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Décisions

CJUE, 3e ch., 26 septembre 2024, n° C-790/21 P

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Covestro Deutschland AG, République fédérale d’Allemagne

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Présidents de chambre :

Mme Jürimäe (rapporteure), M. Lenaerts

Juges :

M. Piçarra, M. Jääskinen, M. Gavalec

Avocat général :

Mme Medina

Avocats :

Me Fouquet, Me Hartmann, Me Kachel, Me Panknin, Me Wilde, Me Bartsch, Me Bourazeri

CJUE n° C-790/21 P

25 septembre 2024

LA COUR (troisième chambre),

1 Par son pourvoi dans l’affaire C 790/21 P, Covestro Deutschland AG (ci-après « Covestro ») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 6 octobre 2021, Covestro Deutschland/Commission (T 745/18, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:644), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision (UE) 2019/56 de la Commission, du 28 mai 2018, relative à l’aide d’État SA.34045 (2013/C) (ex 2012/NN) accordée par l’Allemagne aux consommateurs de charge en continu au sens de l’article 19 du règlement StromNEV (JO 2019, L 14, p. 1, ci après la « décision litigieuse »).

2 Par son pourvoi dans l’affaire C 791/21 P, la République fédérale d’Allemagne demande l’annulation de l’arrêt attaqué.

3 Par ses pourvois incidents, formés dans chacune des affaires C 790/21 P et C 791/21 P, la Commission européenne demande également l’annulation de l’arrêt attaqué.

 Le cadre juridique

4 Le considérant 39 du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9), énonce :

« Il importe, aux fins de la transparence et de la sécurité juridique, d’assurer la publicité des décisions de la Commission, tout en maintenant le principe selon lequel les décisions en matière d’aides d’État sont adressées à l’État membre concerné. Il convient, par conséquent, de publier toutes les décisions qui sont de nature à affecter les intérêts des parties intéressées, soit intégralement, soit sous forme résumée, ou de tenir à leur disposition des copies de ces décisions lorsque celles-ci n’ont pas été publiées ou n’ont pas été publiées intégralement. »

5 L’article 1er, sous h), de ce règlement dispose :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

h) “partie intéressée” : tout État membre et toute personne, entreprise ou association d’entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide, en particulier le bénéficiaire de celle-ci, les entreprises concurrentes et les associations professionnelles. »

6 L’article 32 dudit règlement, intitulé « Publication des décisions », prévoit, à son paragraphe 3 :

« La Commission publie au Journal officiel de l’Union européenne les décisions qu’elle prend en application de l’article 8, paragraphes 1 et 2 et de l’article 9. »

 Les antécédents du litige et la décision litigieuse

7 Les antécédents du litige, tels qu’ils sont exposés aux points 1 à 22 de l’arrêt attaqué, peuvent se résumer comme suit.

 Sur les mesures législatives et réglementaires en cause

 Sur le système de redevances de réseau avant l’introduction des mesures litigieuses

8 L’article 21 de l’Energiewirtschaftsgesetz (loi relative à la sauvegarde de l’approvisionnement en énergie), tel que modifié par le Gesetz zur Neuregelung energiewirtschaftsrechtlicher Vorschriften (loi portant nouvelle réglementation des dispositions relatives à l’approvisionnement en énergie), du 26 juillet 2011 (BGBl. 2011 I, p. 1554), et avant les modifications apportées par le Gesetz zur Weiterentwicklung des Strommarktes (loi relative à l’évolution du marché de l’électricité), du 26 juillet 2016 (BGBl. 2016 I, p. 1786) (ci après l’« EnWG 2011 »), prévoyait notamment que les redevances de réseau devaient être raisonnables, non discriminatoires, transparentes et calculées sur la base des coûts d’une exploitation efficace du réseau.

9 L’article 24 de l’EnWG 2011 habilitait le gouvernement fédéral allemand à établir, par voie réglementaire, des dispositions détaillées en ce qui concerne, d’une part, la définition de la méthode générale de détermination des redevances de réseau et, d’autre part, la réglementation des cas particuliers d’utilisation du réseau ainsi que les conditions dans lesquelles l’autorité de régulation pouvait autoriser ou interdire des redevances de réseau individuelles.

10 L’article 17 de la Stromnetzentgeltverordnung (règlement fédéral relatif aux redevances de réseau), du 25 juillet 2005 (BGBl. 2005 I, p. 2225, ci-après le « règlement StromNEV 2005 »), définit la méthode de calcul à utiliser par les gestionnaires de réseau pour déterminer les redevances générales. Il s’agit d’une méthode en deux temps consistant, tout d’abord, à déterminer les différents éléments de coûts annuels de l’ensemble des réseaux et, ensuite, à calculer les redevances générales sur la base du total annuel des coûts de réseau.

11 La détermination des redevances générales tient compte des deux éléments suivants, à savoir la « fonction de simultanéité », qui reflète la probabilité que la consommation individuelle d’un utilisateur contribue à la charge de pointe annuelle du niveau de réseau concerné, et le seuil maximum de recettes par gestionnaire, fixé par la Bundesnetzagentur (agence fédérale des réseaux, Allemagne) (ci-après la « BNetzA »), sur la base d’une analyse comparative avec d’autres gestionnaires de réseau, visant à éviter que les coûts découlant de l’inefficacité soient compensés par les redevances de réseau.

12 L’article 19 du règlement StromNEV 2005 prévoit des redevances individuelles pour des catégories d’utilisateurs dont les profils de consommation et de charge sont très différents de ceux des autres utilisateurs (ci-après les « utilisateurs atypiques »). Ces redevances tiennent compte, conformément au principe selon lequel les droits de réseau reflètent les coûts du réseau, de la contribution de ces utilisateurs atypiques à la réduction ou à la prévention d’une hausse de ces coûts.

13 À cet égard, l’article 19, paragraphe 2, du règlement StromNEV 2005 instaure des redevances individuelles pour les deux catégories d’utilisateurs atypiques suivantes :

– les utilisateurs dont la contribution à la charge de pointe est susceptible de différer sensiblement de la charge de pointe annuelle simultanée de tous les autres utilisateurs raccordés au même niveau de réseau, c’est-à-dire les utilisateurs qui consomment systématiquement de l’électricité en dehors des heures de pointe (ci après les « consommateurs anticycliques »), et

– les utilisateurs dont la consommation annuelle d’électricité représente au moins 7 000 heures d’utilisation et plus de 10 gigawatts/heure (ci-après les « consommateurs de charge en continu »).

14 Jusqu’à sa modification par l’EnWG 2011, le règlement StromNEV 2005 prévoyait que les consommateurs anticycliques et les consommateurs de charge en continu étaient assujettis à des redevances individuelles, lesquelles étaient calculées selon la « méthode du chemin physique » élaborée par la BNetzA. Cette méthode tenait compte des coûts de réseau engendrés par ces consommateurs, avec une redevance minimale équivalant à 20 % des redevances générales annoncées (ci après la « redevance minimale »). Cette dernière garantissait une rétribution pour l’exploitation du réseau auquel lesdits consommateurs étaient raccordés dans l’hypothèse où les redevances individuelles calculées selon la méthode du chemin physique auraient été plus basses que cette redevance minimale ou même proches de zéro.

 Sur les mesures litigieuses

15 Conformément à l’article 19, paragraphe 2, deuxième et troisième phrases, du règlement StromNEV 2005, tel que modifié par l’EnWG 2011 (ci-après le « règlement StromNEV 2011 »), à partir du 1er janvier 2011, date d’application rétroactive de cette disposition, les redevances individuelles pour les consommateurs de charge en continu ont été supprimées et remplacées par une exonération complète des redevances de réseau (ci-après l’« exonération litigieuse »), accordée par une autorisation de l’autorité de régulation compétente, à savoir la BNetzA ou l’autorité de régulation du Land concerné. Le coût de cette exonération pesait sur les gestionnaires de réseau de transport ou de distribution selon le niveau de réseau auquel les bénéficiaires étaient raccordés.

16 Conformément à l’article 19, paragraphe 2, sixième et septième phrases, du règlement StromNEV 2011, les gestionnaires de réseau de transport étaient tenus de rembourser aux gestionnaires de réseau de distribution la moins-value résultant de l’exonération litigieuse et devaient compenser, entre eux, les coûts entraînés par cette exonération, au moyen d’une compensation financière conformément à l’article 9 du Kraft-Wärme-Kopplungsgesetz (loi sur la promotion de la cogénération de chaleur et d’électricité), du 19 mars 2002 (BGBl. 2002 I, p. 1092), de sorte que chacun assumait la même charge financière calculée selon la quantité d’électricité qu’il fournissait aux consommateurs finals raccordés à son réseau.

17 À partir de l’année 2012, la décision de la BNetzA du 14 décembre 2011 (BK8-11-024) (ci-après la « décision BNetzA de 2011 ») a mis en place un mécanisme de financement. Selon ce mécanisme, les gestionnaires de réseau de distribution percevaient, auprès des consommateurs finals ou des fournisseurs d’électricité, une surtaxe (ci après la « surtaxe litigieuse ») dont le montant était reversé aux gestionnaires de réseau de transport pour compenser la perte de recettes provoquée par l’exonération litigieuse.

18 Le montant de la surtaxe litigieuse était déterminé chaque année, à l’avance, par les gestionnaires de réseau de transport, sur la base d’une méthode établie par la BNetzA. Le montant relatif à l’année 2012, première année de mise en œuvre du mécanisme, a été fixé directement par la BNetzA.

19 Ces dispositions ne s’appliquaient pas aux coûts de l’exonération litigieuse pour l’année 2011 et, partant, chaque gestionnaire de réseau de transport et de distribution a dû supporter les pertes relatives à cette exonération pour cette année.

 Sur le système de redevance de réseau postérieur aux mesures litigieuses

20 Pendant la procédure administrative qui a conduit à la décision litigieuse, l’exonération litigieuse a tout d’abord été déclarée nulle et non avenue par des décisions juridictionnelles de l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf, Allemagne) du 8 mai 2013 et du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) du 6 octobre 2015. Cette exonération a ensuite été abrogée, à partir du 1er janvier 2014, par le règlement StromNEV 2005, tel que modifié par la Verordnung zur Änderung von Verordnungen auf dem Gebiet des Energiewirtschaftsrechts (règlement portant modification des règlements en matière d’énergie), du 14 août 2013 (BGBl. 2013 I, p. 3250) (ci-après le « règlement StromNEV 2013 »). Le règlement StromNEV 2013 a réintroduit, pour l’avenir, les redevances individuelles calculées selon la méthode du chemin physique, avec l’application, au lieu de la redevance minimale, de redevances forfaitaires de 10, de 15 et de 20 % des redevances générales, en fonction de la consommation d’électricité (respectivement 7 000, 7 500 et 8 000 heures d’utilisation annuelle du réseau) (ci-après les « redevances forfaitaires »).

21 Le règlement StromNEV 2013 a introduit un régime transitoire, en vigueur à partir du 22 août 2013 et applicable, de manière rétroactive, aux consommateurs de charge en continu qui n’avaient pas encore bénéficié de l’exonération litigieuse pour les années 2012 et 2013 (ci après le « régime transitoire »). Au lieu des redevances individuelles calculées selon la méthode du chemin physique et de la redevance minimale, ce régime prévoyait exclusivement l’application à ces consommateurs des redevances forfaitaires.

 Sur la procédure administrative et la décision litigieuse

22 À la suite de plusieurs plaintes, la Commission a publié, le 4 mai 2013, sa décision d’ouvrir la procédure au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE concernant le régime d’aides reposant sur les mesures litigieuses (JO 2013, C 128, p. 43).

