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Décisions

CA Bourges, ch. civ., 18 novembre 2021, n° 20/00852

BOURGES

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. WAGUETTE

Conseillers :

M. PERINETTI, Mme CIABRINI

Avocat :

SCP AVOCATS BUSINESS CONSEILS

TJ CHÂTEAUROUX, du 9 Juin 2020

9 juin 2020

EXPOSE

Suivant devis en date du 19 mai 2016, Mme Fanny S. a confié à M. Hervé L. des travaux de rénovation de l'ensemble des pièces de l'immeuble dont elle est propriétaire, situé [...], d'aménagement du grenier et de l'allée extérieure et de réfection des volets, moyennant un prix de 46.798 euros TTC. Mme S. a versé à M. L. des acomptes au moyen de deux chèques, d'un montant respectif de 18.720 euros et 9.400 euros, encaissés les 22 août et 27 octobre 2016.

Les travaux ont débuté le 19 octobre 2016 pour s'interrompre le 5 novembre suivant.

Par courrier recommandé avec avis de réception reçu le 16 janvier 2017, Mme S. a mis en demeure M. L. de lui présenter une offre d'indemnisation pour diverses malfaçons affectant les travaux réalisés, outre l'abandon du chantier, et de lui restituer les clés de l'immeuble.

Un rapport d'expertise amiable a été établi par le cabinet Polyexpert, mandaté par l'assureur protection juridique de Mme S..

Par ordonnance en date du 6 décembre 2017, le juge des référés du Tribunal de grande instance de Châteauroux, saisi par Mme S., a confié une mesure d'expertise judiciaire à M. François A.. L'expert a déposé son rapport le 9 juillet 2018.

Par acte d'huissier en date du 7 janvier 2019, Mme S. a fait assigner M. L. devant le Tribunal de grande instance de Châteauroux aux fins d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- le prononcé de la résolution du contrat,

- la condamnation de M. L. :

. au paiement de la somme de 28.120 euros en remboursement des acomptes perçus,

. au paiement des sommes de 10.816 euros TTC au titre des frais de remise en état de la maison et de 620 euros par mois à compter du 1er janvier 2017 et jusqu'au jugement à intervenir, outre intérêts à compter du 12 janvier 2017,

. à s'acquitter des condamnations pécuniaires sous astreinte de 620 euros par mois à compter du mois suivant la décision à intervenir.

En réplique, M. L. a conclu à l'irrecevabilité et au rejet des prétentions de Mme S. et sollicité reconventionnellement sa condamnation sous astreinte à lui restituer l'ensemble des outils et matériels restés sur le chantier, à lui verser la somme de 10.000 euros au titre des matériaux apportés sur le chantier indûment conservés par elle.

Par jugement contradictoire en date du 9 juin 2020, le Tribunal judiciaire de Châteauroux a :

Prononcé la résolution du contrat conclu entre Mme Fanny S. et M. Hervé L. selon devis de travaux en date du 19 mai 2016 ;

Condamné M. Hervé L. à payer à Mme Fanny S. les sommes de :

- 26.620,00 Euros au titre de la restitution des acomptes versés, après déduction de sa rémunération ;

- 8.316,00 Euros au titre des travaux de reprise ;

- 20.350,00 Euros en réparation de son préjudice de jouissance ;

Outre intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Condamné Mme Fanny S. à restituer à M. Hervé L. les biens matériels appartenant à ce dernier et restés en sa possession, selon la liste figurant en pièce 9 de son dossier de plaidoirie, soit :

- Une boîte à outils,

- Une boîte d'outils spécialisés,

- Une boîte de ponceuse,

- Une boîte sans outils,

- Une carrelette à main,

- Des couteaux à peindre,

- Deux ponceuses,

- Une boîte fermée de forets diamant,

- Une boîte ouverte de forets diamant, dont un manquant,

- Des outils divers et gaines de câble,

- Des outils divers et prises électriques,

- Des outils divers et interrupteurs,

- Un perforateur avec boiter cassé,

- Une radio et scie circulaire,

- Une rallonge électrique,

- Une scie sauteuse,

- Une échelle pliante coincée et règle de maçon,

- Une machine à peindre, sous réserve que celle-ci soit toujours en possession de Mme Fanny S. ;

Condamné M. Hervé L. à payer à Mme Fanny S. la somme de 1.500 euros au titre des frais exposés non compris dans les dépens sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamné M. Hervé L. aux dépens de l'instance, en ce compris les dépens de la procédure de référé ayant abouti à l'ordonnance du 6 décembre 2017 ainsi que le coût de l'expertise judiciaire ;

Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision, en toutes ses dispositions ; Rejeté toutes les demandes plus amples ou contraires des parties.

