Cass. 3e civ., 27 avril 2017, n° 16-15.958
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Avocats :
SCP Gadiou et Chevallier, SCP Gatineau et Fattaccini
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 23 février 2016), que la société civile immobilière Nevada (la SCI) a confié une mission de maîtrise d'oeuvre portant sur l'extension d'un bâtiment industriel à la société Getnow qui a sous-traité l'établissement du dossier de permis de construire à un architecte ; que, les parties s'opposant sur l'étendue des obligations contractuelles et le prix des prestations, la société Getnow a assigné la SCI en paiement ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois dernières branches :
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Getnow une somme au titre de ses honoraires, alors, selon le moyen :
1°/ que nul ne peut se constituer de titre à soi-même ; qu'en se fondant pourtant, pour allouer à la société Getnow la somme de 12 800 euros hors taxes à titre d'honoraires sur le seul décompte rédigé par cette dernière visant à établir l'étendue de l'obligation de la SCI, sans se référer au moindre élément objectif extérieur, au besoin en ayant recours à une mesure d'expertise, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;
2°/ que le juge doit respecter la loi des parties ; que la cour d'appel a elle-même constaté que la mission confiée à la société Getnow et pour laquelle celle-ci réclamait paiement correspondait non seulement à l'obtention du permis de construire mais également à la conception du projet ; que, par conséquent, la seule obtention du permis de construire ne permettait pas de caractériser que la mission avait été correctement exécutée, le permis pouvant parfaitement correspondre à un projet incomplet et non satisfaisant pour le maître de l'ouvrage ; qu'en jugeant dès lors que l'obtention du permis de construire suffisait à caractériser l'accomplissement de la mission confiée à la société Getnow et donc son droit à paiement, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
3°/ que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en s'abstenant dès lors d'examiner les nouveaux éléments produits en cause d'appel, et en particulier le rapport d'expertise de M. C..., qui établissait que la mission de conception confiée à la société Getnow n'avait pas été correctement exécutée, ce qui pouvait justifier le refus de paiement de la facture de cette société, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même n'est pas applicable à la preuve d'un fait juridique ; qu'ayant retenu que l'exécution de la mission portant sur l'obtention d'un permis de construire pour l'extension d'un bâtiment industriel, que la SCI ne contestait pas avoir confiée à la société Getnow, l'obligeait à rémunérer celle-ci pour ses diligences et les frais exposés et que la délivrance du permis de construire par le maire de la commune rendait inopérantes les critiques développées sur la qualité du travail facturé, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié la valeur et la portée du décompte soumis à son examen, a pu en déduire que la société Getnow pouvait prétendre au paiement de ses honoraires ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu les articles 1108 et 1131 du code civil, applicables à la cause, ensemble l'article 37 du code de déontologie des architectes ;
Attendu que, selon le dernier de ces textes, l'architecte ne peut ni prendre ni donner en sous-traitance la mission définie à l'alinéa 2 de l'article 3 de la loi sur l'architecture du 3 janvier 1977 ;
Attendu que, pour accueillir la demande de la société Getnow portant sur le remboursement des honoraires payés à l'architecte, l'arrêt retient que l'établissement du dossier de permis de construire lui avait été sous-traité et que l'éventuelle faute déontologique qu'il avait pu commettre en prenant en sous-traitance la réalisation du projet architectural en vue de l'obtention du permis de construire ne le privait pas de son droit à rémunération ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le maître de l'ouvrage n'est pas redevable des sommes exposées par le maître d'oeuvre pour rémunérer un sous-traitant lorsque le recours à la sous-traitance est interdit, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société civile immobilière Nevada à payer à la société Getnow la somme de 28 704 euros toutes taxes comprises correspondant au remboursement des honoraires versés à la société SO architectes, l'arrêt rendu le 23 février 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.