23 Au terme d’une procédure au cours de laquelle la République fédérale d’Allemagne et d’autres parties intéressées ont présenté leurs observations, la Commission a adopté, le 28 mai 2018, la décision litigieuse.

24 Par cette décision, la Commission a constaté que, du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, la République fédérale d’Allemagne avait octroyé illégalement des aides d’État sous la forme de l’exonération litigieuse.

25 Plus particulièrement, la Commission a conclu que le montant des aides d’État correspondait aux coûts de réseau engendrés en 2012 et en 2013 par les consommateurs de charge en continu exonérés ou, si ces coûts étaient inférieurs à la redevance minimale, à cette dernière.

26 En outre, la Commission a relevé que les aides en question étaient incompatibles avec le marché intérieur, dès lors qu’elles ne relevaient d’aucune des exceptions prévues à l’article 107, paragraphes 2 et 3, TFUE, et qu’elles ne pouvaient pas non plus être considérées comme étant compatibles pour d’autres motifs.

27 Par conséquent, la Commission a décidé ce qui suit :

– l’exonération litigieuse constituait une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, dans la mesure où les consommateurs de charge en continu avaient été exonérés des redevances de réseau, correspondant aux coûts de réseau qu’ils engendraient, ou de la redevance minimale, si ces coûts étaient inférieurs à cette redevance ;

– l’aide en question avait été exécutée par la République fédérale d’Allemagne en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE et n’était pas compatible avec le marché intérieur ;

– l’aide individuelle, octroyée au titre du régime en question, n’était pas constitutive d’une aide d’État si, au moment de son octroi, elle remplissait les conditions définies par un règlement concernant les aides « de minimis », adopté en vertu de l’article 2 du règlement (CE) no 994/98 du Conseil, du 7 mai 1998, sur l’application des articles [107] et [108 TFUE] à certaines catégories d’aides d’État horizontales (JO 1998, L 142, p. 1), et

– la République fédérale d’Allemagne, d’une part, était obligée de récupérer auprès des bénéficiaires les aides incompatibles avec le marché intérieur, octroyées au titre du régime d’aides en question, y compris les intérêts, et, d’autre part, était tenue d’annuler tous les paiements non encore effectués au titre de ce régime dès la date d’adoption de la décision litigieuse.

 Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

28 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 décembre 2018, Covestro a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

29 Par décision du président de la sixième chambre du Tribunal du 4 juin 2019, la République fédérale d’Allemagne a été admise à intervenir au soutien des conclusions de Covestro, conformément à la demande de cet État membre.

30 À l’appui de son recours, Covestro a soulevé quatre moyens. Le premier moyen, auquel elle a renoncé à l’audience, était tiré de la durée excessive de la procédure formelle d’examen. Le deuxième moyen était pris de l’absence d’une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Le troisième moyen était tiré de la compatibilité de l’aide présumée avec le marché intérieur en vertu, d’une part, de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et, d’autre part, de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. Le quatrième moyen était tiré de l’illégalité de l’injonction de récupération, au motif qu’elle aurait été prise en violation, d’une part, du principe de non-discrimination et, d’autre part, du principe de protection de la confiance légitime.

31 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a déclaré le recours recevable, puis a constaté qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur le premier moyen suite au désistement de Covestro et, enfin, a rejeté les deuxième à quatrième moyens et, par conséquent, le recours en annulation dans son ensemble.

 La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

32 Par son pourvoi dans l’affaire C 790/21 P, Covestro demande à la Cour :

– d’annuler l’arrêt attaqué et d’annuler la décision litigieuse pour les années 2012 et 2013 dans son intégralité ou, subsidiairement, en tant que cette décision la concerne ;

– à titre subsidiaire, d’annuler l’arrêt attaqué et de renvoyer l’affaire au Tribunal, et

– de condamner la Commission aux dépens.

33 La République fédérale d’Allemagne demande à la Cour de faire droit au pourvoi dans l’affaire C 790/21 P et de condamner la Commission aux dépens.

34 La Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi dans l’affaire C 790/21 P et de condamner Covestro aux dépens.

35 Par son pourvoi dans l’affaire C 791/21 P, la République fédérale d’Allemagne demande à la Cour :

– d’annuler l’arrêt attaqué en ce qu’il a rejeté le recours en annulation comme étant non fondé ;

– d’annuler la décision litigieuse, et

– de condamner la Commission aux dépens exposés devant le Tribunal et la Cour.

36 Covestro demande à la Cour de faire droit au pourvoi dans l’affaire C 791/21 P et de condamner la Commission aux dépens.

37 La Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi dans l’affaire C 791/21 P et de condamner la République fédérale d’Allemagne aux dépens.

38 Par ses pourvois incidents dans les affaires C 790/21 P et C 791/21 P, la Commission demande à la Cour :

– d’annuler l’arrêt attaqué ;

– de déclarer irrecevable le recours en annulation ;

– dans l’affaire C 790/21 P, de condamner Covestro aux dépens exposés devant la Cour et le Tribunal, et

– dans l’affaire C 791/21 P, de condamner, d’une part, la République fédérale d’Allemagne aux dépens exposés devant la Cour et, d’autre part, Covestro aux dépens exposés devant le Tribunal.

39 Covestro et la République fédérale d’Allemagne concluent au rejet des pourvois incidents et à la condamnation de la Commission aux dépens.

40 Par décision du président de la Cour du 18 avril 2023, les affaires C 790/21 P et C 791/21 P ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt.

 Sur la demande de réouverture de la phase orale de la procédure dans l’affaire C 790/21 P

41 Par acte déposé au greffe le 1er février 2024, Covestro a demandé que soit ordonnée la réouverture de la phase orale de la procédure en application de l’article 83 du règlement de procédure de la Cour.

42 À l’appui de cette demande, Covestro allègue, en premier lieu, que, dans ses conclusions, Mme l’avocate générale a omis de tenir dûment compte d’un argument décisif avancé par cette partie pour démontrer l’absence de charge obligatoire en l’espèce.

43 En second lieu, Covestro est d’avis que le point 61 de l’arrêt du Tribunal du 24 janvier 2024, Allemagne/Commission (T 409/21, EU:T:2024:34), par lequel ce dernier aurait jugé que « les gestionnaires de réseau ne sont pas obligés, en vertu de la loi, de réclamer le prélèvement [en cause dans l’affaire ayant conduit à cet arrêt] à leurs clients, de sorte que ce prélèvement ne peut être qualifié de prélèvement obligatoire », constitue un fait nouveau et décisif aux fins de la présente instance.

44 À cet égard, conformément à l’article 83 de son règlement de procédure, la Cour peut, l’avocat général entendu, ordonner à tout moment la réouverture de la phase orale de la procédure, notamment si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée, ou lorsqu’une partie a soumis, après la clôture de cette phase, un fait nouveau de nature à exercer une influence décisive sur la décision de la Cour, ou encore lorsque l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas encore été débattu entre les parties.

45 En premier lieu, s’agissant de la prétendue omission, par Mme l’avocate générale, de tenir compte d’un argument décisif, il importe de rappeler que le statut de la Cour de justice de l’Union européenne et le règlement de procédure de la Cour ne prévoient pas la possibilité, pour les parties, de présenter des observations en réponse aux conclusions présentées par l’avocat général. En vertu de l’article 252, second alinéa, TFUE, l’avocat général présente publiquement, en toute impartialité et en toute indépendance, des conclusions motivées sur les affaires qui requièrent son intervention. La Cour n’est liée ni par ces conclusions ni par la motivation au terme de laquelle l’avocat général parvient à celles-ci. Par conséquent, le désaccord d’une partie avec les conclusions de l’avocat général, quelles que soient les questions qu’il examine dans celles-ci, ne peut constituer en soi un motif justifiant la réouverture de la phase orale de la procédure (voir, en ce sens, arrêts du 13 juillet 2023, Grupa Azoty e.a./Commission, C 73/22 P et C 77/22 P, EU:C:2023:570, point 25 ainsi que jurisprudence citée, et du 8 février 2024, Pilatus Bank/BCE, C 256/22 P, EU:C:2024:125, points 29 et 30 ainsi que jurisprudence citée).

46 En second lieu, s’agissant de l’invocation de l’arrêt du Tribunal du 24 janvier 2024, Allemagne/Commission (T 409/21, EU:T:2024:34), il y a lieu de constater qu’un arrêt rendu par le Tribunal ne saurait lier la Cour (voir, en ce sens, arrêt du 4 décembre 2019, Polskie Górnictwo Naftowe i Gazownictwo/Commission, C 342/18 P, EU:C:2019:1043, point 60).

47 Dans ces conditions, la Cour considère, l’avocate générale entendue, qu’il n’y a pas lieu d’ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure.

 Sur les pourvois incidents

48 Les pourvois incidents introduits par la Commission visent à contester la recevabilité du recours de première instance, ce qui constitue une question préalable à celles relatives au fond soulevées dans les pourvois principaux. Il y a donc lieu d’examiner les pourvois incidents en premier (voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 2020, Changmao Biochemical Engineering/Distillerie Bonollo e.a., C 461/18 P, EU:C:2020:979, point 43).

49 À l’appui de ses pourvois incidents, la Commission soulève trois moyens.

 Sur le premier moyen

 Argumentation des parties

50 Par le premier moyen soulevé à l’appui de ses pourvois incidents, la Commission reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit, aux points 37 à 44 de l’arrêt attaqué, en retenant une interprétation large de la notion de « publication », au sens de l’article 263, sixième alinéa, TFUE. Ainsi, le Tribunal aurait erronément considéré que toute publication au Journal officiel répond à cette notion, indépendamment du point de savoir si une telle publication conditionne l’entrée en vigueur de l’acte en cause conformément à l’article 297 TFUE et si elle est prévue par le traité lui-même.

51 En premier lieu, l’interprétation du Tribunal serait contraire à la jurisprudence de la Cour telle qu’elle se dégagerait de l’arrêt du 17 mai 2017, Portugal/Commission (C 339/16 P, EU:C:2017:384, points 34 à 40), ainsi que des ordonnances du 31 janvier 2019, Iordăchescu/Parlement e.a. (C 426/18 P, EU:C:2019:89, point 22), et du 5 septembre 2019, Fryč/Commission (C 230/19 P, EU:C:2019:685, point 15). Par cette jurisprudence, la Cour aurait établi un parallélisme entre l’article 263, sixième alinéa, TFUE et l’article 297 TFUE, en ce sens que la publication de l’acte en cause ne constitue le point de départ du délai de recours que si elle conditionne l’entrée en vigueur de cet acte et si elle est prévue par le traité lui-même.

52 Cette approche serait confirmée par une interprétation littérale, contextuelle et téléologique de l’article 263, sixième alinéa, TFUE.

53 S’agissant, d’une part, du libellé de cette disposition, la Commission fait valoir que, dans toutes les versions linguistiques, à l’exception de la version en langue allemande, les termes « publication » et « notification » figurent tant à l’article 263, sixième alinéa, TFUE qu’à l’article 297 TFUE, ce qui démontre l’existence d’un parallélisme entre ces deux dispositions.

54 S’agissant, d’autre part, de l’esprit et de la finalité de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, les délais de recours fixés à cette disposition participeraient de l’objectif de sécurité juridique. Si un justiciable souhaitait attaquer un acte, il devrait en principe le faire dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle la version définitive de son contenu a été portée à sa connaissance. En revanche, pour les actes de portée générale qui n’ont pas de destinataires, cette date serait celle de la publication au Journal officiel. Pour les actes désignant un destinataire, ladite date serait celle de la notification à ce destinataire. Ce ne serait qu’à titre exceptionnel et subsidiaire que, s’agissant d’un acte ne devant être ni publié ni notifié, la prise de connaissance pourrait constituer un événement déclenchant le délai de recours. Ainsi, le parallélisme entre l’article 263, sixième alinéa, TFUE et l’article 297 TFUE garantirait qu’une publication ultérieure d’un acte au Journal officiel à des fins d’information n’entraîne pas une prolongation des délais de recours et, partant, une insécurité juridique.