Le tribunal a notamment retenu que l'expert judiciaire avait estimé que les travaux entrepris auraient dû être achevés le 1er janvier 2017, que M. L. avait quitté le chantier à la suite de l'accident dont avait été victime une autre personne travaillant sur les lieux sans plus s'y présenter, que M. L. n'invoquait aucune cause légitime à la cessation des travaux, que les travaux réalisés étaient affectés de malfaçons, que M. L. avait manqué à son obligation de résultat de livrer un ouvrage exempt de vices et conforme aux stipulations contractuelles de sorte que Mme S. avait légitimement pu prendre acte de la rupture du contrat à l'issue du délai raisonnable d'exécution contractuelle et que la résolution du contrat aux torts exclusifs de M. L. s'en trouvait justifiée.

M. L. a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 29 septembre 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 12 février 2021 auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu'il développe, M. L. demande à la Cour de :

Le recevoir en son appel.

L'en DIRE bien fondé.

- INFIRMER le jugement dont appel en ce qu'il a prononcé la résiliation du marché de travaux conclu entre Mme S. Fanny et M. L. Hervé aux torts exclusifs de l'appelant.

- INFIRMER le jugement dont appel en ce qu'il a condamné M. L. à payer à l'intimée la somme de 20.350 euros au titre du préjudice de jouissance.

- INFIRMER le jugement dont appel en ce qu'il a condamné M. L. à payer à Mme S. la somme de 26.120 euros au titre de la restitution des acomptes versés par l'intimée.

- INFIRMER le jugement dont appel en ce qu'il a condamné M. L. à payer la somme de 8.316 euros au titre des travaux de reprise.

- INFIRMER le jugement dont appel en ce qu'il a condamné M. L. à payer à Mme S. la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- INFIRMER le jugement dont appel en ce qu'il a condamné M. L. aux dépens, y compris ceux de la procédure de référé ainsi que le coût de l'expertise judiciaire.

Et statuant à nouveau,

Vu les articles 1134 et 1184 ancien du Code Civil,

- PRONONCER la résiliation du marché de travaux conclu entre Mme S. Fanny et M. L. Hervé aux torts exclusifs de l'intimée.

En conséquence,

- DIRE et JUGER que M. L. n'est redevable d'aucune somme envers Mme S..

- CONFIRMER la condamnation de Mme S. à restituer à M. L. le matériel listé sur son bordereau de 1ère instance et repris par le Jugement dont appel.

- DIRE ET JUGER que M. L. pourra se faire assister de l'huissier de son choix pour se rendre à la résidence de l'intimée à Gargilesse Dampierre.

- En tant que de besoin, DESIGNER tel huissier qu'il plaira à la Cour pour ce faire.

Incidemment,

Vu l'article 1147 du Code Civil,

- CONDAMNER Mme Fanny S. à payer à M. Hervé L. la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire et préjudice moral.

- CONDAMNER Mme S. à payer à M. L. la somme de 26.620 euros.

- CONSTATER que M. L. a reçu cette somme à titre d'acompte.

Vu l'article 1794 du Code Civil,

- CONDAMNER l'intimée à payer à l'appelant la somme de 20.178 euros correspondant à la totalité du marché, moins les acomptes reçus qui resteront acquis à l'appelant.

- CONDAMNER Mme S. à payer à M. L. la somme de 5.000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure Civile.

- CONDAMNER l'intimée en tous les dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise.

- ACCORDER à Maître Hervé R., Avocat, le bénéfice de l'article 699 du Code de Procédure Civile, sous sa due affirmation.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 16 mars 2021, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu'elle développe, Mme S. demande à la Cour de :

- CONFIRMER purement et simplement le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de CHÂTEAUROUX le 9 juin 2020.

- DÉBOUTER M. Hervé L. de toutes ses demandes fins et conclusions contraires aux présentes ;

- CONDAMNER M. Hervé L. à verser à Mme S. la somme de 5.000 Euros sur le fondement de l'article 559 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNER M. Hervé L. à verser à Mme S. la somme de 5.000 Euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise.

- ORDONNER l'exécution provisoire.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 mars 2021.

MOTIFS

A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes tendant simplement à voir « dire et juger », « rappeler » ou « constater » ne constituent pas des demandes en justice visant à ce qu'il soit tranché un point litigieux mais des moyens, de sorte que la cour n'y répondra pas dans le dispositif du présent arrêt.

