 20 juin 2021, des opérations de visite et saisie, autorisées par le juge des libertés et de la détention sur le fondement de l'article L. 450-4 du code de commerce, ont été pratiquées dans les locaux de la société [2] et ont donné lieu à l'établissement de deux procès-verbaux concernant, pour l'un, les documents papier et, pour l'autre, les documents informatiques.

3. La société [2] a contesté le déroulement de ces opérations.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

4. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a débouté la société [2] de l'ensemble de ses demandes, alors : 

« 1°/ que sont couverts par le secret professionnel et, partant, insaisissables, en matière de concurrence, les travaux de conseil de l'avocat et les correspondances échangées par celui-ci avec son client, comme participant d'un exercice effectif et concret des droits de la défense et du droit à un procès équitable, fût-ce en amont de toute action judiciaire potentielle ou en cours ; qu'en retenant en l'espèce, pour débouter la société [2] de ses demandes, que seuls auraient été insaisissables ou restituables « les correspondances entre l'occupant des lieux visités et un avocat en raison de leur confidentialité (…) en lien avec l'exercice des droits de la défense » ou encore « les documents couverts par le secret professionnel de la défense et du conseil (…) pour autant que ces documents relèvent de l'exercice des droits de la défense » (ordo. attaquée, p.4), le président délégué a violé les articles 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 et L. 450-4 du code de commerce, ainsi que les articles préliminaire, 56-1, 56-1-1, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2°/ subsidiairement qu'aux termes de l'article 56-1 du code de procédure pénale, les dispositions de ce texte sont applicables, non seulement aux « perquisitions dans le cabinet d'un avocat ou à son domicile » (al.1er) et aux « perquisitions effectuées dans les locaux de l'ordre des avocats ou des caisses de règlement pécuniaire des avocats » (al.10), mais aussi aux « perquisitions ou visites domiciliaires effectuées, sur le fondement d'autres codes ou de lois spéciales, dans le cabinet d'un avocat ou à son domicile ou dans les locaux mentionnés à l'avant-dernier alinéa » (al.11) ; que l'article 56-1-1 du code de procédure pénale étend en outre le régime de protection aux documents saisis « à l'occasion d'une perquisition dans un lieu autre que ceux mentionnés à l'article 56-1 » ; qu'en décidant cependant en l'espèce, pour débouter la société [2] de ses demandes, que les dispositions des articles 56-1 et 56-1-1 du code de procédure pénale constituent des « régimes spéciaux de perquisitions édictés en matière de procédure pénale » et « ne s'appliquent pas en matière de droit de la concurrence pour la mise en oeœuvre de l'article L. 450-4 du code de commerce » (ordo. attaquée, p.4), le président délégué a violé les articles susvisés, ensemble les articles préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

3°/ en outre dans ses conclusions, la société [2] demandait expressément et précisément que soit annulée « la saisie des pièces relevant de la protection du secret professionnel entre un avocat et son client, listées en les pièces 13bis, 14bis, 15 saisies dans les locaux de [2] à [Localité 1] le 24 juin 2021 et contenues sur la clé USB fournie en pièce 16bis » (conclusions récapitulatives n°2, p.22) ; qu'en retenant en l'espèce, pour débouter la société [2] de ses demandes, qu'elle aurait refusé d'extraire du grand nombre d'éléments effectivement saisis « les fichiers en lien avec l'exercice des droits de la défense » en ne « met(tant) pas la juridiction du premier président en mesure d'exercer le contrôle qui lui est dévolu » (ordonnance p.5), cependant que la société [2] avait identifié et produit tous les éléments qu'elle estimait couverts par le secret, en sollicitant ainsi du juge saisi qu'il exerce effectivement son contrôle, fût-ce en opérant un tri plus sélectif que celui demandé, le président délégué a, en refusant lui-même d'exercer son office, violé les articles L. 450-4 du code de commerce, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

4°/ enfin que les motifs contradictoires ou inintelligibles équivalent à une absence de motifs ; qu'en écartant tout d'abord la thèse de la société [2] selon laquelle toutes correspondances entre un avocat et son client sont couvertes par le secret, en considérant que seuls étaient insaisissables ou restituables les éléments qui « relèvent de l'exercice des droits de la défense » (ordonnance attaquée, p.4), en énonçant pourtant à la suite, pour débouter la société [2] de ses demandes, qu'elle n'aurait pas démontré « que les pièces dont elle estime qu'elles n'auraient pas dû être saisies relèvent de la protection du secret des correspondances entre un avocat et son client » (ordonnance attaquée, p.6), le président délégué a, statuant par une motivation contradictoire, violé les articles L. 450-4 du code de commerce, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

6. Le moyen, qui manque en fait en ce qu'il soutient en sa quatrième branche que le premier président s'est contredit, n'est pas fondé pour les motifs qui suivent.

7. En premier lieu, si, selon les principes rappelés par l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, les documents et les correspondances échangés entre le client et son avocat sont, en toutes matières, couverts par le secret professionnel, il demeure qu'ils peuvent notamment être saisis dans le cadre des opérations de visite prévues par l'article L. 450-4 du code de commerce dès lors qu'ils ne relèvent pas de l'exercice des droits de la défense.

8. En deuxième lieu, les dispositions des articles 56-1 et 56-1-1 du code de procédure pénale ne sont pas applicables aux opérations de visite et de saisie autorisées en application de l'article L. 450-4 du code de commerce, sauf, s'agissant du premier de ces articles, si ladite visite a lieu dans l'un des lieux qu'il mentionne, et ce, en application du dernier alinéa dudit article.

9. En troisième lieu, comme l'a relevé à juste titre le premier président, la société [2], à qui il appartenait d'identifier au sein des fichiers saisis ceux relevant de l'exercice des droits de la défense, n'a pas mis en mesure le juge d'exercer son contrôle.

10. Par ailleurs, l'ordonnance est régulière en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.