55 En deuxième lieu, la publication au Journal officiel d’une décision de la Commission de clore une procédure formelle d’examen ne saurait être assimilée à une « publication », au sens de l’article 297, paragraphe 2, deuxième alinéa, TFUE. Elle ne constituerait donc pas le point de départ du délai de recours.

56 D’une part, une telle décision serait adressée à l’État membre concerné et ne serait notifiée qu’à celui-ci. Conformément à l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE, elle entrerait en vigueur par cette notification et non pas par sa publication au Journal officiel, laquelle ne viserait qu’à informer le public, y compris les bénéficiaires de l’aide auprès desquels l’État membre concerné devrait récupérer cette aide avant même la publication de la décision. D’autre part, ladite publication dériverait non pas du traité FUE, mais de l’article 32 du règlement 2015/1589, lu à la lumière de son considérant 39. Dans ces conditions, pour déterminer le point de départ du délai de recours dont dispose une entreprise bénéficiaire pour attaquer une décision de clore la procédure formelle d’examen, il y aurait lieu de se fonder sur la prise de connaissance effective de cette décision. En l’absence de prise de connaissance préalable démontrable, la date de la publication de l’acte au Journal officiel ferait office de prise de connaissance effective sur la base d’une fiction juridique.

57 En troisième lieu, la Commission invoque une série d’arguments qui, selon elle, confortent son interprétation de l’article 263, sixième alinéa, TFUE.

58 Premièrement, elle se fonde sur l’économie de cette disposition pour soutenir que la publication et la notification d’un acte sont placées sur un pied d’égalité et que la prise de connaissance constitue un événement subsidiaire par rapport aux deux premières. Ce rapport de subsidiarité serait rompu par l’interprétation effectuée par le Tribunal, dès lors que, si la publication au titre de l’article 32 du règlement 2015/1589 équivalait à une publication au titre de l’article 297, paragraphe 1, TFUE, le délai de recours devrait commencer à courir, y compris à l’égard de l’État membre concerné et malgré la notification, à la date de cette publication.

59 Deuxièmement, la Commission est d’avis que l’interprétation retenue par le Tribunal conduit à une inégalité des armes entre les entreprises auprès desquelles une aide est récupérée et leurs concurrentes qui n’ont pas reçu d’aide. Tandis que les premières recevraient en pratique une copie de la décision par l’État membre concerné, les secondes devraient attendre la publication de la décision au Journal officiel, conformément à l’article 32 du règlement 2015/1589, de sorte que les délais de recours effectifs pour ces entreprises seraient différents. Cette interprétation conduirait également à une inégalité entre la Commission et les entreprises auprès desquelles l’aide doit être récupérée. En effet, pour répondre au recours d’une entreprise bénéficiaire, la Commission disposerait d’un délai de deux mois tandis que, du fait de ladite interprétation, ces entreprises bénéficieraient d’un délai plus long pour préparer leur recours.

60 Troisièmement, le Tribunal s’appuierait sur une lecture erronée de l’arrêt du 10 mars 1998, Allemagne/Conseil (C 122/95, EU:C:1998:94). En effet, à la différence de la décision litigieuse, la décision en cause dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt n’aurait désigné aucun destinataire.

61 Quatrièmement, le point 39 de l’arrêt attaqué, dans lequel le Tribunal a relevé que Covestro pouvait subjectivement escompter la publication de la décision litigieuse au Journal officiel, méconnaîtrait le caractère d’ordre public des délais de recours.

62 La République fédérale d’Allemagne rétorque que le premier moyen n’est pas fondé. Covestro conclut au rejet de ce moyen comme étant irrecevable, dans la mesure où il serait fondé sur des arguments tirés de précédents jurisprudentiels que la Commission n’aurait pas évoqués devant le Tribunal, et comme étant non fondé pour le surplus.

 Appréciation de la Cour

– Sur la recevabilité du premier moyen

63 Il ressort d’une jurisprudence constante que, si, certes, la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, ne saurait être saisie d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal (arrêt du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C 136/92 P, EU:C:1994:211, point 59), il n’en demeure pas moins qu’un requérant est recevable à former un pourvoi en faisant valoir, devant elle, des moyens nés de l’arrêt attaqué lui-même et qui visent à en critiquer, en droit, le bien-fondé (arrêts du 29 novembre 2007, Stadtwerke Schwäbisch Hall e.a./Commission, C 176/06 P, EU:C:2007:730, point 17, ainsi que du 26 février 2020, SEAE/Alba Aguilera e.a., C 427/18 P, EU:C:2020:109, point 54).

64 Par le premier moyen de ses pourvois incidents, la Commission conteste l’appréciation, par le Tribunal, de l’exception d’irrecevabilité qu’elle a soulevée devant ce dernier et qui était tirée de la tardiveté du recours formé par Covestro. L’invocation, dans ce cadre, de précédents jurisprudentiels qu’elle n’a pas évoqués devant le Tribunal constitue ainsi une simple ampliation de son argumentation et doit, partant, être déclarée recevable (voir, par analogie, arrêts du 19 mai 1983, Verros/Parlement, 306/81, EU:C:1983:143, point 9 ; du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C 412/05 P, EU:C:2007:252, point 40, et du 5 mars 2024, Kočner/Europol, C 755/21 P, EU:C:2024:202, point 41).

65 Il s’ensuit que, contrairement à ce que fait valoir Covestro, ce moyen est recevable dans son intégralité.

– Sur le bien-fondé du premier moyen

66 Par le premier moyen soulevé à l’appui de ses pourvois incidents, la Commission conteste le bien-fondé des appréciations du Tribunal figurant aux points 37 à 44 de l’arrêt attaqué. Selon elle, contrairement à ce que le Tribunal aurait jugé à ces points, le délai de recours en annulation de la décision litigieuse courait, pour Covestro, à compter non pas de la date de publication de cette décision au Journal officiel, mais de la date de la prise de connaissance effective de ladite décision par cette société.

67 À cet égard, il convient de constater que, aux points 37 à 44 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a écarté l’exception d’irrecevabilité de la Commission tirée de la prétendue tardiveté du recours en annulation de la décision litigieuse formé par Covestro.

68 Il ressort d’une lecture d’ensemble des points 37 à 39 de cet arrêt que le Tribunal a estimé que le délai de recours courait, en l’espèce, à compter de la date de publication de la décision litigieuse au Journal officiel, qui a eu lieu le 16 janvier 2019, et que ce délai a été respecté.

69 À l’appui de cette considération, le Tribunal a rappelé, au point 38 dudit arrêt, que le critère de la date de prise de connaissance de l’acte, en tant que point de départ dudit délai, présente un caractère subsidiaire par rapport à ceux de la publication ou de la notification de l’acte. Tout en soulignant que la publication n’était pas une condition de la prise d’effet de la décision litigieuse, il a relevé, au point 39 du même arrêt, que cette décision devait être publiée au Journal officiel conformément à l’article 32, paragraphe 3, du règlement 2015/1589, de telle sorte que Covestro pouvait légitimement escompter que ladite décision ferait l’objet d’une publication.

70 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, « [l]es recours prévus au présent article doivent être formés dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance ».

71 Il ressort clairement du libellé de cette disposition, en particulier des expressions « suivant le cas » et « à défaut », que le point de départ du délai de recours est déterminé en fonction de la situation en cause et que les trois critères susceptibles de déclencher ce délai sont hiérarchisés.

72 Ainsi, le délai de recours en annulation commence à courir, à titre principal, à compter de la publication de l’acte ou de la notification de celui-ci au requérant. Ces deux critères principaux sont placés, dans l’économie de ladite disposition, sur un pied d’égalité en ce sens qu’aucun desdits critères n’est subsidiaire par rapport à l’autre (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2017, Portugal/Commission, C 339/16 P, EU:C:2017:384, point 38).

73 En revanche, comme le Tribunal l’a relevé à bon droit au point 38 de l’arrêt attaqué, le critère de la date de prise de connaissance de l’acte attaqué en tant que point de départ du délai de recours présente un caractère subsidiaire par rapport à ceux de la publication ou de la notification de cet acte (voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 1998, Allemagne/Conseil, C 122/95, EU:C:1998:94, point 35), ce qui n’est au demeurant pas contesté en l’espèce.

74 En l’occurrence, la décision litigieuse, qui clôture une procédure formelle d’examen d’une aide d’État, désignait comme destinataire l’État membre concerné, à savoir la République fédérale d’Allemagne, et a été notifiée à celui-ci, conformément à l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE. Corrélativement, cette décision a fait l’objet d’une publication au Journal officiel, conformément à l’article 32, paragraphe 3, du règlement 2015/1589.

75 Dans une telle hypothèse, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, pour le destinataire de l’acte auquel il devait être notifié, à savoir l’État membre concerné, le délai de recours en annulation court à compter de la date de cette notification, et ce même si l’acte fait également l’objet d’une publication au Journal officiel (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2017, Portugal/Commission, C 339/16 P, EU:C:2017:384, point 37).

76 En revanche, il découle d’une interprétation littérale, téléologique et contextuelle de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, lu à la lumière de la jurisprudence de la Cour, que le délai de recours en annulation court, pour les autres parties intéressées, telles que Covestro, à compter de la publication de l’acte au Journal officiel, y compris lorsque cette publication procède non pas de l’article 297, paragraphe 2, deuxième alinéa, TFUE, mais d’une disposition de droit dérivé, telle que l’article 32, paragraphe 3, du règlement 2015/1589.

77 En effet, premièrement, il y a lieu de constater que le libellé de l’article 263, sixième alinéa, TFUE évoque la « publication » des actes en général (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2013, PPG et SNF/ECHA, C 625/11 P, EU:C:2013:594, point 31). Ainsi, ce libellé n’assortit cette notion d’aucune condition spécifique, notamment quant au fondement juridique de l’obligation de publication.

78 Sur ce point, il est vrai que, comme la Commission l’allègue, la Cour a, notamment, jugé que la notion de « publication », au sens de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, vise une publication au Journal officiel qui conditionne l’entrée en vigueur de l’acte et est prévue par le traité FUE (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2017, Portugal/Commission, C 339/16 P, EU:C:2017:384, point 36 ; ordonnances du 31 janvier 2019, Iordăchescu/Parlement e.a., C 426/18 P, EU:C:2019:89, point 22, ainsi que du 5 septembre 2019, Fryč/Commission, C 230/19 P, EU:C:2019:685, point 15).

79 Toutefois, contrairement à la position défendue par la Commission, il ne saurait en être déduit que la notion de « publication », au sens de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, se limite à cette hypothèse.

80 En effet, les précédents cités au point 78 du présent arrêt ne sauraient être lus de manière isolée, mais s’intègrent dans une jurisprudence de la Cour qui a interprété la notion de « publication », au sens de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, de manière large. Ainsi, relèvent de cette notion, outre l’hypothèse visée à ce point 78, une publication de l’acte attaqué au Journal officiel qui procède non d’une obligation imposée par le traité, mais d’une pratique constante des institutions de l’Union européenne (voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 1998, Allemagne/Conseil, C 122/95, EU:C:1998:94, points 36 et 39), ou d’une disposition de droit dérivé, telle que l’article 32, paragraphe 3, du règlement 2015/1589 (voir, en ce sens, ordonnance du 25 novembre 2008, S.A.BA.R./Commission, C 501/07 P, EU:C:2008:652, point 23), voire une publication sur le site Internet d’une institution, d’un organe ou d’un organisme de l’Union lorsque celle-ci est prévue par le droit dérivé (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2013, PPG et SNF/ECHA, C 625/11 P, EU:C:2013:594, points 30 à 32).