Sur la demande de résolution du contrat présentée par Mme S. :

Sur la responsabilité contractuelle des parties en présence

Aux termes de l'article 1147 ancien du code civil, en sa rédaction applicable au présent litige, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

L'article 1184 du même code dispose que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté,

a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.

Il est constant qu'il revient à l'entrepreneur, en sa qualité de professionnel, de réaliser des travaux conformes aux règles de l'art et d'accomplir son travail avec sérieux.

En l'espèce, bien que M. L. conteste, pour la première fois en cause d'appel, avoir rédigé à la demande de Mme S. le devis daté du 19 mai 2016, il doit être observé que le versement d'acomptes par Mme S., d'un montant respectif de 18.720 euros et 9.400 euros, et le début d'exécution de prestations correspondant au contenu de ce devis rendent incontestable l'existence de rapports contractuels entre les parties en présence, étant par surcroît observé que la rédaction du devis en cause, au-delà d'en-tête et pieds de page renvoyant à l'entreprise radiée dirigée par M. L., évoque par sa précision et l'abondance de mentions techniques l'intervention d'un entrepreneur professionnel.

M. L. ne conteste au demeurant nullement être intervenu, en vertu de ces rapports contractuels, sur le chantier de la maison appartenant à Mme S. à compter du 19 octobre 2016 et jusqu'au 5 novembre suivant, sans retour ultérieur sur les lieux.

Il est constant qu'à défaut, comme en l'espèce, de délai contractuellement stipulé entre les parties pour la réalisation des travaux en cause, il revient à l'entrepreneur d'exécuter lesdits travaux dans un délai raisonnable, conformément à l'article 1134 ancien du code civil qui dispose que le contrat doit être exécuté de bonne foi.

Il ressort du rapport d'expertise rédigé par M. A. que les travaux litigieux, ayant débuté au 19 octobre 2016, auraient dû être achevés à la date du 1er janvier 2017.

Mme S. a informé M. L., par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 12 janvier 2017, de son souhait de ne plus le voir intervenir sur le chantier et de son insatisfaction quant aux malfaçons constatées sur les travaux qui avaient pu être réalisés.

Il convient donc de considérer que cette information est intervenue après expiration du délai raisonnable fixé par l'expert, sans que M. L. puisse dès lors valablement faire valoir s'être vu interdire tout retour sur le chantier par la maître d'ouvrage. De plus, ainsi que l'a à juste titre relevé le Tribunal, le montant des acomptes versés à cette date par Mme S. était supérieur à la valeur des travaux réalisés.

M. L. avance pour motif de l'interruption des travaux entrepris l'accident dont a été victime M. D., ouvrier qu'il avait pris l'initiative de faire travailler avec lui sur le chantier, le 5 novembre 2016. Toutefois, cet accident ne peut suffire à expliquer le défaut de poursuite de tous travaux par M. L. postérieurement à sa survenance, a fortiori durant plus de deux mois, dans la mesure où la relation contractuelle qui l'unissait à Mme S. ne s'étendait pas à M. D. et où il lui était loisible de faire intervenir tout ouvrier de son choix pour concourir à la poursuite des travaux qu'il demeurait tenu d'exécuter dans un délai raisonnable.

Le comportement fautif de M. L. dans l'exécution de ses obligations contractuelles se trouve ainsi caractérisé.

Mme S., qui avait versé à M. L. les acomptes demandés et ne pouvait se voir reprocher l'inexécution de ses obligations contractuelles propres, était en conséquence en droit, à compter du 1er janvier 2017 et au vu du défaut d'exécution par M. L. de la moindre prestation sur le chantier depuis le 5 novembre précédent, de prendre acte de la rupture du contrat par le fait de son cocontractant.

Concernant l'absence de mise en demeure adressée par Mme S. à M. L., il sera rappelé qu'une telle démarche n'est nullement impérative et qu'il est admis que l'assignation en justice puisse y équivaloir, en ce qu'elle permet au débiteur de l'obligation inexécutée de faire offre d'exécution afin d'éviter l'instance judiciaire.

En l'occurrence, M. L. n'a apporté aucune réponse au courrier du 12 janvier 2017, y compris pour offrir à Mme S. de finir d'exécuter les travaux interrompus.