81 Deuxièmement, s’agissant des objectifs de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les délais de recours au titre de cette disposition sont d’ordre public et ne sont pas à la disposition des parties et du juge. Ils ont été institués dans l’objectif de sauvegarder la sécurité juridique en évitant la remise en cause indéfinie des actes de l’Union entraînant des effets de droit ainsi que d’éviter toute discrimination ou traitement arbitraire dans l’administration de la justice (voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 1967, Muller-Collignon/Commission, 4/67, EU:C:1967:51, p. 479 ; du 23 janvier 1997, Coen, C 246/95, EU:C:1997:33, point 21 ; ordonnances du 16 novembre 2010, Internationale Fruchtimport Gesellschaft Weichert/Commission, C 73/10 P, EU:C:2010:684, point 52, ainsi que du 31 janvier 2019, Iordăchescu/Parlement e.a., C 426/18 P, EU:C:2019:89, point 21).

82 Or, d’une part, s’agissant d’une décision telle que la décision litigieuse, qui clôture une procédure formelle d’examen d’une aide d’État, il apparaît que, à la différence de la date de la prise de connaissance, la date de la publication d’un acte au Journal officiel peut être établie, dans l’intérêt de la sécurité juridique, de manière objective et avec certitude à l’égard de l’ensemble des parties intéressées auxquelles cette décision n’a pas été notifiée. Il est indifférent, à cet égard, que ces dernières ont pu prendre connaissance de cet acte antérieurement à sa publication.

83 Cela explique d’ailleurs que, dans l’économie générale de l’article 263, sixième alinéa, TFUE et dans l’intérêt de la sécurité juridique, la date de publication prime celle de la prise de connaissance, qui est, ainsi que cela a été rappelé au point 73 du présent arrêt, un critère subsidiaire de départ du délai de recours. La Commission ne saurait donc être suivie lorsqu’elle suggère, en réalité, d’inverser le rapport entre ces deux critères visés à l’article 263, sixième alinéa, TFUE.

84 D’autre part, contrairement aux allégations de la Commission, l’interprétation retenue aux points 76 et 80 du présent arrêt est également de nature à éviter toute discrimination ou traitement arbitraire dans l’administration de la justice et à assurer, ainsi, l’égalité des armes des bénéficiaires de l’aide d’État et des entreprises concurrentes. En effet, pour l’ensemble de ces parties intéressées, le délai de recours commence à courir à compter de la même date, à savoir celle de la publication de la décision au Journal officiel. En outre, dans la mesure où la Commission est l’auteure d’une telle décision et est responsable de sa publication au Journal officiel, elle ne saurait valablement tirer argument d’une prétendue inégalité des armes à son détriment.

85 Troisièmement, s’agissant du contexte, la structure des traités milite également contre le parallélisme strict, suggéré par la Commission, entre les notions de « publication » employées respectivement à l’article 263, sixième alinéa, et à l’article 297, paragraphe 2, deuxième alinéa, TFUE. En effet, il suffit de constater, à cet égard, que, si ces deux dispositions relèvent du titre I de la sixième partie du traité FUE, elles ne régissent pas le même objet. Alors que la première figure à son chapitre 1, consacré aux institutions, et, plus spécifiquement, à sa section 5, dédiée à la Cour de justice de l’Union européenne, la seconde s’inscrit dans son chapitre 2, consacré aux actes juridiques de l’Union et à leurs procédures d’adoption.

86 Pour l’ensemble de ces motifs, il y a lieu de conclure que c’est à bon droit que le Tribunal a jugé, aux points 37 à 44 de l’arrêt attaqué, que le délai de recours commençait à courir, pour Covestro, à la date de publication de la décision litigieuse au Journal officiel.

87 Partant, le premier moyen soulevé à l’appui des pourvois incidents doit être écarté comme étant non fondé.

 Sur le deuxième moyen

 Argumentation des parties

88 Par le deuxième moyen soulevé à l’appui de ses pourvois incidents, la Commission reproche au Tribunal d’avoir commis deux erreurs de droit, respectivement, aux points 37 et 42 de l’arrêt attaqué.

89 En premier lieu, le point 37 de cet arrêt contiendrait une dénaturation manifeste de la requête. La Commission allègue que, contrairement à ce que le Tribunal y a constaté, le recours n’a pas été déposé dans un délai de deux mois et dix jours après la publication, le 16 janvier 2019, de la décision litigieuse au Journal officiel, mais le 20 décembre 2018, soit un mois environ avant la publication de cette décision.

90 En second lieu, en affirmant, au point 42 de l’arrêt attaqué, qu’« il n’a pas été démontré que, en l’espèce, [Covestro] avait eu une connaissance “digne de foi” de la décision [litigieuse] » avant la publication de celle-ci, le Tribunal aurait dénaturé les faits et les éléments de preuve. Il serait en effet manifeste, au vu des éléments avancés par la Commission devant le Tribunal, que Covestro avait eu connaissance de l’existence de la décision litigieuse avant sa publication au Journal officiel, au plus tard le 20 septembre 2018.

91 La République fédérale d’Allemagne rétorque que le deuxième moyen est non fondé. Covestro considère que ce moyen est irrecevable et, en tout état de cause, non fondé.

 Appréciation de la Cour

92 En premier lieu, s’agissant de la prétendue erreur de droit entachant le point 37 de l’arrêt attaqué, il y a lieu d’observer que le Tribunal a constaté, à ce point, que « le recours [de Covestro] a été déposé dans le respect du délai de deux mois et dix jours à partir de la publication de la décision [litigieuse] au Journal officiel, qui a eu lieu le 16 janvier 2019 ».

93 Il convient de noter, à l’instar de la Commission, que ce recours a, certes, été introduit le 20 décembre 2018, autrement dit avant même la publication de la décision litigieuse au Journal officiel. Toutefois, cette circonstance est dépourvue de toute incidence sur la recevabilité dudit recours et, en particulier, sur le respect du délai de recours.

94 En effet, il ressort de la jurisprudence que la circonstance que le délai de recours contre un acte tel que la décision litigieuse ne commence à courir, conformément à l’article 263, sixième alinéa, TFUE, qu’à partir de sa publication n’implique pas qu’un requérant ne puisse contester un acte adopté par l’Union avant que celui-ci ne soit publié (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2013, PPG et SNF/ECHA, C 626/11 P, EU:C:2013:595, points 34 à 38).

95 Dès lors, l’argument pris d’une prétendue erreur de droit entachant le point 37 de l’arrêt attaqué doit être écarté comme étant non fondé.

96 En second lieu, s’agissant de la prétendue erreur de droit entachant le point 42 de l’arrêt attaqué, il convient d’observer que, à ce point, le Tribunal a notamment relevé que, « en tout état de cause, il n’a pas été démontré que, en l’espèce, [Covestro] avait eu une connaissance “digne de foi” de la décision [litigieuse] ».

97 À cet égard, l’expression « en tout état de cause » indique que ce motif forme un motif surabondant de l’arrêt attaqué. Or, selon une jurisprudence constante, les arguments dirigés contre des motifs surabondants d’une décision du Tribunal ne sauraient entraîner l’annulation de cette décision et sont donc inopérants (arrêt du 21 décembre 2023, United Parcel Service/Commission, C 297/22 P, EU:C:2023:1027, point 55 et jurisprudence citée).

98 Partant, l’argument pris d’une prétendue erreur de droit entachant le point 42 de l’arrêt attaqué doit être écarté comme étant inopérant.

99 Il découle de ce qui précède que le deuxième moyen soulevé à l’appui des pourvois incidents doit être écarté dans son intégralité, sans qu’il soit besoin de statuer sur sa recevabilité.

 Sur le troisième moyen

100 Par le troisième moyen soulevé, à titre subsidiaire, à l’appui de ses pourvois incidents, la Commission allègue que le Tribunal a violé l’article 89, paragraphe 1, de son règlement de procédure en omettant de demander à Covestro la production des documents indiquant à quel moment précis cette dernière a eu connaissance du contenu de la décision litigieuse.

101 À cet égard, il suffit de constater que ce moyen est fondé sur la prémisse que le Tribunal a commis une erreur de droit en retenant comme point de départ du délai du recours en annulation non pas la date de la prise de connaissance de la décision litigieuse par Covestro, mais celle de la publication de cette décision au Journal officiel. Or, cette prémisse est erronée, ainsi qu’il ressort de l’appréciation du premier moyen soulevé à l’appui des pourvois incidents.

102 Il s’ensuit que le troisième moyen soulevé à l’appui des pourvois incidents et, partant, ces pourvois incidents doivent être rejetés dans leur intégralité.

 Sur les pourvois principaux

103 À l’appui de son pourvoi dans l’affaire C 790/21 P, Covestro invoque, formellement, quatre moyens. Toutefois, elle traite ensemble ceux qu’elle désigne comme étant les deux premiers moyens et n’opère, entre ceux-ci, aucune distinction. Il y a donc lieu de considérer que Covestro soulève, en substance, trois moyens. Le premier moyen, qui est divisé en quatre branches, est tiré d’une violation du droit d’être entendu et de l’obligation de motivation. Le deuxième moyen, qui peut être divisé en deux branches, est pris d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Le troisième moyen est tiré d’une violation du principe de non discrimination.

104 Au soutien de son pourvoi dans l’affaire C 791/21 P, la République fédérale d’Allemagne, soutenue par Covestro, soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Ce moyen rejoint, en substance, la seconde branche du deuxième moyen soulevé par Covestro, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, à l’appui de son pourvoi dans l’affaire C 790/21 P.

 Sur le premier moyen dans l’affaire C 790/21 P

 Argumentation des parties

105 Par le premier moyen soulevé à l’appui de son pourvoi, Covestro fait valoir que le Tribunal a violé son droit d’être entendue, l’obligation de motiver l’arrêt attaqué, l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et l’article 6, paragraphe 1, première phrase, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950.

106 Ce moyen est divisé en quatre branches.

107 Par la première branche, Covestro reproche au Tribunal d’avoir méconnu l’obligation de motivation lui incombant et d’avoir violé son droit d’être entendue, en considérant de manière manifestement erronée, au point 8 de l’arrêt attaqué, que la redevance de réseau applicable aux consommateurs anticycliques était calculée selon la méthode du chemin physique. Contrairement à ce que le Tribunal aurait retenu à ce point, et comme Covestro l’aurait souligné en première instance, le règlement StromNEV 2005 n’aurait jamais prévu pour les consommateurs anticycliques un calcul de la redevance fondé sur la méthode du chemin physique. Si le Tribunal avait pris en compte cet argument de Covestro, il ne se serait pas uniquement fondé sur la redevance de réseau individuelle prévue à l’article 19, paragraphe 2, première phrase, du règlement StromNEV 2005 pour déterminer le cadre juridique pertinent.

108 Par la deuxième branche, Covestro reproche au Tribunal de ne pas avoir pris en compte, aux points 12, 94, 103, 129, 135 et 146 de l’arrêt attaqué, son argumentation liée à la détermination du montant de la surtaxe litigieuse. En partant erronément du principe que ce montant a été calculé et fixé pour l’année 2012 par la décision BNetzA de 2011, le Tribunal aurait à tort conclu, au point 134 de cet arrêt, à l’existence d’un contrôle étatique sur cette surtaxe. Or, selon Covestro, ce sont les gestionnaires de réseau qui disposent d’une marge de manœuvre pour le calcul et la fixation de ladite surtaxe, laquelle n’est soumise à aucun contrôle ni à aucune norme étatique.