En outre, au vu des malfaçons affectant les travaux exécutés par M. L. telles que constatées par l'expert amiable et l'expert judiciaire, qui ont prescrit la réalisation de travaux de reprise, Mme S. pouvait là encore prendre acte de la rupture du contrat à l'issue du délai raisonnable d'exécution contractuelle du fait du manquement de M. L. à son obligation de livrer un ouvrage exempt de vices et conforme aux stipulations contractuelles.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat conclu entre M. L. et Mme S., suivant devis du 19 mai 2016, aux torts exclusifs de M. L..

Sur les demandes indemnitaires présentées par les parties

M. L. sollicite la juste rémunération du travail accompli et des matériaux achetés et transportés. Toutefois, s'il n'est pas contestable qu'il ait apporté sur les lieux divers outils puisqu'une partie d'entre eux au moins est demeurée sur place, il ne peut qu'être remarqué que M. L. s'abstient de produire la moindre pièce, facture d'achat ou autre, se rapportant aux matériaux qu'il dit avoir employés et dont il n'établit même pas la liste, ou aux frais de déplacement qu'il indique avoir exposés, se bornant à en fixer unilatéralement le montant global à la somme de 26.620 euros.

Il y a lieu en conséquence de débouter M. L. de cette demande.

M. L. sollicite également la condamnation de Mme S. à lui verser la somme de 46.798 euros correspondant au montant du devis, moins les acomptes de 26.620 euros, soit une somme de 20.178 euros. Il sera précisé tout d'abord que le montant des acomptes versés par Mme S. s'élève en réalité à hauteur de 28.120 euros, la condamnation en première instance de M. L. au paiement d'une somme de 26.620 euros ayant pris en compte la compensation de cette somme avec celle de 1.500 euros au paiement de laquelle Mme S. a été condamnée par les premiers juges à titre de rémunération des travaux de démolition.

Il sera relevé ensuite que les malfaçons constatées par l'expert judiciaire sur les travaux réalisés, le caractère très partiel de ceux-ci au regard du devis produit et l'absence de tout comportement fautif de la part de Mme S. conduisent à confirmer l'évaluation à hauteur de 1.500 euros des travaux de démolition effectivement diligentés par M. L. et à le débouter du surplus de sa demande.

Il est par ailleurs constant que le droit d'agir ou de se défendre en justice ne dégénère en abus pouvant donner lieu à indemnisation que dans le cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol.

En l'espèce, M. L. demande à ce titre l'octroi d'une somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts. Pour autant, nul abus de droit n'est caractérisé à l'encontre de Mme S., dont l'action ne présente pas les caractéristiques de l'abus de droit précédemment rappelées et qui voit au contraire ses demandes prospérer.

La demande formée à ce titre par M. L. sera en conséquence rejetée.

M. L. invoque encore, pour s'opposer aux demandes présentées à Mme S., 'une expertise à charge et partisane', dont il conviendra simplement de rappeler que l'intéressé a été convoqué aux opérations d'expertise et y a été représenté par un avocat, sans pour autant produire d'observations auprès de l'expert judiciaire.

Mme S. sollicite pour sa part la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. L. à lui restituer le montant des acomptes versés, déduction faite de la rémunération fixée pour les travaux de démolition accomplis à hauteur de 1.500 euros, et à lui payer les sommes de 8.316 euros au titre des travaux de reprise et de 20.350 euros en réparation de son préjudice de jouissance.

L'expert judiciaire a constaté que l'essentiel des travaux exécutés présentait des malfaçons et non-conformités aux règles de l'art nécessitant leur reprise.

M. L. ne contredit aucun point des constatations de l'expert quant à ces malfaçons, affirmant simplement avoir accompli son travail sans manquer à ses obligations contractuelles.

Il conteste en revanche l'existence d'un trouble de jouissance issu de l'inhabitabilité de l'immeuble en l'état et d'un préjudice indemnisable à ce titre, au motif essentiel que la maison qu'elle possède à Gargilesse ne constituerait pas la résidence principale de Mme S., ce que celle-ci dément.

Il sera toutefois observé sur ce point que l'existence d'un préjudice de jouissance n'est pas conditionnée par la qualité de résidence principale de l'immeuble en cause mais par l'impossibilité à laquelle se trouve confronté le maître de l'ouvrage de pouvoir jouir de son bien. En l'espèce, il est établi par les photographies produites par Mme S. et non querellées, ainsi que par les constatations des experts judiciaire et amiable que la maison était habitable avant réalisation des travaux de démolition par M. L., que Mme S. aurait dû pouvoir pleinement jouir de la maison de Gargilesse à compter du 1er janvier 2017 et qu'elle s'en est trouvée empêchée par le défaut d'exécution des travaux convenus par M. L., au-delà des seuls travaux de démolition.