109 Par la troisième branche, Covestro reproche au Tribunal de ne pas avoir pris en compte, aux points 130 et 143 de l’arrêt attaqué, son argumentation relative à l’absence de remboursement de toutes les pertes de recettes et de tous les coûts liés à l’exonération litigieuse. Ce faisant, le Tribunal aurait violé son obligation de motivation ainsi que le droit de Covestro d’être entendue. Si le Tribunal avait pris en compte cette argumentation, il aurait dû conclure que la surtaxe litigieuse ne constituait pas une taxe.

110 Par la quatrième branche, Covestro fait grief au Tribunal de ne pas avoir pris en compte, aux points 107 et 125 de l’arrêt attaqué, son argumentation relative à la nullité de la décision BNetzA de 2011. En jugeant que cette décision a effectivement été appliquée et qu’elle a pu produire ses effets aussi longtemps qu’elle n’a pas été abrogée ou que son illégalité n’a pas été constatée, le Tribunal se serait fondé sur une lecture erronée du droit national. En effet, selon Covestro, ladite décision ayant été annulée avec effet rétroactif au 1er janvier 2012, elle était nulle dès le départ.

111 La Commission conclut au rejet du premier moyen comme étant, en partie, non fondé et, en partie, inopérant.

 Appréciation de la Cour

112 Par son premier moyen, Covestro reproche, en substance, au Tribunal d’avoir méconnu son droit d’être entendue ainsi que l’obligation de motiver l’arrêt attaqué, en omettant de tenir dûment compte de plusieurs arguments qu’elle avait présentés. Ces omissions auraient par ailleurs conduit à des appréciations erronées du droit allemand et de la surtaxe litigieuse.

113 À cet égard, en premier lieu, il convient de rappeler que l’obligation de motivation, qui incombe au Tribunal en vertu de l’article 36 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 53, premier alinéa, de celui-ci, lui impose de faire connaître de façon claire et non équivoque le raisonnement qu’il a suivi, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision prise et à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel (arrêt du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, C 280/08 P, EU:C:2010:603, points 135 et 136 ainsi que jurisprudence citée).

114 Toutefois, cette obligation n’impose pas au Tribunal de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation peut donc être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les motifs sur lesquels le Tribunal se fonde et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange, C 486/15 P, EU:C:2016:912, point 80 ainsi que jurisprudence citée).

115 En l’occurrence, s’agissant de la première branche du présent moyen, il y a lieu de constater que le point 8 de l’arrêt attaqué se situe non pas dans les motifs par lesquels le Tribunal a statué sur les moyens et les arguments des parties, mais dans l’exposé des antécédents factuels du litige. Dans la mesure où Covestro allègue que l’affirmation contenue à ce point omet de tenir compte de ses arguments, avancés aux points 29 à 33 de son mémoire en réplique en première instance, il importe de relever que ces arguments ont été présentés dans le cadre du quatrième moyen d’annulation soulevé devant le Tribunal. Le Tribunal les a examinés aux points 194 à 210 de l’arrêt attaqué, qui ne sont pas contestés dans le cadre du présent moyen.

116 S’agissant des deuxième à quatrième branches du présent moyen, il convient de relever que, aux points 84 à 148 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné et rejeté de manière motivée la seconde branche du deuxième moyen soulevé par Covestro en première instance, laquelle était tirée de l’absence d’aide octroyée au moyen de ressources d’État. Dans ce contexte, il a explicitement statué sur plusieurs arguments de Covestro et a, notamment, écarté, aux points 107 et 125 de cet arrêt, son argument pris de la nullité de la décision BNetzA de 2011, au point 130 dudit arrêt, son argument pris de l’absence de compensation intégrale des pertes et, au point 135 du même arrêt, son argument relatif à la détermination du montant de la surtaxe litigieuse.

117 Il s’ensuit que, contrairement à ce que Covestro allègue, le Tribunal n’a pas méconnu l’obligation de motivation qui lui incombe en omettant de tenir dûment compte de ces arguments. L’allégation, par Covestro, d’une violation de son droit d’être entendue étant fondée sur la prémisse que le Tribunal a omis de tenir compte de ses arguments, elle doit également être écartée.

118 Au demeurant, dans la mesure où Covestro paraît, sous couvert d’une prétendue violation de l’obligation de motivation, soutenir que le Tribunal aurait dû accueillir lesdits arguments, il convient de constater qu’il s’agit là d’une question distincte de celle de la violation de l’obligation de motivation et qui a trait au bien-fondé de la motivation (voir, par analogie, arrêt du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange, C 486/15 P, EU:C:2016:912, point 79).

119 En deuxième lieu, s’agissant des arguments relatifs aux erreurs que le Tribunal aurait commises dans l’analyse du droit allemand, il convient de rappeler qu’il résulte de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est, dès lors, seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation de ces faits et de ces éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 4 mars 2021, Commission/Fútbol Club Barcelona, C 362/19 P, EU:C:2021:169, point 46 et jurisprudence citée).

120 Partant, pour ce qui est de l’examen, dans le cadre d’un pourvoi, des appréciations du Tribunal à l’égard du droit national, qui, dans le domaine des aides d’État, constituent des appréciations de faits, la Cour n’est compétente que pour vérifier s’il y a eu une dénaturation de ce droit (arrêts du 3 avril 2014, France/Commission, C 559/12 P, EU:C:2014:217, point 79, et du 14 décembre 2023, Commission/Amazon.com e.a., C 457/21 P, EU:C:2023:985, point 20 ainsi que jurisprudence citée). Une dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (arrêt du 3 avril 2014, France/Commission, C 559/12 P, EU:C:2014:217, point 80).

121 En l’occurrence, premièrement, il est vrai que, comme l’admet au demeurant la Commission, la présentation du droit allemand faite par le Tribunal au point 8 de l’arrêt attaqué est entachée d’une imprécision. À la différence de ce que ce point peut laisser entendre, seules les redevances individuelles pour les consommateurs de charge en continu, et non celles applicables aux consommateurs anticycliques, étaient calculées selon la méthode du chemin physique avant la mise en place de l’exonération litigieuse. Toutefois, Covestro n’est pas parvenue à démontrer, dans le cadre du présent moyen, que cette imprécision, au stade de l’exposé des antécédents du litige, s’est répercutée sur l’appréciation, par le Tribunal, du bien-fondé du recours en première instance.

122 Deuxièmement, pour le surplus, il y a lieu de constater que Covestro n’a ni démontré ni même allégué de dénaturation du droit national et des éléments de fait.

123 En troisième lieu, l’argument relatif à l’absence d’effets de la décision BNetzA de 2011 rejoignant une argumentation présentée par Covestro dans le cadre du troisième grief de la seconde branche de son deuxième moyen, il sera examiné dans ce cadre.

124 Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, et sous la réserve exprimée au point précédent, il y a lieu d’écarter le premier moyen soulevé dans l’affaire C 790/21 P comme étant, en partie, inopérant et, en partie, non fondé.

 Sur la première branche du deuxième moyen dans l’affaire C 790/21 P

 Argumentation des parties

125 Par la première branche du deuxième moyen soulevé à l’appui de son pourvoi, Covestro soutient que l’arrêt attaqué est entaché d’une erreur de droit en ce que le Tribunal a considéré à tort, aux points 47 à 77 de cet arrêt, que l’exonération litigieuse constitue un « avantage », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Ce faisant, le Tribunal aurait étendu, de manière excessive, la notion d’« aide d’État », au sens de cette disposition.

126 En particulier, l’examen, aux points 56 et suivants dudit arrêt, de l’exonération litigieuse à l’aune du critère de l’opérateur privé en économie de marché serait erroné. Le Tribunal aurait dû apprécier l’exonération litigieuse en tenant compte de la contribution de Covestro à la stabilité du réseau en Allemagne et des coûts évités grâce à cette contribution. Il aurait d’ailleurs reconnu le bien-fondé des arguments de Covestro à cet égard au point 208 du même arrêt.

127 En tout état de cause, même s’il y avait lieu de considérer que l’exonération litigieuse était constitutive d’un avantage, celui-ci ne serait pas sélectif. En effet, d’une part, cette exonération serait une mesure susceptible, en principe, de profiter, sans restrictions, à toutes les entreprises nationales en fonction de leur comportement d’achat sur le réseau d’électricité en amont. D’autre part, une différenciation, limitant le champ de ladite exonération aux consommateurs de charge en continu, serait justifiée par des critères objectifs fondés sur la mise en balance du principe selon lequel les droits de réseau reflètent les coûts du réseau avec la contribution des entreprises à la stabilité dudit réseau.

128 La Commission conclut au rejet de la présente branche comme étant irrecevable et, en tout état de cause, non fondée.

 Appréciation de la Cour

129 En premier lieu, les arguments relatifs à l’absence d’« avantage », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE visent, pour l’essentiel, à contester les appréciations factuelles effectuées par le Tribunal, sans établir ni même alléguer de dénaturation des éléments de fait ou de preuve par ce dernier.

130 Or, conformément à la jurisprudence citée au point 119 du présent arrêt, de telles appréciations échappent, sous réserve du cas d’une dénaturation des éléments de fait ou de preuve, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

131 Dans la mesure où Covestro semble alléguer, dans ce contexte, une contradiction des motifs entre les appréciations du Tribunal au sujet de la notion d’« avantage » et le point 208 de l’arrêt attaqué, il suffit de constater que cette allégation est imprécise et insuffisamment étayée.

132 Partant, l’ensemble des arguments relatifs à l’existence d’un avantage sont irrecevables.

133 En second lieu, s’agissant des arguments relatifs à la sélectivité, il convient d’observer que, au point 194 de l’arrêt attaqué, qui n’est pas contesté dans le cadre du pourvoi dans l’affaire C 790/21 P, le Tribunal a constaté que Covestro n’avait pas contesté l’appréciation de la Commission, formulée aux considérants 101 à 121 de la décision litigieuse, concernant le caractère sélectif de la mesure en cause.

134 Il s’agit donc d’une argumentation nouvelle, soulevée pour la première fois devant la Cour, qui doit, conformément à la jurisprudence citée au point 63 du présent arrêt, être déclarée irrecevable.

135 Partant, la première branche du deuxième moyen soulevé dans l’affaire C 790/21 P doit être écartée comme étant irrecevable dans son intégralité.

 Sur la seconde branche du deuxième moyen dans l’affaire C 790/21 P et le moyen unique dans l’affaire C 791/21 P

136 Par la seconde branche du deuxième moyen soulevé à l’appui du pourvoi dans l’affaire C 790/21 P et par le moyen unique soulevé à l’appui du pourvoi dans l’affaire C 791/21 P, respectivement, Covestro et la République fédérale d’Allemagne reprochent au Tribunal d’avoir méconnu l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en ce qu’il a considéré, à tort, que l’exonération litigieuse constitue une aide accordée au moyen de « ressources d’État », au sens de cette disposition.

137 Leur argumentation porte, en substance, sur trois questions ayant trait, la première, au critère juridique permettant d’apprécier l’existence d’une mesure accordée au moyen de « ressources d’État », la deuxième, à l’existence d’une taxe obligatoire et, la troisième, au contrôle étatique.

 Sur le critère juridique permettant d’apprécier l’existence d’une mesure accordée au moyen de « ressources d’État »

– Argumentation des parties

138 Covestro, par les deux premiers griefs de la seconde branche de son deuxième moyen, et la République fédérale d’Allemagne, par la première branche de son moyen unique, reprochent, en substance, au Tribunal d’avoir appliqué un critère juridique erroné pour apprécier la nature étatique des ressources en cause.

139 En premier lieu, dans le cadre de leurs écritures déposées devant la Cour, Covestro et la République fédérale d’Allemagne ont contesté, respectivement, les points 84 à 97 ainsi que les points 95 à 97 et 109 de l’arrêt attaqué au motif que le Tribunal a erronément considéré que, afin de déterminer la nature étatique ou non des ressources, l’existence d’une charge obligatoire pesant sur les consommateurs ou clients finals et le contrôle étatique sur les fonds ou sur les gestionnaires de ces fonds sont deux éléments qui « font partie d’une alternative », de sorte qu’il lui suffisait de vérifier si la surtaxe litigieuse était une charge obligatoire assimilable à une taxe parafiscale. Il s’agirait, au contraire, de critères cumulatifs, ainsi qu’il ressortirait de la jurisprudence issue, notamment, des arrêts du 17 juillet 2008, Essent Netwerk Noord e.a. (C 206/06, EU:C:2008:413, points 66, 69, 70, 72 et 75), du 28 mars 2019, Allemagne/Commission (C 405/16 P, EU:C:2019:268, point 72), du 15 mai 2019, Achema e.a. (C 706/17, EU:C:2019:407), ainsi que du 16 septembre 2021, FVE Holýšov I e.a./Commission (C 850/19 P, EU:C:2021:740).

140 En outre, pour la République fédérale d’Allemagne, cette interprétation du Tribunal, fondée sur des critères alternatifs, entrerait en contradiction avec les points 133 à 145 de l’arrêt attaqué, auxquels le Tribunal aurait examiné l’existence d’un contrôle étatique, alors même qu’il avait déjà conclu à l’existence d’une charge obligatoire.

141 En deuxième lieu, selon la République fédérale d’Allemagne, cette approche du Tribunal ne serait pas davantage confortée par les articles 30 et 110 TFUE, qui viseraient essentiellement la suppression et l’interdiction des mesures protectionnistes.

142 À cet égard, Covestro allègue, pour sa part, que, au point 121 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a conclu à tort que la surtaxe litigieuse répondait à la notion de « taxe », au sens des articles 30 et 110 TFUE. Cette surtaxe ne remplirait pas les critères issus de la jurisprudence de la Cour, relative à cette notion. La surtaxe litigieuse se distinguerait des prélèvements en cause dans les affaires ayant donné lieu à cette jurisprudence.

143 En troisième lieu, la République fédérale d’Allemagne soutient que l’interprétation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, selon laquelle il y aurait lieu de présumer que toute taxe a une origine étatique, indépendamment des objectifs poursuivis par cette disposition, est erronée en droit. Cette interprétation aboutirait à une conséquence non prévue par les traités, à savoir que toute régulation des prix du marché conduirait à une utilisation des ressources d’État et devrait ainsi être notifiée, conformément à l’article 108 TFUE. Or, une telle régulation relèverait du champ d’application de la libre circulation des marchandises et non des règles relatives aux aides d’État.

144 La Commission conteste le bien-fondé des premier et deuxième griefs de la seconde branche du deuxième moyen soulevé par Covestro et considère que la première branche du moyen unique soulevé par la République fédérale d’Allemagne est, en tant que telle, inopérante.

– Appréciation de la Cour

145 Covestro et la République fédérale d’Allemagne reprochent, en substance, au Tribunal d’avoir appliqué un critère juridique erroné pour déterminer si les montants résultant de la surtaxe litigieuse ont pour origine des « ressources d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

146 Selon une jurisprudence constante, la qualification d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, suppose la réunion de quatre conditions, à savoir qu’il existe une intervention de l’État ou « au moyen de ressources d’État », que cette intervention soit susceptible d’affecter les échanges entre les États membres, que ladite intervention accorde un avantage sélectif à son bénéficiaire et que la même intervention fausse ou menace de fausser la concurrence (arrêt du 12 janvier 2023, DOBELES HES, C 702/20 et C 17/21, EU:C:2023:1, point 31 ainsi que jurisprudence citée).

147 S’agissant de la première de ces conditions, il ressort d’une jurisprudence constante qu’une mesure peut être qualifiée d’intervention de l’État ou d’aide accordée « au moyen de ressources d’État » si, d’une part, la mesure est accordée directement ou indirectement au moyen de ces ressources et, d’autre part, la mesure est imputable à un État membre (arrêt du 12 janvier 2023, DOBELES HES, C 702/20 et C 17/21, EU:C:2023:1, point 32 ainsi que jurisprudence citée).

148 S’agissant, plus particulièrement, de la condition tenant à ce que l’avantage soit accordé « au moyen de ressources d’État », la Cour a, au fil de sa jurisprudence, dégagé deux critères permettant d’établir que des fonds au moyen desquels un avantage tarifaire est accordé, en vertu de la législation nationale, constituent des « ressources d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2023, DOBELES HES, C 702/20 et C 17/21, EU:C:2023:1, points 34, 38, 39 et 42).

149 Ainsi, en premier lieu, les fonds alimentés par une taxe ou d’autres prélèvements obligatoires en vertu de la législation nationale et gérés et répartis conformément à cette législation constituent des « ressources d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (arrêt du 12 janvier 2023, DOBELES HES, C 702/20 et C 17/21, EU:C:2023:1, point 38).

150 En second lieu, le fait que des sommes restent constamment sous contrôle public, et donc à la disposition des autorités nationales compétentes, suffit pour qu’elles soient qualifiées de « ressources d’État », au sens de cette disposition (arrêt du 12 janvier 2023, DOBELES HES, C 702/20 et C 17/21, EU:C:2023:1, point 39 ainsi que jurisprudence citée).

151 Les critères mentionnés aux points 149 et 150 du présent arrêt constituent des critères alternatifs permettant d’établir qu’une mesure est accordée « au moyen de ressources d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2023, DOBELES HES, C 702/20 et C 17/21, EU:C:2023:1, point 42), ainsi que Covestro et la République fédérale d’Allemagne l’ont reconnu à l’audience de plaidoiries en réponse à une question de la Cour au sujet de la portée de l’arrêt du 12 janvier 2023, DOBELES HES (C 702/20 et C 17/21, EU:C:2023:1).

152 Il s’ensuit, premièrement, que c’est sans commettre d’erreur de droit que, aux points 95 à 97 et 109 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que le caractère étatique des ressources, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, peut être établi par deux conditions alternatives tenant, l’une, à l’existence d’une charge obligatoire pesant sur les consommateurs ou clients finals et, l’autre, au contrôle étatique sur la gestion du système et, notamment, sur les fonds ou les gestionnaires de ces fonds. Compte tenu des réponses apportées par Covestro et la République fédérale d’Allemagne lors de l’audience de plaidoiries, l’ensemble des arguments visant à contester cette appréciation doivent être écartés.

153 Deuxièmement, contrairement à ce qu’allègue la République fédérale d’Allemagne, il ne saurait être fait grief au Tribunal d’avoir estimé opportun d’examiner, aux points 133 à 145 de l’arrêt attaqué, l’existence d’un contrôle étatique sur les fonds perçus au titre de la surtaxe litigieuse ou sur les gestionnaires de réseau, après avoir constaté, au point 132 de cet arrêt, l’existence d’une taxe parafiscale ou d’une charge obligatoire impliquant l’utilisation de ressources d’État.

154 Il est vrai que le Tribunal aurait pu faire l’économie de cet examen relatif à l’existence d’un contrôle étatique, compte tenu de la nature alternative des deux critères qu’il a examinés. Toutefois, rien ne s’oppose à ce que, notamment pour des motifs de bonne administration de la justice, le Tribunal poursuive son raisonnement par des considérations surabondantes, telles que, en l’occurrence, celles relatives à l’existence d’un contrôle étatique, de la même manière que la Cour l’a fait au point 41 de l’arrêt du 12 janvier 2023, DOBELES HES (C 702/20 et C 17/21, EU:C:2023:1).

155 Troisièmement, dans la mesure où la République fédérale d’Allemagne argue qu’il serait contraire aux objectifs de l’article 107, paragraphe 1, TFUE de présumer que toute taxe a une origine étatique, son argumentation est fondée sur une prémisse et une lecture de l’arrêt attaqué erronées.

156 En effet, d’une part, ainsi qu’il ressort du point 149 du présent arrêt, ce sont non pas les fonds alimentés par toute taxe, mais seulement ceux qui sont alimentés par une taxe obligatoire, prévue par la législation nationale, gérée et répartie conformément à cette législation, qui sont susceptibles de constituer des « ressources d’État », au sens de cette disposition. D’autre part, le Tribunal s’est précisément employé, ainsi qu’il ressort des points 109 et 113 de l’arrêt attaqué, à vérifier si la surtaxe litigieuse était imposée par l’État et intégralement répercutée, par une obligation légale, sur les débiteurs ultimes de cette surtaxe.

157 Quatrièmement, pour ce qui est de l’argumentation développée par Covestro et par la République fédérale d’Allemagne au sujet des articles 30 et 110 TFUE, il y a lieu de constater que, au point 121 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a tenu compte, dans un motif surabondant introduit par la locution adverbiale « [p]ar ailleurs », de la jurisprudence afférente à ces dispositions. Il en a déduit que la qualité du débiteur de la taxe importait peu, pour autant que la taxe ait porté sur le produit en cause ou sur une activité nécessaire en relation avec ce produit. Il a ajouté que l’élément décisif est alors constitué par le fait que les entités ayant perçu la taxe sont non pas simplement tenues à une obligation d’achat au moyen de leurs ressources financières propres, mais mandatées par l’État pour gérer une ressource d’État.

158 Ce point énonçant un motif surabondant, l’argumentation le critiquant est inopérante.

159 En tout état de cause, il y a lieu de considérer que le Tribunal s’est référé à la jurisprudence relative aux articles 30 et 110 TFUE non pas pour apprécier la surtaxe litigieuse à l’aune de ces dispositions, mais pour corroborer son analyse de cette surtaxe au regard de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Partant, il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir confondu les régimes juridiques distincts issus, respectivement, des deux premières de ces dispositions du traité FUE et de la troisième de celles-ci.

160 Il découle des motifs qui précèdent que les premier et deuxième griefs de la seconde branche du deuxième moyen soulevé par Covestro et la première branche du moyen unique soulevé par la République fédérale d’Allemagne doivent être écartés comme étant, en partie, inopérants et, en partie, non fondés.

 Sur l’existence d’une taxe obligatoire

– Argumentation des parties

161 Covestro, par le troisième grief de la seconde branche de son deuxième moyen, et la République fédérale d’Allemagne, par la deuxième branche de son moyen unique, font valoir, en substance, que, aux points 99 et 106 à 148 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a appliqué de manière erronée l’article 107, paragraphe 1, TFUE en qualifiant la surtaxe litigieuse de taxe parafiscale ou de charge obligatoire.

162 Covestro soutient, premièrement, que le Tribunal a méconnu le droit national en constatant, à tort, l’existence d’une obligation de perception de la surtaxe litigieuse dans le chef des gestionnaires de réseau. À cet effet, le Tribunal se serait fondé, de manière erronée, uniquement sur la décision BNetzA de 2011. Cette décision aurait pourtant été déclarée non seulement illégale, mais nulle dès le départ, par les juridictions allemandes, de telle sorte que, contrairement à ce que le Tribunal aurait jugé au point 107 de l’arrêt attaqué, ladite décision n’a pu produire d’effet. Selon Covestro, il convenait d’apprécier le fonctionnement du mécanisme de la surtaxe litigieuse à l’aune du règlement StromNEV 2013, applicable avec effet rétroactif au 1er janvier 2012 à la suite de l’annulation de l’article 19, paragraphe 2, septième phrase, du règlement StromNEV 2011. Or, ces règlements n’auraient ni prévu d’obligation, pour les gestionnaires de réseau, de percevoir la surtaxe litigieuse ni habilité la BNetzA à imposer à ces gestionnaires une telle obligation. En outre, l’arrêt du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) du 6 octobre 2015, sur lequel le Tribunal se serait fondé au point 120 de l’arrêt attaqué, ne formulerait aucune obligation de ce type.