Le Tribunal a, avec pertinence, déterminé la valeur locative de l'immeuble à hauteur de 550 euros par mois, en se référant à une annonce produite par Mme S. concernant une maison comparable située à proximité d'Argenton sur Creuse, et retenu une période de 37 mois d'inhabitabilité comprise entre le 1er janvier 2017 et le prononcé de la clôture de la procédure de première instance, par ordonnance en date du 6 février 2020.

En considération de l'ensemble de ces éléments, il convient de confirmer le jugement entrepris en l'intégralité des condamnations indemnitaires prononcées à l'encontre de chacune des parties.

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

L'article 559 du code de procédure civile dispose qu'en cas d'appel principal dilatoire ou abusif, l'appelant peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui lui seraient réclamés. Cette amende, perçue séparément des droits d'enregistrement de la décision qui l'a prononcée, ne peut être réclamée aux intimés. Ceux-ci peuvent obtenir une expédition de la décision revêtue de la formule exécutoire sans que le non- paiement de l'amende puisse y faire obstacle.

Il est constant que le droit d'agir ou de se défendre en justice ne dégénère en abus pouvant donner lieu à indemnisation que dans le cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol.

En l'espèce, nul abus de droit n'est caractérisé à l'encontre de M. L., l'appréciation inexacte qu'il a pu faire de ses droits ne présentant pas les caractéristiques de l'abus de droit précédemment rappelées.

La demande formée à ce titre par Mme S. sera en conséquence rejetée.

Sur la demande de restitution de matériel formée par M. L.

Mme S. a spontanément produit devant le Tribunal une liste et les photographies d'outils laissés sur le chantier par M. L..

Il n'existe pas de raison valable de supposer que Mme S., qui y acquiesce en ses écritures, s'oppose à la restitution de ces matériels ni, par conséquent, de nécessité de permettre à M. L. de pénétrer dans la maison appartenant à Mme S. assisté d'un huissier afin de procéder à leur récupération.

Par ailleurs, aucun élément produit aux débats n'établit l'existence d'autres équipements appartenant à M. L. qui seraient demeurés sur le chantier.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné Mme S. à restituer à M. L. les biens matériels appartenant à ce dernier et restés en sa possession, selon la liste suivante :

- Une boîte à outils,

- Une boîte d'outils spécialisés,

- Une boîte de ponceuse,

- Une boîte sans outils,

- Une carrelette à main,

- Des couteaux à peindre,

- Deux ponceuses,

- Une boîte ouverte de forets diamant, dont un manquant,

- Des outils divers et gaines de câble,

- Des outils divers et prises électriques,

- Des outils divers et interrupteurs,

- Un perforateur avec boiter cassé,

- Une radio et scie circulaire,

- Une rallonge électrique,

- Une scie sauteuse,

- Une échelle pliante coincée et règle de maçon,

- Une machine à peindre, sous réserve que celle-ci soit toujours en possession de Mme Fanny S. ;

étant précisé qu'une infirmation partielle sera prononcée concernant la seule 'boîte fermée de forets diamant', qui correspond au même équipement que la 'boîte ouverte de forets diamant, dont un manquant'.

Sur l'article 700 et les dépens :

L'équité et la prise en considération de l'issue du litige commandent de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner M. L., qui succombe en l'intégralité de ses prétentions, à verser à Mme S. la somme de 2.500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. M. L., succombant en l'intégralité de ses prétentions, devra supporter la charge des dépens de l'instance d'appel.

Le jugement entrepris sera enfin confirmé de ces chefs.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

INFIRME partiellement le jugement rendu le 9 juin 2020 par le Tribunal judiciaire de Châteauroux en ce qu'il a condamné Mme Fanny S. à restituer à M. Hervé L. une boîte fermée de forets diamant lui appartenant ;

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions ;

Statuant de nouveau du seul chef infirmé,

DIT n'y avoir lieu de condamner Mme Fanny S. à restituer à M. Hervé L. une boîte fermée de forets diamant, eu égard à la restitution par ailleurs ordonnée d'une boîte de forets diamants dont un manquant ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE M. Hervé L. de l'intégralité de ses demandes en paiement et de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire ;

DÉBOUTE Mme Fanny S. de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif ;

CONDAMNE M. Hervé L. à payer à Mme Fanny S. la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

REJETTE toutes autres demandes, plus amples ou contraires ;

CONDAMNE M. Hervé L. aux entiers dépens de l'instance d'appel.