163 Deuxièmement, Covestro allègue que le droit national ne comporte aucune obligation de paiement de la surtaxe litigieuse ni dans le chef des utilisateurs du réseau, que le Tribunal aurait erronément désignés comme étant les « consommateurs finals », ni dans le chef des consommateurs finals à proprement parler. À supposer même que la décision BNetzA de 2011 ait imposé aux gestionnaires de réseau une obligation de percevoir cette surtaxe, une telle obligation ne saurait suffire, contrairement à ce que le Tribunal aurait jugé aux points 120, 123 et 125 de l’arrêt attaqué, pour obliger symétriquement les utilisateurs du réseau au paiement de la surtaxe. Une obligation de paiement ne pouvait être prévue qu’en vertu d’un accord contractuel, négocié au cas par cas, en l’absence, pour les années 2012 et 2013, de prescription légale relative à l’adoption ou au contenu d’une obligation contractuelle de répercuter la surtaxe litigieuse sur les utilisateurs du réseau. Covestro est d’avis que, en réalité, il revenait à chaque fournisseur d’électricité, en tant qu’utilisateur du réseau, de décider de répercuter la surtaxe litigieuse sur les consommateurs finals, ce que le Tribunal aurait omis d’examiner. Quand bien même tous les fournisseurs auraient décidé de répercuter systématiquement cette surtaxe sur les consommateurs finals, une telle pratique serait insuffisante pour conclure à l’existence d’une obligation légale.

164 Troisièmement, Covestro estime que, contrairement à ce que le Tribunal a affirmé, aux points 126 à 130 de l’arrêt attaqué, les gestionnaires de réseau ne recevaient pas de compensation intégrale des pertes de recettes et des coûts engendrés par l’exonération litigieuse. En particulier, en cas d’insolvabilité du consommateur de charge en continu ayant bénéficié de cette exonération alors que les conditions n’étaient pas réunies, tant la décision BNetzA de 2011 que le cadre juridique applicable auraient exclu la compensation des pertes de créances du gestionnaire de réseau à l’égard d’un tel consommateur.

165 De manière similaire, la République fédérale d’Allemagne fait valoir, d’une part, que, notamment aux points 110, 118, 119 et 121 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté, à tort, que la relation entre le fournisseur et le consommateur final d’électricité n’était pas déterminante pour conclure à l’existence d’une charge obligatoire, au motif erroné que la surtaxe litigieuse est prélevée non pas sur la consommation d’électricité, mais sur l’utilisation du réseau. D’autre part, aux points 120 et 122 à 125 de cet arrêt, le Tribunal se serait erronément référé, et sans aucune motivation, à l’obligation de prélèvement et en aurait erronément déduit une obligation de paiement de la surtaxe litigieuse prévue par la loi nationale. En l’absence d’obligation légale de paiement de cette surtaxe, la perception de celle-ci ne pourrait avoir eu lieu que sur le fondement des règles du droit civil. Le raisonnement du Tribunal pour parvenir à ce constat et à cette déduction serait en contradiction avec la jurisprudence de la Cour.

166 La Commission rétorque que le troisième grief de la seconde branche du deuxième moyen soulevé par Covestro est non fondé. Elle estime que les arguments avancés par la République fédérale d’Allemagne reposent sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué et de la jurisprudence de la Cour et qu’ils sont, en tout état de cause, inopérants.

– Appréciation de la Cour

167 Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 149 du présent arrêt, les fonds alimentés par une taxe ou d’autres prélèvements obligatoires en vertu de la législation nationale et gérés et répartis conformément à cette législation constituent des « ressources d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

168 En l’occurrence, après avoir apprécié, aux points 110 à 131 de l’arrêt attaqué, la surtaxe litigieuse, le Tribunal a conclu, au point 132 de cet arrêt, que cette surtaxe impliquait l’utilisation de ressources d’État. À l’appui de cette conclusion, il a relevé que la décision BNetzA de 2011 imposait aux gestionnaires de réseau de distribution l’obligation de percevoir la surtaxe litigieuse auprès des utilisateurs du réseau et de transférer les recettes correspondantes aux gestionnaires de réseau de transport. Il a également estimé que le mécanisme de cette surtaxe assurait aux gestionnaires de réseau la compensation intégrale de la moins-value qu’ils subissaient en raison de l’exonération litigieuse, puisque le montant de ladite surtaxe était adapté au montant des ressources requises en raison de cette exonération. Il a encore souligné que ce montant était déterminé selon une méthodologie fixée par la décision BNetzA de 2011, étant précisé que, pour l’année 2012, cette décision a fixé le montant initial de la même surtaxe.

169 Covestro et la République fédérale d’Allemagne contestent ces appréciations par trois séries d’arguments.

170 En premier lieu, Covestro reproche au Tribunal d’avoir déduit l’obligation de perception de la surtaxe litigieuse de la décision BNetzA de 2011 alors que cette décision a été déclarée nulle par les juridictions allemandes et que le cadre législatif ne permettait pas à la BNetzA d’imposer une telle obligation.

171 À cet égard, outre le fait que, ainsi qu’il ressort des points 107 et 125 de l’arrêt attaqué, ces arguments ont été soulevés tardivement devant le Tribunal, il convient de relever qu’ils ne sauraient prospérer.

172 En effet, ni l’illégalité éventuelle d’un régime d’aides, au regard notamment du droit national, ni son annulation ne lui retirent son caractère d’« aide d’État », dans la mesure où, malgré une telle illégalité ou annulation, un tel régime a produit des effets en pratique (voir, en ce sens, arrêts du 3 mars 2005, Heiser, C 172/03, EU:C:2005:130, point 38, ainsi que du 21 décembre 2016, Commission/Aer Lingus et Ryanair Designated Activity, C 164/15 P et C 165/15 P, EU:C:2016:990, point 69), comme le Tribunal l’a, en substance, jugé à bon droit aux points 107 et 125 de l’arrêt attaqué. Au demeurant, ainsi que le Tribunal l’a également relevé à bon droit au point 107 de cet arrêt, l’effectivité des règles en matière d’aides d’État serait considérablement affaiblie si l’application de celles-ci pouvait être écartée en raison du seul fait qu’une mesure d’aide, qui a, en pratique, été appliquée, a ultérieurement été déclarée nulle ab initio. Ainsi, il est dépourvu de pertinence, à cet égard, que l’annulation éventuelle du régime d’aides est rétroactive, dès lors que, pendant une certaine période, le régime a bien été appliqué en pratique (voir, par analogie, arrêt du 6 novembre 2012, Commission/Hongrie, C 286/12, EU:C:2012:687, points 44 et 45).

173 Quant à l’arrêt du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) du 6 octobre 2015, évoqué au point 120 de l’arrêt attaqué, il convient de souligner que le Tribunal s’est limité à relever que cette juridiction allemande a considéré que la surtaxe litigieuse constituait une taxe au moyen de laquelle la moins-value subie par les gestionnaires de réseau devait être couverte. Il s’ensuit que, dans la mesure où Covestro reproche au Tribunal d’avoir erronément déduit de cet arrêt l’existence d’une obligation de perception de la surtaxe litigieuse, son argument est fondé sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué.

174 En deuxième lieu, Covestro et la République fédérale d’Allemagne allèguent que le Tribunal a constaté, à tort, l’existence d’une obligation de paiement de la surtaxe litigieuse à la charge des consommateurs finals, lesquels ont, en outre, été erronément définis comme incluant les utilisateurs du réseau.

175 Premièrement, s’agissant de l’identification des débiteurs ultimes de la surtaxe litigieuse, le Tribunal a considéré, au point 118 de l’arrêt attaqué, que cette surtaxe ne concernait que la relation entre les gestionnaires de réseau et les utilisateurs du réseau, dès lors que cette surtaxe est perçue en conséquence non pas de la consommation d’électricité, mais de l’utilisation du réseau. Il en a déduit, au point 119 de cet arrêt, que la question de savoir si les fournisseurs d’électricité étaient à leur tour obligés de répercuter ladite surtaxe sur les consommateurs finals d’électricité était dénuée de pertinence. Selon lui, en effet, les débiteurs ultimes de la surtaxe étaient les utilisateurs du réseau, c’est-à-dire les fournisseurs eux-mêmes ainsi que les consommateurs finals directement raccordés au réseau, et non les autres consommateurs finals.

176 À cet égard, la considération selon laquelle la surtaxe litigieuse est perçue en conséquence de l’utilisation du réseau et celle selon laquelle les utilisateurs du réseau doivent être appréhendés comme étant des consommateurs finals relèvent d’une appréciation factuelle. Or, conformément à la jurisprudence rappelée au point 119 du présent arrêt, il n’appartient pas à la Cour de contrôler une telle appréciation, en l’absence de toute allégation de dénaturation.

177 Deuxièmement, s’agissant de l’existence d’une obligation de paiement dans le chef des utilisateurs du réseau, il ressort des points 120 et 122 à 124 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a fait siennes les appréciations de la Commission selon lesquelles la décision BNetzA de 2011 imposait, aux gestionnaires de réseau de distribution, l’obligation de perception et de répercussion de la surtaxe litigieuse et que cette décision prévoyait de transférer mensuellement les recettes issues de cette surtaxe aux différents gestionnaires de réseau de transport. Il en a conclu que la surtaxe litigieuse, introduite par une autorité administrative au moyen d’une mesure réglementaire, avait un caractère obligatoire à l’égard des utilisateurs du réseau.

178 Selon la jurisprudence de la Cour précisant le critère rappelé aux points 149 et 167 du présent arrêt, des montants résultant du supplément de prix imposé par l’État aux acheteurs d’électricité s’apparentent à une taxe qui frappe l’électricité et ont pour origine des « ressources d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Pour être considérés comme telles, les fonds doivent provenir de contributions obligatoires imposées par la législation de l’État membre concerné et être gérés et répartis conformément à cette législation, indépendamment du point de savoir si le mécanisme de financement relève, au sens strict, de la catégorie des prélèvements de nature fiscale dans le droit national. En revanche, il ne suffit pas que les gestionnaires de réseau répercutent sur le prix de vente de l’électricité à leurs clients finals les surcoûts provoqués par leur obligation d’acheter l’électricité produite à partir de certaines sources d’énergie aux tarifs fixés par la loi, si cette compensation résulte non pas d’une obligation légale, mais seulement d’une pratique. En effet, dans un tel cas, le prélèvement ne pourrait pas être considéré comme étant obligatoire (voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2023, DOBELES HES, C 702/20 et C 17/21, EU:C:2023:1, points 34 à 37 ainsi que jurisprudence citée).

179 En l’occurrence, il ressort des constatations factuelles effectuées par le Tribunal, qu’il n’appartient pas à la Cour de contrôler, que la décision BNetzA de 2011 obligeait les gestionnaires de réseau de distribution à percevoir la surtaxe litigieuse auprès des utilisateurs du réseau. Il est également constant, au vu des constatations factuelles du Tribunal aux points 12, 99 et 129 de l’arrêt attaqué, qu’il ne revient pas à la Cour de contrôler, que cette décision prévoyait la méthode selon laquelle le montant de la surtaxe litigieuse devait être déterminé, chaque année, par les gestionnaires de réseau de transport.

180 Or, à la lumière de la jurisprudence rappelée au point 178 du présent arrêt, il y a lieu de considérer que des montants résultant d’un prélèvement obligatoire qui, tel que la surtaxe litigieuse, est imposé par une mesure réglementaire, identifiant les entités, fussent-elles privées, chargées de la perception de ce prélèvement auprès des débiteurs également identifiés par cette mesure et définissant la méthode permettant de déterminer le montant dudit prélèvement et son adaptation annuelle, ont pour origine des « ressources d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. En particulier, dès lors que le même prélèvement trouve sa source dans une mesure réglementaire, qui fait obligation aux gestionnaires de réseau de le percevoir, il ne saurait être affirmé que celui-ci procède d’une simple pratique.

181 Il est indifférent, à cet égard, que la mesure réglementaire prévoie seulement une obligation de perception de la surtaxe litigieuse à la charge des gestionnaires de réseau sans identifier explicitement une obligation de paiement de cette surtaxe à la charge des utilisateurs du réseau. L’effet utile de l’obligation légale de perception de ladite surtaxe implique, en effet, nécessairement une obligation symétrique de paiement de cette taxe par ses débiteurs.

182 En troisième lieu, s’agissant de la compensation des coûts engendrés par l’exonération litigieuse, d’une part, le Tribunal, en se référant à la décision BNetzA de 2011, a fait sienne, aux points 126, 127 et 130 de l’arrêt attaqué, la constatation effectuée par la Commission dans la décision litigieuse selon laquelle le mécanisme de la surtaxe litigieuse assurait aux gestionnaires de réseau la compensation intégrale de la moins-value qu’ils subissaient en raison de l’exonération litigieuse, puisque le montant de cette surtaxe était adapté à celui des ressources requises en raison de cette exonération.

183 Or, l’appréciation selon laquelle la méthode de détermination du montant de la surtaxe litigieuse prévue par la décision BNetzA de 2011 devait permettre de couvrir l’intégralité des coûts liés à l’exonération litigieuse relève d’une appréciation factuelle du Tribunal qu’il ne revient pas à la Cour de contrôler au stade du pourvoi en l’absence de toute allégation de dénaturation, conformément à la jurisprudence rappelée au point 119 du présent arrêt.

184 D’autre part, s’agissant des pertes de recettes due à une insolvabilité, qui sont supportées économiquement par les gestionnaires de réseau de distribution, le Tribunal a considéré, au point 130 de l’arrêt attaqué, qu’une telle perte ne constitue pas une perte de recettes au sens du régime en question et se justifie par le fait que les relations entre les gestionnaires de réseau et les débiteurs ultimes de la surtaxe litigieuse sont des relations de droit privé.

185 Or, il ressort de la jurisprudence de la Cour que des fonds alimentés par des contributions obligatoires imposées par la législation de l’État, gérés et répartis conformément à cette législation, peuvent être considérés comme étant des « ressources d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, même s’ils sont gérés par des entités distinctes de l’autorité publique (arrêts du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère ! e.a., C 262/12, EU:C:2013:851, point 25, ainsi que du 15 mai 2019, Achema e.a., C 706/17, EU:C:2019:407, point 54).

186 Partant, et pour autant que de telles entités, à l’instar des gestionnaires de réseau, soient soumises à une obligation de perception des prélèvements en cause, la circonstance que les relations entre ces gestionnaires et les débiteurs ultimes de la surtaxe litigieuse sont des relations de droit privé ne fait pas obstacle à ce que les fonds alimentés par cette surtaxe soient considérés comme étant des ressources d’État. Il en va de même de la circonstance que les pertes de recettes, y compris des impayés de surtaxe litigieuse, sont supportées, en cas d’insolvabilité, par lesdits gestionnaires. En tout état de cause, Covestro n’a présenté aucun argument visant, spécifiquement, à démontrer que la considération émise par le Tribunal selon laquelle de telles pertes ne constituent pas une perte de recettes au sens du régime en cause est entachée d’une erreur de droit.

187 À la lumière des motifs qui précèdent, le troisième grief de la seconde branche du deuxième moyen soulevé par Covestro et, compte tenu des considérations exposées au point 124 du présent arrêt, le premier moyen soulevé par cette partie, ainsi que la deuxième branche du moyen unique soulevé par la République fédérale d’Allemagne doivent être écartés comme étant non fondés.

 Sur le contrôle étatique

– Argumentation des parties

188 Covestro, par le quatrième grief de la seconde branche de son deuxième moyen, et la République fédérale d’Allemagne, par la troisième branche de son moyen unique, reprochent, en substance, au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en jugeant qu’il existe un contrôle étatique sur les fonds issus de la surtaxe litigieuse.

189 La Commission estime que ce quatrième grief ainsi que cette troisième branche sont non fondés et, en tout hypothèse, inopérants.

– Appréciation de la Cour

190 Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée aux points 148 à 151 du présent arrêt, l’existence d’une taxe ou d’autres prélèvements obligatoires en vertu de la législation nationale et gérés et répartis conformément à cette législation et l’existence d’un contrôle étatique sur les sommes en cause constituent deux critères alternatifs permettant d’identifier des « ressources d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

191 En l’occurrence, le Tribunal a constaté, au point 132 de l’arrêt attaqué, que la surtaxe litigieuse constituait une taxe parafiscale ou une charge obligatoire impliquant l’usage de « ressources d’État », au sens de cette jurisprudence. Ainsi qu’il ressort des points 167 à 187 du présent arrêt, Covestro et la République fédérale d’Allemagne ne sont pas parvenues à démontrer que cette constatation du Tribunal est entachée d’une erreur de droit.

192 Or, ladite constatation est, à elle seule, suffisante pour considérer que la mesure en cause était octroyée au moyen de « ressources d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, sans qu’il soit besoin d’examiner si les sommes en cause étaient sous contrôle étatique.

193 Partant, le quatrième grief de la seconde branche du deuxième moyen soulevé par Covestro et la troisième branche du moyen unique de la République fédérale d’Allemagne sont inopérants.

194 Il découle de l’ensemble des motifs qui précèdent que la seconde branche du deuxième moyen soulevé à l’appui du pourvoi dans l’affaire C 790/21 P ainsi que le moyen unique soulevé à l’appui du pourvoi dans l’affaire C 791/21 P doivent être écartés dans leur intégralité.

 Sur le troisième moyen dans l’affaire C 790/21 P

 Argumentation des parties

195 Par le troisième moyen soulevé à l’appui de son pourvoi dans l’affaire C 790/21 P, Covestro invoque une violation du principe de non discrimination que le Tribunal aurait commise aux points 192 à 210 de l’arrêt attaqué. Le Tribunal aurait omis de tenir compte d’une différence de traitement découlant de l’ordre de récupération de l’aide. Ainsi, les consommateurs de charge en continu ayant, à l’instar de Covestro, bénéficié de l’exonération litigieuse seraient tenus de payer, en raison de la récupération de l’aide ordonnée par la décision litigieuse, une redevance minimale d’un montant correspondant à 20 % des redevances générales annoncées. En revanche, des consommateurs de charge en continu, qui remplissaient les critères pour bénéficier de l’exonération litigieuse pour les années 2012 et 2013, qui l’avaient sollicitée à temps mais n’avaient pas encore reçu la décision définitive d’exonération à la date d’entrée en vigueur du règlement StromNEV 2013, pourraient bénéficier du régime transitoire mis en place par celui-ci et seraient de ce fait soumis aux redevances forfaitaires, lesquelles seraient le cas échéant inférieures à cette redevance minimale.

196 Premièrement, au point 204 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait erronément rejeté la pertinence du régime transitoire dans le cadre de son appréciation d’une violation du principe de non-discrimination. À ce titre, le Tribunal aurait dû apprécier la situation qui prévalait au moment de l’adoption de la décision litigieuse, autrement dit au moment de la récupération ordonnée par la Commission, et tenir compte de l’évolution du cadre juridique allemand. Du fait de l’ordre de récupération de l’aide, les autorités allemandes se seraient vues contraintes de traiter des situations identiques de manière différente sans aucune raison objective. En outre, le Tribunal ne pourrait pas ignorer le régime transitoire au motif que ce régime n’aurait pas été notifié à la Commission.

197 Deuxièmement, le Tribunal aurait omis d’examiner si l’inégalité de traitement au sein du groupe des consommateurs de charge en continu était justifiée. Or, selon Covestro, ces consommateurs formaient un groupe homogène.

198 Troisièmement, aux points 207 et 210 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en considérant que les consommateurs anticycliques et les consommateurs de charge en continu avaient un comportement d’achat différent, tout en affirmant que les redevances individuelles étaient, malgré cette différence, raisonnables. Cet arrêt serait entaché d’une erreur de droit en ce qu’il considérerait comme étant justifiée l’égalité de traitement de ces deux catégories de consommateurs qui se trouvent pourtant dans des situations différentes. En outre, l’arrêt attaqué serait fondé sur une contradiction en ce que le Tribunal aurait affirmé, d’une part, au point 208 de cet arrêt, que les redevances individuelles calculées selon la méthode du chemin physique pourraient être nulles ou quasi nulles et, d’autre part, au point 65 dudit arrêt, qu’un accès quasiment gratuit au réseau serait inenvisageable. Enfin, au point 209 du même arrêt, le Tribunal aurait commis une erreur en considérant que l’assimilation des utilisateurs anticycliques aux consommateurs de charge en continu serait l’œuvre du législateur allemand. Il ignorerait, à cet égard, que le régime transitoire est entré en vigueur de manière rétroactive.

199 La Commission rétorque que le troisième moyen du pourvoi dans l’affaire C 790/21 P est irrecevable et, en tout état de cause, non fondé.

 Appréciation de la Cour

200 Covestro reproche, en substance, au Tribunal d’avoir enfreint le principe de non-discrimination en rejetant, aux points 192 à 210 de l’arrêt attaqué, ses arguments tirés du caractère discriminatoire de l’ordre de récupération de l’aide.

201 Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a écarté ces arguments pour un motif principal et des motifs surabondants.

202 D’une part, le Tribunal les a écartés comme étant inopérants, aux points 194 et 195 de cet arrêt. Il a relevé, à cet effet, que Covestro ne contestait pas le caractère sélectif, et donc discriminatoire, de l’exonération litigieuse et qu’elle n’expliquait pas dans quelle mesure l’ordre de récupération d’une mesure dont elle ne contestait pas la nature discriminatoire pourrait être à son tour discriminatoire.

203 D’autre part, le Tribunal a écarté lesdits arguments comme étant non fondés, aux points 196 à 209 dudit arrêt. Il ressort, à cet égard, de l’emploi de l’expression « [e]n tout état de cause », au point 196 du même arrêt, que les motifs figurant à ces points 196 à 209 forment des motifs surabondants.

204 Or, par le présent moyen, Covestro n’a soulevé aucun argument visant à contester spécifiquement le motif principal figurant aux points 194 et 195 de l’arrêt attaqué. L’ensemble de ses arguments visent, en réalité, à contester les motifs surabondants contenus aux points 196 à 209 de cet arrêt.

205 Il s’ensuit que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 97 du présent arrêt, le troisième moyen soulevé par Covestro à l’appui de son pourvoi dans l’affaire C 790/21 P doit être écarté comme étant inopérant, sans qu’il soit besoin de statuer sur sa recevabilité.

206 Par conséquent, l’ensemble des moyens soulevés à l’appui des pourvois principaux dans les affaires C 790/21 P et C 791/21 P ayant été rejetés, ces pourvois doivent être rejetés dans leur intégralité.

 Sur les dépens

207 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. L’article 138, paragraphes 1 et 2, de ce règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens, et que, si plusieurs parties succombent, la Cour décide du partage des dépens.

208 En l’occurrence, Covestro et la République fédérale d’Allemagne ont succombé dans l’ensemble de leurs conclusions concernant, respectivement, le pourvoi principal dans l’affaire C 790/21 P et le pourvoi principal dans l’affaire C 791/21 P, tandis que la Commission a succombé dans l’ensemble de ses conclusions concernant les pourvois incidents dans ces affaires.

209 Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en décidant que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête :

1) Les pourvois principaux et les pourvois incidents sont rejetés.

2) Covestro Deutschland AG, la République fédérale d’Allemagne et la Commission européenne supportent leurs propres dépens.